Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les priorités de la politique du gouvernement pour La Réunion, notamment en matière de créations d'emplois et d'entreprises, d'aménagement du territoire, de préservation de l'environnement, de valorisation de l'identité culturelle, d'aide européenne au développement, de coopération interrégionale et de décentralisation, Saint-Denis, le 25 janvier 2001.

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Circonstance : Déplacement de M. Jospin à La Réunion et à Mayotte, du 24 au 27 janvier 2001-discours au conseil régional de La Réunion, à Saint-Denis le 25

Texte intégral

Monsieur le président,
Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les conseillers régionaux,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie, Monsieur le Président Paul Vergès, de l'accueil que vous me réservez aujourd'hui, ainsi qu'aux membres du Gouvernement qui m'accompagnent, le ministre délégué à la ville, Monsieur Claude Bartolone, le Secrétaire d'Etat à l'outre-mer, Monsieur Christian Paul et le Secrétaire d'Etat aux PME, au Commerce, à l'artisanat et à la consommation, Monsieur François Patriat. Je suis très heureux de pouvoir évoquer devant vous la politique du Gouvernement pour la Réunion. Je ferais bien sûr écho aux préoccupations que vous venez d'exprimer.
Les Réunionnais, depuis trois siècles et demi, après qu'ils aient relevé les défis de l'émancipation, ont dû faire face à ceux de l'éloignement et de l'insularité. Il y a maintenant plus de cinquante ans, la départementalisation a permis de poser le principe de l'égalité avec la métropole et donné le départ d'un mouvement de rattrapage des retards, qui étaient considérables, en matière d'équipements, de développement et de droits sociaux.
Aujourd'hui, nous pouvons être fiers du chemin parcouru, mais nous avons conscience des défis qui demeurent.
Devant le conseil régional, qui poursuit une politique active et ambitieuse pour les relever, je voudrais d'abord marquer quelques-unes unes des priorités de la politique du Gouvernement pour la Réunion. Pour beaucoup d'entre elles, l'Etat et le conseil régional conjuguent leurs efforts, notamment dans le contrat de plan. J'évoquerai ensuite les projets du Gouvernement pour approfondir la décentralisation, de manière générale et à la Réunion.
La première priorité est la création d'emplois en nombre suffisant pour faire face à l'afflux des jeunes sur le marché du travail.
On ne relève pas assez que l'économie de la Réunion crée un grand nombre d'emplois mais que l'essor démographique en exige un plus grand nombre encore, afin que le chômage régresse.
Dans notre pays, vous le savez, les emplois sont créés à un rythme sans précédent - 600.000 pour la seule année 2000, ce qui ne s'est jamais vu ; ainsi le chômage de longue durée, celui dont le coût social est le plus lourd, a-t-il reculé de plus d'un tiers et celui des jeunes de 40 %. Près d'un million de personnes, au total, ont retrouvé un emploi. La politique économique conduite par le Gouvernement et les mesures nationales en faveur de l'emploi, comme la réduction du temps de travail ou les emplois jeunes, y ont contribué. A la Réunion également, le chômage a commencé à reculer, mais le rythme de la diminution est plus faible et le niveau de départ, bien sûr, beaucoup plus élevé.
Il était donc nécessaire de mettre en place des dispositifs spécifiques de soutien au développement et à la création d'emplois pour les départements d'outre-mer.
La loi d'orientation pour l'outre-mer comporte des mesures importantes. L'allégement de cotisations sociales dont peuvent désormais bénéficier un grand nombre d'entreprises, des artisans, des commerçants et des membres des professions libérales, est massif et absolument sans précédent. Il représente un effort de l'ordre de 3,5 milliards de francs par an, soit plus de quatre fois celui du régime de la loi de 1994. S'y ajoutent des aides aux entreprises exportant plus de 20 % de leur production sur de nouveaux marchés. Le coût du travail étant ainsi sensiblement réduit, les entreprises verront leur compétitivité accrue et pourront embaucher davantage.
Le Budget 2001 a aussi défini un nouveau régime fiscal à l'investissement, au moins aussi efficace, mais moins susceptible de donner lieu à des abus, que le régime précédent.
Enfin, la loi d'orientation a completé le dispositif national des emplois jeunes par le " projet initiative jeune ", qui apporte une aide aux projets professionnels des jeunes, notamment à la création d'entreprises ou à la mobilité, pour un montant qui peut atteindre 48.000 francs sur deux ans.
Au total, nous avons mis en place un dispositif d'une très grande ampleur, qui est de nature à dynamiser la création d'emplois dans les départements d'outre-mer et spécialement à la Réunion. Il faut que ces mesures soient mieux connues des chefs d'entreprises, notamment dans les PME et l'artisanat.
Je relève avec satisfaction que le conseil régional a lui-même prévu un régime d'aides spécifiques à l'emploi et à la mobilité des jeunes, inscrites dans le contrat de plan Etat-Région.
La réalisation de grands projets d'infrastructures et les dépenses de soutien à des secteurs économiques comme le tourisme contribueront aussi de manière déterminante à la création de nouveaux emplois. Là encore, le contrat de plan Etat-Région, ainsi que le document unique de programmation européen traduisent l'accord de l'Etat et de la région sur des priorités communes.
Une deuxième priorité est celle de l'aménagement du territoire régional et de la préservation de l'environnement.
Le Gouvernement met en uvre une politique de développement durable, en partenariat avec les collectivités locales, par les contrats de plan Etat-Région et les schémas de services collectifs.
Pour l'aménagement du territoire, le développement des transports est à la Réunion particulièrement crucial. Le conseil régional a fixé une priorité pour les transports en commun, notamment les transports interurbains en site propre. L'étude d'un transport en commun en site propre de Saint-Denis à la Possession est nécessaire pour résoudre à terme le difficile problème de la croissance du trafic sur cette route du littoral aux caractéristiques particulières. Je suis heureux qu'elle puisse être engagée. Cette étude bénéficiera d'un appui financier important de l'Etat. Pour autant, le développement du réseau routier reste nécessaire et le conseil régional s'est engagé dans un programme important de création d'axes nouveaux de contournement urbain ou interurbain.
Vous êtes justement conscients de la nécessité de préserver l'environnement absolument exceptionnel de votre île. L'attention que vous portez aux programmes de recherche - qui vous ont conduit à signer des conventions pluriannuelles avec de grands organismes nationaux de recherche - trouve une application particulière sur les questions d'environnement. C'est ainsi que vous avez lancé des études sur les possibilités de la géothermie et de l'énergie éolienne. La loi d'orientation conforte les compétences de la région dans ce domaine et facilite les investissements nécessaires. Et je n'oublie pas la proposition de loi que vous avez déposée, Monsieur le Président, sur la création à la Réunion d'un observatoire du réchauffement climatique. Elle a été examinée en première lecture au Sénat. Le Gouvernement veillera à ce que l'examen de ce texte progresse rapidement.
La troisième priorité est celle de la valorisation de l'identité culturelle.
Votre assemblée fait du développement de la culture et de l'identité de la Réunion un axe prioritaire de la politique régionale.
La loi d'orientation pour l'outre-mer comporte précisément un titre particulier sur le développement de la culture et des identités outre-mer. Un article y affirme que les langues régionales font partie du patrimoine de la Nation et que leur pratique et leur enseignement sont encouragés. Un autre prévoit l'unicité du prix du livre entre les départements d'outre-mer et la métropole à compter du 1er janvier 2002. Une autre offre enfin la possibilité d'un cofinancement par l'Etat et les collectivités locales d'un fonds pour promouvoir les échanges éducatifs, culturels et sportifs entre les départements d'outre-mer et la métropole ou des pays de la région.
Le conseil régional est particulièrement attentif au rayonnement culturel de l'île. C'est pourquoi vous avez apporté un soutien financier à l'université de l'océan indien. Vous avez aussi élaboré un projet de maison des civilisations de la Réunion qui me semble d'un grand intérêt.
J'ai bien noté l'attention portée dans votre assemblée aux conditions de mise en uvre de la continuité territoriale en matière audiovisuelle. Comme vous le savez, le conseil régional doit désormais être consulté sur celles-ci.
La quatrième priorité est celle de l'apport de l'Union européenne au développement de la Réunion.
L'Europe contribue de manière très significative au développement des départements d'outre-mer. Le Gouvernement y veille et je sais votre conseil régional particulièrement attentif à la qualité des relations entre la Réunion et l'Union européenne.
Comme vous le savez, la France avait formulé dans son mémorandum de décembre 1999 un certain nombre de demandes pour la mise en uvre de l'article 299 § 2 du Traité d'Amsterdam, relatif aux régions ultrapériphériques, sujet essentiel pour le développement économique de l'outre-mer. Le collège des commissaires a adopté le 29 novembre 2000 plusieurs propositions de règlements.
Pour la révision du programme spécifique d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer, dit POSEIDOM, la négociation était particulièrement difficile. Le projet de règlement de la Commission répond à l'essentiel de nos demandes, notamment pour l'aide aux transports de la canne à sucre, l'aide au lait et l'adaptation de l'organisation commune de marché de la viande bovine. Le financement des aides pourra s'effectuer sans rupture entre POSEIDOM 2 et 3, grâce à un financement national, provenant de l'ODEADOM. Il convient aussi de s'assurer que l'enveloppe financière communautaire de ces programmes sera convenablement dimensionnée. Le Gouvernement y veillera.
Le document unique de programmation des fonds structurels européens, dit DOCUP, pour la période 2000-2006, a été approuvé par la commission européenne pour la Réunion, le 30 octobre dernier. Votre île disposera ainsi de près de 10 milliards de francs de crédits communautaires pour cette période de 7 ans, soit 45 % de l'enveloppe de la France au titre de l'objectif 1. Cet effort est le plus important jamais consenti à la Réunion par l'Europe. Il permet le financement d'un programme de très grande qualité, qui met notamment l'accent sur la formation, l'insertion, l'aménagement agricole, la gestion des eaux et l'élimination des déchets, la revitalisation des contres urbains, le financement du capital des entreprises, les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), le développement du tourisme, ainsi que sur les infrastructures portuaires et la desserte aérienne.
Afin de mettre en uvre ce programme dans les meilleures conditions, et en particulier de faciliter la consommation des crédits communautaires en préservant au mieux la capacité financière des collectivités locales, nous avions demandé un relèvement du taux d'intervention des fonds structurels de 75 à 85 %. Cette demande a été acceptée. La commission a également donné son accord pour que le taux d'intervention du fonds pour les investissements dans les PME puisse être porté de 35 à 50 %.
S'agissant de l'agriculture, nous avons obtenu que le taux d'intervention pour les investissements dans les exploitations agricoles soit porté à 75 % et celui pour la transformation et la commercialisation des produits agricoles à 65 %. Pour ce qui est des forêts, la prohibition pour les règlements communautaires de la participation des fonds structurels aux financements des forêts qui sont propriété de collectivités publiques handicapait la politique forestière à la Réunion. La Commission européenne a accepté de revenir sur cette interdiction.
Ces décisions, obtenues par le Gouvernement ces six derniers mois, pendant la présidence française, favoriseront la réalisation des opérations prévues dans le DOCUP.
Le Gouvernement, et particulièrement le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Christian Paul, se sont pleinement impliqués dans cette négociation difficile. Je rends hommage à l'engagement du conseil régional dans le partenariat entre la Réunion et l'Union européenne. La qualité de ce travail en commun a facilité l'approbation du document unique de programmation et sera une aide précieuse pour sa mise en uvre.
Grâce à la loi d'orientation pour l'outre-mer, les présidents des conseils régionaux peuvent désormais demander à participer aux négociations de la France avec l'Union européenne sur les conditions d'application de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam relatif aux régions ultrapériphériques. Ils peuvent aussi demander à l'Etat de prendre l'initiative de négociations avec l'Union européenne en vue d'obtenir des mesures particulières pour le développement.
La cinquième priorité est celle de l'ouverture de la Réunion sur son environnement régional.
Française et donc européenne, la Réunion reste située dans l'océan indien. Elle doit développer ses échanges, notamment économiques et culturels, avec les pays riverains, et d'abord avec ceux qui appartiennent à la Commission de l'océan indien, dont elle fait partie.
Votre assemblée est fort active sur ce terrain et je connais, Monsieur le Président, votre intérêt personnel pour ce sujet. La coopération régionale pourra notamment s'articuler autour des pôles d'excellence, dont le conseil régional suscite l'émergence, en matière d'éducation, de recherche, de technologie et d'environnement. La coopération culturelle, que les nouvelles technologies de la communication faciliteront, permettra de promouvoir l'identité culturelle réunionnaise. Au plan commercial, les échanges avec les pays voisins restent insuffisants. Les aides à l'exportation prévues par la loi d'orientation pour l'outre-mer contribueront à les faciliter.
Cette loi donne des compétences nouvelles aux collectivités d'outre-mer, conseils régionaux et conseils généraux, en matière de coopération régionale.
C'était nécessaire pour mieux insérer des départements d'outre-mer dans leur environnement géographique. La loi d'orientation a prévu que les conseils régionaux et les conseils généraux des départements d'outre-mer pourront demander au Gouvernement à être autorisés à négocier et signer des accords internationaux dans leurs domaines de compétence.
Nous pourrons d'ailleurs parler demain, Monsieur le Président, des perspectives concrètes d'intervention de la collectivité régionale en cette matière avec les ambassadeurs de la France dans la région.
Pour atteindre ces objectifs que la région partage avec le Gouvernement, il faut donner une nouvelle impulsion à la décentralisation des responsabilités.
C'est ce que le Gouvernement prévoit, pour l'ensemble du territoire national, par une nouvelle étape de la décentralisation et pour les départements d'outre-mer, par les mesures spécifiques de la loi d'orientation.
Le Gouvernement engage une nouvelle étape de la décentralisation. Le rapport de la commission présidée par Pierre Mauroy a ouvert des pistes prometteuses. J'ai indiqué à la tribune de l'Assemblée nationale les orientations du Gouvernement. Dès cette année, un premier projet de loi sera soumis au Parlement. Il comportera notamment des dispositions pour approfondir la démocratie locale - par exemple pour favoriser une plus grande transparence dans l'élaboration des projets d'aménagement. Cette année sera également mise à profit pour développer des concertations avec les associations d'élus et les organisations professionnelles afin de préparer, pour la législature suivante, de nouveaux transferts de compétences et une réforme des finances locales.
Cette nouvelle décentralisation s'appliquera naturellement aux départements d'outre-mer, même si ceux-ci viennent de bénéficier de mesures spécifiques de décentralisation, par la loi d'orientation.
Ainsi, outre les dispositions en matière de coopération régionale que je viens de citer, la collectivité régionale se voit confier de nouvelles responsabilités dans des domaines d'une grande importance : l'ensemble de la voirie classée en route nationale est transférée dans le patrimoine de la région, si celle-ci en fait la demande ; les compétences en matière de gestion et de conservation des ressources biologiques de la mer lui sont également transférées, ainsi que l'inventaire minier en mer. Le conseil régional peut désormais adopter un schéma d'aménagement qui fixe les orientations en matière de développement durable de mise en valeur du territoire et de protection de l'environnement. La région peut aussi adopter et mettre en uvre un plan énergétique pluriannuel de prospection et d'exploitation des énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie. Ces nouvelles compétences complètent celles dont dispose déjà la région en matière économique pour bâtir une véritable stratégie de développement et d'aménagement pour la Réunion.
Dans l'avenir, les départements d'outre-mer pourront avoir des statuts plus différenciés. Les aspirations sont en effet diverses à ce sujet de l'un à l'autre. La Réunion se distingue des trois autres DOM en exprimant un souhait clair pour un statut le plus proche possible du statut de droit commun. Ce souhait sera respecté. Par ailleurs, je m'exprimerai demain sur les conditions dans lesquelles la région Réunion pourrait devenir bidépartementale.
Aujourd'hui, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je veux à nouveau vous dire ma joie d'être reçu au conseil régional de la Réunion et ma reconnaissance pour la part importante que votre assemblée prend au développement de l'île et à la préparation de son avenir.
Je me réjouis de vous retrouver dans quelques instants et dans les différentes étapes de mon déplacement.