Texte intégral
Monsieur le maire,
Messieurs les ministres,
Madame et Messieurs les parlementaires,
Messieurs les maires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'être aujourd'hui dans la commune de Saint-Pierre, chère à Elie Hoarau. J'ai voulu consacrer la deuxième journée de mon déplacement au sud : d'abord à Mafate, où vit une population isolée mais courageuse et inventive, puis au Tampon, où M. Thien-Ah-Koon m'a accueilli, maintenant à Saint-Pierre, capitale du sud.
Je suis accompagné du ministre délégué à la ville, M. Claude Bartolone, du secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Christian Paul et du secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, M. François Patriat. Je suis déjà venu plusieurs fois dans l'île et j'y reviens avec plaisir comme Premier ministre, pour écouter ce que mes concitoyens de la Réunion, leurs élus et leurs responsables économiques et sociaux veulent me dire, de leurs problèmes et des solutions à y apporter.
Ces problèmes, ce sont ceux du chômage et de l'exclusion, ceux d'une jeunesse qui a souvent du mal à trouver sa place, de tous ceux pour qui la vie dans l'île reste difficile.
Devant vous, qui habitez Saint-Pierre ou d'autres communes du sud, devant vos maires, je voudrais d'abord affirmer, comme je l'ai fait à la mairie de Saint-Denis, au conseil régional, au conseil général, puis devant des chefs d'entreprises ceci :
Le Gouvernement a défini une politique complète et cohérente pour faire reculer le chômage et pour atteindre l'égalité sociale à la Réunion.
En plus des mesures nationales, comme les emplois jeunes ou les 35H, qui s'appliquent aussi à la Réunion, la loi d'orientation pour l'outre-mer, votée le 13 décembre dernier, a mis en place des outils puissants pour le développement et l'emploi dans votre île.
Cette loi traduit également la volonté du Gouvernement de lutter contre l'exclusion, sous toutes ses formes. Le combat pour l'égalité sociale va connaître une nouvelle conquête avec l'alignement du RMI, qui sera complètement réalisé dans moins d'un an : c'est un Gouvernement de gauche qui a engagé la politique de l'égalité sociale, c'est un autre Gouvernement de gauche, celui que je dirige, qui va la mener à son terme
Le Gouvernement veut aussi aider le sud à devenir un deuxième pôle de développement pour l'île.
Bien sûr, il n'a jamais été dans l'intention du Gouvernement, ni de personne, j'imagine, de séparer en deux parties le territoire de la Réunion. Le sud et le nord sont évidemment complémentaires et je me garderai bien de les opposer.
Mais il y a des réalités dont il faut tenir compte : le sud de la Réunion, qui s'affirme aujourd'hui, a été longtemps moins développé, plus isolé, comme éloigné du chef lieu du département, où se concentrait presque toute l'activité politique, administrative, économique, culturelle et de formation de la Réunion. A une autre échelle, la Métropole a connu, et dans une certaine mesure connaît encore, une concentration des activités dans une seule agglomération. Or un tel phénomène a des effets redoutables. Le centre a tendance à toujours plus se densifier et la périphérie à s'appauvrir. Le premier risque l'asphyxie et le second la saturation. Certes, la Réunion n'est pas la métropole et Saint-Denis n'est pas Paris, mais d'autres caractéristiques de la Réunion aggravent les conséquences de ce déséquilibre.
Votre île est en effet de plus en plus peuplée et la majorité de la population vit sur un espace resserré, entre la mer et la montagne. La circulation est donc difficile sur le littoral et particulièrement pour l'accès à Saint-Denis par l'ouest. Pour ceux qui vivent au sud, aller au nord prend de plus en plus de temps. La durée imprévisible des trajets complique la vie professionnelle et personnelle.
Il est bien sûr nécessaire, pour éviter que cette situation ne s'aggrave, d'améliorer les routes. L'Etat, la région et le département sont engagés dans des travaux importants et coûteux. Il faut aussi développer les transports en commun. Mon Gouvernement a décidé d'aider la région à financer l'étude d'un transport en site propre entre la Possession et Saint-Denis, maillon d'une grande liaison nord-sud.
Mais tous ces efforts risquent d'être insuffisants si la concentration des activités au nord oblige ceux qui habitent au sud à effectuer ces trajets plus souvent qu'il ne devrait être nécessaire.
Il me semble donc clair que le territoire de la Réunion doit être rééquilibré vers le sud. Tous les Réunionnais devraient pouvoir s'accorder sur cet objectif d'aménagement du territoire : avoir non pas un pôle administratif et économique unique mais deux principaux, au nord et au sud, complétés par deux pôles secondaires, à l'est et à l'ouest. La densité et le relief de l'île le justifient.
Le pôle du sud doit offrir au plus grand nombre les activités dont l'absence conduit trop souvent à se déplacer au nord : travail, formation, services publics et démarches administratives, commerces, activités de loisirs.
C'est l'intérêt du sud, mais c'est aussi l'intérêt du nord, car ces grandes migrations quotidiennes de population sont coûteuses en aménagements pour l'agglomération de Saint-Denis et y provoquent des nuisances pour la vie quotidienne de ses habitants et pour l'environnement.
A l'évidence, ce mouvement de rééquilibrage en faveur du sud de l'île est déjà bien engagé. Les efforts des communes, soutenus notamment par le conseil régional et par l'Etat dans le cadre du contrat de plan Etat-Région, ont produit leurs effets : les infrastructures, les zones industrielles et artisanales, les lieux de formation, y compris maintenant un centre universitaire, traduisent le développement du sud de l'île.
Cette politique d'équipements publics dans le sud doit être poursuivie, notamment pour les infrastructures de communication, routières, portuaires, aéroportuaires. La région, qui a la responsabilité de l'aménagement du territoire, a commencé à la mettre en uvre. Le Gouvernement lui donnera tout son appui.
Pour soutenir le développement du sud de la Réunion, le Gouvernement considère qu'il faut créer un nouveau département, au plus près des citoyens.
Le projet de bidépartementalisation à la Réunion est porté depuis de longues années par des élus convaincus et combatifs. Un grand nombre de responsables, à tous les niveaux, y ont adhéré. Des hostilités et des hésitations subsistent, peut-être parce que la bidépartementalisation a été beaucoup caricaturée et est devenue un terrain d'affrontement pour des combats qui n'ont pas grand chose à voir avec cette question. Il faut donc mieux l'expliquer. De plus, l'étude des conditions de mise en uvre de la bidépartementalisation a révélé des problèmes juridiques et d'organisation nouveaux.
Il faut aussi tracer le cadre dans lequel doit se situer la bidépartementalisation : celui d'une réforme d'ensemble de l'organisation administrative de la Réunion. La carte administrative de l'île a en effet été dessinée à une époque très différente de la nôtre. Elle est aujourd'hui inadaptée. Elle ne favorise pas la participation des citoyens. Elle est même devenue un frein au développement de l'île.
Alors qu'en métropole, les communes sont très nombreuses, ce qui a conduit à encourager fortement l'intercommunalité - notamment par une loi votée en 1999 - elles sont à la Réunion peu nombreuses et d'une grande superficie. Il faut donc rapprocher l'administration communale du citoyen. On sait que la décision de créer de nouvelles communes est prise au terme d'une procédure dans laquelle la commune concernée joue un rôle déterminant. L'Etat n'a ni la possibilité ni la volonté de prendre lui-même l'initiative d'une refonte de la carte communale. Mais il est prêt à aider les communes où s'exprime une telle volonté à la concrétiser.
La carte des cantons, qui sont à la Réunion des parties de communes alors qu'ils couvrent généralement plusieurs communes en métropole, paraît aussi poser problème. Il convient donc de travailler à un redécoupage cantonal pour la Réunion. C'est la volonté de la majorité des élus et c'est une nécessité.
Pour mieux aménager le territoire de la Réunion, pour rapprocher l'administration départementale du citoyen, pour traduire l'émergence du sud et favoriser son développement, la création d'un nouveau département paraît nécessaire, en complément d'une réorganisation des cartes communale et cantonale.
Le Gouvernement souhaite que la bidépartementalisation soit entreprise avant la fin de l'année 2001.
Il présentera donc un projet de loi qui en fixera les modalités et qui sera soumis à l'avis du conseil général et du conseil régional en avril prochain. Ce projet de loi sera ensuite inscrit à l'ordre du jour du Parlement pour être voté avant la fin de l'année 2001.
La bidépartementalisation, ainsi acquise, entrera ensuite dans les faits par étapes.
Dès le premier janvier 2002, un préfet délégué auprès du préfet de la Réunion, chargé de l'administration du sud, sera nommé. Il résidera à Saint-Pierre. Il aura notamment pour mission de préparer la réorganisation des services administratifs qu'impliquera la bidépartementalisation, en concertation avec les élus et avec les personnels.
Ainsi, la " bidep " commencera à se concrétiser. Les Réunionnais pourront alors constater que les craintes qui ont été suscitées à son sujet étaient vaines et qu'elle est une chance pour toute la Réunion.
La bidépartementalisation est un moyen pour mieux atteindre dans le sud les objectifs que le Gouvernement entend poursuivre, avec ses élus, pour toute la Réunion : développer l'économie pour créer des emplois, parachever l'égalité sociale, mieux organiser le territoire de l'île, rapprocher les institutions des citoyens.
Le Gouvernement mettra tout en uvre pour que la Réunion les atteignent. Il appuiera les efforts des élus du sud pour que cette partie de l'île bénéficie des résultats de la politique de progrès économique et social que nous conduisons pour la Réunion.
J'ai confiance dans la capacité des Réunionnais à se mobiliser pour relever les défis du développement et de l'emploi. Ils peuvent compter sur le soutien du Gouvernement et sur mon engagement personnel.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 31 janvier 2001)