Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Madame Martine AUBRY, retenue à Paris, a souhaité que vous soit communiqué un message dont voici la teneur :
« je tiens à vous exprimer mon regret de navoir pu être là personnellement pour conclure vos travaux. Jai tenu cependant à ce que ce colloque se tienne et jai décidé de le maintenir à la date prévue. Je remercie, à cet instant précis, tous ceux qui lont rendu possible. Je pense en premier lieu à Jean-Marc Ayrault, qui nous accueille à Nantes dans ce cadre splendide du Palais des Congrès. Je pense aussi aux intervenants, dont certains sont venus de létranger. Tous ont répondu à notre appel, se sont déplacé, ont donné de leur temps -et souvent même, de leur passion. Et vous aussi, Mesdames et Messieurs, qui avez suivi ces débat : dans votre diversité, vous avez témoigné de votre intérêt pour un grand sujet qui mérite, non que lon se divise, mais quon se rassemble.
Il sagit, ni plus ni moins, de la manière dont la nation, aujourdhui, senrichit de nouveaux membres. Et sur ce thème, ce colloque vient à son heure. Notre pays a connu en effet, sur ce sujet dans la période récente, une activité législative soutenue. Nourri par une réflexion approfondie -je pense notamment aux travaux de la commission de la nationalité présidée par Monsieur Marceau Long, et plus récemment, au rapport du professeur Patrick Weil- le débat public a permis lexpression au Parlement, dans leur richesse et leurs nuances, de tous les points de vue. Il est rare de faire à ce point le " tour du sujet ". Il en résulte, au bout du compte, avec la loi du 16 mars 1998, un texte déquilibre. Il sinscrit dans la forme originale que prend en France, historiquement, le droit de sol. Il renoue avec la tradition ancienne de lacquisition à la majorité sans formalité, dès lors que certaines conditions sont réunies, au premier rang desquelles, évidemment la naissance en France. Mais il combine les avantages de ce système -qui représente une sécurité pour les intéressés- avec ceux de la démarche volontaire puisquil est possible, on le sait, danticiper lacquisition de la nationalité à partir de 16 ans, et même de 13 ans. Maintenant que notre droit est stabilisé, je lespère, pour une longue période, il faut faire vivre le nouveau texte, et pour cela le faire connaître. Il y a là, je le souligne, un fort enjeu dinformation, quil faut considérer comme un enjeu dintégration. Il faut notamment trouver le moyen dencourager les jeunes à ne pas attendre 18 ans et à anticiper, quand ils remplissent les conditions, lacquisition de la nationalité française. Ce projet personnel doit être pour eux un moteur dintégration, c'est-à-dire une motivation, et parfois une aide. Aussi la mise en place, par décret dun dispositif permanent dinformation, reposant principalement sur les services publics, est-elle le complément nécessaire de la loi récente. De même, le gouvernement a-t-il décidé le lancement prochain, sur ce thème, dune grande campagne dinformation.
Ce que montre également la période que nous vivons, c'est quil ny a pas de contradiction entre le renforcement de lEurope et la modernisation du droit de la nationalité. Dans le même temps où elles sintègrent davantage, certaines des vieilles nations qui composent lEurope interrogent leur législation. Au moment où le débat public se termine chez nous, il souvre chez un de nos grands voisins. Je pense évidemment à lAllemagne, où sengage une réforme très importante que dores et déjà, nous suivons avec intérêt. Une mention particulière doit être faite, également, des travaux qui prennent place dans le cadre du Conseil de lEurope. Sur la base de principes sur lesquels un grand nombre dEtats peuvent saccorder cette institution vise à définir des instruments juridiques utiles, notamment aux Etats qui ont besoin de compléter ou de préciser leur droit en la matière. En cela, elle continue de jouer un rôle important sur un sujet délicat, puisquil touche à la souveraineté, elle mène une action de coopération juridique à laquelle prennent part des experts français, et cest une bonne chose.
Même s'il est sans doute prématuré de parler dune convergence du droit de la nationalité des Etats européens, voire de lémergence dun droit européen de la nationalité, les réflexions de votre table ronde ont montré la richesse de ce sujet, qui va devenir de plus en plus d'intérêt commun en Europe.
Quoiquil en soit, ces débats conduisent à aborder, à un moment ou à un autre, la question de laccès à la nationalité de ceux qui ne peuvent se réclamer, ni des liens du sang, ni du sol. A quelles conditions lautorité publique peut-elle les admettre dans la communauté nationale ? Cest toute la problématique du droit de la naturalisation auquel le législateur, dans sa sagesse, a fort peu touché dans la période récente. Peu nombreuses, les dispositions nouvelles quil a introduites nen sont pas moins chargées de sens ; et dans certains cas, porteuses de redoutables questions. Je ne mattarderai pas sur le retour à un délai dun an pour, à compter du mariage, ouvrir au conjoint étranger dun français la possibilité de souscrire une déclaration en vue dacquérir la nationalité. Il sagit dun droit. Je ne mentionnerai que pour mémoire le caractère communicable, au vue de la loi du 17 juillet 1978, des dossiers de nationalité : le législateur entérine sur ce point une évolution que venait de décider la commission daccès aux documents administratifs. Mais je voudrais revenir sur les dispositions relatives dune part à la motivation, dautre part aux délais de traitement des dossiers. Sur la motivation, tout dabord. Lobligation de motiver toutes décisions défavorables en matière de nationalité nest pas nouvelle, elle date de 1993. Sa portée a seulement été précisée en 1998, par référence aux termes de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation du des actes administratifs. Mais la seule mention de cette dernière loi fait surgir une question. Elle sapplique, pour lessentiel, à des décisions prises dans des domaines où les administrés sont en mesure de revendiquer un droit. Or en matière de nationalité, et selon une tradition juridique ancienne, la décision de lautorité publique n'est pas un droit, mais selon lexpression consacrée, une faveur... Ainsi, alors même que les conditions légales -dites de recevabilité- sont réunies, le gouvernement na jamais lobligation de naturaliser un demandeur. Il ny a pas dautomaticité et je crois cela légitime. Sil est un domaine de souveraineté, cest bien celui là et lexistence dun droit généreux et ouvert -comme lest le droit français- ne doit pas exclure la possibilité de refuser lorsque des considérations supérieures sont en jeu, en matière de sécurité publique par exemple. Dun autre côté, la motivation aussi est légitime : cest un mouvement de fond auquel nous adhérons pleinement- et en matière de nationalité, linvestissement personnel des demandeurs est tel quils ont le droit de savoir pourquoi on leur oppose un refus. Il nous incombe donc de satisfaire à deux ordres dexigences, sans sarrêter à leur apparence de contradiction. Il nous appartient également de veiller à ce que la motivation des décisions, lorsqu'elle évoque les comportements individuels, soit toujours respectueuse des personnes. J'ai demandé un effort particulier sur ce point, afin que le service public soit véritablement irréprochable. D'une manière générale, tout un équilibre est à trouver, et nous le construirons au fil des décisions, en dialogue avec la juridiction administrative.
Les problèmes soulevés par les délais de traitement des dossiers sont dune nature différente. En imposant à lautorité publique de prendre sa décision dans les 18 mois à compter du dépôt dun dossier complet, le législateur a montré quil nacceptait pas les délais quon observe actuellement : plus de 2 ans en moyenne, ce qui veut dire sensiblement plus dans certains cas. Cette dérive, vous laurez compris en prenant connaissance des chiffres qui vous ont été présentés, aujourd'hui, tient au rythme daugmentation des demandes : la sous-direction des naturalisations a été saisie en moyenne de 26 000 dossiers de naturalisation pendant la décennie. des années 80 ; elle en a enregistré 60 000 en 1997. Les moyens de ladministration, en effectifs, ne sajustent jamais dans les mêmes proportions. A lheure où elle sinstallait à Rézé, la sous direction comptait 125 agents, 10 ans après, à la fin de lannée 1997, elle en compte 142.
La première façon de réagir est de tirer le maximum des possibilités existantes en termes dorganisation, de méthode, de procédures internes, de recours à linformatique. Cela a été fait, largement : la recherche des gains sur ces plans est bien ancrée dans la culture de la sous-direction. Mais il faut aller plus loin encore. Jai demandé à un groupe de travail, mis en place conjointement avec le ministère de lintérieur et un certain nombre de préfectures, de procéder à une remise à plat complète du processus administratif, de la constitution de dossier en préfecture jusquà la décision. Toute une série de propositions sont sorties de ces travaux, que jai validées et dont jattends des progrès notables en ce qui concerne lallégement des dossiers, la simplification des procédures auxquelles sont soumis les demandeurs, une meilleure utilisation de loutil informatique. De plus, jai décidé de renforcer significativement les effectifs de la sous-direction : un premier effort a été fait en 1998 ; il sera poursuivi en 1999.
Mais sil nous faut réduire les délais, cest sans rien céder à la qualité de nos décisions. Chaque demandeur a droit, sinon à une décision positive, du moins à un examen approfondi de son dossier et à un recours effectif. Cela suppose une appréciation aussi fine et personnalisée que possible de sa situation. Une décision est la résultante, non de critères automatiques, mais dun faisceau dindices. Une telle approche est dautant plus nécessaire que le contexte socio-économique est devenu plus difficile. Sil est vrai que la naturalisation vient couronner un parcours dintégration, il y a lieu de faire preuve de souplesse dans ce domaine. Comment apprécier linsertion professionnelle, par exemple ? Le travail, cest certain, est un puissant facteur dintégration. Faut-il pour autant, fermer laccès à la nationalité aux demandeurs qui ne sont pas titulaires dun contrat de travail à durée indéterminée, travaillant à temps plein et bien rémunérés ? Il existe des parcours personnels faits defforts de formation, de recherches de stages, ou de qualification, de périodes travaillées, voire dengagements bénévoles qui sont révélateurs dun vrai dynamisme et qui méritent d'être pris en considération. Je prendrai un autre exemple. Lorsquune femme âgée, après de longues années de présence en France, sexprime toujours mal -voire très mal- dans notre langue, mais quelle a élevé des enfants qui eux, passés par lécole, sont parfaitement intégrés, ne faut-il pas en tenir compte ? Sur ces points, comme sur dautres, il faut faire évoluer les pratiques et jai demandé une réécriture complète des instructions sur la base desquelles, les agents traitent les dossiers.
Ce travail vient de sachever. Il y a lieu maintenant de mettre résolument en oeuvre ces orientations nouvelles. Cet ensemble de mesures, qui prolongent et développent ce que j'ai annoncé dans ma communication en conseil des ministres du 21 octobre dernier, constitue pour moi une nouvelle politique des naturalisations, sur laquelle j'aurai à nouveau prochainement, l'occasion de revenir.
Jai parlé, il y a un instant, dintégration à propos de la situation des personnes qui demande la nationalité. Ce rapprochement nest pas fortuit. Il existe un lien naturel, et puissant, entre naturalisation et intégration. On le retrouve aussi bien, dailleurs, dans lorganisation administrative, puisquen France cest la même direction qui pilote la politique dintégration et qui gère les naturalisations. Je souhaite que, plus que jamais, soient tirées les conséquences de ce rapprochement. Par exemple, les postulants à la nationalité dont lassimilation linguistique est insuffisante, devraient se voir proposer des formations adéquates. Plus généralement, il faut veiller à ce que laccueil dans la communauté nationale, que représente la naturalisation ne soit pas purement formel mais conduise à une véritable égalité de droits. Tel nest pas le cas si persistent des discriminations à raison de lorigine étrangère, quil nous faut résolument combattre et lon sait que jai engagé plusieurs actions dans ce domaine, notamment en ce qui concerne l'accès au travail.
Qu'il soit français de toujours ou devenu français, chaque membre de la nation doit se sentir investi du destin collectif. C'est ainsi que notre pays continuera à s'enrichir, comme il l'a toujours fait depuis qu'il existe.
Je vous remercie. »
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 9 mars 1999)
Madame Martine AUBRY, retenue à Paris, a souhaité que vous soit communiqué un message dont voici la teneur :
« je tiens à vous exprimer mon regret de navoir pu être là personnellement pour conclure vos travaux. Jai tenu cependant à ce que ce colloque se tienne et jai décidé de le maintenir à la date prévue. Je remercie, à cet instant précis, tous ceux qui lont rendu possible. Je pense en premier lieu à Jean-Marc Ayrault, qui nous accueille à Nantes dans ce cadre splendide du Palais des Congrès. Je pense aussi aux intervenants, dont certains sont venus de létranger. Tous ont répondu à notre appel, se sont déplacé, ont donné de leur temps -et souvent même, de leur passion. Et vous aussi, Mesdames et Messieurs, qui avez suivi ces débat : dans votre diversité, vous avez témoigné de votre intérêt pour un grand sujet qui mérite, non que lon se divise, mais quon se rassemble.
Il sagit, ni plus ni moins, de la manière dont la nation, aujourdhui, senrichit de nouveaux membres. Et sur ce thème, ce colloque vient à son heure. Notre pays a connu en effet, sur ce sujet dans la période récente, une activité législative soutenue. Nourri par une réflexion approfondie -je pense notamment aux travaux de la commission de la nationalité présidée par Monsieur Marceau Long, et plus récemment, au rapport du professeur Patrick Weil- le débat public a permis lexpression au Parlement, dans leur richesse et leurs nuances, de tous les points de vue. Il est rare de faire à ce point le " tour du sujet ". Il en résulte, au bout du compte, avec la loi du 16 mars 1998, un texte déquilibre. Il sinscrit dans la forme originale que prend en France, historiquement, le droit de sol. Il renoue avec la tradition ancienne de lacquisition à la majorité sans formalité, dès lors que certaines conditions sont réunies, au premier rang desquelles, évidemment la naissance en France. Mais il combine les avantages de ce système -qui représente une sécurité pour les intéressés- avec ceux de la démarche volontaire puisquil est possible, on le sait, danticiper lacquisition de la nationalité à partir de 16 ans, et même de 13 ans. Maintenant que notre droit est stabilisé, je lespère, pour une longue période, il faut faire vivre le nouveau texte, et pour cela le faire connaître. Il y a là, je le souligne, un fort enjeu dinformation, quil faut considérer comme un enjeu dintégration. Il faut notamment trouver le moyen dencourager les jeunes à ne pas attendre 18 ans et à anticiper, quand ils remplissent les conditions, lacquisition de la nationalité française. Ce projet personnel doit être pour eux un moteur dintégration, c'est-à-dire une motivation, et parfois une aide. Aussi la mise en place, par décret dun dispositif permanent dinformation, reposant principalement sur les services publics, est-elle le complément nécessaire de la loi récente. De même, le gouvernement a-t-il décidé le lancement prochain, sur ce thème, dune grande campagne dinformation.
Ce que montre également la période que nous vivons, c'est quil ny a pas de contradiction entre le renforcement de lEurope et la modernisation du droit de la nationalité. Dans le même temps où elles sintègrent davantage, certaines des vieilles nations qui composent lEurope interrogent leur législation. Au moment où le débat public se termine chez nous, il souvre chez un de nos grands voisins. Je pense évidemment à lAllemagne, où sengage une réforme très importante que dores et déjà, nous suivons avec intérêt. Une mention particulière doit être faite, également, des travaux qui prennent place dans le cadre du Conseil de lEurope. Sur la base de principes sur lesquels un grand nombre dEtats peuvent saccorder cette institution vise à définir des instruments juridiques utiles, notamment aux Etats qui ont besoin de compléter ou de préciser leur droit en la matière. En cela, elle continue de jouer un rôle important sur un sujet délicat, puisquil touche à la souveraineté, elle mène une action de coopération juridique à laquelle prennent part des experts français, et cest une bonne chose.
Même s'il est sans doute prématuré de parler dune convergence du droit de la nationalité des Etats européens, voire de lémergence dun droit européen de la nationalité, les réflexions de votre table ronde ont montré la richesse de ce sujet, qui va devenir de plus en plus d'intérêt commun en Europe.
Quoiquil en soit, ces débats conduisent à aborder, à un moment ou à un autre, la question de laccès à la nationalité de ceux qui ne peuvent se réclamer, ni des liens du sang, ni du sol. A quelles conditions lautorité publique peut-elle les admettre dans la communauté nationale ? Cest toute la problématique du droit de la naturalisation auquel le législateur, dans sa sagesse, a fort peu touché dans la période récente. Peu nombreuses, les dispositions nouvelles quil a introduites nen sont pas moins chargées de sens ; et dans certains cas, porteuses de redoutables questions. Je ne mattarderai pas sur le retour à un délai dun an pour, à compter du mariage, ouvrir au conjoint étranger dun français la possibilité de souscrire une déclaration en vue dacquérir la nationalité. Il sagit dun droit. Je ne mentionnerai que pour mémoire le caractère communicable, au vue de la loi du 17 juillet 1978, des dossiers de nationalité : le législateur entérine sur ce point une évolution que venait de décider la commission daccès aux documents administratifs. Mais je voudrais revenir sur les dispositions relatives dune part à la motivation, dautre part aux délais de traitement des dossiers. Sur la motivation, tout dabord. Lobligation de motiver toutes décisions défavorables en matière de nationalité nest pas nouvelle, elle date de 1993. Sa portée a seulement été précisée en 1998, par référence aux termes de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation du des actes administratifs. Mais la seule mention de cette dernière loi fait surgir une question. Elle sapplique, pour lessentiel, à des décisions prises dans des domaines où les administrés sont en mesure de revendiquer un droit. Or en matière de nationalité, et selon une tradition juridique ancienne, la décision de lautorité publique n'est pas un droit, mais selon lexpression consacrée, une faveur... Ainsi, alors même que les conditions légales -dites de recevabilité- sont réunies, le gouvernement na jamais lobligation de naturaliser un demandeur. Il ny a pas dautomaticité et je crois cela légitime. Sil est un domaine de souveraineté, cest bien celui là et lexistence dun droit généreux et ouvert -comme lest le droit français- ne doit pas exclure la possibilité de refuser lorsque des considérations supérieures sont en jeu, en matière de sécurité publique par exemple. Dun autre côté, la motivation aussi est légitime : cest un mouvement de fond auquel nous adhérons pleinement- et en matière de nationalité, linvestissement personnel des demandeurs est tel quils ont le droit de savoir pourquoi on leur oppose un refus. Il nous incombe donc de satisfaire à deux ordres dexigences, sans sarrêter à leur apparence de contradiction. Il nous appartient également de veiller à ce que la motivation des décisions, lorsqu'elle évoque les comportements individuels, soit toujours respectueuse des personnes. J'ai demandé un effort particulier sur ce point, afin que le service public soit véritablement irréprochable. D'une manière générale, tout un équilibre est à trouver, et nous le construirons au fil des décisions, en dialogue avec la juridiction administrative.
Les problèmes soulevés par les délais de traitement des dossiers sont dune nature différente. En imposant à lautorité publique de prendre sa décision dans les 18 mois à compter du dépôt dun dossier complet, le législateur a montré quil nacceptait pas les délais quon observe actuellement : plus de 2 ans en moyenne, ce qui veut dire sensiblement plus dans certains cas. Cette dérive, vous laurez compris en prenant connaissance des chiffres qui vous ont été présentés, aujourd'hui, tient au rythme daugmentation des demandes : la sous-direction des naturalisations a été saisie en moyenne de 26 000 dossiers de naturalisation pendant la décennie. des années 80 ; elle en a enregistré 60 000 en 1997. Les moyens de ladministration, en effectifs, ne sajustent jamais dans les mêmes proportions. A lheure où elle sinstallait à Rézé, la sous direction comptait 125 agents, 10 ans après, à la fin de lannée 1997, elle en compte 142.
La première façon de réagir est de tirer le maximum des possibilités existantes en termes dorganisation, de méthode, de procédures internes, de recours à linformatique. Cela a été fait, largement : la recherche des gains sur ces plans est bien ancrée dans la culture de la sous-direction. Mais il faut aller plus loin encore. Jai demandé à un groupe de travail, mis en place conjointement avec le ministère de lintérieur et un certain nombre de préfectures, de procéder à une remise à plat complète du processus administratif, de la constitution de dossier en préfecture jusquà la décision. Toute une série de propositions sont sorties de ces travaux, que jai validées et dont jattends des progrès notables en ce qui concerne lallégement des dossiers, la simplification des procédures auxquelles sont soumis les demandeurs, une meilleure utilisation de loutil informatique. De plus, jai décidé de renforcer significativement les effectifs de la sous-direction : un premier effort a été fait en 1998 ; il sera poursuivi en 1999.
Mais sil nous faut réduire les délais, cest sans rien céder à la qualité de nos décisions. Chaque demandeur a droit, sinon à une décision positive, du moins à un examen approfondi de son dossier et à un recours effectif. Cela suppose une appréciation aussi fine et personnalisée que possible de sa situation. Une décision est la résultante, non de critères automatiques, mais dun faisceau dindices. Une telle approche est dautant plus nécessaire que le contexte socio-économique est devenu plus difficile. Sil est vrai que la naturalisation vient couronner un parcours dintégration, il y a lieu de faire preuve de souplesse dans ce domaine. Comment apprécier linsertion professionnelle, par exemple ? Le travail, cest certain, est un puissant facteur dintégration. Faut-il pour autant, fermer laccès à la nationalité aux demandeurs qui ne sont pas titulaires dun contrat de travail à durée indéterminée, travaillant à temps plein et bien rémunérés ? Il existe des parcours personnels faits defforts de formation, de recherches de stages, ou de qualification, de périodes travaillées, voire dengagements bénévoles qui sont révélateurs dun vrai dynamisme et qui méritent d'être pris en considération. Je prendrai un autre exemple. Lorsquune femme âgée, après de longues années de présence en France, sexprime toujours mal -voire très mal- dans notre langue, mais quelle a élevé des enfants qui eux, passés par lécole, sont parfaitement intégrés, ne faut-il pas en tenir compte ? Sur ces points, comme sur dautres, il faut faire évoluer les pratiques et jai demandé une réécriture complète des instructions sur la base desquelles, les agents traitent les dossiers.
Ce travail vient de sachever. Il y a lieu maintenant de mettre résolument en oeuvre ces orientations nouvelles. Cet ensemble de mesures, qui prolongent et développent ce que j'ai annoncé dans ma communication en conseil des ministres du 21 octobre dernier, constitue pour moi une nouvelle politique des naturalisations, sur laquelle j'aurai à nouveau prochainement, l'occasion de revenir.
Jai parlé, il y a un instant, dintégration à propos de la situation des personnes qui demande la nationalité. Ce rapprochement nest pas fortuit. Il existe un lien naturel, et puissant, entre naturalisation et intégration. On le retrouve aussi bien, dailleurs, dans lorganisation administrative, puisquen France cest la même direction qui pilote la politique dintégration et qui gère les naturalisations. Je souhaite que, plus que jamais, soient tirées les conséquences de ce rapprochement. Par exemple, les postulants à la nationalité dont lassimilation linguistique est insuffisante, devraient se voir proposer des formations adéquates. Plus généralement, il faut veiller à ce que laccueil dans la communauté nationale, que représente la naturalisation ne soit pas purement formel mais conduise à une véritable égalité de droits. Tel nest pas le cas si persistent des discriminations à raison de lorigine étrangère, quil nous faut résolument combattre et lon sait que jai engagé plusieurs actions dans ce domaine, notamment en ce qui concerne l'accès au travail.
Qu'il soit français de toujours ou devenu français, chaque membre de la nation doit se sentir investi du destin collectif. C'est ainsi que notre pays continuera à s'enrichir, comme il l'a toujours fait depuis qu'il existe.
Je vous remercie. »
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 9 mars 1999)