Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Députés, Sénateurs et
Députés européens,
Monsieur le Préfet de Région,
Monsieur le Président du Conseil régional de Lorraine,
Messieurs les Présidents des Conseils généraux,
Messieurs les Préfets,
Madame et Monsieur les Premiers Présidents,
Messieurs les Procureurs généraux,
Mesdames et Messieurs les élus,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de votre présence. Il est apparu plus commode, pour réunir les élus venus des quatre départements de la région Lorraine, d'organiser cette rencontre à Nancy. Ce choix a suscité des polémiques. Je le regrette. Il va de soi, pour moi, que si j'étais venue annoncer la suppression d'une cour d'appel monodépartementale, je l'aurais fait à Metz. Je viens au contraire vous proposer un schéma qui maintient deux cours d'appel dans votre région. Cette décision nous a paru justifiée, car nous avons pleinement conscience des spécificités du droit d'Alsace-Moselle et de l'attachement des acteurs judiciaires à leur juridiction d'appel.
La concertation l'a d'ailleurs bien montré. J'en veux pour preuve les deux rapports des chefs de cour. Ils seront mis en ligne ce soir, en même temps que les propositions envisagées pour la cour d'appel de Nancy et pour celle de Metz.
Il est normal que les schémas d'organisation soient d'abord présentés à tous ceux qui sont concernés au premier chef : aux élus, car vous avez la légitimité de la représentation de nos concitoyens ; puis, tout à l'heure, aux acteurs du monde judiciaire, car ce sont eux qui ont en charge le fonctionnement du service public de la justice.
Je connais le dévouement et la passion que vous mettez au service de vos concitoyens et des collectivités que vous dirigez. Je sais ce que représente pour vous l'implantation ou la disparition d'un service public. Le Premier Ministre, à Lille, a réaffirmé l'importance de la réforme de l'Etat. La question de la justice est au coeur de cette ambition : « Il ne s'agit pas de faire moins, mais mieux pour la justice. »
Je veux vous assurer que la réforme de la carte judiciaire est conduite dans l'intérêt du justiciable, et donc des Français. Elle est inspirée de deux principes : la qualité de la justice et la réalité du territoire. Elle sera progressive et étalée sur trois ans.
I - Elle commencera en 2008 avec la mise en place des pôles de l'instruction.
Après le drame d'Outreau, l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté une loi qui vise à éviter l'isolement des juges, à encadrer les jeunes magistrats et à renforcer la collégialité.
Le législateur a ainsi prévu que la liste des tribunaux dans lesquels existerait un pôle de l'instruction serait déterminée par décret.
Aux termes de la loi, ces dispositions entrent en vigueur le 1er mars 2008, avec des formations collégiales de deux juges d'instruction, pour l'instruction des crimes et des délits les plus graves ou les plus complexes.
Elles concerneront toutes les affaires soumises à l'instruction à partir du 1er janvier 2010, avec des formations collégiales de trois juges d'instruction.
Nous nous sommes inscrits d'emblée dans la perspective de l'échéance de 2010. Il est paru logique de retenir comme pôle de l'instruction les tribunaux de grande instance qui ont d'ores et déjà une activité en matière d'instruction suffisante pour trois magistrats.
Notre volonté est d'apporter toutes les garanties aux justiciables et aux victimes par une véritable spécialisation de ces pôles en matière pénale. Naturellement, nous avons réfléchi à une répartition territoriale équilibrée.
La région Lorraine comptera, à partir du 1er mars 2008, trois pôles de l'instruction : au tribunal de grande instance de Metz, pour le ressort de cette cour d'appel ; aux tribunaux de grande instance de Nancy et d'Epinal pour le ressort de la cour d'appel de Nancy.
L'activité d'instruction de Briey, Bar-le-Duc et Verdun sera donc rattachée à Nancy.
Comme leur nom l'indique, ces pôles ne seront compétents qu'en matière d'instruction. Tous les tribunaux de grande instance - ceux qui seront pôles de l'instruction comme ceux qui ne le seront pas - conserveront leur compétence pour juger les délits. Les cours d'assises de Nancy, Bar-le-Duc, Epinal ainsi que celle de Metz resteront compétentes pour juger les crimes.
II - La réforme de la carte judiciaire se poursuivra en 2009 avec les tribunaux d'instance et les tribunaux de commerce.
Le bon fonctionnement de la justice passe par la continuité du service, l'accueil du justiciable, la sécurité des juridictions.
La qualité de la justice n'est pas compatible avec la situation que nous connaissons actuellement dans notre pays : des juges d'instance, souvent nommés à la sortie de l'Ecole nationale de la magistrature, isolés dans leur tribunal, sans possibilité d'échanges avec des magistrats plus expérimentés.
Nous ne pouvons pas continuer à disséminer les moyens, même si tous les gouvernements, de droite et de gauche, les augmentent depuis dix ans. Vous le savez bien, dès qu'il y a une absence, un congé de maternité, une formation, les magistrats isolés ou les fonctionnaires en petit nombre ont de grandes difficultés à assurer la continuité du service.
Pour les deux cours d'appel de Lorraine, on compte 22 tribunaux d'instance.
- 14 n'ont qu'un seul juge d'instance
- 2 sont actuellement sans magistrat
- 8 tribunaux d'instance comptent de 1 à 5 fonctionnaires
- 10 ont une activité qui ne justifie pas l'emploi d'un juge à plein temps.
Le regroupement et la mutualisation des moyens sont la condition d'une justice plus rapide et plus efficace.
Dans une juridiction plus importante, l'organisation du travail permet un audiencement plus rapide des affaires.
La charge de travail est mieux répartie. Les services du greffe sont spécialisés et plus efficaces. Les magistrats peuvent s'entraider. On améliore ainsi la réponse apportée à tous les justiciables.
L'étude attentive des propositions remises par les chefs de cour, des situations concrètes et des contraintes territoriales nous amène à concentrer l'activité de proximité sur 12 tribunaux d'instance pour les quatre départements.
Le département de la Meurthe-et-Moselle comptera trois tribunaux d'instance, à Briey, Lunéville et Nancy. L'actuel tribunal d'instance de Longwy sera regroupé avec celui de Briey. Le tribunal d'instance de Toul ainsi que le greffe détaché de Pont-à-Mousson seront regroupés avec celui de Nancy.
Le département de la Meuse comptera deux tribunaux d'instance, à Bar-le-Duc et Verdun. L'actuel tribunal d'instance de Saint-Mihiel sera regroupé avec celui de Bar-le-Duc.
Le département des Vosges comptera deux tribunaux d'instance, à Epinal et Saint-Dié.
Les actuels tribunaux de Mirecourt, Neufchâteau et Remiremont seront regroupés avec celui d'Epinal.
Si Mirecourt et Remiremont sont situés à une distance raisonnable d'Epinal (35 et 28 km), je conviens que Neufchâteau en est plus éloigné (73 km). Mais ce tribunal n'a pas de magistrat et ne fonctionne qu'avec un seul fonctionnaire.
Enfin, le département de la Moselle comptera cinq tribunaux d'instance, à Metz, Saint-Avold, Sarrebourg, Sarreguemines et Thionville. Les actuels tribunaux d'instance de Château-Salins (sans magistrat) et de Boulay-Moselle seront regroupés avec le tribunal de Metz.
Le tribunal de Forbach avec celui de Saint-Avold.
Celui d'Hayange avec Thionville.
Les greffes détachés seront regroupés :
Bouzonville et Faulquemont avec Metz,
Morhange avec Saint-Avold,
Bitche avec Sarreguemines,
Phalsbourg avec Sarrebourg.
Particularité de la Moselle, la publicité foncière est assurée par un bureau du Livre Foncier. Ce bureau est placé sous le contrôle du juge du livre foncier. C'est le plus souvent un service du tribunal d'instance ou d'un greffe détaché. Un important programme d'informatisation a été accompli pour dématérialiser le livre foncier en Alsace et en Moselle. Il est donc prévu que les 12 bureaux du Livre foncier de la Moselle soient regroupés au siège des TGI de leur ressort.
Cela n'entraînera aucune réduction du service rendu au public. Au contraire. Le livre foncier pourra être consulté plus facilement à distance.
Je tiens à préciser que les maisons de justice et du droit seront toutes maintenues, là où elles sont implantées :
- Forbach et Woippy en Moselle ;
- le Haut-du-Lièvre à Nancy, Tomblaine et Vandoeuvre en Meurthe-et-Moselle.
Toul bénéficiera de l'ouverture d'une véritable maison de justice et du droit, avec un guichet unique du greffe. Il est important de maintenir l'accès au droit dans cette ville qui vient d'être rudement touchée par la fermeture de l'usine Kléber.
Pour les tribunaux de commerce, notre projet s'appuie sur les recommandations de la conférence des juges consulaires de France et du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce. La réforme vise à améliorer la qualité, l'impartialité et la lisibilité de la justice commerciale.
Nous voulons renforcer l'implication des parquets dans le suivi de l'ensemble des procédures commerciales. Nous voulons mieux garantir l'impartialité des juges consulaires : les commerçants veulent bien être jugés par des commerçants ; ils ne veulent pas être jugés par des concurrents. Nous voulons aussi renforcer la compétence technique des juges consulaires. Les contentieux ont évolué. Ils sont plus complexes, qu'il s'agisse de la prévention des difficultés des entreprises, de la sauvegarde des entreprises, des procédures collectives et même du contentieux général. Tout cela ne sera possible que si l'on met fin à l'éclatement actuel des sièges des tribunaux de commerce. C'est pourquoi la justice commerciale est appelée à être resserrée et renforcée.
Le ressort de la cour d'appel de Nancy comptera 4 tribunaux de commerce, à Bar-le-Duc, Briey, Nancy et Epinal.
L'actuel tribunal de commerce de Verdun (107 affaires contentieuses en moyenne par an) fusionnera avec celui de Bar-le-Duc. Les tribunaux de Mirecourt (112 affaires) et de Saint-Dié (140 affaires) renforceront celui d'Epinal qui ne traite lui-même que 330 affaires contentieuses par an.
Dans la cour d'appel de Metz, la justice commerciale dépend de juridictions échevinées qui sont une de ses particularités. Les trois TGI de Metz, Thionville et Sarreguemines conservent leur chambre commerciale.
III - La réforme s'achèvera en 2010 avec les tribunaux de grande instance.
Vous le savez, les tribunaux de grande instance sont au coeur de l'organisation judiciaire de notre pays.
La concertation a montré que l'objectif d'un TGI par département était difficile compte tenu des équilibres territoriaux. Nous en avons tenu compte. La préoccupation essentielle qui doit nous guider est celle de la qualité.
Dans les plus petites juridictions, les magistrats passent d'un dossier à un autre. Ils sont tour à tour juge correctionnel, juge d'instruction, juge aux affaires familiales, juge de l'exécution, juge du surendettement...
Comment voulez-vous que chaque dossier soit traité avec une qualité égale ? Comment voulez-vous que les victimes soient suffisamment écoutées et accompagnées ?
La pluralité des fonctions ne permet pas d'acquérir une compétence optimale dans des domaines de plus en plus techniques, avec une procédure de plus en plus exigeante.
La volonté d'améliorer la qualité de la justice passe d'abord par la collégialité de l'instruction. J'ai déjà évoqué les 3 pôles de l'instruction.
Une autre spécialisation est aujourd'hui nécessaire. Elle concerne des contentieux très limités en nombre, par rapport à la masse des affaires. Ce sont des contentieux très techniques, qui nécessitent une spécialisation accrue des juges et une jurisprudence mieux harmonisée : contentieux de l'adoption internationale, du droit de la presse, de la nationalité, de l'indemnisation de l'amiante, des catastrophes en matière de transport.
Dans ces affaires complexes, il faut des juges spécialisés pour une justice de meilleure qualité : plus on disperse, moins on garantit la compétence. Notre objectif, c'est de faire émerger des chambres spécialisées. La spécialisation est gage de sécurité technique et de rapidité d'analyse.
Cela permettra aussi de mieux garantir l'égalité de traitement des justiciables. Je pense notamment au douloureux contentieux de l'amiante.
Différentes propositions ont été faites au cours de la concertation. Nous aurions pu prévoir des pôles uniques, compétents au niveau national et répartis sur l'ensemble du territoire. Nous avons préféré, dans un souci d'équilibre, faire le choix d'un regroupement interrégional. Ces affaires seront traitées au tribunal de grande instance qui est le siège de la juridiction interrégionale spécialisée.
Il ne s'agit donc pas de créer une nouvelle juridiction, mais de regrouper ces contentieux au niveau d'un TGI existant. Le TGI de Nancy exerce depuis 2004 une mission interrégionale qui s'étend jusqu'au département de la Saône-et-Loire, c'est-à-dire au ressort de la cour d'appel de Dijon.
J'ajoute que le Parlement sera appelé le moment venu à se prononcer sur cette répartition des contentieux. Elle relève en effet du domaine de la loi.
Troisième direction : il faut accepter des regroupements de tribunaux de grande instance là où on peut le faire.
La présence de la justice restera particulièrement forte en Lorraine avec 8 TGI pour les quatre départements de la région.
Pour la Moselle : les TGI de Metz, Sarreguemines et Thionville.
Pour la Meurthe-et-Moselle : les TGI de Briey et Nancy.
Pour la Meuse : les TGI de Bar-le-Duc et de Verdun.
Pour les Vosges : le TGI d'Epinal.
L'actuel tribunal de grande instance de Saint-Dié ne peut être maintenu. Il n'a pas une forte activité judiciaire. Il n'a pas non plus de perspective de croissance. Il compte peu de magistrats et de fonctionnaires. Il n'a pas de tribunal pour enfants ni d'établissement pénitentiaire dans son ressort.
Je comprends les réactions des élus, soucieux de leur territoire. L'enjeu dépasse la circonscription judiciaire. Je le répète : nous ne pouvons pas continuer à fonctionner avec 1 200 juridictions.
Nous avons une proposition pour Saint-Dié : je m'engage à renforcer le tribunal d'instance de Saint-Dié. Non seulement il traitera les affaires de sa compétence, mais il pourra continuer à accueillir le contentieux des affaires familiales qui relevait du tribunal de grande instance : nous proposons de mettre en place des audiences foraines, où c'est un juge du TGI qui se déplace.
Je vous demande de vous projeter dans les années à venir. Les nouvelles technologies permettent une nouvelle forme de proximité.
Demain, le justiciable et son avocat pourront recevoir un jugement par courrier électronique. Ils pourront suivre l'avancement de leur procédure sans avoir à se déplacer. Ils pourront compléter ou consulter un dossier à distance. Les procédures pénales seront numérisées en 2008, les procédures civiles en 2009.
Nous serons bien entendu attentifs aux conséquences pour les avocats. Je sais que c'est un point important qui compte pour une ville.
17 avocats sont inscrits au barreau de Saint-Dié, sur un total de 760 dans le ressort des deux cours d'appel. Nous sommes prêts à envisager des mesures compensatoires. J'en ai parlé ce matin avec leurs représentants nationaux. J'en parlerai tout à l'heure avec leurs représentants régionaux.
Deux points brièvement pour conclure.
1. La réforme sera mise en oeuvre avec le souci des personnels qui seront accompagnés individuellement.
Nous prendrons en compte les conséquences en matière de logement, de déplacement et de carrière. La réforme ne s'appliquera pas du jour au lendemain. Nous allons les aider à s'y préparer.
Dès la semaine prochaine, la mission carte judiciaire de la chancellerie, se rendra dans votre région pour faire un premier point des situations individuelles.
La mission étudiera également les conséquences immobilières de la réorganisation. Il s'agit d'améliorer les conditions de travail des personnels en juridiction ainsi que les conditions d'accès des justiciables.
2. Comme vous pouvez le constater, nous avons privilégié une démarche pragmatique, et non mécanique. Nous avons recherché le meilleur équilibre entre les impératifs de modernisation de l'institution judiciaire, de renforcement de la qualité de la justice au service de nos concitoyens et l'indispensable prise en compte des équilibres territoriaux.
Je sais que vous partagez ces préoccupations. Le Gouvernement vous propose que nous les mettions en oeuvre ensemble pour que demain la justice réponde mieux aux aspirations de nos concitoyens.
Je vous remercie.Source http://www.justice.gouv.fr, le 29 octobre 2007
Mesdames et Messieurs les Députés, Sénateurs et
Députés européens,
Monsieur le Préfet de Région,
Monsieur le Président du Conseil régional de Lorraine,
Messieurs les Présidents des Conseils généraux,
Messieurs les Préfets,
Madame et Monsieur les Premiers Présidents,
Messieurs les Procureurs généraux,
Mesdames et Messieurs les élus,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de votre présence. Il est apparu plus commode, pour réunir les élus venus des quatre départements de la région Lorraine, d'organiser cette rencontre à Nancy. Ce choix a suscité des polémiques. Je le regrette. Il va de soi, pour moi, que si j'étais venue annoncer la suppression d'une cour d'appel monodépartementale, je l'aurais fait à Metz. Je viens au contraire vous proposer un schéma qui maintient deux cours d'appel dans votre région. Cette décision nous a paru justifiée, car nous avons pleinement conscience des spécificités du droit d'Alsace-Moselle et de l'attachement des acteurs judiciaires à leur juridiction d'appel.
La concertation l'a d'ailleurs bien montré. J'en veux pour preuve les deux rapports des chefs de cour. Ils seront mis en ligne ce soir, en même temps que les propositions envisagées pour la cour d'appel de Nancy et pour celle de Metz.
Il est normal que les schémas d'organisation soient d'abord présentés à tous ceux qui sont concernés au premier chef : aux élus, car vous avez la légitimité de la représentation de nos concitoyens ; puis, tout à l'heure, aux acteurs du monde judiciaire, car ce sont eux qui ont en charge le fonctionnement du service public de la justice.
Je connais le dévouement et la passion que vous mettez au service de vos concitoyens et des collectivités que vous dirigez. Je sais ce que représente pour vous l'implantation ou la disparition d'un service public. Le Premier Ministre, à Lille, a réaffirmé l'importance de la réforme de l'Etat. La question de la justice est au coeur de cette ambition : « Il ne s'agit pas de faire moins, mais mieux pour la justice. »
Je veux vous assurer que la réforme de la carte judiciaire est conduite dans l'intérêt du justiciable, et donc des Français. Elle est inspirée de deux principes : la qualité de la justice et la réalité du territoire. Elle sera progressive et étalée sur trois ans.
I - Elle commencera en 2008 avec la mise en place des pôles de l'instruction.
Après le drame d'Outreau, l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté une loi qui vise à éviter l'isolement des juges, à encadrer les jeunes magistrats et à renforcer la collégialité.
Le législateur a ainsi prévu que la liste des tribunaux dans lesquels existerait un pôle de l'instruction serait déterminée par décret.
Aux termes de la loi, ces dispositions entrent en vigueur le 1er mars 2008, avec des formations collégiales de deux juges d'instruction, pour l'instruction des crimes et des délits les plus graves ou les plus complexes.
Elles concerneront toutes les affaires soumises à l'instruction à partir du 1er janvier 2010, avec des formations collégiales de trois juges d'instruction.
Nous nous sommes inscrits d'emblée dans la perspective de l'échéance de 2010. Il est paru logique de retenir comme pôle de l'instruction les tribunaux de grande instance qui ont d'ores et déjà une activité en matière d'instruction suffisante pour trois magistrats.
Notre volonté est d'apporter toutes les garanties aux justiciables et aux victimes par une véritable spécialisation de ces pôles en matière pénale. Naturellement, nous avons réfléchi à une répartition territoriale équilibrée.
La région Lorraine comptera, à partir du 1er mars 2008, trois pôles de l'instruction : au tribunal de grande instance de Metz, pour le ressort de cette cour d'appel ; aux tribunaux de grande instance de Nancy et d'Epinal pour le ressort de la cour d'appel de Nancy.
L'activité d'instruction de Briey, Bar-le-Duc et Verdun sera donc rattachée à Nancy.
Comme leur nom l'indique, ces pôles ne seront compétents qu'en matière d'instruction. Tous les tribunaux de grande instance - ceux qui seront pôles de l'instruction comme ceux qui ne le seront pas - conserveront leur compétence pour juger les délits. Les cours d'assises de Nancy, Bar-le-Duc, Epinal ainsi que celle de Metz resteront compétentes pour juger les crimes.
II - La réforme de la carte judiciaire se poursuivra en 2009 avec les tribunaux d'instance et les tribunaux de commerce.
Le bon fonctionnement de la justice passe par la continuité du service, l'accueil du justiciable, la sécurité des juridictions.
La qualité de la justice n'est pas compatible avec la situation que nous connaissons actuellement dans notre pays : des juges d'instance, souvent nommés à la sortie de l'Ecole nationale de la magistrature, isolés dans leur tribunal, sans possibilité d'échanges avec des magistrats plus expérimentés.
Nous ne pouvons pas continuer à disséminer les moyens, même si tous les gouvernements, de droite et de gauche, les augmentent depuis dix ans. Vous le savez bien, dès qu'il y a une absence, un congé de maternité, une formation, les magistrats isolés ou les fonctionnaires en petit nombre ont de grandes difficultés à assurer la continuité du service.
Pour les deux cours d'appel de Lorraine, on compte 22 tribunaux d'instance.
- 14 n'ont qu'un seul juge d'instance
- 2 sont actuellement sans magistrat
- 8 tribunaux d'instance comptent de 1 à 5 fonctionnaires
- 10 ont une activité qui ne justifie pas l'emploi d'un juge à plein temps.
Le regroupement et la mutualisation des moyens sont la condition d'une justice plus rapide et plus efficace.
Dans une juridiction plus importante, l'organisation du travail permet un audiencement plus rapide des affaires.
La charge de travail est mieux répartie. Les services du greffe sont spécialisés et plus efficaces. Les magistrats peuvent s'entraider. On améliore ainsi la réponse apportée à tous les justiciables.
L'étude attentive des propositions remises par les chefs de cour, des situations concrètes et des contraintes territoriales nous amène à concentrer l'activité de proximité sur 12 tribunaux d'instance pour les quatre départements.
Le département de la Meurthe-et-Moselle comptera trois tribunaux d'instance, à Briey, Lunéville et Nancy. L'actuel tribunal d'instance de Longwy sera regroupé avec celui de Briey. Le tribunal d'instance de Toul ainsi que le greffe détaché de Pont-à-Mousson seront regroupés avec celui de Nancy.
Le département de la Meuse comptera deux tribunaux d'instance, à Bar-le-Duc et Verdun. L'actuel tribunal d'instance de Saint-Mihiel sera regroupé avec celui de Bar-le-Duc.
Le département des Vosges comptera deux tribunaux d'instance, à Epinal et Saint-Dié.
Les actuels tribunaux de Mirecourt, Neufchâteau et Remiremont seront regroupés avec celui d'Epinal.
Si Mirecourt et Remiremont sont situés à une distance raisonnable d'Epinal (35 et 28 km), je conviens que Neufchâteau en est plus éloigné (73 km). Mais ce tribunal n'a pas de magistrat et ne fonctionne qu'avec un seul fonctionnaire.
Enfin, le département de la Moselle comptera cinq tribunaux d'instance, à Metz, Saint-Avold, Sarrebourg, Sarreguemines et Thionville. Les actuels tribunaux d'instance de Château-Salins (sans magistrat) et de Boulay-Moselle seront regroupés avec le tribunal de Metz.
Le tribunal de Forbach avec celui de Saint-Avold.
Celui d'Hayange avec Thionville.
Les greffes détachés seront regroupés :
Bouzonville et Faulquemont avec Metz,
Morhange avec Saint-Avold,
Bitche avec Sarreguemines,
Phalsbourg avec Sarrebourg.
Particularité de la Moselle, la publicité foncière est assurée par un bureau du Livre Foncier. Ce bureau est placé sous le contrôle du juge du livre foncier. C'est le plus souvent un service du tribunal d'instance ou d'un greffe détaché. Un important programme d'informatisation a été accompli pour dématérialiser le livre foncier en Alsace et en Moselle. Il est donc prévu que les 12 bureaux du Livre foncier de la Moselle soient regroupés au siège des TGI de leur ressort.
Cela n'entraînera aucune réduction du service rendu au public. Au contraire. Le livre foncier pourra être consulté plus facilement à distance.
Je tiens à préciser que les maisons de justice et du droit seront toutes maintenues, là où elles sont implantées :
- Forbach et Woippy en Moselle ;
- le Haut-du-Lièvre à Nancy, Tomblaine et Vandoeuvre en Meurthe-et-Moselle.
Toul bénéficiera de l'ouverture d'une véritable maison de justice et du droit, avec un guichet unique du greffe. Il est important de maintenir l'accès au droit dans cette ville qui vient d'être rudement touchée par la fermeture de l'usine Kléber.
Pour les tribunaux de commerce, notre projet s'appuie sur les recommandations de la conférence des juges consulaires de France et du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce. La réforme vise à améliorer la qualité, l'impartialité et la lisibilité de la justice commerciale.
Nous voulons renforcer l'implication des parquets dans le suivi de l'ensemble des procédures commerciales. Nous voulons mieux garantir l'impartialité des juges consulaires : les commerçants veulent bien être jugés par des commerçants ; ils ne veulent pas être jugés par des concurrents. Nous voulons aussi renforcer la compétence technique des juges consulaires. Les contentieux ont évolué. Ils sont plus complexes, qu'il s'agisse de la prévention des difficultés des entreprises, de la sauvegarde des entreprises, des procédures collectives et même du contentieux général. Tout cela ne sera possible que si l'on met fin à l'éclatement actuel des sièges des tribunaux de commerce. C'est pourquoi la justice commerciale est appelée à être resserrée et renforcée.
Le ressort de la cour d'appel de Nancy comptera 4 tribunaux de commerce, à Bar-le-Duc, Briey, Nancy et Epinal.
L'actuel tribunal de commerce de Verdun (107 affaires contentieuses en moyenne par an) fusionnera avec celui de Bar-le-Duc. Les tribunaux de Mirecourt (112 affaires) et de Saint-Dié (140 affaires) renforceront celui d'Epinal qui ne traite lui-même que 330 affaires contentieuses par an.
Dans la cour d'appel de Metz, la justice commerciale dépend de juridictions échevinées qui sont une de ses particularités. Les trois TGI de Metz, Thionville et Sarreguemines conservent leur chambre commerciale.
III - La réforme s'achèvera en 2010 avec les tribunaux de grande instance.
Vous le savez, les tribunaux de grande instance sont au coeur de l'organisation judiciaire de notre pays.
La concertation a montré que l'objectif d'un TGI par département était difficile compte tenu des équilibres territoriaux. Nous en avons tenu compte. La préoccupation essentielle qui doit nous guider est celle de la qualité.
Dans les plus petites juridictions, les magistrats passent d'un dossier à un autre. Ils sont tour à tour juge correctionnel, juge d'instruction, juge aux affaires familiales, juge de l'exécution, juge du surendettement...
Comment voulez-vous que chaque dossier soit traité avec une qualité égale ? Comment voulez-vous que les victimes soient suffisamment écoutées et accompagnées ?
La pluralité des fonctions ne permet pas d'acquérir une compétence optimale dans des domaines de plus en plus techniques, avec une procédure de plus en plus exigeante.
La volonté d'améliorer la qualité de la justice passe d'abord par la collégialité de l'instruction. J'ai déjà évoqué les 3 pôles de l'instruction.
Une autre spécialisation est aujourd'hui nécessaire. Elle concerne des contentieux très limités en nombre, par rapport à la masse des affaires. Ce sont des contentieux très techniques, qui nécessitent une spécialisation accrue des juges et une jurisprudence mieux harmonisée : contentieux de l'adoption internationale, du droit de la presse, de la nationalité, de l'indemnisation de l'amiante, des catastrophes en matière de transport.
Dans ces affaires complexes, il faut des juges spécialisés pour une justice de meilleure qualité : plus on disperse, moins on garantit la compétence. Notre objectif, c'est de faire émerger des chambres spécialisées. La spécialisation est gage de sécurité technique et de rapidité d'analyse.
Cela permettra aussi de mieux garantir l'égalité de traitement des justiciables. Je pense notamment au douloureux contentieux de l'amiante.
Différentes propositions ont été faites au cours de la concertation. Nous aurions pu prévoir des pôles uniques, compétents au niveau national et répartis sur l'ensemble du territoire. Nous avons préféré, dans un souci d'équilibre, faire le choix d'un regroupement interrégional. Ces affaires seront traitées au tribunal de grande instance qui est le siège de la juridiction interrégionale spécialisée.
Il ne s'agit donc pas de créer une nouvelle juridiction, mais de regrouper ces contentieux au niveau d'un TGI existant. Le TGI de Nancy exerce depuis 2004 une mission interrégionale qui s'étend jusqu'au département de la Saône-et-Loire, c'est-à-dire au ressort de la cour d'appel de Dijon.
J'ajoute que le Parlement sera appelé le moment venu à se prononcer sur cette répartition des contentieux. Elle relève en effet du domaine de la loi.
Troisième direction : il faut accepter des regroupements de tribunaux de grande instance là où on peut le faire.
La présence de la justice restera particulièrement forte en Lorraine avec 8 TGI pour les quatre départements de la région.
Pour la Moselle : les TGI de Metz, Sarreguemines et Thionville.
Pour la Meurthe-et-Moselle : les TGI de Briey et Nancy.
Pour la Meuse : les TGI de Bar-le-Duc et de Verdun.
Pour les Vosges : le TGI d'Epinal.
L'actuel tribunal de grande instance de Saint-Dié ne peut être maintenu. Il n'a pas une forte activité judiciaire. Il n'a pas non plus de perspective de croissance. Il compte peu de magistrats et de fonctionnaires. Il n'a pas de tribunal pour enfants ni d'établissement pénitentiaire dans son ressort.
Je comprends les réactions des élus, soucieux de leur territoire. L'enjeu dépasse la circonscription judiciaire. Je le répète : nous ne pouvons pas continuer à fonctionner avec 1 200 juridictions.
Nous avons une proposition pour Saint-Dié : je m'engage à renforcer le tribunal d'instance de Saint-Dié. Non seulement il traitera les affaires de sa compétence, mais il pourra continuer à accueillir le contentieux des affaires familiales qui relevait du tribunal de grande instance : nous proposons de mettre en place des audiences foraines, où c'est un juge du TGI qui se déplace.
Je vous demande de vous projeter dans les années à venir. Les nouvelles technologies permettent une nouvelle forme de proximité.
Demain, le justiciable et son avocat pourront recevoir un jugement par courrier électronique. Ils pourront suivre l'avancement de leur procédure sans avoir à se déplacer. Ils pourront compléter ou consulter un dossier à distance. Les procédures pénales seront numérisées en 2008, les procédures civiles en 2009.
Nous serons bien entendu attentifs aux conséquences pour les avocats. Je sais que c'est un point important qui compte pour une ville.
17 avocats sont inscrits au barreau de Saint-Dié, sur un total de 760 dans le ressort des deux cours d'appel. Nous sommes prêts à envisager des mesures compensatoires. J'en ai parlé ce matin avec leurs représentants nationaux. J'en parlerai tout à l'heure avec leurs représentants régionaux.
Deux points brièvement pour conclure.
1. La réforme sera mise en oeuvre avec le souci des personnels qui seront accompagnés individuellement.
Nous prendrons en compte les conséquences en matière de logement, de déplacement et de carrière. La réforme ne s'appliquera pas du jour au lendemain. Nous allons les aider à s'y préparer.
Dès la semaine prochaine, la mission carte judiciaire de la chancellerie, se rendra dans votre région pour faire un premier point des situations individuelles.
La mission étudiera également les conséquences immobilières de la réorganisation. Il s'agit d'améliorer les conditions de travail des personnels en juridiction ainsi que les conditions d'accès des justiciables.
2. Comme vous pouvez le constater, nous avons privilégié une démarche pragmatique, et non mécanique. Nous avons recherché le meilleur équilibre entre les impératifs de modernisation de l'institution judiciaire, de renforcement de la qualité de la justice au service de nos concitoyens et l'indispensable prise en compte des équilibres territoriaux.
Je sais que vous partagez ces préoccupations. Le Gouvernement vous propose que nous les mettions en oeuvre ensemble pour que demain la justice réponde mieux aux aspirations de nos concitoyens.
Je vous remercie.Source http://www.justice.gouv.fr, le 29 octobre 2007