Texte intégral
Q - Le ministre des Affaires européennes que vous êtes a-t-il encore le moral après l'échec de la Politique agricole commune, hier soir à Bruxelles, lors du Conseil des ministres de l'Agriculture, qui cherchait à trouver une solution pour pallier les conséquences économiques de l'ESB ?
R - Il faut dédramatiser un peu les conséquences de ce Conseil agricole qui ne s'est pas si mal passé que cela. D'abord, il y avait sur la table un dossier considérable : comment traiter l'ESB, phénomène de société majeur pour tous les Européens et pas seulement pour les éleveurs. Il y avait des contradictions objectives extrêmement fortes et pas seulement entre la France et l'Allemagne. Il y avait des propositions de la Commission qui étaient ambitieuses. Elles n'ont pas trouvé tout de suite une solution, un débouché à travers une majorité. Mais tout cela était attendu. Ce n'est pas un échec pour deux raisons : d'abord, car nous avons réussi à trouver, je crois, les voies d'une solution aux problèmes d'urgence pour nos éleveurs. La Commission a en effet été autorisée à donner aux Etats la latitude d'avoir des aides nationales, qui seront annoncées par Jean Glavany jeudi, je pense.
Q - Avant que vous ne passiez à la deuxième chose, si j'ai bien compris, le Commissaire européen M. Fischler a été très prudent : il a donné son feu vert - c'est plutôt un feu orange - en disant : nous verrons les propositions qui seront faites par la France...
R - Il y a - et c'est logique - des conditions, car cela n'est pas la fin de la Politique agricole commune : il faut que ce soit limité dans le temps et il faut qu'il n'y ait pas de surcompensation. Et donc, deuxième raison : il est très prématuré, alarmiste et à la limite, d'ailleurs, de l'honnêteté de parler d'échec ou de fin de la Politique agricole commune. En effet, la mise en oeuvre d'aides nationales s'est déjà produite. Face à la gravité de la situation actuelle, Jean Glavany s'est bien battu. Il a obtenu des aides nationales et je crois que nos éleveurs pourront avoir des aides qui leur permettent, de façon ciblée, ponctuelle, de répondre à leurs problèmes. C'est l'essentiel.
Q - Sans vouloir indûment dramatiser et sans dire que c'est la fin de la Politique agricole commune, n'avez-vous pas le sentiment, tout de même, que c'est l'une des plus graves crises qu'ait connue la Politique agricole commune ?
R - Encore une fois, je vous le dis très sincèrement, la Politique agricole commune est la plus vieille politique commune. Elle a connu des dizaines de crises. Si on se place de ce point de vue, nous avons connu des crises beaucoup plus sévères. Nous sommes dans un mécanisme typique d'une politique communautaire, c'est-à-dire initiative de la Commission, décision à la majorité, gestion par la Commission : ce sont les ministres qui prennent des responsabilités très lourdes. Nous sommes dans une situation où nous avons trouvé une solution à court terme. Il demeure que l'ESB est un des problèmes les plus importants en matière de sécurité alimentaire auquel l'Europe ait été confrontée dans son histoire. Mais ce n'est pas l'échec de la Politique agricole commune. Je suis sûr que la Politique agricole commune saura répondre à ce défi.
Q - Le gouvernement français n'était-il pas un peu présomptueux en allant à Bruxelles souhaiter des aides de l'Union européenne pour les agriculteurs en difficulté, sachant qu'en réalité, tous les crédits de la Commission, destinés à pallier les effets de l'ESB, avaient été utilisés ?
R - Jean Glavany a eu une formule que je partage : il disait que lorsqu'on veut trouver de l'argent dans ce type de caisse, on en trouve toujours. Je pense qu'il existait une marge de manuvre. Encore une fois, ce qui s'est passé, c'est plutôt une opposition de principe. Il s'agissait de prolonger les mesures d'interdiction d'abattage de bovins de plus de trente mois. Il s'agissait aussi peut-être d'aider à une agriculture moins extensive. On comprend que ce sont des réformes en profondeur, qui nécessitent un peu de temps. C'est ce qui a surtout pesé. Je pense qu'il faudra réformer la Politique agricole commune. On le sait d'ailleurs. Et la France a fait des propositions dans ce sens-là, qui ne sont d'ailleurs pas si contradictoires avec ce que disait l'Allemagne. Souvenons-nous qu'à Berlin, nous proposions la modulation des aides, leur dégressivité en fonction de la taille de l'exploitation, bref, nous proposions d'aller vers une agriculture plus qualitative. Ce débat-là viendra, mais il demande un peu plus de temps qu'un Conseil agricole chargé de traiter une crise. Encore une fois, l'essentiel est l'autorisation donnée à la France de mettre en oeuvre des aides nationales, limitées dans le temps, ciblées, pour faire face aux problèmes de nos éleveurs qui vivent dans l'angoisse, angoisse à laquelle il faut répondre.
Q - Ce qui s'appelle néanmoins, même si c'est partiel et éphémère, une renationalisation de la Politique agricole commune... Or si j'avais bien compris, à Berlin en 1999, c'est contre cette tentation de renationalisation de la PAC que l'on avait combattu...
R - Absolument. Comprenons-nous : depuis 1957, on parle de Politique agricole commune, dans la mesure où la politique agricole n'est plus une politique des Etats mais une politique de la communauté européenne. Elle doit le demeurer et c'est ce que nous avons obtenu à Berlin. C'est pour cela que nous nous sommes battus. D'ailleurs, nos agriculteurs, qui sont les plus européens des Français, à leur façon, le savent et le souhaitent.
Q - Ils ne l'étaient pas en 1999...
R - Nous nous sommes battus, en 1999, effectivement, contre le cofinancement de la Politique agricole commune, c'est-à-dire contre la renationalisation du financement d'une partie ou de la totalité de la Politique agricole commune, car on ne doit pas casser cette solidarité communautaire. En revanche, lorsqu'on se trouve confronté à des crises - et je vous répète que ce n'est pas la première fois, que c'est même arrivé très fréquemment depuis 1957 - on peut être autorisé à mettre en oeuvre des aides nationales, avec des conditions - ce sont celles que le Commissaire doit examiner - et limitées dans le temps. C'est ce que nous ferons. Je pense que c'est une réponse ponctuelle à un problème d'ampleur. Mais il faudra aller plus loin, c'est clair. Je ne doute pas que Jean Glavany y revienne au fur et à mesure.
Q - Demain, si, par exemple, les Britanniques se trouvent confrontés plus gravement encore à ce problème de fièvre aphteuse, pourront-ils eux aussi apporter des aides directes, des compensations à leurs agriculteurs ?
R - Nous en parlerons au cas par cas, comme cela vient d'être fait dans ce Conseil agricole, qui, encore une fois, n'a pas permis de résoudre tous les problèmes d'une extrême ampleur, mais qui n'est pas un échec. Je crois notamment que, du point de vue de l'agriculture et du gouvernement français, c'est plutôt un succès, car cela permet de répondre aux angoisses et aux problèmes des éleveurs.
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Q - Il y a le poids électoral d'un monde rural...
R - Si on se préoccupait uniquement du poids électoral... Le gouvernement est en charge à un instant donné de l'intérêt général. Nous sommes effectivement confrontés à une très grave crise pour notre agriculture, pour la santé publique. Il est de notre devoir d'y répondre, sans le faire sous la menace ou sous la pression de telle ou telle organisation, mais simplement parce que c'est le sens de l'intérêt général. C'est ce qu'essaient de faire le gouvernement, Lionel Jospin et Jean Glavany, qui a très bien négocié à Bruxelles, dans un contexte qui n'était pas simple. Nous nous sommes aperçus que la France était beaucoup moins isolée qu'on pouvait le penser ; comme nous l'avions constaté d'ailleurs depuis l'origine, y compris sur l'interdiction des farines animales.
Q - Sauf que cela va coûter relativement cher à la France. Cela aurait coûté moins cher si cela avait été pris en charge par une solidarité européenne...
R - Comme vous avez vous-même souligné tout à l'heure que les caisses européennes étaient relativement vides, le problème du financement est effectivement posé.
Q - Cela représente quoi ? Un milliard ? Plus ?
R - Attendez les arbitrages budgétaires qui seront rendus très rapidement.
Q - Cela pose une autre question : la manière dont va être distribué ce soutien. Cela va-t-il être distribué de manière indistincte ? Certains disent que l'on va perpétuer quelque chose qui est injuste, c'est-à-dire qu'on va soutenir de la même manière les éleveurs et ceux qui ont le problème des vaches laitières...
R - Dans un gouvernement, il faut garder une certaine modestie. On peut parfois être amené à s'exprimer à la place des autres, mais c'est Jean Glavany qui annoncera son plan lorsqu'il sera arrêté, je crois, jeudi.
Q - Dans cette affaire, vous l'avez vous-même reconnu, c'est quand même l'Allemagne qui a dit non, la Hollande également... mais le poids de l'Allemagne a été très fort. Est-ce un poids nouveau ?
R - Non, s'agissant de ce type de problèmes agricoles, cela est vrai depuis longtemps... L'Allemagne est le principal contributeur au budget communautaire. C'est logique car c'est le principal producteur, le pays le plus riche d'Europe. Elle a le désir, légitime de son point de vue, de payer moins. C'est une confrontation qui existe depuis des années, chaque fois que l'on a un paquet financier - le paquet Delors I, Delors II, le paquet Santer, l'Agenda 2000. C'est une problématique à laquelle nous sommes très accoutumés. Quant à savoir si l'Allemagne a un poids nouveau, il y a une donnée fondamentale, très simple, qui a changé en Europe, depuis 1989 : l'Allemagne s'est réunifiée. Elle n'est plus confrontée à sa division ; elle est le pays le plus peuplé d'Europe. Elle se trouve en plus dans une position centrale dans une Europe qui va s'élargir vers l'Est, puisqu'il y a dix pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion. Donc, tout cela fait que l'Allemagne se sent renforcée, confortée, qu'elle a un besoin d'affirmer cette identité, qu'elle se sent aussi un peu "normalisée", c'est-à-dire qu'elle n'éprouve pas le désir de regarder sans arrêt vers le passé. Nous acceptons tout cela, car la normalité, le poids de l'Allemagne sont des données et non des fantasmes. Ce sont des réalités. Mais en même temps, l'Allemagne seule ne peut pas être la puissance européenne. Le couple franco-allemand doit continuer d'être ce qu'il est depuis l'origine, c'est-à-dire un couple indispensable, moteur pour l'Union européenne. Il a pu connaître des difficultés mais il est vital, et pour la France, et pour l'Allemagne, et pour l'Europe, de résoudre ces problèmes.
Q - C'est votre souhait mais la réalité, n'est-ce pas plutôt que ce que veut l'Allemagne, l'Europe le veut, et ce que ne veut plus l'Allemagne, l'Europe ne le veut plus ?
R - Non. Vous savez, cela ne marche pas exactement comme cela. Ce qui est clair c'est que lorsque le couple franco-allemand ne fonctionne pas bien, l'Europe est quelque peu paralysée, stoppée ou ralentie.
Q - Vous trouvez que le couple franco-allemand a bien fonctionné à Bruxelles, cette nuit ? Que reste-t-il du partenariat franco-allemand ?
R - Vous avez tort. Je pense que Jean Glavany et son homologue, ministre de l'Agriculture, qui appartient aux Verts, ont eu une discussion franche, qui a permis d'avancer vers les solutions. Nous n'avons pas vécu, cette nuit, une crise. Nous avons vécu un moment difficile qui débouche sur des solutions concrètes. Ce n'est pas, je crois, un bon exemple de divergences entre nos deux pays.
Q - Il y a un hasard qui a voulu qu'hier soir ait lieu aussi la signature du Traité de Nice entre le Premier ministre, le président de la République et les ministres des Affaires étrangères des 14 autres pays. On a eu le sentiment que c'était une signature en catimini, non ?
R - Cela se fait toujours ainsi, la signature d'un traité.
Q - On n'avait pas le sentiment d'une grande fierté...
R - La présence du président de la République, du Premier ministre manifestent que l'exécutif, les autorités françaises se reconnaissent pleinement dans ce traité. Il y avait aussi la présidente du Parlement européen, le président de la Commission européenne, le Premier ministre suédois, qui préside actuellement l'Union européenne.
Q - Il y avait la Présidence précédente et la Présidence actuelle, ce qui est normal.
R - Oui, mais elles auraient pu être représentées par leur ministre des Affaires étrangères, ce qui est déjà très important. Mais là, on a tenu à donner un aspect plus solennel. Je n'ignore pas ce que sont les faiblesses de Nice. J'ai été un de ses négociateurs, j'en ai entendu parler, en bien et en mal... Nice restera dans l'histoire comme une étape très importante : c'est le traité qui aura permis l'élargissement. Je ne nie pas ses faiblesses, mais je dis que ce traité était le meilleur possible dans l'état actuel de l'Union. Ce qui le stigmatise, ce n'est pas telle ou telle présidence qu'ils doivent s'en prendre, c'est à l'état de l'Union, que nous devons améliorer, car nous sommes à un moment charnière. Que sera cet élargissement ? Que sera l'architecture institutionnelle de l'Europe ? C'est pour cela qu'à Nice, nous avons adopté ce traité - il fallait le faire - en considérant que c'était le meilleur possible, mais nous avons aussi ouvert un grand débat pour la période qui va d'ici à 2004 : quel avenir pour l'Union européenne ? Quelle architecture institutionnelle ? Quel sens politique et quelles frontières pour l'Union ?
Q - Puisque vous parlez de 2004, j'ai vu qu'une vingtaine de députés européens, dont Michel Rocard, disent que l'on ne peut pas attendre 2004, que l'on doit trouver un nouveau fonctionnement à l'Europe, dès maintenant, car précisément le traité de Nice est trop compliqué... il faut bien une bonne demi-heure pour expliquer comment se prendront les décisions...
R - Ne soyons pas démagogues : c'est un traité européen, ce n'est donc pas quelque chose de très simple...
Q - Faut-il attendre 2004 ?
R - Je crois qu'il faut prendre le temps du débat, du débat national d'abord, que je souhaite très libre, dans lequel les intellectuels, les médias, les parlementaires, la société civile, les associations pourront s'exprimer, avec les gouvernements bien sûr. Ensuite, il faut un débat au niveau européen, dont il faudra définir la forme. Je ne suis pas opposé à la formule d'une "convention", c'est-à-dire une enceinte ad hoc, qui réunit le Parlement européen, la Commission européenne, les Parlements nationaux, les représentants du gouvernement. C'est comme cela que l'on a élaboré la Charte européenne des droits fondamentaux. Ensuite, il faudra conclure in fine par ce qu'on appelle une CIG, une Conférence intergouvernementale, autrement dit une décision des Etats, qui débouchera sur un nouveau traité, adopté en 2004. J'ajoute qu'entre maintenant et 2004, il y a 2002. Le grand débat européen se retrouvera donc aussi dans les échéances nationales, en France évidemment, mais aussi en Allemagne, en Angleterre. Donc, on ne peut pas faire comme si on tranchait d'avance aujourd'hui pour les pouvoirs qui seront en place à l'avenir. Je suis persuadé que ce que pense Jacques Chirac de l'Europe et ce que Lionel Jospin en dira, ce n'est peut-être pas exactement la même chose.
Q - Précisément, une curiosité de ma part pour que ceux qui nous écoutent comprennent bien, la ratification par les parlements se fera-t-elle avant 2002 ?
R - Elle se fera avant la fin 2002. D'ailleurs, je vous donne une information : le gouvernement, en accord avec le président, souhaite que la ratification soit engagée très vite, que ce débat de ratification vienne devant le Parlement avant l'été.
Q - Vous avez bon espoir que le Parlement ratifiera dans cette majorité ? Je ne fais pas allusion au clivage droite-gauche, d'ailleurs...
R - Oui, le Parlement, dans sa sagesse... Ce serait logique d'ailleurs, ce traité ayant été adopté sous la présidence de Jacques Chirac avec un gouvernement Jospin. Je crois, en plus, que ne pas ratifier Nice, ce serait ouvrir une crise majeure pour l'Union européenne, ce serait empêcher l'élargissement, ce serait paralyser l'Europe. Je ne dis pas que Nice est un traité parfait, mais je dis que ne pas ratifier Nice, c'est la crise.
Q - Puisqu'on en est aux informations, vous dites que d'ici l'été, le président et le Premier ministre souhaitent que ce traité vienne devant le Parlement...
R - Le Premier ministre l'a dit hier, d'ailleurs.
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Q - Vous avez qualifié la nature de ce propos en disant qu'il aurait du souffle. Mais sur le contenu, ce débat doit-il s'articuler autour d'un débat sur l'architecture des pouvoirs à l'intérieur de notre pays ? Il y a peu de temps, on a lu, dans le Monde, un entretien accordé par Jack Lang sur ce que devait être le nouveau fonctionnement de la démocratie dans notre pays, ce qui signifie que cela doit être remis dans un contexte européen. Tout cela doit-il être rapidement articulé par le Premier ministre ?
R - Ce qu'a pu dire Jack Lang est une dimension qui n'est pas inintéressante, effectivement. Je crois simplement qu'il y a deux débats : l'un sur les institutions françaises - quelle République ? - et l'autre sur l'Europe. Je souhaite que ces deux débats soient présents dans les grands choix démocratiques de l'an prochain.
Q - Mais n'est-ce pas le même débat ?
R - Non, ce n'est pas le même débat. Il faut que Lionel Jospin s'exprime sur l'architecture institutionnelle de l'Union européenne, sur le projet de l'Union européenne - autrement dit : quelle politique concrète pour les Européens ? - et aussi sur les frontières de l'Union européenne - jusqu'où va-t-elle ? - car on sait qu'il y a déjà douze pays candidats. Il y en a encore d'autres avec les Balkans, qui sont à côté ; il y a la Turquie qui est un pays candidat et qui n'a pas encore ouvert de négociations. Il y a d'autres pays qui peuvent aspirer à cela. Bref, voulons-nous une Europe à trente, à quarante ? Comment cela marche-t-il ? Voulons-nous une Europe communautaire, dans laquelle la Commission joue un rôle, ou bien une Europe intergouvernementale, dans laquelle ce sont les gouvernements seuls qui agissent ? Quel rôle pour le Parlement européen ? Je suis d'accord pour dire que les deux débats sont liés, mais je pense que le Premier ministre a besoin d'avoir une expression spécifique sur les questions européennes.
Q - Je pose la question autrement : à l'intérieur de cet espace européen, souhaite-t-on une République plus unitaire ou plus fédérale ? On a le sentiment que c'est le problème qui est de plus en plus posé, notamment dans la confrontation entre le Premier ministre et le président de la République.
R - C'est pour cela que je vous ai expliqué que ces débats seront sans doute liés mais ils seront liés en 2002, si par hypothèse ces deux personnes étaient amenées à défendre les couleurs de la droite et de la gauche. Mais, cette année, il faut aussi répondre à une obligation en quelque sorte : quelle vision avons-nous de l'Europe ? Je souhaite que 2001 soit l'année du débat national sur l'Europe.
Q - En attendant ces échéances, il y a les élections municipales. Vous êtes candidat à Montbéliard. Si vous êtes élu, continuerez-vous à vous occuper des Affaires européennes ?
R - C'est le Premier ministre qui en décidera. C'est lui qui forme le gouvernement, c'est à lui d'évaluer comment il souhaite former son gouvernement après les municipales. Mais une chose est claire : si je suis élu maire de Montbéliard, je serai maire de Montbéliard. Mais c'est le Premier ministre qui choisira les ministres.
Q - Vous n'avez pas, comme votre voisine franc-comtoise, un sentiment de lassitude et le besoin de prendre quelques congés du gouvernement ?
R - Non, ça va encore. Et j'aimerais bien être le ministre qui, aux côtés d'Hubert Védrine, fera ratifier le Traité de Nice devant le Parlement./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er mars 2001)
R - Il faut dédramatiser un peu les conséquences de ce Conseil agricole qui ne s'est pas si mal passé que cela. D'abord, il y avait sur la table un dossier considérable : comment traiter l'ESB, phénomène de société majeur pour tous les Européens et pas seulement pour les éleveurs. Il y avait des contradictions objectives extrêmement fortes et pas seulement entre la France et l'Allemagne. Il y avait des propositions de la Commission qui étaient ambitieuses. Elles n'ont pas trouvé tout de suite une solution, un débouché à travers une majorité. Mais tout cela était attendu. Ce n'est pas un échec pour deux raisons : d'abord, car nous avons réussi à trouver, je crois, les voies d'une solution aux problèmes d'urgence pour nos éleveurs. La Commission a en effet été autorisée à donner aux Etats la latitude d'avoir des aides nationales, qui seront annoncées par Jean Glavany jeudi, je pense.
Q - Avant que vous ne passiez à la deuxième chose, si j'ai bien compris, le Commissaire européen M. Fischler a été très prudent : il a donné son feu vert - c'est plutôt un feu orange - en disant : nous verrons les propositions qui seront faites par la France...
R - Il y a - et c'est logique - des conditions, car cela n'est pas la fin de la Politique agricole commune : il faut que ce soit limité dans le temps et il faut qu'il n'y ait pas de surcompensation. Et donc, deuxième raison : il est très prématuré, alarmiste et à la limite, d'ailleurs, de l'honnêteté de parler d'échec ou de fin de la Politique agricole commune. En effet, la mise en oeuvre d'aides nationales s'est déjà produite. Face à la gravité de la situation actuelle, Jean Glavany s'est bien battu. Il a obtenu des aides nationales et je crois que nos éleveurs pourront avoir des aides qui leur permettent, de façon ciblée, ponctuelle, de répondre à leurs problèmes. C'est l'essentiel.
Q - Sans vouloir indûment dramatiser et sans dire que c'est la fin de la Politique agricole commune, n'avez-vous pas le sentiment, tout de même, que c'est l'une des plus graves crises qu'ait connue la Politique agricole commune ?
R - Encore une fois, je vous le dis très sincèrement, la Politique agricole commune est la plus vieille politique commune. Elle a connu des dizaines de crises. Si on se place de ce point de vue, nous avons connu des crises beaucoup plus sévères. Nous sommes dans un mécanisme typique d'une politique communautaire, c'est-à-dire initiative de la Commission, décision à la majorité, gestion par la Commission : ce sont les ministres qui prennent des responsabilités très lourdes. Nous sommes dans une situation où nous avons trouvé une solution à court terme. Il demeure que l'ESB est un des problèmes les plus importants en matière de sécurité alimentaire auquel l'Europe ait été confrontée dans son histoire. Mais ce n'est pas l'échec de la Politique agricole commune. Je suis sûr que la Politique agricole commune saura répondre à ce défi.
Q - Le gouvernement français n'était-il pas un peu présomptueux en allant à Bruxelles souhaiter des aides de l'Union européenne pour les agriculteurs en difficulté, sachant qu'en réalité, tous les crédits de la Commission, destinés à pallier les effets de l'ESB, avaient été utilisés ?
R - Jean Glavany a eu une formule que je partage : il disait que lorsqu'on veut trouver de l'argent dans ce type de caisse, on en trouve toujours. Je pense qu'il existait une marge de manuvre. Encore une fois, ce qui s'est passé, c'est plutôt une opposition de principe. Il s'agissait de prolonger les mesures d'interdiction d'abattage de bovins de plus de trente mois. Il s'agissait aussi peut-être d'aider à une agriculture moins extensive. On comprend que ce sont des réformes en profondeur, qui nécessitent un peu de temps. C'est ce qui a surtout pesé. Je pense qu'il faudra réformer la Politique agricole commune. On le sait d'ailleurs. Et la France a fait des propositions dans ce sens-là, qui ne sont d'ailleurs pas si contradictoires avec ce que disait l'Allemagne. Souvenons-nous qu'à Berlin, nous proposions la modulation des aides, leur dégressivité en fonction de la taille de l'exploitation, bref, nous proposions d'aller vers une agriculture plus qualitative. Ce débat-là viendra, mais il demande un peu plus de temps qu'un Conseil agricole chargé de traiter une crise. Encore une fois, l'essentiel est l'autorisation donnée à la France de mettre en oeuvre des aides nationales, limitées dans le temps, ciblées, pour faire face aux problèmes de nos éleveurs qui vivent dans l'angoisse, angoisse à laquelle il faut répondre.
Q - Ce qui s'appelle néanmoins, même si c'est partiel et éphémère, une renationalisation de la Politique agricole commune... Or si j'avais bien compris, à Berlin en 1999, c'est contre cette tentation de renationalisation de la PAC que l'on avait combattu...
R - Absolument. Comprenons-nous : depuis 1957, on parle de Politique agricole commune, dans la mesure où la politique agricole n'est plus une politique des Etats mais une politique de la communauté européenne. Elle doit le demeurer et c'est ce que nous avons obtenu à Berlin. C'est pour cela que nous nous sommes battus. D'ailleurs, nos agriculteurs, qui sont les plus européens des Français, à leur façon, le savent et le souhaitent.
Q - Ils ne l'étaient pas en 1999...
R - Nous nous sommes battus, en 1999, effectivement, contre le cofinancement de la Politique agricole commune, c'est-à-dire contre la renationalisation du financement d'une partie ou de la totalité de la Politique agricole commune, car on ne doit pas casser cette solidarité communautaire. En revanche, lorsqu'on se trouve confronté à des crises - et je vous répète que ce n'est pas la première fois, que c'est même arrivé très fréquemment depuis 1957 - on peut être autorisé à mettre en oeuvre des aides nationales, avec des conditions - ce sont celles que le Commissaire doit examiner - et limitées dans le temps. C'est ce que nous ferons. Je pense que c'est une réponse ponctuelle à un problème d'ampleur. Mais il faudra aller plus loin, c'est clair. Je ne doute pas que Jean Glavany y revienne au fur et à mesure.
Q - Demain, si, par exemple, les Britanniques se trouvent confrontés plus gravement encore à ce problème de fièvre aphteuse, pourront-ils eux aussi apporter des aides directes, des compensations à leurs agriculteurs ?
R - Nous en parlerons au cas par cas, comme cela vient d'être fait dans ce Conseil agricole, qui, encore une fois, n'a pas permis de résoudre tous les problèmes d'une extrême ampleur, mais qui n'est pas un échec. Je crois notamment que, du point de vue de l'agriculture et du gouvernement français, c'est plutôt un succès, car cela permet de répondre aux angoisses et aux problèmes des éleveurs.
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Q - Il y a le poids électoral d'un monde rural...
R - Si on se préoccupait uniquement du poids électoral... Le gouvernement est en charge à un instant donné de l'intérêt général. Nous sommes effectivement confrontés à une très grave crise pour notre agriculture, pour la santé publique. Il est de notre devoir d'y répondre, sans le faire sous la menace ou sous la pression de telle ou telle organisation, mais simplement parce que c'est le sens de l'intérêt général. C'est ce qu'essaient de faire le gouvernement, Lionel Jospin et Jean Glavany, qui a très bien négocié à Bruxelles, dans un contexte qui n'était pas simple. Nous nous sommes aperçus que la France était beaucoup moins isolée qu'on pouvait le penser ; comme nous l'avions constaté d'ailleurs depuis l'origine, y compris sur l'interdiction des farines animales.
Q - Sauf que cela va coûter relativement cher à la France. Cela aurait coûté moins cher si cela avait été pris en charge par une solidarité européenne...
R - Comme vous avez vous-même souligné tout à l'heure que les caisses européennes étaient relativement vides, le problème du financement est effectivement posé.
Q - Cela représente quoi ? Un milliard ? Plus ?
R - Attendez les arbitrages budgétaires qui seront rendus très rapidement.
Q - Cela pose une autre question : la manière dont va être distribué ce soutien. Cela va-t-il être distribué de manière indistincte ? Certains disent que l'on va perpétuer quelque chose qui est injuste, c'est-à-dire qu'on va soutenir de la même manière les éleveurs et ceux qui ont le problème des vaches laitières...
R - Dans un gouvernement, il faut garder une certaine modestie. On peut parfois être amené à s'exprimer à la place des autres, mais c'est Jean Glavany qui annoncera son plan lorsqu'il sera arrêté, je crois, jeudi.
Q - Dans cette affaire, vous l'avez vous-même reconnu, c'est quand même l'Allemagne qui a dit non, la Hollande également... mais le poids de l'Allemagne a été très fort. Est-ce un poids nouveau ?
R - Non, s'agissant de ce type de problèmes agricoles, cela est vrai depuis longtemps... L'Allemagne est le principal contributeur au budget communautaire. C'est logique car c'est le principal producteur, le pays le plus riche d'Europe. Elle a le désir, légitime de son point de vue, de payer moins. C'est une confrontation qui existe depuis des années, chaque fois que l'on a un paquet financier - le paquet Delors I, Delors II, le paquet Santer, l'Agenda 2000. C'est une problématique à laquelle nous sommes très accoutumés. Quant à savoir si l'Allemagne a un poids nouveau, il y a une donnée fondamentale, très simple, qui a changé en Europe, depuis 1989 : l'Allemagne s'est réunifiée. Elle n'est plus confrontée à sa division ; elle est le pays le plus peuplé d'Europe. Elle se trouve en plus dans une position centrale dans une Europe qui va s'élargir vers l'Est, puisqu'il y a dix pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion. Donc, tout cela fait que l'Allemagne se sent renforcée, confortée, qu'elle a un besoin d'affirmer cette identité, qu'elle se sent aussi un peu "normalisée", c'est-à-dire qu'elle n'éprouve pas le désir de regarder sans arrêt vers le passé. Nous acceptons tout cela, car la normalité, le poids de l'Allemagne sont des données et non des fantasmes. Ce sont des réalités. Mais en même temps, l'Allemagne seule ne peut pas être la puissance européenne. Le couple franco-allemand doit continuer d'être ce qu'il est depuis l'origine, c'est-à-dire un couple indispensable, moteur pour l'Union européenne. Il a pu connaître des difficultés mais il est vital, et pour la France, et pour l'Allemagne, et pour l'Europe, de résoudre ces problèmes.
Q - C'est votre souhait mais la réalité, n'est-ce pas plutôt que ce que veut l'Allemagne, l'Europe le veut, et ce que ne veut plus l'Allemagne, l'Europe ne le veut plus ?
R - Non. Vous savez, cela ne marche pas exactement comme cela. Ce qui est clair c'est que lorsque le couple franco-allemand ne fonctionne pas bien, l'Europe est quelque peu paralysée, stoppée ou ralentie.
Q - Vous trouvez que le couple franco-allemand a bien fonctionné à Bruxelles, cette nuit ? Que reste-t-il du partenariat franco-allemand ?
R - Vous avez tort. Je pense que Jean Glavany et son homologue, ministre de l'Agriculture, qui appartient aux Verts, ont eu une discussion franche, qui a permis d'avancer vers les solutions. Nous n'avons pas vécu, cette nuit, une crise. Nous avons vécu un moment difficile qui débouche sur des solutions concrètes. Ce n'est pas, je crois, un bon exemple de divergences entre nos deux pays.
Q - Il y a un hasard qui a voulu qu'hier soir ait lieu aussi la signature du Traité de Nice entre le Premier ministre, le président de la République et les ministres des Affaires étrangères des 14 autres pays. On a eu le sentiment que c'était une signature en catimini, non ?
R - Cela se fait toujours ainsi, la signature d'un traité.
Q - On n'avait pas le sentiment d'une grande fierté...
R - La présence du président de la République, du Premier ministre manifestent que l'exécutif, les autorités françaises se reconnaissent pleinement dans ce traité. Il y avait aussi la présidente du Parlement européen, le président de la Commission européenne, le Premier ministre suédois, qui préside actuellement l'Union européenne.
Q - Il y avait la Présidence précédente et la Présidence actuelle, ce qui est normal.
R - Oui, mais elles auraient pu être représentées par leur ministre des Affaires étrangères, ce qui est déjà très important. Mais là, on a tenu à donner un aspect plus solennel. Je n'ignore pas ce que sont les faiblesses de Nice. J'ai été un de ses négociateurs, j'en ai entendu parler, en bien et en mal... Nice restera dans l'histoire comme une étape très importante : c'est le traité qui aura permis l'élargissement. Je ne nie pas ses faiblesses, mais je dis que ce traité était le meilleur possible dans l'état actuel de l'Union. Ce qui le stigmatise, ce n'est pas telle ou telle présidence qu'ils doivent s'en prendre, c'est à l'état de l'Union, que nous devons améliorer, car nous sommes à un moment charnière. Que sera cet élargissement ? Que sera l'architecture institutionnelle de l'Europe ? C'est pour cela qu'à Nice, nous avons adopté ce traité - il fallait le faire - en considérant que c'était le meilleur possible, mais nous avons aussi ouvert un grand débat pour la période qui va d'ici à 2004 : quel avenir pour l'Union européenne ? Quelle architecture institutionnelle ? Quel sens politique et quelles frontières pour l'Union ?
Q - Puisque vous parlez de 2004, j'ai vu qu'une vingtaine de députés européens, dont Michel Rocard, disent que l'on ne peut pas attendre 2004, que l'on doit trouver un nouveau fonctionnement à l'Europe, dès maintenant, car précisément le traité de Nice est trop compliqué... il faut bien une bonne demi-heure pour expliquer comment se prendront les décisions...
R - Ne soyons pas démagogues : c'est un traité européen, ce n'est donc pas quelque chose de très simple...
Q - Faut-il attendre 2004 ?
R - Je crois qu'il faut prendre le temps du débat, du débat national d'abord, que je souhaite très libre, dans lequel les intellectuels, les médias, les parlementaires, la société civile, les associations pourront s'exprimer, avec les gouvernements bien sûr. Ensuite, il faut un débat au niveau européen, dont il faudra définir la forme. Je ne suis pas opposé à la formule d'une "convention", c'est-à-dire une enceinte ad hoc, qui réunit le Parlement européen, la Commission européenne, les Parlements nationaux, les représentants du gouvernement. C'est comme cela que l'on a élaboré la Charte européenne des droits fondamentaux. Ensuite, il faudra conclure in fine par ce qu'on appelle une CIG, une Conférence intergouvernementale, autrement dit une décision des Etats, qui débouchera sur un nouveau traité, adopté en 2004. J'ajoute qu'entre maintenant et 2004, il y a 2002. Le grand débat européen se retrouvera donc aussi dans les échéances nationales, en France évidemment, mais aussi en Allemagne, en Angleterre. Donc, on ne peut pas faire comme si on tranchait d'avance aujourd'hui pour les pouvoirs qui seront en place à l'avenir. Je suis persuadé que ce que pense Jacques Chirac de l'Europe et ce que Lionel Jospin en dira, ce n'est peut-être pas exactement la même chose.
Q - Précisément, une curiosité de ma part pour que ceux qui nous écoutent comprennent bien, la ratification par les parlements se fera-t-elle avant 2002 ?
R - Elle se fera avant la fin 2002. D'ailleurs, je vous donne une information : le gouvernement, en accord avec le président, souhaite que la ratification soit engagée très vite, que ce débat de ratification vienne devant le Parlement avant l'été.
Q - Vous avez bon espoir que le Parlement ratifiera dans cette majorité ? Je ne fais pas allusion au clivage droite-gauche, d'ailleurs...
R - Oui, le Parlement, dans sa sagesse... Ce serait logique d'ailleurs, ce traité ayant été adopté sous la présidence de Jacques Chirac avec un gouvernement Jospin. Je crois, en plus, que ne pas ratifier Nice, ce serait ouvrir une crise majeure pour l'Union européenne, ce serait empêcher l'élargissement, ce serait paralyser l'Europe. Je ne dis pas que Nice est un traité parfait, mais je dis que ne pas ratifier Nice, c'est la crise.
Q - Puisqu'on en est aux informations, vous dites que d'ici l'été, le président et le Premier ministre souhaitent que ce traité vienne devant le Parlement...
R - Le Premier ministre l'a dit hier, d'ailleurs.
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Q - Vous avez qualifié la nature de ce propos en disant qu'il aurait du souffle. Mais sur le contenu, ce débat doit-il s'articuler autour d'un débat sur l'architecture des pouvoirs à l'intérieur de notre pays ? Il y a peu de temps, on a lu, dans le Monde, un entretien accordé par Jack Lang sur ce que devait être le nouveau fonctionnement de la démocratie dans notre pays, ce qui signifie que cela doit être remis dans un contexte européen. Tout cela doit-il être rapidement articulé par le Premier ministre ?
R - Ce qu'a pu dire Jack Lang est une dimension qui n'est pas inintéressante, effectivement. Je crois simplement qu'il y a deux débats : l'un sur les institutions françaises - quelle République ? - et l'autre sur l'Europe. Je souhaite que ces deux débats soient présents dans les grands choix démocratiques de l'an prochain.
Q - Mais n'est-ce pas le même débat ?
R - Non, ce n'est pas le même débat. Il faut que Lionel Jospin s'exprime sur l'architecture institutionnelle de l'Union européenne, sur le projet de l'Union européenne - autrement dit : quelle politique concrète pour les Européens ? - et aussi sur les frontières de l'Union européenne - jusqu'où va-t-elle ? - car on sait qu'il y a déjà douze pays candidats. Il y en a encore d'autres avec les Balkans, qui sont à côté ; il y a la Turquie qui est un pays candidat et qui n'a pas encore ouvert de négociations. Il y a d'autres pays qui peuvent aspirer à cela. Bref, voulons-nous une Europe à trente, à quarante ? Comment cela marche-t-il ? Voulons-nous une Europe communautaire, dans laquelle la Commission joue un rôle, ou bien une Europe intergouvernementale, dans laquelle ce sont les gouvernements seuls qui agissent ? Quel rôle pour le Parlement européen ? Je suis d'accord pour dire que les deux débats sont liés, mais je pense que le Premier ministre a besoin d'avoir une expression spécifique sur les questions européennes.
Q - Je pose la question autrement : à l'intérieur de cet espace européen, souhaite-t-on une République plus unitaire ou plus fédérale ? On a le sentiment que c'est le problème qui est de plus en plus posé, notamment dans la confrontation entre le Premier ministre et le président de la République.
R - C'est pour cela que je vous ai expliqué que ces débats seront sans doute liés mais ils seront liés en 2002, si par hypothèse ces deux personnes étaient amenées à défendre les couleurs de la droite et de la gauche. Mais, cette année, il faut aussi répondre à une obligation en quelque sorte : quelle vision avons-nous de l'Europe ? Je souhaite que 2001 soit l'année du débat national sur l'Europe.
Q - En attendant ces échéances, il y a les élections municipales. Vous êtes candidat à Montbéliard. Si vous êtes élu, continuerez-vous à vous occuper des Affaires européennes ?
R - C'est le Premier ministre qui en décidera. C'est lui qui forme le gouvernement, c'est à lui d'évaluer comment il souhaite former son gouvernement après les municipales. Mais une chose est claire : si je suis élu maire de Montbéliard, je serai maire de Montbéliard. Mais c'est le Premier ministre qui choisira les ministres.
Q - Vous n'avez pas, comme votre voisine franc-comtoise, un sentiment de lassitude et le besoin de prendre quelques congés du gouvernement ?
R - Non, ça va encore. Et j'aimerais bien être le ministre qui, aux côtés d'Hubert Védrine, fera ratifier le Traité de Nice devant le Parlement./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er mars 2001)