Déclaration de M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, sur les axes prioritaires dans les secteurs d'activité liés à la pêche et le développement de la recherche en milieu marin, Paris le 27 juin 2007.

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Circonstance : Intervention devant le Conseil économique et social le 27 juin 2007

Texte intégral

Monsieur le président, mesdames et messieurs les conseillers,
C'est avec un plaisir toujours renouvelé que je me rends au conseil économique et social, dont j'apprécie la qualité la précision et le pragmatisme des avis et rapports. Votre travail est une source d'informations et de propositions très importante, et en tant que ministre, j'y ai toujours porté une attention très particulière. Ce fut le cas en novembre de l'année dernière avec l'adoption de votre avis sur le développement de l'intermodalité. C'est le cas aujourd'hui avec cet avis sur le secteur des pêches et de l'aquaculture en Outre-mer.
C'est pourquoi, une semaine après ma nomination comme secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, je tenais tout particulièrement à être parmi vous. Vous comprendrez qu'après 8 jours de présence à l'Outre-mer, je ne vous dresse pas un état précis des actions que je compte mener. Vos travaux et mes prochaines rencontres avec les acteurs politiques économiques et sociaux m'y aideront. Mais en tant qu'élu d'un département maritime, et ancien ministre de l'aménagement du territoire, je ne découvre pas les problématiques liées à la mer, et je peux dès aujourd'hui vous donner les axes prioritaires de mon action.
De plus, le Premier ministre m'a également confié, aux côtés de l'Outre-mer, la conception d'un vaste programme de valorisation des ressources océaniques de la France dont, bien entendu, l'exploitation et la valorisation des ressources biologiques marines prennent toute leur place.
On a coutume d'évoquer les pêches maritimes et non pas la pêche maritime. S'agissant de l'Outre-mer, cette appellation est particulièrement exacte. Comme vous le soulignez dans votre avis, on ne peut pas plaquer un modèle uniforme de prise en compte et de développement des pêches car la diversité de l'Outre-mer français est extrême dans sa composition, dans sa situation géographique, et dans sa situation statutaire.
En effet, mis à part la Guyane et la Terre Adélie, territoires continentaux, notre Outre-mer est composé d'îles ou d'archipel. L'Outre-mer, c'est également un apport de plus de 10,6 millions de km2 de zone économique exclusive sur tous les océans du globe, permettant à la France d'être le deuxième Etat maritime du monde.
Avec une biodiversité très large mais différente selon les océans, avec des règles de gestion des pêcheries très distinctes : de l'intégration à la politique européenne commune des pêches à la compétence directe des collectivités et la compétence partagée Etat/conseil général, avec des marchés intérieurs aux caractéristiques diversifiées, nous devons donc apporter une réponse adaptée à la situation de chacun de nos territoires. L'unique constante est ma volonté de développer ce secteur car il est une source de progrès économique et social indéniable et les possibilités sont immenses.
Pour se faire, je compte agir simultanément sur le développement de l'existant - pêches et cultures marines - et sur les perspectives d'avenir - les biotechnologies - encore très peu exploitées de nos jours. Bien entendu, j'ai également un leitmotiv que vous connaissez : le développement durable car je suis fermement convaincu que le progrès économique peut assurer sa pérennité tout en étant respectueux de notre environnement.
Car si la mer est nourricière, elle est aussi un régulateur thermique de notre climat, un lieu d'échanges privilégié ou transite 90% du commerce intercontinental, un espace d'attractivité pour notre tourisme et qui offre, grâce aux richesses de son sol et de son sous-sol, encore inexploités, de fortes potentialités de développement. Ce sont les raisons pour lesquelles il convient également de la protéger, de protéger sa biodiversité.
S'agissant des pêches et des cultures marines, je vais raisonner en terme de filière intégrée qui peut être mise en oeuvre quelque soit la situation du territoire ou de sa production marine. Par filière intégrée, j'entends ne pas déconnecter la nécessité d'améliorer la production de sa commercialisation, et de sa transformation le cas échéant, tout en veillant aux équilibres biologiques car si la mer est riche, elle n'est pas inépuisable.
Toutes les études scientifiques s'accordent sur le point que la ressource de notre Outre-mer n'est pas exploitée à son maximum. Nous sommes donc loin de l'instauration de quotas de pêche à l'exception de Saint-Pierre et Miquelon et des Terres Australes et Antarctiques Françaises, d'autant plus que la sagesse et l'expérience de nos pêcheurs conduisent déjà à une régulation des captures. Cette même sagesse doit nous conduire à lutter de manière forte et efficace contre la pêche illégale.
Des ressources halieutiques existent. A nous de savoir les mettre en valeur, et je crois en cette formule : pêcher plus et pêcher mieux. Ce n'est donc pas un ratissage systématique et sans discernement de nos fonds marins ou des espèces pélagiques que je prône, mais la recherche d'une amélioration sensible de l'apport économique de la production pour l'avenir de nos territoires. C'est la raison pour laquelle je considère l'aspect commercialisation comme fondamental. Il ne servirait à rien de pêcher plus si la destination principale du poisson est le retrait ou la minoterie. Des potentialités existent sur les marchés intérieurs, les captures ne suffisant pas à la consommation locale dont la part des importations varie de 17 jusqu'à 83 %. Des potentialités existent également sur les marchés de la métropole, européens ou étrangers, car la demande de produits de la mer demeure soutenue.
Une meilleure commercialisation suppose un traitement adapté du poisson dès sa pêche, des installations de réception, une organisation globale du marché le tout dans des conditions sanitaires irréprochables. De l'équipement du navire jusqu'à sa vente au consommateur, des infrastructures sont nécessaires et je sais que celles ci sont encore défaillantes notamment sur les points de débarquement ou sur la continuité de la chaîne du froid. Des investissements devront être consentis en la matière.
La valorisation des produits de la mer doit être recherchée si elle est possible car je ne méconnais pas certains obstacles à la compétitivité de nos territoires ultra-marins en la matière dont l'éloignement de ceux ci avec les principaux centres de consommation. C'est la raison pour laquelle, il est préférable d'exporter un produit transformé plutôt qu'à l'état brut. C'est cette industrie de la transformation qui génère le plus de valeur ajoutée et d'emplois. Là encore, ce n'est pas dans mon esprit un impératif absolue mais une recherche systématique de ce qui peut permettre au secteur de la pêche en Outre-mer de fonctionner mieux. Certes, il existe le programme européen d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité ou POSEI Pêche qui compense les surcoûts induits par l'ultra périphérie mais il est limité à la Guyane et à la Réunion. Pour nos autres implantations ultramarines, j'estime nécessaire la mise en place d'une mission d'experts en ingénierie logistique peut apporter des réponses intéressantes. Je solliciterai donc cette mission.
S'agissant des cultures marines, je suis convaincu que c'est une perspective d'avenir intéressante. Cependant, elle ne peut là non plus être généralisée à tout l'Outre-mer.
Face à la demande croissante de consommation de produits de la mer et à la production halieutique qui ne peut être augmentée à l'infini - déjà la moitié des stocks mondiaux de poissons marins sont pleinement exploités- l'aquaculture permet de passer d'un stade de simple cueillette à celui de la culture, comme l'homme l'a fait dans le domaine agricole. Déjà, plus de 30% de la consommation vient de l'aquaculture et on estime qu'en 2030, elle excèdera celle de la pêche. Dans certains pays, la production aquacole dépasse déjà très largement celle de la pêche.
Le secteur aquacole est bien structuré en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, en démarrage à Saint-Pierre et Miquelon, et encore peu développé dans le reste de l'Outre-mer. Il est en effet difficile de lutter contre la concurrence vive d'autres pays aquacoles qui se sont lancés dans cette voie il y a plusieurs dizaines d'années. Il est difficile de trouver les surfaces nécessaires à cette activité. Et il est difficile de réunir la trésorerie nécessaire à une production qui ne peut être récoltée que quelques années après son lancement. Notre Outre-mer peut trouver une voie vers des produits de haute qualité, à forte valeur ajoutée, et géographiquement démarqués par un label ou une appellation spécifiques.
Comme pour tout système productif, je n'oublie pas les hommes qui travaillent, cherchent ou inventent les produits de demain.
L'amélioration du secteur de la pêche doit se traduire par une meilleure sécurité des marins tant par l'équipement des navires que de l'équipement individuel de chaque marin, et par une formation professionnelle adaptée à chaque département, région ou collectivité d'Outre-mer. Je souhaite que sur ces points, une réflexion approfondie soit engagée afin de mieux « coller » aux réalités du terrain.
Le plan de développement de la flotte de pêche des départements d'Outre-mer accepté à l'automne 2006 est une première mesure concrète qui permettra une meilleure sécurité. Mais bien sur, chaque collectivité d'Outre-mer a droit à une sécurité identique. Des démarches similaires doivent donc être impulsées en ce sens. C'est une question d'équité.
Enfin, dans ce domaine de l'utilisation des ressources halieutiques de la mer, il existe un dernier volet qui me tient tout particulièrement à coeur, et sur lequel j'ai acquis depuis des années qu'il était le moteur de notre compétitivité de demain : Je veux parler de la recherche.
Déjà, l'amélioration de la production et de la commercialisation ultramarine ne peut se faire sans un minimum de connaissances scientifiques sur les espèces et les moyens les plus adaptés à leur capture respectant les fonds marins et limitant au maximum les prises accessoires. De même, il faudra avoir recours à une ingénierie financière adaptée.
Mais la recherche, ce peut et cela doit être l'utilisation de nouvelles ressources marines dont on tire de nouvelles molécules notamment pour la santé et l'agriculture. Grâce à la clairvoyance de notre actuel Président de la République Nicolas Sarkozy qui a créé les pôles de compétitivité alors qu'il était aux finances, nous avons la chance de bénéficier de 2 pôles de compétitivité à vocation mondiale spécialisé en ce domaine : le pôle Mer Bretagne et le pôle Mer PACA. De surcroît, ces deux pôles se sont liés par un comité de coordination interrégional afin de ne pas se concurrencer mais au contraire de mutualiser leur compétence et de multiplier le spectre de leur recherche.
Ces 2 pôles ont retenu les biotechnologies marines dans leur axes stratégiques. A titre d'exemples, je citerai le projet HEMORGAN sur l'utilisation de l'hémoglobine d'un ver marin pour la conservation d'organes avant transplantation, ou le projet SEALACIAN sur l'utilisation des poissons de l'espèce sélaciens pour élaborer des médicaments au propriétés anti-cancéreuses ou anti-infectieuses.
Je compte bien m'appuyer sur ces structures pour intégrer le formidable potentiel que représente l'Outre-mer en la matière.
Tels sont les axes prioritaires que je compte donner à mon action à l'Outre-mer pour le secteur des pêches et des cultures marines. Je m'emploierais à explorer toutes les possibilités qui sont à notre portée en liaison avec mon collègue de l'agriculture.
Il me reste à définir les actions précises qui seront menées dans ce cadre. A ce titre, votre rapport et votre avis me sont très précieux pour la définition de la conduite de mon action, et je vous remercie de cet important et excellent travail mené par la section de l'agriculture et de l'alimentation.
Ces axes seront bien entendu inclus dans le programme de valorisation des ressources océaniques de la France que le Premier ministre m'a chargé d'établir. Ce programme s'inscrit dans un cadre plus vaste et avec la volonté de redonner à la mer et à l'espace maritime français, une place de premier ordre.
Avec l'Outre-mer français, notre zone économique exclusive est la seconde du monde. Il faut savoir mériter cette place.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 28 juin 2007