Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, "sur Frane 2" le 3 janvier 2006, sur la crise du logement et les initiatives des associations en faveur des sans-abris, sur le déficit budgétaire de l'Etat, sur la réforme de la fiscalité : baisse des impôts sur le revenu et bouclier fiscal, sur les expatriations fiscales des gros contribuables.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Les initiatives se multiplient en faveur des sans-abris. Le Premier ministre lui-même, va s'exprimer dans les prochaines heures. Pourquoi a-t-il fallu attendre toutes ces actions coup de poing des associations, comme "Les Enfants de Don Quichotte" ? Pourquoi a-t-il fallu attendre que l'on voie des tentes rouges maintenant dans les grandes villes de France pour que l'on ait enfin des résultats ?
R- Certes, on le voit beaucoup à la télé ces derniers jours, d'abord parce qu'il y a une vague de froid, mais il ne faut pas penser que tout a démarré depuis huit jours. Voilà maintenant de très nombreuses années que l'on est mobilisés sur la question du logement, et c'est vrai que le rendez-vous de cet après-midi est très important. X. Emmanuelli va remettre un rapport au Premier ministre, à la suite duquel le Premier ministre va faire un certain nombre de propositions très concrètes pour accélérer le mouvement. Mais jamais tout cela n'aurait été possible si on n'avait pas déjà initié, notamment J.-L. Borloo, depuis près de quatre ans maintenant, un très grand mouvement de construction de logements sociaux.
Q- Oui mais, on a quand même l'impression que le Gouvernement agit un peu sous la pression actuellement. Les sans-abris, leurs défenseurs, s'installent dans les villes de France, et le Gouvernement agit.
R- C'est bien pour cela qu'il faut passer la vitesse supérieure ! Il y a beaucoup de choses qui ont été faites, je pense que chacun a en tête peut-être que, 30.000 places nouvelles ont été ouvertes en seulement quelques mois, que l'on vient de lancer à nouveau un plan d'urgence. Mais...
Q- Manifestement, cela ne suffisait pas !
R- Mais malheureusement, c'est une des réalités qu'il nous faut combattre dans tous les pays occidentaux, c'est la crise du logement. Cela concerne d'ailleurs aussi bien ceux qui n'ont pas de logement, que ceux qui sont mal logés. Donc, c'est une mobilisation d'ensemble qu'il faut faire. Et encore une fois, c'est aussi la responsabilité des pouvoirs publics que de tenir compte de ces évolutions. Cette situation n'était pas la même il y a 20 ou 30 ans, c'était autre chose. Il faut continuer à accélérer cette mobilisation, c'est évident.
Q- Comprenez-vous les méthodes un peu...coup de poing des associations, comme le DAL, qui occupe des logements vides pour montrer justement qu'il y a un problème énorme aujourd'hui, comprenez-vous ces méthodes ?
R- En tout cas, dès lors qu'il s'agit de pousser un cri d'alarme, c'est très bien, cela fait partie de la démocratie. Je crois qu'ensuite, il faut respecter le droit, cela nous concerne et nous engage tous, et donc il y a un moment où il faut évidemment le faire en respectant le droit.
Q- Une loi sera-t-elle votée avant la fin de la session parlementaire, avant le 22 février ?
R- L'objectif, c'est d'aller dans ce sens. Vous savez que le Premier ministre va sur ce point faire un certain nombre d'annonces cet après-midi, donc je lui en laisse la primeur naturellement.
Q- Mais peut-on imaginer qu'une loi sera votée et dans quel sens ?
R- C'est l'esprit de ce qu'a indiqué le président de la République lors de ses voeux aux Français, le 31 décembre au soir. Donc, le Gouvernement va y travailler activement maintenant.
Q- On va parler maintenant de votre secteur ; le budget de la France. On est au tout début 2007, le 3 janvier. Mais a-t-on déjà une idée des chiffres de 2006, et notamment du déficit budgétaire ?
R- C'est un peu tôt, mais les premières orientations dont je dispose sont intéressantes et encourageantes, puisqu'elles montrent pour la première fois que le budget de l'Etat va passer en-dessous de 40 milliards d'euros de déficit, puisqu'on devrait être a priori, entre 38 et 39 milliards d'euros. Pour vous donner un ordre de grandeur, parce que tout cela ce sont des grands chiffres, nous étions, lorsque la gauche a quitté le Gouvernement en 2002, à plus de 49 milliards ; on va passer probablement entre 38 et 39 milliards.
Q- Comment explique-t-on ce que vous appelez ces "bons chiffres" ?
R- Ce sont plusieurs choses. D'abord, c'est la bonne santé de l'économie, on a mené une politique économique très active - les baisses d'impôts, cela rend de l'argent aux Français, donc ils consomment plus, ils investissent plus. C'est pour cela que je pense que les baisses d'impôts sont très utiles. Et en même temps, on a baissé les dépenses publiques, on les a tenues, c'est tout le travail qu'on a pu engager au ministère du Budget avec les audits, qui ont permis de lutter contre les gaspillages, en vendant des immeubles inutiles, en luttant contre les gaspillages. Tout cela permet de faire des économies.
Q- Mais le déficit budgétaire qui baisse, cela a pour conséquence de satisfaire les critères de l'Europe, notamment. Mais qu'est-ce que cela a comme conséquence pour les Français, qu'est-ce que cela rapporte aux contribuables, notamment ?
R- On ne fait pas cela pour l'Europe, même si on est très engagés en Europe, c'est très important, mais enfin on fait aussi cela pour l'avenir. Quand vous regardez les critères d'inquiétude des Français, vous avez parmi ces critères, l'endettement de la France, bon. Si on veut baisser la dette de la France, c'est tout le travail qui a été engagé par T. Breton, que faut-il faire ? Il faut réduire les déficits. Donc, on a un déficit qui est encore important, 38 à 39 milliards, si c'est bien ce chiffre-là, c'est encore important. Mais ce qui est important, c'est de voir qu'il diminue très fortement.
Q- Oui, mais encore une fois, qu'est-ce que cela change concrètement pour les Français ?
R- Cela veut dire que, moins vous avez de déficit, moins vous avez de dettes pour l'avenir et d'intérêts financiers à payer. Donc, cela veut dire, que peu à peu, vous pouvez en désendettant l'Etat, libérer des marges de manoeuvres pour investir pour l'avenir - recherche, santé, retraites... Tout cela, ce sont des choses sur lesquelles on réforme, et pour lesquelles on a besoin d'argent.
Q- Cela veut-il dire aussi de nouvelles baisses d'impôts, par exemple ?
R- On en a fait beaucoup, tout cela stimule l'économie et c'est important. Et cela permet...Donc, on va voir ce qu'il en est pour la suite, dans la campagne présidentielle ce sera un débat. Mais cela fait par exemple une différence entre la droite et la gauche. En 2002, nous avions près de 50 milliards de déficit de l'Etat, on est maintenant en-dessous de 40 milliards, entre 38 et 39 milliards.
Q- Sur les impôts par exemple, les Français vont-ils constater dès cette année un nouveau changement, oui ou non ?
R- Très important, puisque à compter du 1er janvier, donc d'avant-hier, les choses ont changé. D'abord, il y a une réforme de l'impôt sur le revenu, l'impôt a baissé, tous les taux ont baissé, on a réduit le nombre de tranches. Et puis la deuxième chose que nous avons faite, c'est que l'on a introduit un bouclier fiscal.
Q- Alors, justement, "bouclier fiscal", on a l'impression que cela s'adresse aux plus hauts revenus, aux plus riches ?
R- Non, pas du tout. Cela, je crois qu'il faut bien que chacun ait cela à l'esprit D'abord le principe...
Q- Que veut dire "bouclier fiscal" ?
R- ...c'est que désormais, personne ne paiera plus de 60% de ce qu'il gagne en impôts - impôts locaux, impôts sur le revenu, ISF. Alors...
Q- Quitte à être remboursé si on a payé trop ?
R- Exactement, quitte à être remboursé, et cela concerne les revenus de 2005 donnant lieux à impôts payés en 2006 et remboursés en 2007. C'est directement applicable. Il y a une calculette d'ailleurs disponible sur Internet qui permet de faire son calcul soi-même, on a le conseil d'administration fiscal. Quel est l'intérêt ? C'est que cela concerne, certes, des gens qui sont très fortunés, c'est vrai. Mais cela concerne surtout, pour 90% des bénéficiaires, des gens très modestes, des gens qui ont perdu leur emploi, qui ont eu une mauvaise année, tout cela veut dire à la clé, plus de justice et un impôt moins confiscatoire.
Q- En parlant de gens très fortunés, revenons sur l'exil fiscal de J. Hallyday, en Suisse. Le socialiste, A. Montebourg, disait hier qu'il y avait finalement une sorte de scandale à ce qu'il y ait des paradis fiscaux autour de la France, comme la Suisse. L'approuvez-vous sur ce point ?
R- Non, mais cela, c'est typiquement ce que l'on dit à gauche quand on est dans l'opposition pour se faire plaisir. Excusez-moi, mais on ne va pas partir à la guerre de tous les pays au monde, qui ont des situations fiscales beaucoup plus avantageuses, non !
Q- Qu'en pensez-vous ?
R- Je pense qu'ils ont en même temps pour certains d'entre eux beaucoup moins
de services publics, des services de santé qui ne marchent pas, et que ce sont
des pays où il vaut mieux être très très très riches, et en très très très bonne
santé. Parce que, sinon...
Q- Oui mais ils font du "dumping fiscal" ? De ce fait, beaucoup de...
R- Bien sûr.
Q- ...de contribuables quittent la France, donc ?
R- Bien sûr, bien sûr. Mais on ne peut pas, nous, s'aligner sur ces pays-là à ce niveau-là, c'est impossible. En revanche, on peut faire beaucoup d'efforts, et c'est ce que nous avons fait aujourd'hui avec le bouclier fiscal ; cela va freiner les délocalisations énormément. Aujourd'hui, avec la réforme de l'impôt sur le revenu, on est un peu mieux que la moyenne européenne. Donc, vous voyez que sur ces sujets-là, comme sur la baisse de la taxe professionnelle qui freine les délocalisations d'entreprises, tous ces éléments vont évidemment dans le bon sens. Ce qui m'attriste, c'est quand j'ai entendu que Hollande annonçait qu'il allait tout supprimer, qu'il allait supprimer le bouclier fiscal, qu'il allait supprimer la réforme de l'impôt sur le revenu. On est repartis sur la vieille gauche qui pense simplement qu'en pointant du doigt les autres, cela marche.
Q- Tout à l'heure, en quittant cette émission, vous allez vous retrouver à la table de N. Sarkozy pour la rentrée du Gouvernement, avant les voeux au président de la République. C'est la tradition du début de l'année. On lit que N. Sarkozy s'apprête à quitter le Gouvernement dans les prochaines semaines. Est-ce vrai ?
R- Je ne peux pas vous donner la réponse là-dessus. C'est à lui de l'annoncer.
Q- Vous lui conseillez en tout cas ?
R- Non, mais cela c'est vraiment sa responsabilité. Je crois que ce qui est
important, c'est que nous, au Gouvernement, comme l'a souhaité J. Chirac, on
soit à la tâche jusqu'à la dernière seconde. Mais bien sûr, il y a une campagne
électorale qui commence et une occasion de débattre, bien sûr.
Q- Peut-il y avoir un autre candidat que lui dans le camp de la droite
aujourd'hui ?
R- A qui pensez-vous, par exemple ?
Q- A la présidentielle ? A M. Alliot-Marie, D. de Villepin. Quel est votre sentiment ?
R- Je pense qu'il faut que l'on soit unis et rassemblés. Je crois que c'est très important. Je l'ai dit à de nombreuses reprises. Il y a un processus qui est lancé, il y avait la possibilité pour d'autres de se présenter au sein de l'UMP. Maintenant, je crois qu'il faut se préparer pour la suite. Vous avez, d'un côté un Gouvernement qui est au boulot, et de l'autre, c'est notre mission, c'est notre responsabilité. Et puis, il y a la campagne qui commence, et je crois qu'il vaut mieux être unis, bien, sûr.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 janvier 2007