Déclaration de M. Pascal Clément, ministre de la justice, sur la politique immobilière du Ministère de la justice et sur la justice de proximité, à Thonon-les-Bains, le 22 mars 2007.

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Circonstance : Inauguration du nouveau Palais de justice de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) le 22 mars 2007

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Messieurs les Parlementaires, Jean-Claude CARLE et Marc FRANCINA
Monsieur le Maire, Jean DENAIS
Monsieur le Premier Président,
Monsieur le Procureur Général
Messieurs les Chefs de juridictions
Messieurs les Directeurs,
Monsieur le Bâtonnier,
Mesdames et Messieurs,
Voilà quinze ans que l'idée de ce palais de justice, inauguré aujourd'hui, avait été exprimée dans le schéma directeur immobilier judiciaire de la Haute-Savoie.
Les juridictions étaient éclatées sur 7 sites, empêchant la mutualisation des fonctions et générant une gêne pour les usagers. De plus, certains de ces sites étaient particulièrement inadaptés ou même totalement hors norme.
En 1999, le Ministère de la Justice saisit l'opportunité proposée par la ville, d'acquérir l'Hôtel Dieu et le terrain attenant pour y reloger dans un bel ensemble, conjuguant aujourd'hui l'ancien et le moderne, le Tribunal de Grande Instance, le Tribunal d'Instance et le Conseil de Prud'hommes.
La Justice reprend ainsi un lieu emblématique, en centre ville, porteur de l'histoire de la ville et de ses habitants. Cet Hôtel Dieu fut en effet l'ancien couvent des Minimes au 17ème siècle, puis l'hôpital de la ville et enfin plus récemment une maison de cure. Ce site est donc indissolublement lié à l'histoire des Thononais.
J'ai tenu, à chaque fois que c'était possible, à ce que la Justice aide les élus à conserver le patrimoine historique et je suis heureux qu'il en soit ainsi à Thonon-Les-Bains.
C'était un véritable pari que d'adjoindre à l'Hôtel-Dieu un bâtiment moderne et ce pari a été réussi par l'architecte Antoine STINCO et son collègue Igor ZAMANSKI. Je veux leur rendre hommage car ils ont su respecter parfaitement l'esprit des lieux et rénover à l'identique les parties classées avec une exécution de grande qualité.
La fonctionnalité de ce nouvel équipement judiciaire n'est pas un vain mot : chacun a trouvé sa place, même si on me dit que tel ou tel regrette la vue sur le lac Léman ! Surtout, les échanges sont facilités, les bureaux sont plus modernes, les espaces de travail, quoique sobres, sont confortables et bien équipés. Il a d'emblée permis d'accueillir un nouveau tribunal pour enfants.
Ce palais présente l'avantage d'être beaucoup plus sûr, tirant les conséquences des quelques incidents s'étant produits ces dernières années.
Ainsi les circuits du public et des détenus sont bien identifiés et séparés, des équipements de vidéosurveillance, des alarmes anti-intrusions et un contrôle par badge ont été installés. Les usagers sont accueillis dès l'entrée dans le palais : ils reçoivent des réponses à leurs questions et sont orientés pour le traitement de leurs dossiers quelle que soit la juridiction concernée. Ainsi, la justice est à Thonon au service de l'usager dès son arrivée. Je note également que le Bâtiment est accessible aux handicapés.
Nous devons ce nouveau palais à l'action conjuguée d'un grand nombre d'intervenants. Je voudrais remercier tout d'abord les directions centrales, celle des services judiciaires et celle de l'Administration Générale et de l'Equipement qui ont lancé le projet, l'Agence de Maîtrise d'Ouvrage des Travaux du Ministère de la Justice (AMOTMJ) établissement public constructeur, qui a veillé à ce que les juridictions soient associées au bon déroulement du projet et à ce que les architectes et les entreprises respectent leurs engagements.
Je remercie l'entreprise DUMEZ Rhône Alpes pour sa réalisation de qualité. La préfecture, la sous-préfecture et les services de l'Etat notamment la Direction Départementale de l'Equipement et les services de la Culture ont aussi toujours soutenu le projet et je leur exprime également ma gratitude.
Mais il est certain que cette belle réalisation n'aurait pas été possible ou aurait été très compliquée sans l'environnement très favorable créé par les élus, en particulier par vous Monsieur Jean DENAIS, maire de Thonon-Les-Bains et vous Monsieur le député Marc FRANCINA, et vous Monsieur le sénateur, Jean-Claude CARLE.
Soyez chaleureusement remerciés, car nous avons tous bien compris qu'il a fallu maintenir une énergie et un dynamisme à toutes épreuves sur le moyen et long terme pour la faire aboutir.
Désormais, le Ministère de la Justice voit, comme à Thonon-les-Bains, ses juridictions gagner en cohérence et en efficacité.
Tel est le sens de la politique immobilière que j'ai engagée au bénéfice des juridictions françaises et que les prochains gouvernements devront poursuivre tant les besoins judiciaires sont encore immenses en ce domaine.
En 2002, le retard pris dans le domaine de l'immobilier judiciaire, à l'exception des constructions peu nombreuses de palais de justice entre 1995 et 2002, était dramatique. Les bâtiments étriqués et vétustes s'étaient multipliés, alors que la demande de justice de nos concitoyens est si forte.
La France compte 1 100 juridictions et, pour un grand nombre d'entre elles, plusieurs défauts majeurs étaient dénoncés : impossibilité d'accueillir les nouveaux magistrats, greffiers et fonctionnaires, de s'adapter à la réforme permanente de la justice, de respecter des normes de sécurité et d'accessibilité, de regrouper les services et enfin d'accueillir l'ensemble des usagers.
Plus d'un milliard d'euros ont été votés pour le programme d'investissement judiciaire de 2003 à 2007, autorisant le démarrage de nombreux projets, qui auparavant étaient au point mort. Ce sont 300 000 mètres carrés qui ont été, pendant cette législature, construits ou rénovés au profit des juridictions. Vous le voyez, la réponse politique a été à la hauteur de l'enjeu et il est normal que Thonon-Les-Bains en bénéficie aussi.
A côté d'un grand nombre de petites opérations immobilières engagées, plus de 400, ces crédits ont permis notamment de livrer d'autres palais de justice importants comme ceux de Besançon, Narbonne et Pontoise en 2005 ou ceux de Laval et Avesnes-sur-Helpe en 2006.
En 2007 et début 2008 sont attendus, entre autres, l'entrée en service du TGI de Toulouse et de celui d'Annecy, puis viendra une longue liste d'autres opérations.
L'investissement judiciaire est une nécessité pour garantir aux Français une justice de qualité et une justice de proximité. Je le redis solennellement, la justice mérite un investissement régulier et non pas par à- coups. Tout comme l'actuelle majorité l'a engagée, je souhaite que la future majorité issue des urnes s'engage à voter une nouvelle loi d'orientation et de programmation pour la justice. C'est la condition de la sérénité et de l'efficacité de la justice.
La sérénité de la justice impliquait aussi de rénover la sécurité des juridictions. C'est pourquoi j'ai mené une politique volontariste, constatant que les juridictions sont trop souvent le théâtre d'actes violents, d'agressions inacceptables de magistrats ou de fonctionnaires.
J'ai réagi en mobilisant les chefs de juridictions et l'ensemble du personnel. La sécurité est l'affaire de tous. C'est autant un travail sur l'organisation, les méthodes qu'une question de moyens.
J'ai arrêté, en septembre 2005, un plan d'action en quinze points qui concernent la professionnalisation des acteurs, la diffusion de méthodes, le suivi des incidents, le soutien aux victimes ou la mise en oeuvre de mesures de surveillance.
Sur les moyens, deux chiffres permettent de mesurer l'effort : 7,5 millions d'euros consacrés à la sûreté en 2003, 18 millions réservés à ce programme dans le budget 2007.
Dans les juridictions les plus sensibles j'ai décidé de faire appel, en complément du gardiennage, à des professionnels particulièrement adaptés. Aussi, nous déploierons, aux côtés de réservistes de la Police nationale, d'anciens surveillants de l'administration pénitentiaire.
Les expériences menées à Rouen, Aix ou Toulouse ont montré combien leur savoir faire était utile. 260 seront affectés sur le terrain cette année.
Nous équipons par ailleurs progressivement les juridictions de portiques de détection, de vidéosurveillance, d'alarmes afin d'accroître l'effet de dissuasion et de réduire les risques d'agression.
Le ministère de la Justice vient aussi de réaliser un «référentiel sûreté » qui vise à aider concrètement les juridictions à évaluer les risques et à définir et programmer les mesures nécessaires en termes de structuration des locaux, d'organisation interne ainsi que de gardiennage et d'équipements.
Un effort considérable aura donc été fait en ce domaine pendant la législature au profit des juridictions, des magistrats et des fonctionnaires.
Je suis attaché à la justice de proximité. C'est pourquoi je voudrais vous dire quelques mots des actions du Ministère de la Justice en ce domaine.
Vous savez que la création de la juridiction de proximité correspond à un engagement majeur qui avait été pris par le Président de la République devant les Français, lors de la campagne présidentielle de 2002.
En effet, face à la complexité du droit et de la justice aujourd'hui, la justice de proximité est apparue comme le moyen le plus adapté de rapprocher les justiciables de l'institution. Ainsi, des membres de la société civile participent au fonctionnement de la justice. Depuis la loi du 26 janvier 2005 qui a élargi leurs attributions, les juges de proximité sont compétents : en matière civile, pour tous les litiges dont l'objet, hormis quelques exceptions, ne dépasse pas 4.000 euros ; en matière pénale pour toutes les contraventions des 4 premières classes, hormis quelques infractions ; enfin, en tant qu'assesseurs aux audiences correctionnelles.
J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, non seulement il est nécessaire que nos compatriotes s'approprient leur justice, mais c'est une chance pour les magistrats eux-mêmes de voir l'institution judiciaire s'ouvrir encore davantage.
La justice de proximité permet d'associer des personnes d'horizons différents, sans remettre en cause le rôle irremplaçable des magistrats professionnels. Parmi les juges de proximité actuellement en poste, 45 % d'entre eux appartiennent à des professions libérales juridiques et judiciaires et 40 % sont des juristes d'entreprises.
Leur âge moyen, 56 ans, montre qu'il s'agit de personnes d'expérience, qui ont souvent une longue carrière juridique derrière elles, et je me réjouis que le nombre d'hommes et de femmes soit pratiquement équivalent au niveau national. Je note que dans le ressort de cette cour, les femmes sont même largement majoritaires.
Rappelons aussi que des institutions comparables existent également en Angleterre et au Pays de Galles, en Italie, en Belgique et en Russie. Par ailleurs, l'Espagne, suivant l'exemple récent de la France, s'apprête elle aussi à créer des juridictions de proximité.
Certains s'interrogent pourtant sur le devenir de la justice de proximité. Mais en réalité, il n'y a plus lieu de s'interroger. La justice de proximité a déjà suffisamment démontré son utilité et son efficacité. Il faut ainsi noter l'augmentation très sensible des saisines en 2006 par rapport à 2005, + 33 % pour les affaires nouvelles et + 106 % pour les affaires terminées. De plus, 383 juges de proximité siègent aujourd'hui, en plus de leur activité en matière civile et de police, aux audiences correctionnelles collégiales, soit 68 % de l'effectif.
Cette participation a permis aux magistrats professionnels, dans de nombreux cas, de se recentrer sur leurs fonctions principales et parfois même de créer de nouvelles audiences à juge unique en matière civile sur des sujets aussi important que les tutelles ou le surendettement.
Cela a permis aussi de libérer des magistrats pour les sessions d'assises et d'éviter des délocalisations d'affaires lorsque des magistrats sont intervenus dans des dossiers comme juge d'instruction ou juge de la détention et des libertés.
C'est pourquoi j'ai souhaité institutionnaliser les services de la Chancellerie chargés de la justice de proximité. Ainsi, dans le cadre de la réorganisation de la sous-direction de la magistrature, il a été créé un bureau des juges de proximité, en remplacement de la mission initialement mise en place.
Je voudrais également insister sur la qualité du recrutement, comme en attestent les parcours professionnels et les qualifications des juges de proximité ici présents. La sélection est, en effet, très rigoureuse puisque jusqu'à présent, sur dix dossiers de candidatures reçus par la chancellerie, un seul aboutit à une nomination.
Les juges de proximité sont aujourd'hui au nombre de 582, répartis entre toutes les cours d'appel de métropole et des départements d'outre-mer. Je souhaite que nous en accélérions le recrutement afin de remplir les besoins exprimés par les Cours, c'est-à-dire un millier de juges.
J'ai la volonté de renforcer la justice de proximité. C'est pourquoi, je vous annonce le recrutement de 240 juges de proximité supplémentaires dés cette année : 120 dossiers de candidatures seront examinés par le CSM au mois d'avril et 120 autres avant la fin de l'année, soit, sous réserve des avis du CSM une augmentation de plus de 40% des effectifs.
Créer et implanter une nouvelle juridiction prend du temps. C'est pourquoi il ne s'agit que d'une première étape. Je souhaite que la prochaine législature puisse augmenter très fortement ce chiffre.
Je ne veux cependant pas occulter les difficultés de la justice de proximité, notamment dans le domaine de la formation.
Je veux remercier ici Monsieur Dominique Charvet, Premier Président de la Cour d'Appel de Chambéry, qui m'avait remis, en novembre 2005, un rapport d'une grande qualité. Suivant ses recommandations, j'ai souhaité améliorer la formation initiale et la formation continue des juges de proximité.
Un décret et un arrêté du 4 janvier 2007 ont permis de rénover ce dispositif. Ces nouveaux textes assurent une meilleure qualité des stages ainsi qu'une amélioration de la rémunération des juges de proximité, notamment par l'introduction d'une plus grande souplesse dans le mode de rémunération.
Certes, je suis conscient que plusieurs questions demeurent en suspens, notamment la prise en compte des frais de déplacement dans le cadre de l'accomplissement de leur activité juridictionnelle.
Enfin, la loi organique du 5 mars dernier relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, rend obligatoire la formation probatoire, la dispense de stage devenant l'exception. Désormais, les candidats accompliront 25 ou 35 jours de stage, au choix du Conseil supérieur de la magistrature, sur une période maximale de 6 mois.
Il a paru préférable d'attendre la publication des nouveaux textes relatifs en particulier à la durée des stages. C'est pourquoi, en 2006, très peu de candidatures ont été proposées au Conseil supérieur de la magistrature.
Je veux dire à nouveau ici que cette réforme est un succès. La juridiction de proximité est déjà bien implantée dans notre justice et elle le sera chaque jour davantage.
D'autres bilans seront sans doute nécessaires pour procéder aux ajustements qui apparaîtront avec le temps. Ce qui importe, c'est de constater que dans les juridictions l'accueil réservé par les magistrats professionnels s'est passé dans de bonnes conditions.
Je voudrais d'ailleurs remercier tous les magistrats qui ont eu à former les premiers juges de proximité et je sais la charge que cela représente pour eux.
Je veux aussi redire toute ma confiance dans tous ceux qui servent l'institution judiciaire : leurs talents sont immenses et leurs mérites doivent être reconnus.
Je pense notamment aux magistrats et fonctionnaires de justice qui accomplissent un travail difficile et sont dévoués au service public de la justice.
Je sais leur professionnalisme et leur volonté de contribuer à construire une justice moderne et efficace. Dans ces lieux, cet objectif est réalisable.
Je vous remercie Mesdames et Messieurs de votre attention.Source http://www.justice.gouv.fr, le 23 mars 2007