Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui, sur l'initiative de M. Le rapporteur général du budget Didier MIGAUD et après son adoption par votre commission spéciale présidée par M. le président Raymond FORNI, est fondamentale, au sens premier de ce terme.
- Elle l'est d'abord parce qu'elle touche à la répartition des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif, entre le Parlement et le Gouvernement. Elle constitue à ce titre une suite logique des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle, et répond à une demande forte de la part de nos concitoyens pour plus de transparence et de contrôle démocratique.
- Mais ce texte est également fondamental dans la mesure où il induira une rénovation en profondeur de la gestion publique. En ce sens, la réforme de l'ordonnance 1959 est une clef de la réforme de l'Etat, et c'est sur ce second aspect que je souhaiterais m'exprimer ici.
La modernisation de la gestion publique repose sur deux éléments indissociables : l'autonomie et la responsabilité du gestionnaire de crédits publics.
Plus d'autonomie suppose une plus grande globalisation des crédits et donc une facilité accrue pour modifier en cours d'exécution la nature ou la destination de la dépense grâce à la délégation d'enveloppes budgétaires globales.
C'est en cela que la fongibilité des crédits, déjà largement prévue dans la proposition de loi, est essentielle ; j'y reviendrai dans quelques instants.
Évidemment, l'autonomie n'est pas l'indépendance : chaque gestionnaire doit, en contrepartie de cette plus grande liberté d'action, se voir assigner des objectifs précis, directement déclinés de l'autorisation votée par le Parlement, connaître le mode d'évaluation de son action, et être capable d'en rendre compte.
Une des formes de ce couple autonomie/responsabilité est la contractualisation au sein des ministères, entre la centrale et les services déconcentrés, et entre l'Etat et ses établissements publics. Cette contractualisation, qui est déjà à l'uvre dans certaines administrations, suppose une définition des objectifs à atteindre pendant la période couverte par le contrat, une garantie sur les moyens budgétaires alloués au service pendant la durée du contrat (la notion de pluriannualité prend ici tout son sens) et la définition d'indicateurs de suivi et de compte rendu d'exécution du contrat. Il s'agit ni plus ni moins que de généraliser dans les administrations le contrôle de gestion.
De cette autonomie de gestion accrue, couplée aux outils d'une plus grande responsabilité, dépend l'efficacité de notre action publique : car comment être souple, réactif, en un mot efficace quand on a les mains liées par telle ou telle ligne budgétaire, quand les crédits alloués à telle ou telle action ont été définis par avance au niveau central ? Comment être motivé quand personne ne s'occupe de mesurer vos résultats ?
Outre la garantie d'avoir, demain, une administration plus efficace, je suis persuadé que nous détenons là une des clefs pour rendre plus attractives les fonctions d'encadrement dans la fonction publique. Or, c'est précisément en rendant plus attractifs ces métiers que nous pourrons satisfaire les besoins massifs de recrutement de l'administration dans les années à venir. La modernisation de l'exercice des responsabilités me semble en effet cruciale pour faire valoir, en particulier auprès de jeunes diplômés, l'attrait des fonctions d'encadrement dans la fonction publique.
Sur tous ces points, nous ne partons pas de rien. Des progrès ont été faits depuis plusieurs années, et particulièrement depuis les décisions du Comité interministériel sur la réforme de l'Etat du 12 octobre 2000.
C'est ainsi que nous avons décidé le développement des pratiques de contractualisation dans les administrations. L'expérience de contractualisation, qui a débuté en 2000 dans quatre préfectures, et qui se poursuit cette année dans dix autres, nous sert d'exemple. A leur tour, les ministères et les administrations engagent et engageront tout au long de l'année 2001 avec leurs services déconcentrés des démarches pluriannuelles de contractualisation assorties de globalisation des moyens de fonctionnement et de rémunération.
De la même façon, nous avons décidé la généralisation du contrôle de gestion dans les administrations d'ici l'année 2003. Il s'agit ni plus ni moins d'une étape préalable pour définir des indicateurs, évaluer les gestionnaires et rendre compte au Parlement.
Ce faisant, nous préparons et nous anticipons la révision de l'ordonnance.
Cette révision sera un stimulateur et un accélérateur puissants de cette rénovation de la gestion publique.
Trois points notamment conditionneront son impact en matière de réforme de l'Etat :
- Premier point : la définition des programmes. Le regroupement de crédits dans des programmes larges est un élément central de la réforme. Ces programmes doivent refléter les priorités de l'action publique, chacun d'entre-eux recouvrant une politique publique clairement identifiée.
C'est ainsi, et ainsi seulement, que nous pourrons attacher à chaque programme une série d'objectifs - objectifs qui serviront de base à l'évaluation des résultats, c'est-à-dire au contrôle, par le Parlement, de l'action du Gouvernement.
La définition de cette nomenclature budgétaire sera un travail de très longue haleine, qui occupera les administrations pendant la période transitoire définie par la proposition de loi organique et auquel nous nous préparons déjà, en étant guidés par le principe " un programme, une politique publique, un responsable ". La mise en uvre effective de ce principe supposera sans doute que soit possible une gestion interministérielle des crédits, au niveau territorial le plus pertinent pour la mise en uvre des politiques publiques.
- Deuxième point : la fongibilité des crédits. Elle est un élément essentiel, sinon l'élément essentiel de l'autonomie des gestionnaires. La proposition de loi permet une fongibilité des crédits de fonctionnement, d'intervention et d'investissement au sein des programmes.
Le dispositif qui est ainsi défini permet une autonomie large des gestionnaires tout en garantissant un contrôle efficace des emplois publics. Je pense en particulier qu'il est très important que le Parlement vote un stock d'emplois, défini globalement par ministère - étant entendu que des annexes à valeur indicative apporteront par ailleurs toutes les précisions nécessaires.
- Troisième point : la pluriannualité de l'exécution budgétaire. Elle se développe aux deux bouts de la chaîne budgétaire : au niveau européen avec le programme de stabilité, et au niveau local avec le choix que nous avons fait de promouvoir la contractualisation au sein des administrations. La proposition de loi organique introduit en ce sens une innovation essentielle : la généralisation d'autorisations d'engagement et donc la possibilité d'une programmation pluriannuelle des engagements. Elle pourrait permettre d'arriver, à terme, à asseoir sur une autorisation parlementaire les contrats d'objectifs et de moyens conclus au sein des administrations.
Bien sûr, la contractualisation ne doit pas être un moyen de corseter l'action de l'administration dans un cadre pluriannuel dont elle ne pourrait sortir qu'à la date d'échéance du contrat. Chaque contrat doit être révisable et comporter des clauses d'évaluation.
Je pense enfin que la faculté, pour les gestionnaires, de voir les crédits non employés reportés sur l'exercice suivant, apporte une souplesse indispensable à la gestion budgétaire.
Une crainte est parfois exprimée, selon laquelle des programmes trop larges, des crédits trop fongibles ou la possibilité d'autorisations pluriannuelles risqueraient de remettre en cause le contrôle du Parlement sur le contenu et l'exécution des lois de finances. Il y aurait ainsi contradiction entre la rénovation de la gestion publique et l'accroissement des prérogatives du Parlement.
Cette crainte ne me paraît pas fondée. Il faut bien l'admettre, le degré de détail atteint aujourd'hui dans les projets de lois de finances ne garantit plus la qualité du contrôle parlementaire sur l'exécution des recettes et des dépenses.
J'en veux pour preuve la façon dont le Parlement autorise le nombre d'emplois dans la fonction publique : certes, ce ne sont pas les détails qui manquent dans les documents budgétaires ; pour autant, nous serons tous d'accord pour dire que le système actuel ne garantit plus, si tant est qu'il ne l'ait jamais fait, la transparence sur le nombre d'emplois rémunérés à partir du budget de l'Etat.
De même, le principe de spécialité budgétaire, développé au XIXème siècle pour accroître le contrôle du Parlement sur l'activité du pouvoir exécutif, est aujourd'hui largement contre-productif. Une autorisation fondée sur des programmes budgétaires, dotés de crédits largement fongibles regroupés selon leur destination, selon les objectifs de la politique publique qu'ils mettent en uvre, ouvre la voie à un contrôle fondé sur les résultats et sur l'évaluation des politiques.
Ce contrôle est à mes yeux primordial : j'ai à plusieurs reprises soutenu l'idée, notamment devant votre commission spéciale, selon laquelle la qualité des comptes-rendus budgétaires et le contenu des débats autour de la loi de règlement devaient, à terme, avoir au moins autant d'importance que la discussion sur le projet de loi de finances. Rendre compte de son action est une exigence proclamée par l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ". Un bon gestionnaire de crédits publics, un bon ministre, c'est celui qui est capable de rendre compte de son administration, sur la base d'indicateurs pertinents et transparents. Le fait, pour une administration ou pour un ministère, de voir l'augmentation de ses moyens approuvée par le Parlement est certes valorisant : la réforme de l'ordonnance de 1959 permettra de faire de l'exercice de compte-rendu de l'exécution un exercice tout aussi valorisant.
La réforme qui s'engage n'a, bien sûr, ni pour objet ni pour effet de déposséder le Parlement de son pouvoir historique et fondateur de contrôle sur les finances de l'Etat, bien au contraire. Ce n'est pas parce que l'on assouplit les modes de gestion dans les administrations que l'on fragilise du même coup l'information du Parlement et que l'on met en danger sa capacité de contrôle. J'en suis persuadé, la modernisation de la gestion publique ne peut progresser qu'en développant et en rénovant les capacités de contrôle du Parlement sur l'action de l'Etat. Avec la réforme de l'ordonnance de 1959, il s'agit de renforcer le contrôle démocratique sur le budget de l'Etat.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Son caractère organique confère au texte que vous discutez aujourd'hui un statut juridique particulier et solennel : ce texte n'est conçu ni pour être éphémère ni pour être modifié à tout propos. Il déterminera le cadre d'action budgétaire, financier et comptable de l'Etat pour de nombreuses années : il est le socle durable d'une réforme de l'Etat, qui elle-même est un exercice permanent.
Cet exercice nécessite une très forte capacité d'anticipation des modes de gestion. Il implique, pour toutes les administrations, une préparation méticuleuse de l'ensemble de ses conséquences. Il suppose également de notre part une capacité à bien distinguer ce qui doit relever de dispositions organiques, et ce qui relèvera des lois de finances.
Le pouvoir budgétaire et fiscal du Parlement est, dans les démocraties modernes, consubstantiel à son existence ; il est même un des fondements de la démocratie. En engageant la réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, vous vous inscrivez dans cette tradition démocratique ; vous forgez aussi une des clefs de la réforme de l'Etat. Je vous en remercie.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 8 février 2001)
Mesdames et Messieurs les députés,
La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui, sur l'initiative de M. Le rapporteur général du budget Didier MIGAUD et après son adoption par votre commission spéciale présidée par M. le président Raymond FORNI, est fondamentale, au sens premier de ce terme.
- Elle l'est d'abord parce qu'elle touche à la répartition des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif, entre le Parlement et le Gouvernement. Elle constitue à ce titre une suite logique des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle, et répond à une demande forte de la part de nos concitoyens pour plus de transparence et de contrôle démocratique.
- Mais ce texte est également fondamental dans la mesure où il induira une rénovation en profondeur de la gestion publique. En ce sens, la réforme de l'ordonnance 1959 est une clef de la réforme de l'Etat, et c'est sur ce second aspect que je souhaiterais m'exprimer ici.
La modernisation de la gestion publique repose sur deux éléments indissociables : l'autonomie et la responsabilité du gestionnaire de crédits publics.
Plus d'autonomie suppose une plus grande globalisation des crédits et donc une facilité accrue pour modifier en cours d'exécution la nature ou la destination de la dépense grâce à la délégation d'enveloppes budgétaires globales.
C'est en cela que la fongibilité des crédits, déjà largement prévue dans la proposition de loi, est essentielle ; j'y reviendrai dans quelques instants.
Évidemment, l'autonomie n'est pas l'indépendance : chaque gestionnaire doit, en contrepartie de cette plus grande liberté d'action, se voir assigner des objectifs précis, directement déclinés de l'autorisation votée par le Parlement, connaître le mode d'évaluation de son action, et être capable d'en rendre compte.
Une des formes de ce couple autonomie/responsabilité est la contractualisation au sein des ministères, entre la centrale et les services déconcentrés, et entre l'Etat et ses établissements publics. Cette contractualisation, qui est déjà à l'uvre dans certaines administrations, suppose une définition des objectifs à atteindre pendant la période couverte par le contrat, une garantie sur les moyens budgétaires alloués au service pendant la durée du contrat (la notion de pluriannualité prend ici tout son sens) et la définition d'indicateurs de suivi et de compte rendu d'exécution du contrat. Il s'agit ni plus ni moins que de généraliser dans les administrations le contrôle de gestion.
De cette autonomie de gestion accrue, couplée aux outils d'une plus grande responsabilité, dépend l'efficacité de notre action publique : car comment être souple, réactif, en un mot efficace quand on a les mains liées par telle ou telle ligne budgétaire, quand les crédits alloués à telle ou telle action ont été définis par avance au niveau central ? Comment être motivé quand personne ne s'occupe de mesurer vos résultats ?
Outre la garantie d'avoir, demain, une administration plus efficace, je suis persuadé que nous détenons là une des clefs pour rendre plus attractives les fonctions d'encadrement dans la fonction publique. Or, c'est précisément en rendant plus attractifs ces métiers que nous pourrons satisfaire les besoins massifs de recrutement de l'administration dans les années à venir. La modernisation de l'exercice des responsabilités me semble en effet cruciale pour faire valoir, en particulier auprès de jeunes diplômés, l'attrait des fonctions d'encadrement dans la fonction publique.
Sur tous ces points, nous ne partons pas de rien. Des progrès ont été faits depuis plusieurs années, et particulièrement depuis les décisions du Comité interministériel sur la réforme de l'Etat du 12 octobre 2000.
C'est ainsi que nous avons décidé le développement des pratiques de contractualisation dans les administrations. L'expérience de contractualisation, qui a débuté en 2000 dans quatre préfectures, et qui se poursuit cette année dans dix autres, nous sert d'exemple. A leur tour, les ministères et les administrations engagent et engageront tout au long de l'année 2001 avec leurs services déconcentrés des démarches pluriannuelles de contractualisation assorties de globalisation des moyens de fonctionnement et de rémunération.
De la même façon, nous avons décidé la généralisation du contrôle de gestion dans les administrations d'ici l'année 2003. Il s'agit ni plus ni moins d'une étape préalable pour définir des indicateurs, évaluer les gestionnaires et rendre compte au Parlement.
Ce faisant, nous préparons et nous anticipons la révision de l'ordonnance.
Cette révision sera un stimulateur et un accélérateur puissants de cette rénovation de la gestion publique.
Trois points notamment conditionneront son impact en matière de réforme de l'Etat :
- Premier point : la définition des programmes. Le regroupement de crédits dans des programmes larges est un élément central de la réforme. Ces programmes doivent refléter les priorités de l'action publique, chacun d'entre-eux recouvrant une politique publique clairement identifiée.
C'est ainsi, et ainsi seulement, que nous pourrons attacher à chaque programme une série d'objectifs - objectifs qui serviront de base à l'évaluation des résultats, c'est-à-dire au contrôle, par le Parlement, de l'action du Gouvernement.
La définition de cette nomenclature budgétaire sera un travail de très longue haleine, qui occupera les administrations pendant la période transitoire définie par la proposition de loi organique et auquel nous nous préparons déjà, en étant guidés par le principe " un programme, une politique publique, un responsable ". La mise en uvre effective de ce principe supposera sans doute que soit possible une gestion interministérielle des crédits, au niveau territorial le plus pertinent pour la mise en uvre des politiques publiques.
- Deuxième point : la fongibilité des crédits. Elle est un élément essentiel, sinon l'élément essentiel de l'autonomie des gestionnaires. La proposition de loi permet une fongibilité des crédits de fonctionnement, d'intervention et d'investissement au sein des programmes.
Le dispositif qui est ainsi défini permet une autonomie large des gestionnaires tout en garantissant un contrôle efficace des emplois publics. Je pense en particulier qu'il est très important que le Parlement vote un stock d'emplois, défini globalement par ministère - étant entendu que des annexes à valeur indicative apporteront par ailleurs toutes les précisions nécessaires.
- Troisième point : la pluriannualité de l'exécution budgétaire. Elle se développe aux deux bouts de la chaîne budgétaire : au niveau européen avec le programme de stabilité, et au niveau local avec le choix que nous avons fait de promouvoir la contractualisation au sein des administrations. La proposition de loi organique introduit en ce sens une innovation essentielle : la généralisation d'autorisations d'engagement et donc la possibilité d'une programmation pluriannuelle des engagements. Elle pourrait permettre d'arriver, à terme, à asseoir sur une autorisation parlementaire les contrats d'objectifs et de moyens conclus au sein des administrations.
Bien sûr, la contractualisation ne doit pas être un moyen de corseter l'action de l'administration dans un cadre pluriannuel dont elle ne pourrait sortir qu'à la date d'échéance du contrat. Chaque contrat doit être révisable et comporter des clauses d'évaluation.
Je pense enfin que la faculté, pour les gestionnaires, de voir les crédits non employés reportés sur l'exercice suivant, apporte une souplesse indispensable à la gestion budgétaire.
Une crainte est parfois exprimée, selon laquelle des programmes trop larges, des crédits trop fongibles ou la possibilité d'autorisations pluriannuelles risqueraient de remettre en cause le contrôle du Parlement sur le contenu et l'exécution des lois de finances. Il y aurait ainsi contradiction entre la rénovation de la gestion publique et l'accroissement des prérogatives du Parlement.
Cette crainte ne me paraît pas fondée. Il faut bien l'admettre, le degré de détail atteint aujourd'hui dans les projets de lois de finances ne garantit plus la qualité du contrôle parlementaire sur l'exécution des recettes et des dépenses.
J'en veux pour preuve la façon dont le Parlement autorise le nombre d'emplois dans la fonction publique : certes, ce ne sont pas les détails qui manquent dans les documents budgétaires ; pour autant, nous serons tous d'accord pour dire que le système actuel ne garantit plus, si tant est qu'il ne l'ait jamais fait, la transparence sur le nombre d'emplois rémunérés à partir du budget de l'Etat.
De même, le principe de spécialité budgétaire, développé au XIXème siècle pour accroître le contrôle du Parlement sur l'activité du pouvoir exécutif, est aujourd'hui largement contre-productif. Une autorisation fondée sur des programmes budgétaires, dotés de crédits largement fongibles regroupés selon leur destination, selon les objectifs de la politique publique qu'ils mettent en uvre, ouvre la voie à un contrôle fondé sur les résultats et sur l'évaluation des politiques.
Ce contrôle est à mes yeux primordial : j'ai à plusieurs reprises soutenu l'idée, notamment devant votre commission spéciale, selon laquelle la qualité des comptes-rendus budgétaires et le contenu des débats autour de la loi de règlement devaient, à terme, avoir au moins autant d'importance que la discussion sur le projet de loi de finances. Rendre compte de son action est une exigence proclamée par l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ". Un bon gestionnaire de crédits publics, un bon ministre, c'est celui qui est capable de rendre compte de son administration, sur la base d'indicateurs pertinents et transparents. Le fait, pour une administration ou pour un ministère, de voir l'augmentation de ses moyens approuvée par le Parlement est certes valorisant : la réforme de l'ordonnance de 1959 permettra de faire de l'exercice de compte-rendu de l'exécution un exercice tout aussi valorisant.
La réforme qui s'engage n'a, bien sûr, ni pour objet ni pour effet de déposséder le Parlement de son pouvoir historique et fondateur de contrôle sur les finances de l'Etat, bien au contraire. Ce n'est pas parce que l'on assouplit les modes de gestion dans les administrations que l'on fragilise du même coup l'information du Parlement et que l'on met en danger sa capacité de contrôle. J'en suis persuadé, la modernisation de la gestion publique ne peut progresser qu'en développant et en rénovant les capacités de contrôle du Parlement sur l'action de l'Etat. Avec la réforme de l'ordonnance de 1959, il s'agit de renforcer le contrôle démocratique sur le budget de l'Etat.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Son caractère organique confère au texte que vous discutez aujourd'hui un statut juridique particulier et solennel : ce texte n'est conçu ni pour être éphémère ni pour être modifié à tout propos. Il déterminera le cadre d'action budgétaire, financier et comptable de l'Etat pour de nombreuses années : il est le socle durable d'une réforme de l'Etat, qui elle-même est un exercice permanent.
Cet exercice nécessite une très forte capacité d'anticipation des modes de gestion. Il implique, pour toutes les administrations, une préparation méticuleuse de l'ensemble de ses conséquences. Il suppose également de notre part une capacité à bien distinguer ce qui doit relever de dispositions organiques, et ce qui relèvera des lois de finances.
Le pouvoir budgétaire et fiscal du Parlement est, dans les démocraties modernes, consubstantiel à son existence ; il est même un des fondements de la démocratie. En engageant la réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, vous vous inscrivez dans cette tradition démocratique ; vous forgez aussi une des clefs de la réforme de l'Etat. Je vous en remercie.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 8 février 2001)