Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, à RMC le 23 avril 2008, sur le prix du pétrole, la situation du transport routier et l'industrie des biocarburants.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

 
J.-J. Bourdin.- D. Bussereau bonjour. Merci d'être avec nous. L'actualité pour commencer. Les sans-papiers, le Gouvernement veut une immigration contrôlée sur la base de critères professionnels et de listes de métiers en panne de main d'oeuvre. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement va régulariser plusieurs centaines, peut-être plusieurs milliers de travailleurs salariés sans-papiers.
 
R.- C'est un dossier qui n'est pas de ma responsabilité mais de celle de B. Hortefeux. Je crois que c'est une politique d'immigration raisonnée, quand on a des besoins professionnels, de faire en sorte que ces gens-là puissent travailler dans les entreprises.
 
Q.- Cela vous paraît normal, qu'on régularise ?
 
R.- B. Hortefeux gère ça avec intelligence, en tenant compte également de l'engagement présidentiel de maîtriser l'immigration.
 
Q.- Pas de régularisation massive mais une régularisation au cas par cas.
 
R.- C'est ce que j'ai cru comprendre.
 
Q.- Bien. D. Bussereau, parlons du prix du pétrole, qui vous occupe tous les jours. Est-ce que vous regardez tous les jours le prix du baril de pétrole ?
 
R.- Franchement non, mais je l'entends sur votre antenne et je le regarde à la télévision. Je vais, demain, rencontrer les professionnels routiers, en particuliers ceux de la Fédération nationale des transporteurs routiers. C'est vrai qu'aujourd'hui, pour cette profession mais il y en a bien d'autres - les pêcheurs dont j'ai eu la charge, dont M. Barnier s'occupe actuellement - pour lesquels le prix du pétrole pose un problème considérable. Donc nous allons, par exemple, pour les transporteurs routiers, essayer de mettre des mesures qui permettent de répercuter...
 
Q.- Lesquelles ?
 
R.-...Simplement la possibilité et l'obligation de répercuter, en bas de facture, l'obligation pour le client de payer l'augmentation.
 
Q.- C'est le client qui va payer l'augmentation ?
 
R.- Comment voulez-vous faire autrement ? Regardez, nous sommes clients potentiels de la compagnie Air France, Air France a annoncé hier, comme elle le fait à chaque fois, qu'elle augmentait d'un certain niveau le prix de ses vols intérieurs, d'un autre niveau le prix de ses vols européens, d'un niveau plus élevé les vols internationaux. Et puis Air France, à chaque fois que le prix du pétrole baisse, enlève ses surcharges tarifaires. Il n'y a pas d'autre solution. Les solutions de fond, c'est le Grenelle de l'environnement, c'est-à-dire de nouvelles énergies, c'est le développement du véhicule électrique, c'est le développement de l'hybridation, tout ce qui fait que nous serons moins dépendants du pétrole.
 
Q.- En ce qui concerne le transport, c'est ce que vous allez dire aux organisations patronales ?
 
R.- Les organisations patronales routières attendent de nous, d'abord, que nous les aidions par rapport à cette difficulté et deuxièmement, que nous « profitions » de la présidence de l'Union européenne par la France pour essayer d'harmoniser les taux du gazole en Europe où la fiscalité très différente.
 
Q.- On regarde les dépôts de bilan des entreprises de transport : + 11% d'augmentation sur les 12 derniers mois.
 
R.- Alors vous savez, d'abord, premièrement, malheureusement, que la profession du transport routier est une profession dans laquelle il y a toujours plus de dépôts de bilan que dans les autres professions car il y a beaucoup de micro entreprises qui se créent : un chauffeur qui achète un camion, qui se lance, ça marche, il va devenir patron de 100 camions, et si ça ne marche pas, il va...
 
Q.- Sauf qu'il y a eu une forte croissance derrière ?
 
R.- Il y a toujours eu cette difficulté, il y a toujours eu cette vitalité, cette mortalité d'entreprises dans le transport routier. C'est vrai qu'aujourd'hui, la croissance plus modérée plus l'augmentation du prix du pétrole rendent les choses plus difficiles. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement se préoccupe des transporteurs routiers.
 
Q.- En bas de la facture, on répercute le prix du pétrole.
 
R.- Le patron, lui, a toujours ses camions et ses salariés. Les salariés ont besoin d'un salaire correct, ce n'est pas du côté de l'entreprise que l'on peut trouver des économies.
 
Q.- J'ai encore une ou deux questions. Vous savez ce qu'on va faire ? On va écouter Loïc. Loïc est chauffeur routier. Loïc : On voit que c'est un comble. On descend dans le sud avec la moitié de camions. Il n'y a pas de travail donc le patron dit : « tu restes à la maison ». Quand tu es à la maison, malheureusement, tu n'es pas payé quoi. Au mois de février, il y a eu une baisse de 500 ou 600 euros quand même de décalage. Moi je travaille tout seul, j'ai 5 gosses à nourrir... 400 euros, c'est 400 euros quoi.
 
On manque de travail dans le transport routier.420 000 emplois, 38 000 entreprises de transport routier en France.
 
R.- Oui, c'est un transport considérable. Il assure 85 % du transport de marchandises en France. Le reste étant le fret ferroviaire que nous souhaitons faire progresser dans le cadre du Grenelle de l'environnement et le fluvial, qui marche de mieux en mieux, et puis le maritime dont on allons parler au Conseil des ministres aujourd'hui.
 
Q.- Où est-ce que vous donnez de l'harmonisation européenne dans le secteur du transport routier ?
 
R.- On a deux choses à harmoniser : on a les conditions sociales, cela c'est très important, on a la fiscalité et les transporteurs routiers le demandent à juste titre. Et c'est ce que l'on appelle les assises sur les gasoils. Et on a, troisièmement, à régler les problèmes entre les pays de transit et les pays lointains. Exemple : j'étais lundi en Finlande, un camion finlandais qui vient livrer en Espagne, est-ce qu'une fois qu'il va livrer en Espagne, il repart à vide en Finlande ou est-ce qu'on l'autorise à faire du trafic sur son retour, en même temps, ce faisant, il prend du trafic à des entreprises des pays traversés. Donc, on essaye en ce moment, au niveau de la Commission européenne et du Conseil des ministres européen, de trouver un bon équilibre entre la possibilité que quelqu'un ne revienne pas à vide et en même temps ne prenne pas le travail des entreprises.
 
Q.- Il y a l'organisation sociale aussi ?
 
R.- Cela s'appelle l'harmonisation des règles de cabotage, harmonisation sociale, le prix auquel est payé un routier en Roumanie...
 
Q.- Il est payé beaucoup moins cher dans les pays de l'Est, donc il vient rouler en France.
 
R.- Voilà, mais ces pays-là ont aussi des problèmes.
 
Q.- Que faire ?
 
R.- Il y a une chose très importante, c'est d'abord qu'on harmonise au moins la durée du travail, la réglementation sociale, que tout le monde soit à égalité devant la réglementation sociale. Puis deuxièmement, la réponse elle vient de l'élévation du niveau de vie. Vous avez vu la grève chez Dacia en Roumanie. Ces pays, plus ils progressent, plus leurs travailleurs et leurs familles veulent arriver au niveau du standard européen. On assiste à un resserrement des prix et des coûts entre les pays d'Europe de l'Est et le reste de l'Union européenne.
 
Q.- Le prix du gasoil est quand même plus élevé en France !
 
R.- Nous avons une TIPP plus importante que dans d'autres pays.
 
Q.- Vous ne faites rien, rien ?
 
R.- D'abord, l'Etat n'a pas les moyens de baisser dans la période actuelle les dépenses publiques, la TIPP. Et deuxièmement, c'est quelque chose qui est utilisé dans le cadre du budget global de l'Etat, aussi qui est réinvestit.
 
Q.- L'Etat n'a pas les moyens tout simplement. Disons les choses carrément.
 
R.- Et puis d'une certaine manière, comme nous voulons rééquilibrer le trafic, non pas au détriment mais en tout cas au profit du transport ferroviaire et fluvial, c'est aussi un moyen de maintenir des équilibres.
 
Q.- C'est une opportunité. Parlons, parlons encore un peu du prix des carburants avec vous D. Bussereau. Les agro carburants, les agro carburants où est-ce qu'on en est ? Parce qu'on connaît l'engagement de l'Etat : 500 pompes vertes d'ici la fin de l'année 2007, c'était l'engagement pris par T. Breton, pas tenu d'ailleurs cet engagement, vous le savez. Est-ce qu'il faut changer son fusil d'épaule avec les agro ou les biocarburants ?
 
R.- Il y a deux choses. D'abord, il y a les biocarburants qu'on rajoute dans le carburant de tous les jours. Chaque année, cela augmente- on ne s'en aperçoit pas - chaque année, cela augmente de 1 %. L'objectif de l'Union Européenne c'est un taux d'incorporation de 10 %. Il y a une vingtaine d'usines actuellement en France en construction, dans toutes les régions. Dans ma région, il y a deux dont une à la Rochelle. Elles se construisent, elles vont fournir les biocarburants. Cela c'est les biocarburants de la première génération où on utilise qu'une partie de la plante. La recherche maintenant pousse vers la deuxième génération.
 
Q.- Les agro carburants.
 
R.- Les agro carburants, c'est-à-dire que là on va utiliser la totalité de la plante. On ne va pas utiliser forcément des plantes qui sont en compétition pour l'alimentation humaine. Et la recherche pousse dans cette direction.
 
Q.- C'est la partie non comestible de la plante.
 
R.- Voilà. Un, parce qu'il y a d'abord les problèmes de la faim dans le monde et on se pose des questions sur l'équilibre entre...
 
Q.- Justement, c'est pour cela que je vous posais la question.
 
R.- Mais si vous voulez, il ne faut pas interrompre le mouvement qui est en cours sur les biocarburants.
 
Q.- Donc, on continue sur le biocarburant ?
 
R.- On le continue sans engager d'usines nouvelles. Mais il y a déjà une vingtaine qui sont mises en service ou qui vont être mis en service dans notre pays. Et on fait une recherche très forte sur les biocarburants de la deuxième génération. Et c'est là où nous pensons que nous allons trouver réellement le bon équilibre entre la faim et les besoins alimentaires, les besoins en carburants et également le bon équilibre de ces carburants. Sur les 500 pompes, c'est vrai qu'on était allé plus vite que la musique. Et d'ailleurs, il y a une pompe pas très loin de RMC, qui avait été inaugurée un peu rapidement...
 
Q.- Oui, je sais. Un peu rapidement oui. Vous arrivez à combien de pompes ? Il y en a combien ?
 
R.- Il y en a une centaine, principalement dans une grande "maison", je dirais de grande surface qui porte un nom breton. Et puis quelques pompes etc. Nos constructeurs en réalité aujourd'hui poursuivent leurs efforts dans les biocarburants, ils poursuivent beaucoup maintenant leurs efforts vers l'hybridation, c'est-à-dire qu'une partie de l'alimentation du véhicule soit électrique et cela c'est certainement une solution d'avenir à côté des biocarburants. [...]
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 avril 2008