Déclaration de M. Georges Sarre, président délégué du Mouvement des citoyens, sur son opposition à la proposition de loi organique relative aux lois de finances venant en application de la ratification des traités européens et sur la nécessité de renforcer les pouvoirs législatifs, à l'Assemblée nationale, le 7 février 2001.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Mes Chers collègues,
A la différence des précédentes, et nombreuses tentatives de réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959 celle-ci s'inscrit dans un contexte marqué par un recul très important de la souveraineté de la République française. Non seulement le Parlement et le pouvoir exécutif ne sont plus maîtres depuis longtemps de la partie des charges de l'Etat constituée par la participation communautaire (100 MdF) mais le budget de la France est contraint par les critères de convergence et le Traité d'Amsterdam depuis quelques années.
D'autre part ce projet s'inspire d'une éthique de transparence. Il conduit à renforcer l'information du Parlement sans remettre en cause la prééminence de l'exécutif dans l'élaboration des projets de lois de finances. Il introduit des réformes techniques sur lesquelles des réflexions semblent devoir être encore menées.
L'initiative des lois de finances restera une prérogative exclusive du pouvoir exécutif comme c'est le cas jusqu'à présent. Dans une République moderne il paraît difficile qu'il en soit autrement, mais cette situation appelle une contrepartie : un pouvoir réel d'amendement du parlement comme émanation du peuple souverain. Dans le projet, les compétences sont simplement plus étendues. Ainsi les garanties financières accordées par l'Etat seront votées par le Parlement.
Pour positives qu'elles soient, ces évolutions ne constituent pas un renforcement des pouvoirs du Parlement en matière de fixation des moyens des services publics.
Comme en écho à l'article 40 de la Constitution du 4 octobre 1958, la capacité de présenter des amendements pouvant conduire " soit [à] une diminution des ressources publiques, soit [à] la création ou l'aggravation d'une charge publique " demeure interdite à ses représentants. Le parlement reste néanmoins dans un état de minorité relative.
En réalité, le projet de loi organique se borne à prévoir diverses mesures d'amélioration de l'information des deux assemblées qui pourront ainsi mieux exercer leur contrôle de l'exécutif. Le principe de la sincérité des prévisions de dépenses et de recettes est inscrit dans le texte en discussion. Un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et le " programme de stabilité " seront présentés au parlement et aux commissions de finances des deux assemblées sans faire malheureusement l'objet d'un débat, ce qui est un comble.
En outre les parlementaires seront saisis d'un document qui sera plus lisible. Les missions de l'Etat seront déclinées en programmes assortis d'objectifs à atteindre et d'indicateurs d'évaluation. Une perspective pluriannuelle conforme aux pratiques ayant cours dans certains pays développés, de la sphère anglo-saxonne essentiellement, sera dessinée. Une manière de se caler sur l'horizon que s'est fixée l'Union européenne et qui se traduira par le vote d'autorisations pluriannuelles remplaçant les anciennes autorisations de programme.
Les mesures d'améliorations techniques des dispositions de l'ordonnance de janvier 1959 sont prévues. Beaucoup sont positives : vision plus claire de la situation patrimoniale de l'Etat ; distinction du moyen et long terme de ce qui est de l'ordre de la gestion courante. Par la création de deux sections, l'une d'investissement l'autre de fonctionnement.
L'assouplissement des règles de gestion qui est envisagé paraît également à encourager, qu'il s'agisse du développement des procédures de report de crédits, de la fongibilité intégrale des crédits autres que ceux du personnel à l'intérieur des programmes ou de la globalisation des crédits de personnel. Toutefois, il faut prendre garde de fixer les limites de ces nouveaux mécanismes. En effet, les services publics doivent être les mêmes pour tous sur tout le territoire de la République. Il ne faudrait pas que la fongibilité introduise des différences dans la gestion des crédits, je pense notamment à ceux d'intervention. Deux questions restent en suspens. Le projet tire un trait sur la notion de services votés. Il me semble qu'ils sont tout de même une garantie de continuité de l'Etat. Il faut que le Parlement sache à quoi il s'engage s'il remet en cause des moyens de certaines administrations.
La seconde question que je souhaiterais soulever est celle des recettes. Certes, ce projet pose le principe d'une comptabilisation des charges et des recettes de l'Etat selon la méthode dite des droits constatés. Néanmoins, le fait générateur de l'inscription des produits du budget de l'Etat est leur encaissement (article 20). Or il est nécessaire lors du vote de la loi du règlement et aussi à l'appui du projet de lois de finances d'informer le parlement et plus largement l'opinion sur le montant des recettes mises en recouvrement durant un exercice restant à encaisser en cours de l'exercice suivant. Le débat sur le montant de la " cagnotte " a été suffisamment éloquent pour que l'effort de modernisation de la gestion financière de l'Etat s'étende à cette question essentielle.
Il s'agit de réformer la " Constitution financière " de l'Etat dont la multiplicité des tentatives de refonte a montré l'insuffisance. Il faut donc aborder ce débat de façon constructive. De nombreuses améliorations résulteront de l'adoption de ce texte. Il serait stupide de l'ignorer et de les repousser. Mais le projet qui nous est soumis entérine l'abaissement de la souveraineté nationale procédant de la ratification des traités européens. Le débat que nous avons aujourd'hui en cache un autre, infiniment plus essentiel, celui de nos institutions. Dans un Etat démocratique moderne, dans une République une et indivisible fondée sur l'égalité des citoyens, le parlement doit avoir des pouvoirs étendus. Il ne peut être maintenu à l'état de mineur dans un domaine qui fut la cause de l'introduction du parlementarisme : le vote du budget de la nation. Il faut réfléchir à un rééquilibrage des pouvoirs de manière à renforcer à la fois l'exécutif et le législatif, le judiciaire devant rester une autorité conformément à la tradition républicaine.
(Source http://www.mdc-France.org, le 13 février 2001).