Texte intégral
* Quelles sont vos propositions pour donner aux travailleurs davantage de sécurité et enrayer la précarité ?
* Quelles sont vos propositions pour prendre en compte le besoin de compétitivité des entreprises et permettre simultanément aux salariés de se réinsérer le plus rapidement possible ?
R - Ces deux questions renvoient au thème de la "sécurisation des parcours professionnels". La CFTC a fait partie des pionniers sur cette réflexion. Aujourd'hui, chacune des organisations, patronales et syndicales, que je rencontre, me dit : "Nous sommes intéressés par le modèle scandinave de flexi-sécurité". Les garanties de sécurité apportées aux salariés à l'avenir ne doivent plus être attachées seulement à l'entreprise, et l'on doit pouvoir exercer le contrat de travail, soit dans le cadre d'un réseau d'entreprises, soit en utilisant le droit à formation acquis au cours du contrat de travail.
Cela met en évidence le rôle des partenaires sociaux. Puisque des discussions sont en cours sur ce sujet entre eux, j'attendrai d'eux des propositions précises et, si possible, consensuelles sur ce sujet de la flexi-sécurité.
J'attends également beaucoup des partenaires sociaux sur les conditions de travail et la question de la pénibilité. On voit de plus en plus de salariés en horaires atypiques, et les conditions du travail ouvrier se dégradent. Il faut y réfléchir pour ce qui concerne le travail lui-même (protection de la santé, évolution des carrières), comme pour ce qui concerne les retraites.
Cette question de la sécurité et de la précarité renvoie aussi au contrat de travail.
Je me suis opposé au CPE à cause de la longueur de la période d'essai, contraire à nos engagements internationaux. Au lieu de multiplier les types de contrats, le CDI devrait redevenir la norme - tandis que le CDD doit s'appliquer quand on sait qu'on a besoin d'un collaborateur pour un temps donné.
Il y a une autre façon de développer les entreprises et d'apporter plus de sécurité aux salariés : c'est de lutter contre le chômage. C'est pourquoi je propose de permettre à chaque entreprise de créer deux emplois nouveaux, sans charges (sauf les retraites) pendant cinq ans. Cela concerne toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d'activité et quelque soit leur taille, et, contrairement à tant de mesures de la "politique de l'emploi", c'est immédiatement compréhensible par tous et cela incitera, je le crois, à créer plusieurs centaines de milliers d'emplois en quelques mois, pour sortir notre pays de la dépression du chômage.
C'est le premier pas d'un travail à faire ensemble sur la question des charges sociales. Car ce qui recréera l'emploi, ce n'est pas l'augmentation continue de la précarité, c'est un coût de l'emploi redevenu abordable. Il nous faut mener une réflexion sur le financement de la solidarité nationale, en posant la question du transfert des charges qui pèsent sur le travail sur d'autres vecteurs d'activité.
* Quelles sont vos propositions pour favoriser l'entrée dans la vie active et la mobilité professionnelle choisie ?
R - Les jeunes sont parmi les principales victimes à la fois du chômage et de la précarité dans l'emploi.
Il y a plusieurs choses à faire pour une meilleure insertion dans l'emploi.
Pour améliorer les chances de réussite des étudiants, en particulier dans les premiers cycles généraux des universités, j'avais instauré le semestre d'orientation à l'entrée de l'université. Il faut qu'il retrouve cette vocation.
Pour les jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification ni expérience, j'ai proposé dès février 2006 d'expérimenter un « contrat 1ère expérience professionnelle », qui consiste à associer dans le contrat de travail formation et emploi : l'entreprise qui embauche un jeune dans cette situation, et qui le forme ainsi à l'emploi, doit être encouragée à faire cet effort, en se voyant rembourser la partie de la rémunération du jeune qui correspond à cet effort de formation.
Enfin, l'université se verra confier une nouvelle mission : l'insertion et la formation professionnelle.
* Quelles sont vos propositions pour permettre aux établissements et aux enseignants-éducateurs, publics comme privés, d'assumer leurs missions éducatives vis-à-vis des enfants et des familles, de préparer une bonne insertion professionnelle et sociale ?
R - L'éducation est la priorité absolue de mon projet.
Retrouver un collège paisible demande de reconstruire l'autorité du professeur et du surveillant. Pour les élèves difficiles, il faut proposer un suivi par des éducateurs compétents et/ou des psychologues. La présence d'adultes à l'école - que je prévois de renforcer, par exemple grâce au service civique - est nécessaire pour les études surveillées, pour assurer que la règle de l'école soit celle du respect mutuel.
La clé du succès, c'est l'innovation, l'évaluation et la communication de l'innovation. Le grand corps qu'est l'Éducation nationale a besoin d'autonomie à tous les niveaux, de gestion des ressources humaines, de co-responsabilité, de concertation transparente avec les femmes et des hommes qui font vivre l'Éducation nationale. Et l'enseignement privé joue aujourd'hui un rôle intéressant dans la recherche et l'évaluation des méthodes éducatives, d'enseignement, qui réussissent le mieux auprès des élèves d'aujourd'hui.
L'insertion professionnelle doit être une préoccupation centrale de l'école et de l'université. Chaque jeune devrait, avant de quitter un cycle d'études, diplômé ou non, être formé, un mois peut-être, à ce que sont l'emploi, l'entreprise, le parcours à suivre jusqu'à l'embauche.
* Comment faire en sorte que la valeur-travail soit au coeur des choix stratégiques des entreprises ? prise en compte des aspects sociaux, structures de dialogue entre les acteurs de l'entreprise, indépendance des administrateurs.
R - Je vois ainsi la répartition idéale des bénéfices d'une entreprise : un tiers pour les actionnaires, un tiers pour les salariés, un tiers réinvesti.
C'est une conception de la responsabilité commune des parties prenantes de l'entreprise, dirigeants, travailleurs, actionnaires ou associés, qui n'a pas été très partagée en France jusqu'à ces derniers temps, mais qui avance peu à peu.
Je propose une 6ème République qui garantisse l'exercice de la démocratie sociale, venant consolider la démocratie politique. En Europe, là où le dialogue est permanent, il y a plus de progrès social et économique que chez nous. C'est ainsi que je souhaite inscrire dans la constitution le principe de la saisine préalable des partenaires sociaux avant toute modification importante du droit du travail.
Nous devons également réfléchir sur la gouvernance des entreprises, et la rémunération des dirigeants. Je suis favorable à une loi sur la moralisation de la vie financière, qui obligera par exemple à ce que les avantages accordés aux dirigeants soient validés par l'assemblée générale des actionnaires.
* Quels engagements prenez-vous pour favoriser la croissance par l'investissement des entreprises et la consommation ?
* Seriez-vous prêts à soutenir ces propositions et à les promouvoir, notamment par un effort budgétaire dont les retombées soutiendront la croissance ?
R - Le fond de la question est l'emploi, et donc encourager les entreprises à créer de l'emploi, et de la richesse. J'affirme d'abord la nécessité d'une stabilité juridique et fiscale : l'entreprise doit pouvoir penser son avenir dans le long terme. Il faut créer un environnement amical pour l'entreprise, y compris fiscal, particulièrement pour les PME.
Je m'engage sur une mesure active de protection de la petite et moyenne entreprise, un "Small Business Act" à la française : simplification, protection, accès aux marchés publics. Simplifier des contraintes administratives, fiscales, du droit et des procédures sociales - en faisant confiance pour cela aux entrepreneurs eux-mêmes. Réserver en Europe, comme les Etats-Unis le font depuis 50 ans, une part des marchés publics aux PME : 20 % du volume total des grands marchés et la totalité des marchés inférieurs à 50 000 euros. Et protéger leur trésorerie en veillant à ce que l'État respecte les délais de paiement qu'il impose aux autres...
Je suis prudent sur les politiques dites « de relance ». Voilà 25 ans que l'État laisse filer ses dépenses en prétendant que cela alimentera la croissance. Où étions-nous il y a 25 ans, et où sommes-nous aujourd'hui ? Nous étions l'un des pays qui avait le mieux résisté aux chocs pétroliers ; nous voilà parmi les pays au chômage le plus élevé, et à la croissance la plus basse. Nous étions l'un des pays les moins endettés ; nous voilà l'un de ceux dont la dette est la plus préoccupante.
Il y a des efforts budgétaires à faire pour le pouvoir d'achat des travailleurs et des retraités, pour encourager la création d'emplois, pour impulser la recherche ; mais ces dépenses nouvelles doivent être financées par des économies équivalentes. C'est ce que je prévois dans mon projet, et c'est ce qui le rend réalisable.
Je crois aux politiques de croissance, c'est-à-dire à l'investissement dans l'innovation : recherche, formation supérieure, PME, éducation nationale - et à la bonne gestion des affaires publiques. Un État géré de façon sérieuse, impartiale et transparente, c'est un encouragement puissant pour investir et se développer dans notre pays.
* Quels choix entendez-vous impulser dans le domaine du logement, crucial pour la cohésion sociale et l'aménagement du territoire ?
R - La France manque de logements et surtout de logements sociaux.
Elle en manque surtout dans les régions où il y a le plus d'emplois, et dont, par conséquent, la population augmente. Or ces emplois nouveaux peuvent financer la construction. Je propose donc de confier aux collectivités territoriales le soin de réguler et financer l'effort de construction ; en particulier, en régionalisant la contribution des entreprises au logement.
Il faut en particulier construire des logements sociaux. Dans un premier temps en appliquant effectivement la loi SRU et son article 55. Je propose de transférer temporairement aux préfets le pouvoir d'accorder les permis de construire dans les communes qui refusent de construire des logements sociaux. Je propose également d'aller plus loin, en prévoyant que chaque programme immobilier comprenne au moins 25 % de sa surface en logements sociaux, comme certaines villes l'imposent déjà. Voilà une autre démarche d'urbanisme que celle dont nous subissons aujourd'hui les conséquences, cités de logements sociaux d'un côté, quartiers bourgeois de l'autre.
Je veux enfin mettre fin au cauchemar des locataires et de leurs familles, que sont les dépôts de garantie et la recherche de personnes pour cautionner. J'ai proposé de supprimer les cautions et les dépôts de garantie, et de les remplacer par un mécanisme d'assurance mutuelle, qui ne coûtera que quelques euros par mois. Et en apportant plus de sécurité aux propriétaires, cela les incitera à mettre en location.
* Quelles mesures envisagez-vous pour restaurer et garantir les grands principes qui fondent le socle de l'assurance-maladie ?
R - Je veux effectivement restaurer et garantir les principes fondateurs de l'assurance-maladie :
- Couverture mutuelle du risque : à chaque génération de financer ses dépenses de santé. Faire payer sa santé par la génération de nos enfants n'est pas admissible.
- Égal accès de chacun aux soins de santé : cesser de transférer le coût sur les patients, ce qui ne fait d'ailleurs qu'accroître les coûts.
- Solidarité nationale, c'est-à-dire contribution selon les facultés de chacun - à l'inverse d'une logique d'assurance privée.
Comment améliorer la gestion de notre système de santé, de façon à concilier ces trois principes ? En associant tous les acteurs de la santé, pour passer à une maîtrise médicalisée, et non à une maîtrise comptable (prétendue mais imaginaire) des dépenses. L'enquête que nous avons conduite auprès des médecins montrent qu'ils sont conscients que la réforme de 2004 qui n'a abordé aucun des vrais problèmes, et disposés à participer aux évolutions nécessaires.
Cette association de tous les acteurs peut se faire dans un cadre régional, permettant d'adapter l'offre aux besoins locaux, qu'il s'agisse de l'hospitalisation, de la répartition des professionnels libéraux dans les villes et les campagnes, des démarches de prévention.
* Quelles mesures comptez-vous promouvoir afin d'accompagner les familles à poursuivre leur mission de lien social ?
R - Je propose une politique de soutien et d'éducation des familles pour aider les pères et les mères à donner à leurs enfants les repères qui leur serviront toute sa vie. Je veux développer les formes d'éducation populaire, les "écoles des parents". Je suis enfin inquiet de l'influence de la télévision sur les enfants - certaines émissions ont pour seul "attrait" est la violence exacerbée, ne jouent sur la fascination de l'instinct de mort, véhiculent une image dégradée de la femme. Il faut en protéger l'enfance, les interdire quand l'intolérable est franchi.
Mais la première chose est que les parents aient la possibilité d'être auprès de leurs enfants.
Je veux donc maintenir les limites au travail le dimanche. On parle de "volontariat", mais ce serait du volontariat contraint, et je sais qui se retrouverait aux caisses des grandes surfaces : beaucoup de femmes qui, le dimanche, ne verraient plus leurs enfants.
D'autres candidats ont promis un "service public de la petite enfance". Je n'y crois pas : l'Etat ne peut tout résoudre à la place des parents. Mais il faut développer les possibilités de garde d'enfants, en particulier les crèches à proximité des implantations d'entreprises - et pas forcément des crèches d'entreprise, pour éviter que les mamans ne soient corvéables à merci. Je propose aussi que le congé parental puisse être fractionné jusqu'aux 16 ans de l'enfant, pour que les parents puissent lui consacrer du temps à tout moment de sa scolarité.
* Quelles seraient vos propositions sur la retraite en tenant compte des aspirations légitimes des salariés ?
R - Chacun le sait, la retraite par répartition est menacée par l'allongement de la durée de la vie et la diminution de la population active. Le Livre Blanc de Michel Rocard, et les prévisions du Conseil d'orientation des retraites en donnent la certitude : la réforme des retraites est une obligation. En 1950, il y avait cinq actifs pour un retraité en France et nous allons vers un temps où il y aurait plus de retraités que d'actifs. La charge serait au-dessus des forces des actifs.
Elu Président de la République, je saisirai les partenaires sociaux, j'associerai le Conseil économique et social, tous les organismes publics et privés concernés et le monde associatif. Ce débat national devra aboutir à la rédaction d'un projet de loi qui sera soumis à référendum.
Pour moi, cette réforme devra s'orienter autour des principes suivants :
- égalité des Français devant la retraite, en particulier par la prise en compte de la pénibilité du travail dans le barème (notamment le travail de nuit, les trois-huit, le port de charges lourdes ou la répétitivité du métier) ;
- revalorisation des petites retraites, pour que le minimum atteigne 90 % du SMIC à la fin du quinquennat ;
- unification des régimes en tenant compte des droits acquis ;
- transparence et liberté : chaque actif choisira librement l'âge de son départ à la retraite à partir de soixante ans, en toute connaissance de ses droits.
C'est le principe des retraites par points, aujourd'hui suivi par les caisses de retraite complémentaires : des droits se créent au fil du temps, la pension s'accroît au fur et à mesure des cotisations.
Le barème devra tenir compte du temps passé à éduquer les enfants, et des engagements bénévoles qui dont partie de ce que la collectivité a reçu.
Une fois établis ces principes qui concernent tous les citoyens, il reviendra aux partenaires sociaux, y compris les représentants des retraités, de construire ce système de retraite par répartition, et de le gérer en pleine responsabilité.
* Quelles mesures préconisez-vous pour faire du développement durable un objectif partagé par les acteurs économiques ?
R - Passer de l'obsession unique de l'activité économique à un objectif plus large de développement humain durable, c'est une autre façon de prendre des décisions politiques, qui regarde le long terme et pas seulement le court terme. Voilà pourquoi je nommerai un numéro 2 du gouvernement, chargé du long terme.
La clé pour que les acteurs économiques préservent le climat de la planète, c'est qu'ils y aient intérêt : que cela coûte moins cher de protéger l'environnement que de polluer, de contribuer à l'effet de serre. Il faut donc planifier à long terme une régulation du prix des énergies fossiles. Si chacun sait ce que coûtera le carburant, le gaz, à 15 ans, il pourra programmer son équipement, son futur chauffage, ses panneaux solaires, etc. C'est ainsi que je mettrai en place la taxe carbone.
Un plan national pour une croissance sobre doit aussi fixer des objectifs précis d'énergies renouvelables, en particulier les biocarburants et le solaire ; accroître fortement les crédits publics de recherche ; aider les pays émergents à trouver des voies de croissance énergétiquement sobres ; prévoir la réduction des déchets (objectif -20 %).
Les économies d'énergie passeront également par le renforcement des normes dans le bâtiment, la réduction de la place de l'automobile dans les modes de transport, le développement du ferroutage.
* Quels sont vos engagements sur ces questions européennes, pour ériger l'emploi en une politique transversale ? Que pensez-vous faire pour que la France et l'Union Européenne promeuvent au niveau mondial un développement respectueux des personnes qui ne peut être atteint par les simples mécanismes économiques ?
R - Aujourd'hui, en matière d'emploi et de croissance, l'Europe est, au mieux, verbale : c'est la "stratégie de Lisbonne", tout le monde se met d'accord ... pour ne rien faire ensemble.
Il y a tout de même l'euro et la Banque centrale. Comme toute banque centrale indépendante, elle lutte contre l'inflation et garantit la confiance en la monnaie : ce sont des objectifs sociaux. Cela allège en particulier les intérêts de notre dette.
Mais en face de la Banque centrale indépendante, pour dialoguer avec elle, il faudrait une politique économique européenne. Nous voulons qu'elle s'édifie, notamment bien sûr dans la zone euro. Je considère donc comme une priorité d'institutionnaliser le groupe des pays de la zone euro, l'Eurogroupe.
Il faut sortir du silence sur le déséquilibre dans les monnaies, notamment le taux actuel du Yuan, la monnaie chinoise. La concurrence chinoise repose certes sur le coût du travail, mais elle repose principalement sur la sous-évaluation de la monnaie chinoise. Nous devrions donc poser publiquement l'exigence d'équité en matière monétaire, qui permettrait un fair-play dans le commerce international et l'industrie - fair-play qui n'existe pas aujourd'hui. Voilà une protection efficace que l'Europe peut apporter à nos salariés et à nos entreprises.
Dans la mondialisation, dont nous connaissons les contraintes, l'Europe doit faire respecter les principes du droit d'équité et de réciprocité.
Nous avons également besoin, à l'intérieur de l'Europe, non de dumping, mais d'harmonie dans les politiques économiques nationales. L'Eurogroupe pourrait :
- pousser à l'harmonisation de nos politiques nationales,
- pousser à l'harmonisation des politiques fiscales, empêcher la course au moins-disant fiscal : établir, pour chaque impôt ou pour chaque grande famille d'impôts, des règles d'assiette commune, des fourchettes de taux communs avec un minimum et un maximum, autrement dit un serpent fiscal comme il y eu naguère un serpent monétaire. On pourrait réfléchir en priorité à une harmonisation de l'impôt sur les sociétés.
- animer la réflexion collective sur la fiscalité écologique.
Les salariés doivent se voir reconnaître des droits à l'échelle de l'Europe : droit à la formation professionnelle et à la formation continue, participation aux résultats de l'entreprise, protection des conditions de travail et de la sécurité, intégration des travailleurs handicapés, égalité entre femmes et hommes. Enfin, il faut faire reconnaître par l'Europe la spécificité des services publics. Je pense par exemple à une renégociation de la directive postale.
* Que proposez-vous pour renforcer le rôle des organisations syndicales en particulier dans les PME. Quels dispositifs privilégiez-vous pour garantir la légitimité et le pluralisme des organisations syndicales ?
R - Je veux restaurer la démocratie sociale.
Cela veut d'abord dire : respecter l'autonomie de gestion des partenaires sociaux sur les questions qui concernent essentiellement employeurs et salariés. Ainsi du système de retraite par répartition universel, que je propose.
C'est aussi consulter la société. C'est aux politiques d'assumer la responsabilité des décisions, mais il faut auparavant une réflexion partagée avec ceux qui seront les utilisateurs, qui assumeront les décisions prises. L'organisation du débat public doit avoir lieu, en particulier dans le cadre du Conseil économique et social, que je veux rénover, afin de mettre en saine confrontation les acteurs économiques et sociaux. Je suis favorable à un délai de 3 mois, sauf urgence, entre l'annonce du dépôt d'un projet de loi et son examen par le Parlement, pour que le débat public s'installe.
Ainsi, toutes les propositions que j'ai formulées sur le travail, les retraites, seront d'abord soumises aux partenaires sociaux.
En ce qui concerne la question de la représentativité, je saisirai les partenaires sociaux de ce sujet, en leur laissant le temps nécessaire pour élaborer de nouvelles règles de représentativité. Celles-ci sont indispensables si l'on veut donner plus d'espace à la négociation collective dans l'élaboration du droit. Elles devront ainsi donner les garanties nécessaires aux salariés pour que les accords de branches signés entre les partenaires sociaux soient équilibrés. S'ils ne peuvent se mettre d'accord, le législateur devra prendre ses responsabilités et élaborer lui-même ces nouvelles règles. Pour moi, elles devraient reposer sur l'élection. Mais pourquoi pas également réfléchir à des critères complémentaires, tels que le nombre d'adhérents, la présence géographique, la répartition par branches d'activités, voire sur les services que peuvent apporter les organisations syndicales aux salariés... Les récentes propositions du Conseil économique et social sur ces critères de représentativité sont une base de réflexion très appréciable.
Dans un monde en changement rapide, l'État ne peut pas trouver les réponses à la place de la société. L'invention de voies nouvelles nécessite une société de l'autonomie ; cette société de l'autonomie repose sur la séparation des pouvoirs, la légitimité des partenaires, et sur la transparence, qui fonde la reconnaissance.Source http://www.cftc.fr, le 16 avril 2007