Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les mesures gouvernementales en faveur des associations, La Défense le 21 février 1999.

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Circonstance : Clôture des assises nationales de la vie associative, à La Défense le 21 février 1999

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les présidentes et présidents,
Mesdames et Messieurs,
Cest avec plaisir que jinterviens ce matin pour clore vos travaux. Ces premières Assises nationales de la vie associative sont pour moi loccasion de vous dire toute limportance que le Gouvernement attache à laction des associations. Je veux dabord remercier le Conseil national de la vie associative et la délégation interministérielle à linnovation sociale et à léconomie sociale, qui ont organisé ces Assises, ainsi que ceux qui les ont animées, avec une pensée particulière pour les responsables associatifs venus de loin, notamment doutre-mer. Nombreuses, diverses et riches, vos interventions, et, avant elles, la centaine de forums départementaux préparatoires à ces Assises, ont témoigné de la vigueur et du foisonnement du mouvement associatif français.
Démocratie participative, relations avec les pouvoirs publics, rôle économique des associations : autant de thèmes éclairés par vos travaux et sur lesquels je voudrais revenir pour vous assurer de lengagement du Gouvernement.
I Parce que sassocier, cest consolider le contrat social, vos mouvements sont un pilier de notre République.
La liberté dassociation, droit proclamé par larticle 20 de la Déclaration universelle des droits de lHomme, est, en France, le fruit de longues années de combats républicains. Dès le début de la Révolution française, la loi sur la liberté de réunion de 1790 consacrait le droit des citoyens « de former entre eux des sociétés libres « . Mais avant de linscrire définitivement dans notre droit par une grande loi de liberté, celle du 1er juillet 1901, la République dut surmonter bien des méfiances : méfiance des premiers révolutionnaires à légard des corporations de lAncien Régime, méfiance des conservateurs envers les « clubs « révolutionnaires, méfiance enfin de lEmpire qui soumet à autorisation toute « association de plus de vingt personnes dont le but sera de se réunir (...) pour soccuper dobjets religieux, littéraires, politiques ou autres « . Quant au principe de liberté consacré en 1901, cest seulement en 1971 quil sest vu reconnaître valeur constitutionnelle.
En un siècle, ou presque, la loi de 1901 a permis que sépanouisse le mouvement associatif. A lorigine, elle ne concernait que 40000 associations. Aujourdhui, 730000 associations et plus de 60000 nouvelles se créent chaque année forment le cadre juridique de lengagement de quatre Français sur dix. Des colonies de vacances à la défense de lenvironnement, des clubs sportifs à laide aux plus défavorisés, des manifestations culturelles à la défense des droits de lhomme, ou à la protection du consommateur, cest toute la palette des couleurs de la vie de nos concitoyens qui défile.
La loi de 1901 porte un message qui vaut pour notre temps : sassocier, cest « faire société « . Alors que chacun constate lessor de lindividualisme et craint la fragmentation de notre société, les associations sont le lieu privilégié où se combinent laspiration des individus à lémancipation à la maîtrise de leur vie quotidienne et laction collective source dintégration sociale. Les associations génèrent de la civilité, du lien social, de la fraternité. Par leurs activités, au plus près de chacun dentre nous, comme par lesprit désintéressé qui les inspire, elles concourent, à leur façon, à lintérêt général. Elles sont une école de lengagement et le terreau dune démocratie participative. Car la démocratie ne naît pas en effet dune génération spontanée.
Les associations sont un des piliers de la République. Mon Gouvernement, qui a voulu renouveler le pacte républicain, salue lengagement des millions de bénévoles qui font vivre le monde associatif, dont le rôle doit être pleinement reconnu et recevoir le soutien des pouvoirs publics. Cest pourquoi jai souhaité réunir ces premières Assises de la Vie Associative. Elles marquent une étape dans la réflexion collective engagée en mars 1998, lorsque jai reçu le Conseil National de la Vie Associative. Il fallait faire un état des lieux pour préparer des mesures favorables à lengagement associatif de nos concitoyens. Cest ce que vous avez fait.
II Ces Assises ont en effet permis de tracer les perspectives pour lapprofondissement de la démocratie participative.
Quatre perspectives se sont dessinées, en direction des bénévoles, des jeunes, de femmes et de lEurope.
Il faut dabord faciliter laction bénévole.La ministre de la Jeunesse et des Sports a été chargée de conduire la réflexion sur ce sujet et pourra maintenant tirer des Assises les éléments utiles. Laction du Gouvernement est cependant dores et déjà engagée. La loi de lutte contre les exclusions permet ainsi un progrès significatif dans la reconnaissance du bénévolat, puisque tout demandeur demploi peut désormais exercer une activité bénévole, sans perdre ses indemnités de chômage, à condition quil continue de rechercher un emploi.
Il faut donner aux citoyens quils soient actifs, jeunes ou retraités le temps nécessaire à un engagement désintéressé. La réduction négociée de la durée du travail, voulue par le Gouvernement dans le cadre de la lutte pour lemploi, ouvre de nouveaux espaces au temps libre. Près de 700000 salariés sont aujourdhui concernés ; demain, ils seront des millions, à mesure que sétendra lapplication des 35 heures.
Un autre moyen, plus spécifique, est le congé pour représentation, accordé par les entreprises aux bénévoles convoqués par ladministration dans les instances où ils siègent. Je souhaite que ce dispositif créé par la loi de 1991 soit étendu, par voie darrêté, dans le champ de chaque ministère concerné. Le nouveau Conseil national de lévaluation, créé par un décret du 18 novembre 1998 dans le cadre de la réforme de lEtat, aura notamment pour tâche de faire le bilan de lapplication de la loi de 1991, avant denvisager une législation plus ambitieuse.
Permettre aux bénévoles de bien se former, lorsquils concourent à mettre en oeuvre des politiques publiques, est une autre responsabilité de lEtat. Ces formations pourront bénéficier de la majoration des crédits du Fonds National de Développement de la Vie Associative, qui seront portés en 1999 de 24 à 40 millions de francs. Au-delà, sera recherchée une meilleure coordination des fonds, publics et privés je pense aux fondations , qui peuvent financer les congés pour absence des dirigeants bénévoles dassociation, en particulier lors de formations. Pour se former, les bénévoles ont besoin de temps. La réduction négociée du temps de travail que jévoquais il y a quelques instants ouvre, si les partenaires sociaux le souhaitent, des pistes nouvelles, grâce aux dispositifs dépargne-temps ou de « capital temps formation « .
Enfin, les compétences acquises par les bénévoles dans le cadre associatif doivent être davantage reconnues. Cest pourquoi, tant en formation initiale que dans la formation continue, les parcours associatifs devraient être pris en compte dans la validation des acquis. La secrétaire dEtat aux droits des femmes et à la formation professionnelle intégrera cette préoccupation particulière dans ses propositions futures.
Il faut aussi favoriser lengagement des jeunes. LEtat facilitera la création d « associations juniors « , permettant aux mineurs daccéder à laction associative. Jappellerai lattention du ministre et de la ministre déléguée en charge de lEducation nationale sur laccès des jeunes aux responsabilités associatives au sein des structures scolaires et péri-scolaires. Je voudrais aussi revenir sur la question des volontaires, évoquée par le président du CNVA. Dans le prolongement de la suppression du service national, un volontariat civil de droit public sera envisagé, pour permettre à des jeunes entre 18 et 28 ans de participer à des missions dintérêt général, pour une durée comprise entre 6 et 24 mois. Sans concurrencer le plan demploi pour les jeunes, ces volontaires civils pourront, dans les domaines de la cohésion sociale et de la solidarité, remplir des missions auprès dassociations.
Puisque jévoque ces questions, je voudrais saluer le rôle joué par les ONG dans lévolution de la société internationale. Leur détermination, leur engagement moral et leur témoignage ont changé le regard que posaient les Etats sur les conflits internes et internationaux. Lorsque la règle était de ne rien dire au nom de la neutralité, beaucoup dentre elles ont choisi de se faire entendre. Grâce à cet engagement, plus rien dans lordre international nest tout à fait comme avant. Je tiens à rendre hommage à celles et ceux qui, dans des projets de développement, et jusque dans des conflits armés, ont voulu tisser des liens entre les cultures, les pays et les hommes. Ils contribuent à rendre notre monde un peu plus solidaire.
La participation des femmes à la vie associative doit être pleinement reconnue. Celles-ci noccupent pas, dans les instances dirigeantes des associations, la place que leur présence nombreuse, leur activité dynamique, leur engagement généreux justifient. Cest pourquoi je souhaite que les associations, lorsquelles désigneront leurs représentants dans les instances officielles, assurent une représentation équilibrée des hommes et des femmes. Les contrats dobjectifs signés avec lEtat tiendront compte des évolutions constatées sur ce point.
Enfin, la construction européenne doit être un des champs nouveaux de la démocratie participative. LEurope que nous voulons bâtir doit être plus proche de la vie de nos concitoyens. Elle doit pour cela développer ses dimensions sociale, humaine et culturelle. Sur tous ces aspects, les associations de lensemble des pays membres de lUnion ont un rôle à jouer. Elles diffusent une information importante sur la construction européenne et renforcent le dialogue entre les sociétés civiles des Quinze.
Cette participation active du monde associatif à la construction de lEurope justifie lexamen de deux revendications fortes. Il sagit dabord de faciliter laccès des associations aux fonds communautaires. Trop souvent, linformation leur fait défaut et les empêche de participer à des programmes où elles pourraient pourtant apporter leurs savoir-faire. Trop souvent, elles sont rebutées par la lourdeur des procédures ou par les délais de versement des subventions accordées. Sur tous ces points, le Gouvernement contribuera dans le cadre européen à ce que les améliorations nécessaires soient rapidement apportées. Il sagit, ensuite, de lélaboration dun statut des associations européennes, qui leur permettrait détendre plus facilement leurs activités à lensemble de lUnion. Ce projet ancien a connu, vous le savez, des difficultés, lors de sa discussion entre les Etats membres. Le Gouvernement français demandera que ces travaux soient relancés et enfin conclus.
Le bénévolat, les jeunes, les femmes, lEurope : cest bien dans chacune de ces perspectives que le soutien à la vie associative sera affirmé. Cet effort se fera bien sûr dans le cadre de la loi de 1901. Mais si celui-ci reste assurément pertinent, il peut recevoir dutiles aménagements.
III La réglementation doit accompagner lévolution du mouvement associatif.
Clarifier les relations entre lEtat et les associations, réfléchir au rôle économique et social de celles-ci : tels sont les deux domaines dans lesquels le Gouvernement a déjà pris des mesures et entend poursuivre avec vous sa réflexion.
Il faut dabord clarifier les relations entre la puissance publique et les associations. Les principes qui inspirent la loi de 1901 restent intangibles : les associations doivent conserver la liberté qui les fonde.
Pour rester maîtresses de leur action, les associations veulent disposer dun cadre financier prévisible et fiable. Cette demande est légitime. Cest pourquoi je souhaite que les contrats dobjectifs pluriannuels soient généralisés. Pour faciliter laccès des associations aux financements publics et réduire les délais de versement des subventions, des procédures ont été mises en place dans le cadre de la politique de la Ville. Celles-ci devront être étendues progressivement à lensemble du champ associatif.
Ladoption définitive du plan comptable associatif devrait aussi contribuer à une meilleure gestion des associations. En septembre 1997, jai demandé quun groupe de travail soit constitué sur ce sujet. Il a bien avancé, avec le concours du CNVA. Ce plan comptable vient dêtre adopté, le 16 février 1999, par le Conseil de la réglementation comptable. Un arrêté du ministre des Finances lui donnera force juridique.
Pour que les associations accèdent plus facilement à linformation qui les concerne, le Gouvernement entend que les préfets, dans chaque département, organisent une mission daccueil et dinformation des associations dont les modalités seront précisées avec vous. Interlocutrice clairement identifiée, cette mission simplifiera les relations des associations avec les administrations.
Clarifier les relations entre lEtat et les associations, cest aussi simplifier les procédures dagrément ministériel, accroître le nombre dassociations aptes à recevoir des dons et des legs, simplifier la procédure de reconnaissance dutilité publique. Un rapport a été préparé, sur ce point, par le ministère de lIntérieur, qui servira de référence pour la réforme de cette procédure. Ce sera loccasion de mettre en conformité avec le droit les formes les plus appropriées de gestion associative.
Enfin, il faut clarifier la répartition des rôles entre associations et structures de droit public. Cela sera un des axes de la réforme de lEtat. Le projet de loi sur lintercommunalité comporte ainsi une disposition créant des régies dotées de la personnalité morale, permettant aux collectivités locales de gérer des équipements ou des activités sans courir le risque de la gestion de fait. Il faut par ailleurs éviter toute confusion des genres : lEtat ne peut être juge et partie. Il lui appartient avant tout, dans la plupart des cas, de contrôler la bonne utilisation des fonds publics et la transparence de leur gestion.
Dautre part, le rôle économique croissant des associations implique un réexamen du cadre fiscal et juridique de leur action. Bien que le but poursuivi par les associations ne soit pas lappropriation privée du profit mais le réinvestissement intégral des excédents réalisés dans le projet associatif les associations occupent aujourdhui dans notre économie une place essentielle qui doit être reconnue dans toute son originalité. En effet, les associations sont des employeurs très importants elles comptent 1,2 millions de salariés et leurs activités contribuent à la croissance nationale. Les associations jouent un rôle pionnier dans linvention des réponses aux besoins nouveaux de la société. Par exemple, celles-ci ont massivement relevé le défi du dispositif du plan « Nouveaux services « pour lemploi des jeunes. En répondant à de vrais besoins qui nétaient satisfaits ni par le marché, ni par les services publics existants, elles ont créé 40.000 emplois pour les jeunes et chaque jour de nouveaux projets émergent.
Ces évolutions posent avec une acuité nouvelle la question du régime fiscal applicable aux activités économiques des associations. Le 15 septembre dernier, suivant les recommandations formulées par le rapport que javais demandé à M. Guillaume GOULARD, une circulaire du ministre de lEconomie est venue préciser les règles fiscales applicables aux associations, dont plusieurs milliers sétaient vu opposer un redressement fiscal au cours des dernières années. Ce texte réaffirme que la non-imposition des associations aux impôts commerciaux est la règle, et lassujettissement lexception. Apportant une clarification indispensable, la publication de cette instruction sest accompagnée dun large abandon des redressements opérés par ladministration fiscale.
Cependant, elle a suscité des difficultés dinterprétation et dapplication, en particulier pour les petites associations, qui forment le tissu du mouvement associatif, et quil faut à tout prix préserver. Cest pourquoi jai souhaité que le gouvernement propose des modifications plus substantielles, qui ont été annoncées hier par le secrétaire dEtat au budget.
Dabord, la date dapplication de linstruction est reportée au 1er janvier 2000. Les associations disposeront ainsi du temps nécessaire pour préparer la mise en oeuvre, dans leur gestion, des dispositions nouvelles. Ensuite, le Gouvernement proposera au Parlement, lors de lexamen du projet de loi de finances pour lannée 2000, dadopter une disposition nouvelle. Celle-ci permettra dexonérer de tout impôt commercial, et donc de toute déclaration, les nombreuses associations qui, outre leur activité principale non lucrative, ont une petite activité commerciale accessoire -en deçà de 250 000 francs de chiffre daffaires- qui bien souvent permet de soutenir financièrement leur projet associatif.
Enfin, il me paraît nécessaire de réfléchir à lévolution des associations reconnues dutilité publique. Celles-ci pourraient, sous certaines conditions dorganisation et de transparence, être autorisées à rémunérer certains de leurs dirigeants, sans que cela remette en question leur gestion désintéressée. Ce projet a été étudié par un groupe de travail auquel participaient les représentants du monde associatif. Le gouvernement est prêt à tirer, de ses conclusions, des conséquences sur le plan législatif.
Certains dentre vous voudraient que ladaptation du cadre juridique et fiscal soit plus radicale et demandent la reconnaissance de lutilité économique et sociale des associations. Dautres souhaitent la création dune entité juridique nouvelle, qui trouverait place entre les entreprises et les pouvoirs publics : lentreprise à but social. Sur ce point, la réflexion doit encore être approfondie. Un rapport doit prochainement être remis par M. Alain LIPIETZ à la ministre de lEmploi et de la Solidarité. Sur cette base, le Gouvernement procédera à un examen minutieux des avantages mais aussi des risques dune telle évolution.
Mesdames et Messieurs,
Ces Assises constituent une étape. Dailleurs, dautres manifestations importantes auront lieu, en particulier les Etats Généraux du tourisme social et associatif, dont la secrétaire dEtat au tourisme a pris linitiative. La réflexion sur lavenir des associations, engagée en mars 1998, va se poursuivre. Cest avec vous que le gouvernement souhaite continuer cette oeuvre de modernisation que vous avez appelée de vos voeux. Pour cela, il lui faut des interlocuteurs représentatifs de la diversité et de la richesse du mouvement associatif.
Sur ce point, je voudrais répondre à M. Hubert PREVOT, qui soulevait la question de la reconnaissance institutionnelle des associations par les pouvoirs publics. La préparation de ces Assises a permis à chacun de prendre conscience de ce que la situation actuelle a dimparfait. Je me réjouis donc de la volonté du mouvement associatif de se doter dune instance représentative. Je sais le mouvement amorcé à cet égard par la Conférence permanente des coordinations associatives. Le gouvernement est prêt à sassocier à cette démarche. Il nous faut en effet un forum de concertation permanente, sur toutes les questions où les associations peuvent nourrir le débat démocratique. Le Conseil National de la Vie Associative pourrait, de façon complémentaire, apporter aux pouvoirs publics son expertise sur la vie des associations.
Pour mesurer ensemble lavancement de tous ces chantiers, je vous propose de nous fixer une nouvelle échéance : celle du centenaire de la loi de 1901. Je souhaite que cette commémoration soit une grande fête de la citoyenneté, pour laquelle toutes les associations sont invitées à se mobiliser. Pour préparer et organiser cette célébration, une mission interministérielle sera créée, dont la présidence sera confiée à M. Jean-Michel BELORGEY. Donnons-nous rendez-vous en 2001 pour célébrer les cent ans de la liberté dassociation.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr)