Déclaration de M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, sur le rôle des chambres régionales des comptes et la modernisation de la gestion financière locale, Paris le 27 juin 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque "Démocratie locale et Chambres régionales des comptes" au Conseil économique et social le 27 juin 1997

Texte intégral

Monsieur le Premier Président,
Madame le Procureur général,
Mesdames, Messieurs,
Heureux hasard de calendrier, le colloque que vous organisez, Monsieur le Premier Président, intervient quelques semaines à peine après ma prise de fonction en tant que Secrétaire d'État chargé du Budget.
Je vous remercie de votre aimable invitation qui me fournit l'occasion de m'exprimer devant une assistance aussi diverse qu'éminente. De surcroît, le thème retenu pour vos travaux, la démocratie locale, constitue l'une des préoccupations déclarées du Gouvernement.
Je partirai d'un constat simple :
- les dépenses des collectivités locales se sont élevées en 1996 à près de 800 milliards de francs ;
- leurs ressources, d'un montant équivalent, ont été, notamment, financées pour un tiers par le produit des impôts locaux et pour plus du quart par des dotations de l'État.
Aussi, l'action des collectivités locales a-t-elle :
- un impact macro-économique important dont le Gouvernement attaché à la stimulation de la croissance, au développement de la solidarité et au respect des grands équilibres, ne peut se désintéresser ;
- des retombées directes sur les citoyens qui ont légitimement de fortes attentes quant à l'usage qui est fait de leurs contributions. Je vous rappelle à cet égard que la taxe d'habitation est l'impôt direct acquitté par le plus grand nombre de Français.
La conjonction de ces préoccupations, des autorités publiques et des citoyens, explique l'impérieuse exigence de contrôles rigoureux des fonds publics maniés par les collectivités territoriales.
Au-delà de ces considérations financières, je souhaite rappeler devant vous la très forte mobilisation du Gouvernement autour de l'objectif de moralisation de la vie publique.
Les Chambres régionales des comptes sont, à cet égard, devenues des acteurs essentiels de la démocratie locale. Je m'arrêterai d'abord sur ce point avant d'évoquer quelques perspectives de modernisation des règles financières relatives aux collectivités locales.
La création des Chambres régionales des comptes en 1982 offre l'exemple d'une réforme réussie.
Institutions à peine vieilles de quinze ans aux côtés d'une Cour, dont les premières règles furent codifiées voilà plus de 600 ans, les Chambres régionales des comptes assument avec succès une triple mission :
1) le contrôle juridictionnel des comptes,
2) le contrôle budgétaire,
3) l'examen de la gestion des collectivités locales.
Elles se trouvent ainsi placées au carrefour de préoccupations diverses, celles des élus locaux et celles des représentants de l'État, tout en assumant leur mission première de gardienne du Droit en matière financière.
La compétence de leurs conseillers, et le précieux soutien de la Cour, ont permis aux CRC - le recours à ce simple sigle témoigne à lui seul leur bonne implantation dans le paysage administratif - de produire une jurisprudence équilibrée, déjà riche et parfois audacieuse.
Si le contrôle juridictionnel et le contrôle budgétaire ne sont pas discutés, je n'ignore pas, en revanche, que les appréciations des Chambres sur la gestion locale sont diversement reçues.
Sur ce sujet, je me bornerai à formuler quelques observations.
Les textes sont clairs.
Il appartient aux Chambres régionales d'examiner la gestion des collectivités territoriales en respectant une procédure rigoureuse :
- leurs observations sont adoptées collégialement et selon une procédure contradictoire ;
- elles ne peuvent être rendues définitives avant que l'ordonnateur concerné n'ait été en mesure d'apporter une réponse écrite, avec s'il le souhaite le concours d'un tiers ;
- leurs observations définitives sont, enfin, transmises aux assemblées délibérantes pour inscription à leur ordre du jour.
Deux règles sont sans ambiguïté :
* le législateur a entendu confier à des magistrats indépendants une expertise technique, excluant toute appréciation sur l'opportunité des choix opérés par les autorités territoriales, mais permettant aux citoyens de mieux apprécier l'efficacité de la gestion de leurs élus.
* ces observations ne peuvent être rendues publiques tant qu'elles ne sont pas définitives.
Ce dernier point appelle une remarque de ma part. La lourde responsabilité confiée aux magistrats en matière de contrôle de gestion a pour contrepartie un respect scrupuleux et sans faille des procédures, notamment de la confidentialité de l'instruction.
Je sais, Monsieur le Premier Président, que vous y êtes particulièrement attaché.
Faut-il aujourd'hui réformer le contrôle de gestion exercé par les Chambres régionales ?
Je n'y suis pas, à ce stade, favorable.
Un groupe de travail animé par des membres de la commission des Lois et celle des Finances du Sénat réfléchit actuellement sur le rôle des Chambres régionales des comptes. J'examinerai, bien évidemment, avec une grande attention le résultat de ses travaux.
J'observe que les Chambres régionales des comptes ont déjà fait l'objet de nombreux ajustements législatifs, en 1988, 1990, 1992, 1993 et en 1995 enfin.
Il serait donc de bonne administration, me semble-t-il, de laisser les règles présentes se stabiliser et que les acteurs concernés vérifient le bon usage qui doit en être fait.
Les services déconcentrés de l'État s'astreignent depuis peu à un contrôle financier déconcentré rénové, exercé a priori, qui vise à encourager de façon très pressante la mise en oeuvre d'un contrôle de gestion dans les administrations de l'État. Les collectivités territoriales doivent accepter un contrôle, mené a posteriori par des magistrats indépendants, destiné à vérifier la régularité des décisions prises et à éclairer les citoyens sur l'efficience de la gestion de leurs élus.
Enfin, les observations publiques délivrées par les Chambres contribuent de façon déterminante à la transparence de la gestion publique locale. Elles placent chacun élus locaux, pouvoirs publics et citoyens devant leurs responsabilités. Loin de remettre en cause les principes de la décentralisation, elles en sont un instrument nécessaire.
Il reste que des ajustements sont, sans doute, encore possibles. Ils concernent, notamment, les méthodes et je connais vos efforts, Monsieur le Premier Président, afin de renforcer la cohérence et l'unité des contrôles, dans le respect de l'indépendance des magistrats.
Ayant souligné le rôle éminent, et nécessaire à l'épanouissement de la démocratie locale, joué par les juridictions financières régionales, j'en viens à présent au rôle que je souhaite assigner dans le domaine local aux administrations financières dont j'ai la charge.
Elles devront participer, dans le cadre de leurs missions respectives, à la poursuite de la modernisation des règles et procédures mises à la disposition des collectivités territoriales ainsi que des Chambres régionales.
J'évoquerai en particuliers deux points : la modernisation des comptabilités des collectivités locales;
les réglementations relatives aux marchés publics.
Depuis le 1er janvier 1997 toutes les communes de France bénéficient d'une comptabilité rénovée, dite M14, à l'exception de Paris qui devrait adopter les nouvelles normes en 1998.
Je rends hommage aux maires et aux comptables qui ont concouru à la réussite de cette réforme importante.
Cette modernisation, aboutissement de travaux conduits depuis sept ans, fournit désormais aux communes les outils adaptés à une gestion dynamique.
Les précédentes instructions comptables avaient, en leur temps, constitué un progrès notable. Le lien entre le plan comptable général et le plan comptable communal, l'unicité des cadres comptables et budgétaires figurent parmi les acquis des instructions antérieures M11 et M12.
Leur obsolescence, surtout depuis la mise en oeuvre des lois de décentralisation et du plan comptable général de 1982, rendait impérative l'évolution qui vient d'être conduite.
Celle-ci a su faire bénéficier les communes de règles comptables modernes, adaptées à leurs nouvelles responsabilités. Une approche patrimoniale des comptes des communes améliorera la sincérité et la fidélité des écritures.
L'information financière et comptable produite autorise désormais une transparence qui permet :
- aux citoyens d'exercer leur vigilance et la plénitude de leurs droits ;
- aux partenaires des communes d'analyser leurs risques ;
- aux juges financiers, enfin, d'exercer leurs compétences.
Les collectivités locales sont au service de l'intérêt général. Elles doivent avant tout satisfaire les besoins locaux des populations ; les règles et procédures mis à leur disposition doivent leur permettre de remplir leurs missions fondamentales.
Il est bien sûr trop tôt pour tirer un premier bilan de cette réforme ; elle devra être appréciée avec plus de recul. Pour autant, elle ne constitue pas un aboutissement mais une étape d'un processus de modernisation que j'entends poursuivre.
Deux prolongements m'apparaissent devoir être privilégiés.
Le premier concerne la rénovation des cadres budgétaire et comptable des départements et des régions. Il s'agit, comme pour les communes, d'appliquer les principes du plan comptable de 1982, tout en tenant compte des spécificités de ces deux catégories de collectivités locales.
Le second vise à l'amélioration des procédures budgétaires. Des ajustements méritent, en effet, d'être poursuivis concernant les règles d'équilibre des budgets locaux, les modalités de la procédure budgétaire pour ne citer que quelques uns des sujets sur lesquels des études ont été menées et devront aboutir.
Le deuxième aspect que je souhaite évoquer aujourd'hui concerne les marchés publics.
La démocratie exige la transparence. Or s'il est un domaine dans lequel elle n'est pas totale, c'est bien celui des marchés publics.
Les acheteurs publics, et le juge qui les contrôle, ont besoin de règles simples adaptées à deux principes fondamentaux :
* assurer la transparence des choix ;
* permettre l'efficacité de la dépense publique.
Le code des marchés publics ne répond plus qu'imparfaitement à ces deux exigences. Il faudra porter remède à cette situation.
Le développement de la démocratie locale est un enjeu capital. La fragilité du tissu social, distendu par l'ampleur du chômage, exige qu'une extrême attention soit accordée aux liens entre les élus et leurs mandants.
Les responsabilités accrues confiées aux collectivités territoriales trouvent leur contrepoint dans la rigueur des contrôles. Les citoyens attendent et doivent recevoir une information de qualité.
Il appartient à des élus locaux compétents associés à des magistrats efficaces de satisfaire cet objectif.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 2 août 2002)