Texte intégral
ENTRETIEN AVEC L'HEBDOMADAIRE "LE JOURNAL DU DIMANCHE" le 17 janvier 1999
Q - Pourquoi la France a-t-elle tant tardé ?
R - Nous sommes parmi les derniers, c'est vrai, mais nous sommes dans les temps. Ce qui importe, c'est que le Traité d'Amsterdam soit ratifié en mars 1999, et selon toute probabilité, il le sera puisque l'étape la plus difficile, la révision constitutionnelle, devrait être franchie demain à Versailles, compte tenu du vote formulé dans d'excellentes conditions par les deux Assemblées.
Q - Ce vote n'est-il pas le résultat d'une bonne cohabitation pourtant plus crispée ces derniers
temps ?
R - Il est vrai que cette révision a été approuvée par le PS et les Verts, mais aussi par une grande partie du RPR, de l'UDF et de Démocratie libérale, à l'exception de Charles Pasqua, de Philippe de Villiers et de leurs amis "souverainistes". Mais c'est aussi un beau succès parlementaire du gouvernement ! Qui eût dit qu'il n'y aurait qu'une seule lecture devant les deux Assemblées pour la révision constitutionnelle, autour du texte agréé par le gouvernement, et que les amendements contradictoires seraient si nettement repoussés ?
Q - Après l'euphorie des premiers jours, la dévaluation du real brésilien a créé un début de tempête en Europe. L'euro n'est donc pas un bon rempart ?
R - C'est la confirmation qu'il faut introduire des mécanismes de régulation des mouvements des capitaux. A l'automne dernier, la France a élaboré un mémorandum, à l'initiative de Dominique Srauss-Kahn, qui propose un certain nombre de remèdes. Dans ce contexte de turbulences monétaires mondiales, il est évident que l'euro constitue un pôle de stabilité, pour les Européens
et aussi pour le reste du monde, mais il ne résout pas par lui-même tous les déséquilibres. C'est pourquoi l'euro doit être un élément, mais pas le seul, de la reconstruction du système monétaire international.
Q - Cela ne conforte-t-il pas les eurosceptiques ?
R - Bien au contraire, cela illustre les bienfaits de l'euro ! Mais il existe une appréhension et il faut y répondre. Les Français et leurs amis européens seront d'autant plus convaincus de la réussite de l'euro qu'ils en verront les bénéfices pour eux, dans leur vie quotidienne, notamment face aux problèmes du chômage. C'est désormais la tâche des gouvernements européens, à dominante social-démocrate, de bâtir de nouvelles normes sociales, des politiques plus volontaristes.
Rééquilibrer la construction européenne dans un sens plus favorable à la croissance et à l'emploi, voilà en tous cas la philosophie du gouvernement Jospin.
Q - L'Europe, malgré l'euro, ne reste-t-elle pas un géant sans tête, sans identité politique ?
R - 1999 est l'année de l'euro, dit-on. 1999 doit être plus largement l'année de l'Europe. Nous avons devant nous toute une série de rencontres européennes extrêmement importantes. Nous traiterons, dès mars 1999, de nos problèmes de financement et des politiques communes. Puis viendra le renouvellement des instances européennes, notamment de la Commission européenne et de sa présidence ainsi que la nomination d'un "M. ou d'une Mme. PESC" (Politique étrangère et de sécurité commune). Je souhaite que ce soit une personnalité issue d'un pays favorable à l'affirmation d'une identité européenne de défense. Il y aura ensuite les élections européennes, la marche vers l'élargissement aux pays de l'Europe centrale et orientale. Bref, nous allons commencer à réfléchir à la réforme des institutions européennes, car il faut donner un deuxième étage à la fusée, celui de l'Europe politique et sociale.
Q - Après la décision de créer un comité d'experts sur les fraudes, ne peut-on craindre un affaiblissement de la Commission et du Parlement européens ?
R - Le Parlement européen a eu raison de demander à la Commission des comptes sur la fraude.
C'est son rôle et cela va dans le sens du renforcement démocratique des institutions communautaires. Pour autant, il n'aurait pas été bon que la Commission soit censurée alors que l'agenda européen est très chargé. Il demeure que c'est un événement politique important qui marquera la relation entre le Parlement européen et la Commission européenne en général. A l'avenir, la Commission devra toujours trouver sa légitimité devant le Parlement européen./.
ENTRETIEN AVEC « FRANCE-INTER » le 18 janvier 1999
Q - Parlera-t-on un jour dune souveraineté européenne ? Sera-t-elle suffisamment crédible et forte pour quelle empêche quun enfant de douze ans puisse être, sous les yeux de sa mère, tué dune balle dans la nuque à Racak au Kossovo ? Le président serbe Milosevic dans une Europe souveraine aurait-il le front de continuer à ne pas respecter lapplication daccord pour un cessez-le-feu au Kossovo que des observateurs de lOrganisation pour la sécurité et la coopération en Europe sétaient chargés de surveiller. 45 civils ont été massacrés à Racak sous les yeux de lEurope. Nous savons, au prix dincroyables performances logistiques, lancer leuro, rendre la monnaie européenne crédible. Mais qua pu cette monnaie, à Racak ? Aujourdhui, à Versailles, députés et sénateurs se réunissent en Congrès afin de réviser la Constitution et ratifier ensuite le Traité dAmsterdam. Pour une Europe qui saurait empêcher Racak ? La modification de la Constitution pour ratifier le Traité dAmsterdam peut-elle contribuer à ce quun jour puise exister une Europe qui empêche Racak ?
R - Oui, je le crois. Il ne faut pas faire dAmsterdam le repoussoir que certains font. Il ne faut pas en faire non plus le très grand traité fondateur dune Europe politique. Mais il y a au moins un élément qui est en lien avec ce qui se passe à Racak, un élément modeste. Je trouve quon est sévère et en même temps lucide par rapport à ce qui se passe là-bas. Cet élément, cest la mise en place dune Politique étrangère et de sécurité commune qui ait un visage, qui ait un opérateur, M. ou Mme PESC - M. ou Mme Politique étrangère et de sécurité commune. Je ne dis pas que ce soit la panacée, mais le fait est quil y a une histoire qui explique que lEurope ne puisse pas avoir cette souveraineté, quelle ne puisse pas intervenir directement. Il y a plusieurs choses : dabord parce que nous avons affaire à plusieurs Etats souverains, et la Yougoslavie en est un aussi. Deuxièmement, parce que cest lONU qui est compétente dans ce genre de problème. Troisièmement parce quil faut être capable dactiver lOTAN. LOTAN, quand même, est en train, peut-être pas de bouger, mais de se préoccuper de cette affaire-là. Dailleurs, la réunion dhier a conservé lordre dactivation des forces aériennes, et des responsables militaires de très haut niveau qui vont là-bas. Cest important parce quil sagit de peser sur Milosevic avant éventuellement daller plus loin - et peut-être le faudra-t-il. Cest vrai quon est bouleversé, scandalisé, horrifié devant ce qui se passe. Mais cela ne doit pas laisser inactif.
Jen reviens à Amsterdam, il y a cet événement : M. ou Mme PESC ne sera peut-être pas le ministre des Affaires étrangères de lUnion, mais quelquun qui serait capable dimpulser cette politique étrangère et de sécurité commune. Une fois de plus, on a tendance à incriminer lEurope. Réagissons dans lautre sens, et disons quil en faut plus, disons que cela doit accélérer la construction de lEurope politique, de lEurope de défense, plutôt que de la critiquer que la énième fois pour ce quelle na pas pu faire. Cest logique quelle ne puisse pas le faire, cela fait 50 ans quelle se construit sur une autre logique qui est la logique économique.
Q - Mais ce M. ou Mme Europe qui fera appliquer la politique étrangère de lEurope, sera-t-il vraiment capable de faire valoir une forme de souveraineté de lEurope ? Jinsiste là-dessus, parce quil y a un débat dans notre pays sur labandon de la souveraineté française. Au moins lâche-t-on quelque chose pour quelque chose de plus fort, de plus crédible ?
R - Je ne poserai peut-être pas le débat en ces termes car cela fait un peu peur dabandonner ainsi sa souveraineté, de la transférer à dautres ; il sagit plutôt de la partager. Cest ce que nous avons fait en matière économique, depuis longtemps. Avec leuro, cest vrai quil y a un décalage entre cette extrême technicité et les problèmes simples, apparemment. mais, cest le produit de lHistoire : cela fait cinquante ans que nous construisons léconomie sur une base économique. Nous bâtissons lEurope sur la base dun marché, nous faisons ensuite la concurrence, nous réalisons la monnaie, et cest laboutissement dun processus qui fait que nous vivons dans un espace de libre circulation.
Mais il faut plus. Il faut de la politique, il faut de la sécurité, il faut de la défense. Les Européens, dès 1954, ont refusé cela en refusant la Communauté européenne de défense. Cest donc un modèle plus pragmatique qui sest mis en place. Aujourdhui, cest vrai quil faut couronner lEurope de leuro par un modèle politique et par un modèle social. Il y a toute la dimension emploi qui est fondamentale - le Pacte européen pour lemploi -, mais aussi cette dimension sécurité, cette dimension défense. Il faut donc réformer les institutions, car les institutions - on la vu avec la crise du Parlement européen et de la Commission la semaine dernière - ne permettent pas dêtre plus actifs que cela. Il faut bâtir un pouvoir politique. Plutôt que lEurope de la souveraineté, je préfère cette Europe politique que nous devons bâtir. Il faut que cette Europe politique ait une dimension interne mais aussi une dimension externe, une dimension de sécurité interne par rapport à tous les problèmes migratoires, de drogue, de criminalité organisée, et une dimension de sécurité extérieur. Cela passe pour une défense. Et là-dessus les Européens commencent à bouger doucement avec leur histoire. Je pense à la déclaration des Français et des Anglais à Saint-Malo. Cest dans ce sens-là quil faut poursuivre. Cest vrai quil y a une certaine urgence : il faut accélérer ; il ne faut pas avoir peur de lEurope. Il faut être capable de dire effectivement quen politique étrangère aussi, nous allons partager notre souveraineté. Cela ne veut pas dire que la France soit moins forte, mais cela veut dire que lEurope sera capable dagir plus vite. Mais toujours dans le cadre international : noublions pas lONU, noublions pas lOTAN.
Q - Mais leuro est-il un accélérateur politique qui permettra aussi de faire cette Europe de la défense ? Ce serait quand même gênant que lopinion se dise : « on sait faire leuro, on sait aller là où cela rapporte vite et bien, mais pour le reste on verra plus tard ».
R - Leuro est un accélérateur de cohésion des Européens. Les Européens ont la même monnaie : cest quand même un symbole formidable et on voit un intérêt nouveau, une adhésion nouvelle à lEurope. Il faut lapprofondir et être capable de lapporter ailleurs. Moi, jaime bien lEurope de leuro, mais en même temps nous ne sommes pas tous des financiers, loin sen faut ! Nous ne sommes pas tous seulement intéressés par ce type de profits-là. Il faut que lEurope ait aussi une âme et une action. Cest pour cela, je le répète, quil faut ce trépied. LEurope économique avec lemploi en plus de leuro ; lEurope sociale avec tout le dialogue social, avec laménagement, la réduction du temps de travail, avec des conventions collectives européennes, avec la protection des droits ; et lEurope politique, celle qui peut sincarner, celle qui peut se projeter.
Cest cela lenjeu maintenant : nous franchissons le deuxième millénaire, dans dix ans, dans quinze ans nous serons trente dans cette Europe-là et pas seulement quinze, et cette Europe sera réunifiée. Elle comprendra les anciens pays communistes, les pays dEurope centrale, orientale. Peut-être un jour, dailleurs, devra-t-elle inclure les pays dex-Yougoslavie quand ils auront enfin trouvé la paix. Cette Europe à trente est une autre Europe, cest une Europe politique, ce ne pourra plus uniquement être lEurope économique du marché commun. Dailleurs, les politiques communes dans cette Europe à trente nauront pas forcément le même dessein que dans lEurope daujourdhui. Cest cette ambition-là quil nous faut porter très vite. Je souhaite que nous réformions les institutions de lEurope avant lan 2001, avant quon puisse terminer lélargissement pour lui donner cette capacité de projection. Mais sur la défense on peut avancer plus vite, et cette nomination de Monsieur ou Madame PESC, qui est un des éléments du Traité dAmsterdam - pas le seul -, justifie largement quon ratifie ce traité. Ce nest pas le grand traité, encore une fois, mais cest un traité utile, un traité dont on doit se servir, et qui doit servir toute de suite.
Q - Il ny a pas denjeu sur le vote au Congrès cet après-midi. On sait très bien quil y aura une très large majorité pour la modification de la Constitution et ratifier ensuite Amsterdam. Mais, encore une fois, vous avez le sentiment, tant à droite quà gauche, dabandonner quelque chose qui est un moment de lhistoire de notre pays, qui était cette fameuse souveraineté française à laquelle de Gaulle était tellement attaché. Comment envisagez-vous ce passage à autre chose ?
R - Dabord, Amsterdam ce nest pas cela. Certains, comme Charles Pasqua, disent : « On abandonne la France, cest une forfaiture ». Tout cela est une plaisanterie.
Q - Il y a un transfert, quand même, qui sopère ?
R - Il y a un transfert parmi dautres. Ce Traité dAmsterdam couronne toute une série dautre texte - le Traité de Rome, lActe unique, le Traité de Maastricht. Cest la suite, cest ladaptation, cest un traité qui comporte pour lessentiel des dispositions techniques. Il nest plutôt pas assez important que trop important. Je lui reproche, justement, quil nait pas cette dimension politique, quil ne comporte pas la réforme des institutions européennes. Mais cest un traité qui continue dans le sens du partage de souveraineté, dans un certain nombre de domaines où lEurope doit être plus active. Qui ne croit pas que lEurope doit être plus active dans le domaine de lemploi, dans le domaine du social ? Qui ne croit pas que lEurope doit reconnaître les services publics ? Cest cela le Traité dAmsterdam. Qui ne croit pas quil faille aller vers une politique étrangère et de sécurité commune ? On ne doit pas avoir peur dAmsterdam. Lenjeu est de continuer à rester une nation parce que la France est une nation forte. Nous y sommes attachés, nous ne sommes pas forcément pour le modèle fédéraliste, mais être capable ne même temps dagir ensemble dans un modèle coopératif, avec des mécanisme de décisions. Cest cela lEurope. Pour moi, la Nation et lEurope ne sopposent pas. Mais, partager notre souveraineté avec lEurope renforce la Nation.
Q - Alain Peyrefitte la pose la question dans les colonnes du Figaro, ce matin : nest-il pas dommage quil ny ait pas eu un grand référendum populaire qui traduirait, finalement, ladhésion de ceux qui font lEurope ?
R - Moi, je ne suis pas du tout opposé au référendum, ni au référendum sur lEurope. François Mitterrand lavait choisi à propos de Maastricht, cétait un risque et cétait aussi une chance. Et dailleurs, paradoxalement, cela a donné de la force à lEurope. Mais pas sur Amsterdam : pour quil y ait référendum, il faut quil y ait une question claire à laquelle on répond par oui ou par non. La monnaie unique : voilà un symbole ! Dans Amsterdam, on ne trouve pas cela, on trouve toute une série de dispositions...
Q - Assez techniques et complexes.
R - Voilà, cest un patchwork ! On ne vote pas par référendum sur un patchwork. Si cela avait été le cas, ceux qui le soutiennent - et cest mon cas - mais qui le font un peu sans enthousiasme - parce quil y aura des éléments de déception - nauraient pas fait une campagne ardente. Quant à ceux qui lauraient attaqué, ils auraient continué à déformer, et auraient profité de ce traité qui nest pas le grand traité pour essayer dattaquer lEurope et de faire reculer lEurope. Or, chacun voit - et cette affaire de Racak nous y renvoie encore - que lEurope doit avancer. Elle a ses défauts, cest vrai, elle frustre. Mais, en même temps, cest notre seule voie pour lavenir si nous voulons bâtir un futur commun. Je souhaite que lEurope à travers ces péripéties - Amsterdam en est une - continue davancer dans le sens, encore une fois, dune Europe qui soit plus politique et plus sociale./.
(Source http://www.france.diplomatie)
ENTRETIEN AVEC "RFI" le 29 janvier 1999
Q - Bonjour Pierre Moscovici. L'Europe à l'étape d'Amsterdam, voilà le nom de lacampagne d'information lancée hier par le ministère des Affaires européennes dans lecadre de la ratification du Traité d'Amsterdam qui devrait avoir lieu avant la fin du moisde mars. Une brochure distribuée à un million d'exemplaires, un site Internet et des cartespostales. On reste loin des moyens déployés pour promouvoir l'euro certes mais il s'agittout de même d'associer le mieux possible le public à un texte d'étape qui reste compliqué,souvent obscur et sans avancées décisives. Il est sûr, en tout cas, que c'est la question del'emploi qui a le plus de chance de toucher.
R - Un Traité c'est toujours cela ; c'est la création de droit sur lequel on assied des politiques.Nous ne voulons pas, bien sûr, nous contenter du Traité qui, sans cela, ne serait qu'un papier.Nous voulons aller plus loin et c'est pour cela que nous avons proposé à Amsterdam justementune résolution sur la croissance de l'emploi.
Puis, il y a eu à Luxembourg, il y a un an, le Sommet européen consacré à l'emploi - c'est lepremier dans l'histoire de l'Union -, ensuite à Vienne, on a décidé de mettre en place un Pacteeuropéen pour l'emploi. Cela veut dire que de même qu'il y a des critères de Maastricht, il fautde plus en plus que les Européens aillent vers des objectifs en matière d'emploi : je pense à lalutte contre le chômage de longue durée, à la lutte contre le chômage lui-même ; je pense aussi àtout ce qui concerne l'effort de formation en faveur des demandeurs d'emploi, à la formation toutau long de la vie, au rééquilibrage des prélèvements obligatoires, fiscaux, entre le capital et letravail, dans un sens qui soit plus favorable encore à l'emploi. Voilà ce que l'on doit faire. Sanscompter le dialogue social, sans compter le principe d'un salaire minimum à l'échelle européenne.Il y a un champ immense qui n'est pas encore défriché et le Traité d'Amsterdam, encore unefois, est un instrument utile pour aller dans ce sens-là.
Q - Il reste que le gouvernement a toujours pris ses distances avec le Traité d'Amsterdam,que les socialistes ont découvert en arrivant au pouvoir en 1997. Comment fait-on lapromotion d'un texte que l'on a beaucoup critiqué ?
R - Les choses sont plus compliquées ; ce n'est pas avec le Traité que nous sommes endésaccord. Nous pensons qu'il manque quelque chose dans le Traité, qu'il manque notamment laréforme des institutions, qu'il manque l'Europe politique, que nous souhaitons. Il faut donc ajouterquelque chose au Traité. Mais quand je regarde le Traité lui-même, je n'y vois rien de négatif. Jen'y vois que des points utiles, points utiles un peu trop parsemés, points utiles parfois insuffisantsmais points utiles tout de même et donc il n'y a rien dans le Traité qui me choque./.
ENTRETIEN AVEC "FRANCE CULTURE" le 29 janvier 1999
Q - Le gouvernement lance aujourd'hui une campagne d'information autour du Traitéd'Amsterdam. Prévue pour durer trois mois, cette campagne s'appuie sur la distributionpar les préfectures d'un million de brochures. Cette campagne coïncidera notamment avecle débat parlementaire sur la ratification du Traité par la France. Le ministre délégué auxAffaires européennes explique pourquoi cette campagne n'est pas venue plus tôt.
R - Nous ne pouvions pas faire cette campagne auparavant, car nous étions dans le débat le plusdélicat devant le Parlement : celui sur la révision constitutionnelle préalable. Il s'estexceptionnellement bien passé. En effet, réunies en Congrès le 18 janvier, les deux assembléesont voté à une majorité de plus de 80 %, mais ce n'était pas acquis. Je crois que cela auraitsemblé être une pression assez inacceptable sur les parlementaires, si nous avions lancé cettecampagne plus tôt - j'entends déjà ce qu'aurait dit Charles Pasqua. Je vois aussi l'embarras danslequel d'autres auraient pu être placés, qui ont quand même voté la révision constitutionnelle etdonc, je souhaitais qu'on travaille sur une base, qui soit une base assainie.
Maintenant le Parlement a montré qu'il souhaitait aller beaucoup plus loin. C'est une bonne choseet c'était le moment pour faire cette campagne. Il ne fallait pas non plus tarder davantage, parcequ'ensuite nous tombions sur les élections européennes. Et ce que je souhaite, ce n'est pas fairede la politique, c'est informer et c'est d'ailleurs une contrainte stricte. Nous sommes avant unecampagne électorale, il ne s'agit pas de faire la pré-campagne électorale de quiconque. Il s'agitd'informer, par une campagne d'information du gouvernement, du Parlement européen, de la Commission, puisque nous travaillons ensemble, sur le Traité d'Amsterdam./.
ENTRETIEN AVEC "RTL" le 31 janvier 1999
Q - Il n'est pas aisé de présenter le Traité d'Amsterdam reconnaît Pierre Moscovici, leministre des Affaires européennes. Partant de ce constat, le gouvernement lance unecampagne d'information afin d'aider les Français à comprendre les mécanismes et lesenjeux de l'Europe et ce, alors que le projet de ratification du Traité sera présenté dansles semaines qui viennent aux deux Chambres du Parlement. Jannine Perrimond ademandé à Pierre Moscovici ce que les Français pouvaient attendre concrètement de cettenouvelle étape dans la construction européenne.
R - Le Traité d'Amsterdam est un traité utile qui doit permettre d'abord des nouveaux droitssociaux : il introduit un chapitre emploi, un chapitre social dans les traités précédents et c'estnotamment sur cette base-là que nous pourrons aller vers un Pacte européen pour l'emploi. Etau-delà, il introduit des nouveaux droits, je pense à la non-discrimination, à l'égalitéhommes/femmes qui sont bien sûr des droits fondamentaux et dont on devrait d'ailleurs tenircompte davantage en France.
Le deuxième apport d'Amsterdam, c'est tout ce qui concerne la sécurité intérieure et la liberté decirculer. Nous sommes dans une Europe dans laquelle les problèmes de criminalité organisée, demafia, de trafics de drogue, d'immigration, ne peuvent pas être traités, contrairement à ce quedisent les souverainistes, par une nation ou par un Etat. Ils ont besoin d'une coopération politique,judiciaire. Le Traité d'Amsterdam constitue une avancée forte dans ce sens-là.
La troisième avancée, c'est tout ce qui concerne la défense, la sécurité commune. On voit avecce qui se passe en Iraq, avec ce qui se passe au Kossovo qu'il y a une demande d'Europe enmatière de sécurité, qu'il y a une insuffisance d'Europe. J'espère que sur la base du Traitéd'Amsterdam, nous pourrons avoir une personnalité, - monsieur ou madame PESC, Politiqueétrangère et de sécurité commune -, qui personnifiera l'Europe, qui permettra qu'on l'entende, quipermettra de répondre à la question posée jadis à Kissinger : quand j'appelle l'Europe, quel est lenuméro de téléphone ? Quelle est la personne qui est au bout de la ligne ? Et qui mettra aussi enoeuvre les prémices d'une défense commune ?
Voilà trois apports d'Amsterdam, c'est pour cela que, je répète, ce Traité est un traité qui estinsuffisant mais utile parce qu'il introduit plus de droits sociaux, plus de liberté et de sécurité, plusde défense. Ce sont des avancées concrètes que nous souhaitons, même si, en même temps, il ya beaucoup de lacunes./.
(Source http://www.france.diplomatie )
Q - Pourquoi la France a-t-elle tant tardé ?
R - Nous sommes parmi les derniers, c'est vrai, mais nous sommes dans les temps. Ce qui importe, c'est que le Traité d'Amsterdam soit ratifié en mars 1999, et selon toute probabilité, il le sera puisque l'étape la plus difficile, la révision constitutionnelle, devrait être franchie demain à Versailles, compte tenu du vote formulé dans d'excellentes conditions par les deux Assemblées.
Q - Ce vote n'est-il pas le résultat d'une bonne cohabitation pourtant plus crispée ces derniers
temps ?
R - Il est vrai que cette révision a été approuvée par le PS et les Verts, mais aussi par une grande partie du RPR, de l'UDF et de Démocratie libérale, à l'exception de Charles Pasqua, de Philippe de Villiers et de leurs amis "souverainistes". Mais c'est aussi un beau succès parlementaire du gouvernement ! Qui eût dit qu'il n'y aurait qu'une seule lecture devant les deux Assemblées pour la révision constitutionnelle, autour du texte agréé par le gouvernement, et que les amendements contradictoires seraient si nettement repoussés ?
Q - Après l'euphorie des premiers jours, la dévaluation du real brésilien a créé un début de tempête en Europe. L'euro n'est donc pas un bon rempart ?
R - C'est la confirmation qu'il faut introduire des mécanismes de régulation des mouvements des capitaux. A l'automne dernier, la France a élaboré un mémorandum, à l'initiative de Dominique Srauss-Kahn, qui propose un certain nombre de remèdes. Dans ce contexte de turbulences monétaires mondiales, il est évident que l'euro constitue un pôle de stabilité, pour les Européens
et aussi pour le reste du monde, mais il ne résout pas par lui-même tous les déséquilibres. C'est pourquoi l'euro doit être un élément, mais pas le seul, de la reconstruction du système monétaire international.
Q - Cela ne conforte-t-il pas les eurosceptiques ?
R - Bien au contraire, cela illustre les bienfaits de l'euro ! Mais il existe une appréhension et il faut y répondre. Les Français et leurs amis européens seront d'autant plus convaincus de la réussite de l'euro qu'ils en verront les bénéfices pour eux, dans leur vie quotidienne, notamment face aux problèmes du chômage. C'est désormais la tâche des gouvernements européens, à dominante social-démocrate, de bâtir de nouvelles normes sociales, des politiques plus volontaristes.
Rééquilibrer la construction européenne dans un sens plus favorable à la croissance et à l'emploi, voilà en tous cas la philosophie du gouvernement Jospin.
Q - L'Europe, malgré l'euro, ne reste-t-elle pas un géant sans tête, sans identité politique ?
R - 1999 est l'année de l'euro, dit-on. 1999 doit être plus largement l'année de l'Europe. Nous avons devant nous toute une série de rencontres européennes extrêmement importantes. Nous traiterons, dès mars 1999, de nos problèmes de financement et des politiques communes. Puis viendra le renouvellement des instances européennes, notamment de la Commission européenne et de sa présidence ainsi que la nomination d'un "M. ou d'une Mme. PESC" (Politique étrangère et de sécurité commune). Je souhaite que ce soit une personnalité issue d'un pays favorable à l'affirmation d'une identité européenne de défense. Il y aura ensuite les élections européennes, la marche vers l'élargissement aux pays de l'Europe centrale et orientale. Bref, nous allons commencer à réfléchir à la réforme des institutions européennes, car il faut donner un deuxième étage à la fusée, celui de l'Europe politique et sociale.
Q - Après la décision de créer un comité d'experts sur les fraudes, ne peut-on craindre un affaiblissement de la Commission et du Parlement européens ?
R - Le Parlement européen a eu raison de demander à la Commission des comptes sur la fraude.
C'est son rôle et cela va dans le sens du renforcement démocratique des institutions communautaires. Pour autant, il n'aurait pas été bon que la Commission soit censurée alors que l'agenda européen est très chargé. Il demeure que c'est un événement politique important qui marquera la relation entre le Parlement européen et la Commission européenne en général. A l'avenir, la Commission devra toujours trouver sa légitimité devant le Parlement européen./.
ENTRETIEN AVEC « FRANCE-INTER » le 18 janvier 1999
Q - Parlera-t-on un jour dune souveraineté européenne ? Sera-t-elle suffisamment crédible et forte pour quelle empêche quun enfant de douze ans puisse être, sous les yeux de sa mère, tué dune balle dans la nuque à Racak au Kossovo ? Le président serbe Milosevic dans une Europe souveraine aurait-il le front de continuer à ne pas respecter lapplication daccord pour un cessez-le-feu au Kossovo que des observateurs de lOrganisation pour la sécurité et la coopération en Europe sétaient chargés de surveiller. 45 civils ont été massacrés à Racak sous les yeux de lEurope. Nous savons, au prix dincroyables performances logistiques, lancer leuro, rendre la monnaie européenne crédible. Mais qua pu cette monnaie, à Racak ? Aujourdhui, à Versailles, députés et sénateurs se réunissent en Congrès afin de réviser la Constitution et ratifier ensuite le Traité dAmsterdam. Pour une Europe qui saurait empêcher Racak ? La modification de la Constitution pour ratifier le Traité dAmsterdam peut-elle contribuer à ce quun jour puise exister une Europe qui empêche Racak ?
R - Oui, je le crois. Il ne faut pas faire dAmsterdam le repoussoir que certains font. Il ne faut pas en faire non plus le très grand traité fondateur dune Europe politique. Mais il y a au moins un élément qui est en lien avec ce qui se passe à Racak, un élément modeste. Je trouve quon est sévère et en même temps lucide par rapport à ce qui se passe là-bas. Cet élément, cest la mise en place dune Politique étrangère et de sécurité commune qui ait un visage, qui ait un opérateur, M. ou Mme PESC - M. ou Mme Politique étrangère et de sécurité commune. Je ne dis pas que ce soit la panacée, mais le fait est quil y a une histoire qui explique que lEurope ne puisse pas avoir cette souveraineté, quelle ne puisse pas intervenir directement. Il y a plusieurs choses : dabord parce que nous avons affaire à plusieurs Etats souverains, et la Yougoslavie en est un aussi. Deuxièmement, parce que cest lONU qui est compétente dans ce genre de problème. Troisièmement parce quil faut être capable dactiver lOTAN. LOTAN, quand même, est en train, peut-être pas de bouger, mais de se préoccuper de cette affaire-là. Dailleurs, la réunion dhier a conservé lordre dactivation des forces aériennes, et des responsables militaires de très haut niveau qui vont là-bas. Cest important parce quil sagit de peser sur Milosevic avant éventuellement daller plus loin - et peut-être le faudra-t-il. Cest vrai quon est bouleversé, scandalisé, horrifié devant ce qui se passe. Mais cela ne doit pas laisser inactif.
Jen reviens à Amsterdam, il y a cet événement : M. ou Mme PESC ne sera peut-être pas le ministre des Affaires étrangères de lUnion, mais quelquun qui serait capable dimpulser cette politique étrangère et de sécurité commune. Une fois de plus, on a tendance à incriminer lEurope. Réagissons dans lautre sens, et disons quil en faut plus, disons que cela doit accélérer la construction de lEurope politique, de lEurope de défense, plutôt que de la critiquer que la énième fois pour ce quelle na pas pu faire. Cest logique quelle ne puisse pas le faire, cela fait 50 ans quelle se construit sur une autre logique qui est la logique économique.
Q - Mais ce M. ou Mme Europe qui fera appliquer la politique étrangère de lEurope, sera-t-il vraiment capable de faire valoir une forme de souveraineté de lEurope ? Jinsiste là-dessus, parce quil y a un débat dans notre pays sur labandon de la souveraineté française. Au moins lâche-t-on quelque chose pour quelque chose de plus fort, de plus crédible ?
R - Je ne poserai peut-être pas le débat en ces termes car cela fait un peu peur dabandonner ainsi sa souveraineté, de la transférer à dautres ; il sagit plutôt de la partager. Cest ce que nous avons fait en matière économique, depuis longtemps. Avec leuro, cest vrai quil y a un décalage entre cette extrême technicité et les problèmes simples, apparemment. mais, cest le produit de lHistoire : cela fait cinquante ans que nous construisons léconomie sur une base économique. Nous bâtissons lEurope sur la base dun marché, nous faisons ensuite la concurrence, nous réalisons la monnaie, et cest laboutissement dun processus qui fait que nous vivons dans un espace de libre circulation.
Mais il faut plus. Il faut de la politique, il faut de la sécurité, il faut de la défense. Les Européens, dès 1954, ont refusé cela en refusant la Communauté européenne de défense. Cest donc un modèle plus pragmatique qui sest mis en place. Aujourdhui, cest vrai quil faut couronner lEurope de leuro par un modèle politique et par un modèle social. Il y a toute la dimension emploi qui est fondamentale - le Pacte européen pour lemploi -, mais aussi cette dimension sécurité, cette dimension défense. Il faut donc réformer les institutions, car les institutions - on la vu avec la crise du Parlement européen et de la Commission la semaine dernière - ne permettent pas dêtre plus actifs que cela. Il faut bâtir un pouvoir politique. Plutôt que lEurope de la souveraineté, je préfère cette Europe politique que nous devons bâtir. Il faut que cette Europe politique ait une dimension interne mais aussi une dimension externe, une dimension de sécurité interne par rapport à tous les problèmes migratoires, de drogue, de criminalité organisée, et une dimension de sécurité extérieur. Cela passe pour une défense. Et là-dessus les Européens commencent à bouger doucement avec leur histoire. Je pense à la déclaration des Français et des Anglais à Saint-Malo. Cest dans ce sens-là quil faut poursuivre. Cest vrai quil y a une certaine urgence : il faut accélérer ; il ne faut pas avoir peur de lEurope. Il faut être capable de dire effectivement quen politique étrangère aussi, nous allons partager notre souveraineté. Cela ne veut pas dire que la France soit moins forte, mais cela veut dire que lEurope sera capable dagir plus vite. Mais toujours dans le cadre international : noublions pas lONU, noublions pas lOTAN.
Q - Mais leuro est-il un accélérateur politique qui permettra aussi de faire cette Europe de la défense ? Ce serait quand même gênant que lopinion se dise : « on sait faire leuro, on sait aller là où cela rapporte vite et bien, mais pour le reste on verra plus tard ».
R - Leuro est un accélérateur de cohésion des Européens. Les Européens ont la même monnaie : cest quand même un symbole formidable et on voit un intérêt nouveau, une adhésion nouvelle à lEurope. Il faut lapprofondir et être capable de lapporter ailleurs. Moi, jaime bien lEurope de leuro, mais en même temps nous ne sommes pas tous des financiers, loin sen faut ! Nous ne sommes pas tous seulement intéressés par ce type de profits-là. Il faut que lEurope ait aussi une âme et une action. Cest pour cela, je le répète, quil faut ce trépied. LEurope économique avec lemploi en plus de leuro ; lEurope sociale avec tout le dialogue social, avec laménagement, la réduction du temps de travail, avec des conventions collectives européennes, avec la protection des droits ; et lEurope politique, celle qui peut sincarner, celle qui peut se projeter.
Cest cela lenjeu maintenant : nous franchissons le deuxième millénaire, dans dix ans, dans quinze ans nous serons trente dans cette Europe-là et pas seulement quinze, et cette Europe sera réunifiée. Elle comprendra les anciens pays communistes, les pays dEurope centrale, orientale. Peut-être un jour, dailleurs, devra-t-elle inclure les pays dex-Yougoslavie quand ils auront enfin trouvé la paix. Cette Europe à trente est une autre Europe, cest une Europe politique, ce ne pourra plus uniquement être lEurope économique du marché commun. Dailleurs, les politiques communes dans cette Europe à trente nauront pas forcément le même dessein que dans lEurope daujourdhui. Cest cette ambition-là quil nous faut porter très vite. Je souhaite que nous réformions les institutions de lEurope avant lan 2001, avant quon puisse terminer lélargissement pour lui donner cette capacité de projection. Mais sur la défense on peut avancer plus vite, et cette nomination de Monsieur ou Madame PESC, qui est un des éléments du Traité dAmsterdam - pas le seul -, justifie largement quon ratifie ce traité. Ce nest pas le grand traité, encore une fois, mais cest un traité utile, un traité dont on doit se servir, et qui doit servir toute de suite.
Q - Il ny a pas denjeu sur le vote au Congrès cet après-midi. On sait très bien quil y aura une très large majorité pour la modification de la Constitution et ratifier ensuite Amsterdam. Mais, encore une fois, vous avez le sentiment, tant à droite quà gauche, dabandonner quelque chose qui est un moment de lhistoire de notre pays, qui était cette fameuse souveraineté française à laquelle de Gaulle était tellement attaché. Comment envisagez-vous ce passage à autre chose ?
R - Dabord, Amsterdam ce nest pas cela. Certains, comme Charles Pasqua, disent : « On abandonne la France, cest une forfaiture ». Tout cela est une plaisanterie.
Q - Il y a un transfert, quand même, qui sopère ?
R - Il y a un transfert parmi dautres. Ce Traité dAmsterdam couronne toute une série dautre texte - le Traité de Rome, lActe unique, le Traité de Maastricht. Cest la suite, cest ladaptation, cest un traité qui comporte pour lessentiel des dispositions techniques. Il nest plutôt pas assez important que trop important. Je lui reproche, justement, quil nait pas cette dimension politique, quil ne comporte pas la réforme des institutions européennes. Mais cest un traité qui continue dans le sens du partage de souveraineté, dans un certain nombre de domaines où lEurope doit être plus active. Qui ne croit pas que lEurope doit être plus active dans le domaine de lemploi, dans le domaine du social ? Qui ne croit pas que lEurope doit reconnaître les services publics ? Cest cela le Traité dAmsterdam. Qui ne croit pas quil faille aller vers une politique étrangère et de sécurité commune ? On ne doit pas avoir peur dAmsterdam. Lenjeu est de continuer à rester une nation parce que la France est une nation forte. Nous y sommes attachés, nous ne sommes pas forcément pour le modèle fédéraliste, mais être capable ne même temps dagir ensemble dans un modèle coopératif, avec des mécanisme de décisions. Cest cela lEurope. Pour moi, la Nation et lEurope ne sopposent pas. Mais, partager notre souveraineté avec lEurope renforce la Nation.
Q - Alain Peyrefitte la pose la question dans les colonnes du Figaro, ce matin : nest-il pas dommage quil ny ait pas eu un grand référendum populaire qui traduirait, finalement, ladhésion de ceux qui font lEurope ?
R - Moi, je ne suis pas du tout opposé au référendum, ni au référendum sur lEurope. François Mitterrand lavait choisi à propos de Maastricht, cétait un risque et cétait aussi une chance. Et dailleurs, paradoxalement, cela a donné de la force à lEurope. Mais pas sur Amsterdam : pour quil y ait référendum, il faut quil y ait une question claire à laquelle on répond par oui ou par non. La monnaie unique : voilà un symbole ! Dans Amsterdam, on ne trouve pas cela, on trouve toute une série de dispositions...
Q - Assez techniques et complexes.
R - Voilà, cest un patchwork ! On ne vote pas par référendum sur un patchwork. Si cela avait été le cas, ceux qui le soutiennent - et cest mon cas - mais qui le font un peu sans enthousiasme - parce quil y aura des éléments de déception - nauraient pas fait une campagne ardente. Quant à ceux qui lauraient attaqué, ils auraient continué à déformer, et auraient profité de ce traité qui nest pas le grand traité pour essayer dattaquer lEurope et de faire reculer lEurope. Or, chacun voit - et cette affaire de Racak nous y renvoie encore - que lEurope doit avancer. Elle a ses défauts, cest vrai, elle frustre. Mais, en même temps, cest notre seule voie pour lavenir si nous voulons bâtir un futur commun. Je souhaite que lEurope à travers ces péripéties - Amsterdam en est une - continue davancer dans le sens, encore une fois, dune Europe qui soit plus politique et plus sociale./.
(Source http://www.france.diplomatie)
ENTRETIEN AVEC "RFI" le 29 janvier 1999
Q - Bonjour Pierre Moscovici. L'Europe à l'étape d'Amsterdam, voilà le nom de lacampagne d'information lancée hier par le ministère des Affaires européennes dans lecadre de la ratification du Traité d'Amsterdam qui devrait avoir lieu avant la fin du moisde mars. Une brochure distribuée à un million d'exemplaires, un site Internet et des cartespostales. On reste loin des moyens déployés pour promouvoir l'euro certes mais il s'agittout de même d'associer le mieux possible le public à un texte d'étape qui reste compliqué,souvent obscur et sans avancées décisives. Il est sûr, en tout cas, que c'est la question del'emploi qui a le plus de chance de toucher.
R - Un Traité c'est toujours cela ; c'est la création de droit sur lequel on assied des politiques.Nous ne voulons pas, bien sûr, nous contenter du Traité qui, sans cela, ne serait qu'un papier.Nous voulons aller plus loin et c'est pour cela que nous avons proposé à Amsterdam justementune résolution sur la croissance de l'emploi.
Puis, il y a eu à Luxembourg, il y a un an, le Sommet européen consacré à l'emploi - c'est lepremier dans l'histoire de l'Union -, ensuite à Vienne, on a décidé de mettre en place un Pacteeuropéen pour l'emploi. Cela veut dire que de même qu'il y a des critères de Maastricht, il fautde plus en plus que les Européens aillent vers des objectifs en matière d'emploi : je pense à lalutte contre le chômage de longue durée, à la lutte contre le chômage lui-même ; je pense aussi àtout ce qui concerne l'effort de formation en faveur des demandeurs d'emploi, à la formation toutau long de la vie, au rééquilibrage des prélèvements obligatoires, fiscaux, entre le capital et letravail, dans un sens qui soit plus favorable encore à l'emploi. Voilà ce que l'on doit faire. Sanscompter le dialogue social, sans compter le principe d'un salaire minimum à l'échelle européenne.Il y a un champ immense qui n'est pas encore défriché et le Traité d'Amsterdam, encore unefois, est un instrument utile pour aller dans ce sens-là.
Q - Il reste que le gouvernement a toujours pris ses distances avec le Traité d'Amsterdam,que les socialistes ont découvert en arrivant au pouvoir en 1997. Comment fait-on lapromotion d'un texte que l'on a beaucoup critiqué ?
R - Les choses sont plus compliquées ; ce n'est pas avec le Traité que nous sommes endésaccord. Nous pensons qu'il manque quelque chose dans le Traité, qu'il manque notamment laréforme des institutions, qu'il manque l'Europe politique, que nous souhaitons. Il faut donc ajouterquelque chose au Traité. Mais quand je regarde le Traité lui-même, je n'y vois rien de négatif. Jen'y vois que des points utiles, points utiles un peu trop parsemés, points utiles parfois insuffisantsmais points utiles tout de même et donc il n'y a rien dans le Traité qui me choque./.
ENTRETIEN AVEC "FRANCE CULTURE" le 29 janvier 1999
Q - Le gouvernement lance aujourd'hui une campagne d'information autour du Traitéd'Amsterdam. Prévue pour durer trois mois, cette campagne s'appuie sur la distributionpar les préfectures d'un million de brochures. Cette campagne coïncidera notamment avecle débat parlementaire sur la ratification du Traité par la France. Le ministre délégué auxAffaires européennes explique pourquoi cette campagne n'est pas venue plus tôt.
R - Nous ne pouvions pas faire cette campagne auparavant, car nous étions dans le débat le plusdélicat devant le Parlement : celui sur la révision constitutionnelle préalable. Il s'estexceptionnellement bien passé. En effet, réunies en Congrès le 18 janvier, les deux assembléesont voté à une majorité de plus de 80 %, mais ce n'était pas acquis. Je crois que cela auraitsemblé être une pression assez inacceptable sur les parlementaires, si nous avions lancé cettecampagne plus tôt - j'entends déjà ce qu'aurait dit Charles Pasqua. Je vois aussi l'embarras danslequel d'autres auraient pu être placés, qui ont quand même voté la révision constitutionnelle etdonc, je souhaitais qu'on travaille sur une base, qui soit une base assainie.
Maintenant le Parlement a montré qu'il souhaitait aller beaucoup plus loin. C'est une bonne choseet c'était le moment pour faire cette campagne. Il ne fallait pas non plus tarder davantage, parcequ'ensuite nous tombions sur les élections européennes. Et ce que je souhaite, ce n'est pas fairede la politique, c'est informer et c'est d'ailleurs une contrainte stricte. Nous sommes avant unecampagne électorale, il ne s'agit pas de faire la pré-campagne électorale de quiconque. Il s'agitd'informer, par une campagne d'information du gouvernement, du Parlement européen, de la Commission, puisque nous travaillons ensemble, sur le Traité d'Amsterdam./.
ENTRETIEN AVEC "RTL" le 31 janvier 1999
Q - Il n'est pas aisé de présenter le Traité d'Amsterdam reconnaît Pierre Moscovici, leministre des Affaires européennes. Partant de ce constat, le gouvernement lance unecampagne d'information afin d'aider les Français à comprendre les mécanismes et lesenjeux de l'Europe et ce, alors que le projet de ratification du Traité sera présenté dansles semaines qui viennent aux deux Chambres du Parlement. Jannine Perrimond ademandé à Pierre Moscovici ce que les Français pouvaient attendre concrètement de cettenouvelle étape dans la construction européenne.
R - Le Traité d'Amsterdam est un traité utile qui doit permettre d'abord des nouveaux droitssociaux : il introduit un chapitre emploi, un chapitre social dans les traités précédents et c'estnotamment sur cette base-là que nous pourrons aller vers un Pacte européen pour l'emploi. Etau-delà, il introduit des nouveaux droits, je pense à la non-discrimination, à l'égalitéhommes/femmes qui sont bien sûr des droits fondamentaux et dont on devrait d'ailleurs tenircompte davantage en France.
Le deuxième apport d'Amsterdam, c'est tout ce qui concerne la sécurité intérieure et la liberté decirculer. Nous sommes dans une Europe dans laquelle les problèmes de criminalité organisée, demafia, de trafics de drogue, d'immigration, ne peuvent pas être traités, contrairement à ce quedisent les souverainistes, par une nation ou par un Etat. Ils ont besoin d'une coopération politique,judiciaire. Le Traité d'Amsterdam constitue une avancée forte dans ce sens-là.
La troisième avancée, c'est tout ce qui concerne la défense, la sécurité commune. On voit avecce qui se passe en Iraq, avec ce qui se passe au Kossovo qu'il y a une demande d'Europe enmatière de sécurité, qu'il y a une insuffisance d'Europe. J'espère que sur la base du Traitéd'Amsterdam, nous pourrons avoir une personnalité, - monsieur ou madame PESC, Politiqueétrangère et de sécurité commune -, qui personnifiera l'Europe, qui permettra qu'on l'entende, quipermettra de répondre à la question posée jadis à Kissinger : quand j'appelle l'Europe, quel est lenuméro de téléphone ? Quelle est la personne qui est au bout de la ligne ? Et qui mettra aussi enoeuvre les prémices d'une défense commune ?
Voilà trois apports d'Amsterdam, c'est pour cela que, je répète, ce Traité est un traité qui estinsuffisant mais utile parce qu'il introduit plus de droits sociaux, plus de liberté et de sécurité, plusde défense. Ce sont des avancées concrètes que nous souhaitons, même si, en même temps, il ya beaucoup de lacunes./.
(Source http://www.france.diplomatie )