Intervention de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur les comptes de la Sécurité sociale pour 2008 et les objectifs pour 2009, Paris le 18 juin 2008.

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Circonstance : Commission des comptes de la Sécurité sociale à Paris le 18 juin 2008

Texte intégral

Madame la ministre,
Madame la secrétaire d'État,
Messieurs les parlementaires,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs.
Je voudrais tout d'abord remercier le secrétaire général de la Commission des comptes, Monsieur Francois Monier, pour cette présentation comme toujours très claire de la situation du régime général.
Je souhaite également remercier le Directeur de la sécurité sociale, Dominique Libault, et l'ensemble de ses équipes pour le travail accompli. Je pense que je peux associer à ces remerciements Roselyne Bachelot et Valérie Letard.
Nous disposons aujourd'hui d'un ensemble d'informations de qualité, qui nous permettent de revenir sur 2007 et d'apprécier la situation financière du régime général pour cette année 2008.
Deux premiers constats importants (I) :
- nous respectons le cadrage financier voté en LFSS pour l'année 2008 ;
- l'amélioration de la situation de l'emploi permet à certaines branches ou fonds de renouer avec les excédents plus rapidement que prévu, dès 2007. La CNAF retrouve ainsi une situation excédentaire pour la première fois depuis 2003 ainsi que le Fonds de solidarité vieillesse qui était déficitaire depuis 2000.
Il faut évidemment aller plus loin dans notre stratégie de retour à l'équilibre des finances sociales, sur laquelle je reviendrai (II), mais ce sont des premiers jalons notables pour le redressement de nos finances publiques.
I. Le premier constat, c'est le respect du cadrage financier de la LFSS 2008. Les objectifs de solde du régime général devraient être respectés et les déficits continueront de diminuer. Ce résultat s'explique en partie par le supplément de recettes obtenues en 2007. Il montre aussi que nous avons adopté des mesures réalistes et efficaces de maîtrise des dépenses, dès juillet dernier en matière de dépenses d'assurance maladie puis dans le cadre de la loi de financement.
Pour la branche maladie, le déficit devrait continuer à baisser en 2008 pour s'établir à 4,1 Md euros ce qui est le meilleur résultat depuis 2001. C'est le fruit du supplément de recettes acquis en 2007 mais également d'une meilleure maîtrise des dépenses avec les mesures que nous avons prises l'été dernier dans le cadre du plan d'alerte (1,2 Md euros d'économies en année pleine) et dans la LFSS 2008.
Contrairement à l'année dernière, l'évolution des dépenses d'assurance maladie, mieux maîtrisée, ne conduit pas au déclenchement de la procédure d'alerte ; c'est un point important. Le dépassement de l'objectif pourrait cependant être de 700 M euros. C'est en-dessous du seuil d'alerte de 1,15 Md euros, mais c'est encore trop. Cela montre que la maîtrise des dépenses de l'assurance maladie nécessite des efforts de gestion continus que nous allons poursuivre avec Roselyne Bachelot pour nous approcher au plus près de l'ONDAM en fin d'année. Nous serons également attentifs aux mesures que nous proposera l'UNCAM dans les semaines qui viennent dans le cadre de son exercice annuel de propositions pour garantir la soutenabilité financière de l'assurance maladie. Je demande d'ailleurs à l'UNCAM de nous proposer des mesures pour 2008, pour respecter l'ONDAM voté, même si nous sommes en-deçà de l'alerte.
La branche accidents du travail et maladie professionnelles devrait connaître un excédent de 300 M euros environ en 2008, après une dégradation en 2007 liée à des opérations comptables demandées dans le cadre de la certification, notamment en intégrant le déficit du Fonds de cessation anticipée des travailleurs victimes de l'amiante (FCAATA).
L'amélioration de la situation de l'emploi permet à la branche famille et au FSV de renouer dès 2007 avec les excédents et de consolider ces excédents en 2008. La fin de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant permet à la CNAF de retrouver une situation d'excédent structurel avec des recettes sensiblement plus dynamiques que ses charges (+ 400 M euros en 2008). Le FSV bénéficie doublement de l'amélioration de la situation de l'emploi avec une baisse de ses charges liée à la baisse du nombre de demandeurs d'emploi et des recettes de CSG et C3S très dynamiques. En 2008, l'excédent du FSV devrait atteindre 1 Md euros et ce alors même que le minimum vieillesse bénéficie d'une 1ère étape de revalorisation importante, dans le cadre de la revalorisation de 25 % annoncée par le président sur la durée du quinquennat.
Il faudra que nous ayons une vision globale des finances sociales et que nous sachions réallouer les financements où sont les besoins compte tenu du vieillissement de la population et de l'amélioration de l'emploi. En effet, le vieillissement de la population conduit à l'inverse à une dégradation de la branche vieillesse dont le solde serait de -5,6 Md euros en 2008, du fait des départs à la retraite de la génération du « baby boom » et du succès des retraites anticipées, toujours très attractives. Les comptes intègrent aussi la revalorisation des pensions au 1er septembre de 0,8 point en plus de celle de 1,1 point au 1er janvier, ce qui explique l'écart par rapport à la prévision votée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Cette situation montre qu'il est urgent de prendre des mesures pour redresser la CNAV en ayant une vision globale de l'ensemble de nos finances sociales : c'est ce que le gouvernement fera dès cet automne dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 avec les mesures qui ont été présentées et concertées dans le cadre du rendez-vous sur les retraites.
II. Le respect du cadrage financier de la LFSS 2008 est fondamental, le premier jalon de notre trajectoire de retour à l'équilibre du régime général d'ici 2011, conformément à l'objectif fixé par le Premier ministre. Mais on ne saurait s'en satisfaire. La poursuite d'un déficit du régime général est inacceptable : on ne peut plus continuer à faire payer nos dépenses sociales courantes par des déficits, de la dette, et laisser l'addition à nos enfants.
Je voudrais revenir sur les objectifs et les éléments clefs de cette stratégie que nous allons concrétiser dans la loi de programmation des finances publiques et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Premier impératif, redoubler nos efforts de maîtrise des dépenses, notamment d'assurance maladie. Les recettes sont dynamiques, ce n'est donc pas le moment d'incriminer, comme on l'a souvent fait, le manque à gagner. Il faut que nous utilisions pleinement les dispositifs existants de régulation et que nous nous assurions de la gestion efficace de notre système.
Sur l'assurance maladie, nous devons renforcer la maîtrise des dépenses pour revenir à l'équilibre. Cet effort doit être partagé entre tous les acteurs et doit reposer sur une amélioration de l'efficience de notre système de santé, en ville comme à l'hôpital. Il faut aussi s'interroger sur la frontière avec les assurances complémentaires pour ce qui ne relève pas des soins essentiels, comme nous a invités à le faire le président de la République. Nous travaillons à ces mesures avec Roselyne Bachelot en vue du PLFSS 2009 et en rediscuterons avec les acteurs concernés d'ici là.
Dans tous les domaines, nous devons veiller à une efficacité de la dépense, à l'absence de fraudes ou abus. Je l'ai déjà dit, la lutte contre la fraude est avant tout une question de justice sociale - des efforts ne peuvent être demandés si certains s'exonèrent du respect des règles. Il faut lutter contre les comportements déviants pour préserver l'essentiel. En matière de retraites, nous avons fait le choix de maintenir pour des questions de justice sociale le dispositif de départ anticipé pour carrière longue qui représentera près de 2,5 Md euros en 2008 ; il est hors de question que des fraudes en matière de rachats ou de régularisation des périodes anciennes viennent miner l'objectif premier de ce dispositif. C'est pour cela que j'ai, avec Xavier Bertrand, missionné l'IGF et l'IGAS pour faire toute la lumière sur la gestion de ce dispositif. C'est aussi pour éviter des phénomènes d'optimisation contraires à l'objectif recherché que nous allons rapprocher les tarifs de rachat du coût pour les régimes de retraites ; les partenaires sociaux seront consultés sur les projets de texte, comme prévu dans le cadre du rendez-vous sur les retraites.
En plus de cette maitrise de la dépense, qui est essentielle et qui seule permettra des gains sur l'ensemble des administrations de sécurité sociale, il faut également étudier les redéploiements de prélèvements ou de charges au profit de l'assurance vieillesse. En 2007, c'était une piste ; aujourd'hui nous en sommes à la concrétisation pour une mise en oeuvre dès le PLFSS 2009.
La sphère publique doit en effet s'adapter en permanence à l'évolution des besoins sociaux. Il n'y aucune raison d'accumuler des excédents d'un côté et des déficits de l'autre simplement parce que les besoins sociaux ont évolué et que les acteurs institutionnels prennent du temps à s'adapter. Ce constat vaut au sein de la sphère sociale dans son ensemble mais aussi plus directement au sein du régime général. La situation de la branche famille doit lui permettre de prendre en charge une part plus importante des avantages familiaux accordés par les régimes de retraite, notamment la majoration de 10 % pour les parents de trois enfants, qui est déjà financée à 60 % par la CNAF.
Maîtriser les dépenses, adapter les interventions de chaque acteur au vieillissement de la population sont essentiels. Il faudra aussi sécuriser les recettes et veiller à ce que les exonérations ou niches sociales ne deviennent un point de fuite de nos finances sociales.
Je l'ai évoqué s'agissant des dépenses fiscales et du budget de l'État. Le risque existe aussi en matière d'exonérations de cotisations sociales ou d'exclusion de l'assiette sociale.
- Les exonérations de cotisations sociales qui doivent être compensées par le budget de l'État ou par l'affectation de recettes fiscales se montent à 29 Md euros. Si on regarde simplement les exonérations dites « ciblées » compensées par l'État, elles ont augmenté de 36 % depuis 2005.
- D'autre part certains revenus représentant des assiettes d'environ 40 Md euros sont exemptés de cotisations sociales (mais le plus souvent assujetties à la CSG-CRDS).
Nous devons poursuivre la réflexion entamée sur la nécessaire évaluation de ces exonérations, sur les règles de gouvernance à mettre en place pour limiter la création de nouveaux dispositifs. Il faudra aussi s'interroger sur une éventuelle adaptation du prélèvement social à ces niches sociales, comme nous l'avons fait dans le cadre de la LFSS 2008 pour les stocks options.
Je souhaite aussi poursuivre dans la clarification des relations financières entre l'État et la sécurité sociale pour que nous nous centrions sur les vrais sujets de maîtrise des dépenses.
En un an, beaucoup a été fait mais je suis conscient de la nécessité de poursuivre les efforts. L'État a apuré sa dette à l'égard du régime général à fin 2006 (5,1 Md euros) et à l'égard du BAPSA (620 M euros). Pour les mesures d'exonération financées par l'affectation de recettes fiscales - les allègements généraux sur les bas salaires et les exonérations sur les heures supplémentaires - l'État a compensé intégralement à la sécurité sociale, avec même un léger excédent en 2007. Mais il est vrai qu'une dette s'est reconstituée en 2007, à hauteur de 1,7 Md euros, essentiellement sur les dispositifs d'exonérations ciblées. Depuis, j'ai, par une circulaire du 17 décembre 2007, fixé des règles de bonne gouvernance pour veiller à la bonne exécution des crédits budgétaires et améliorer la neutralité financière entre État et sécurité sociale. J'ai clairement défini trois objectifs pour les prochains mois : améliorer encore la budgétisation initiale des dispositifs gérés par la sécurité sociale, garantir la bonne exécution des crédits budgétaires et trouver des solutions pour apurer la dette.
Enfin, le retour à l'équilibre de nos finances sociales impliquera de reprendre les déficits passés du régime général (près de 23 Md euros à fin 2008) et du FFIPSA (7,5 Md euros à fin 2008) sans reporter son financement sur les générations futures et sans peser sur le pouvoir d'achat des salariés.
Le gouvernement utilisera la CADES mais sans prolonger sa durée de vie avec le transfert de ces déficits récents. C'est une exigence constitutionnelle depuis 2005, c'est aussi une exigence morale vis-à-vis de nos enfants et petits-enfants, un principe de bonne gestion de nos finances sociales. L'ensemble de la dette sociale, y compris les déficits récents, sera donc remboursé à l'horizon 2021. Pour respecter cet impératif, des ressources supplémentaires seront apportées à la CADES. Les modalités seront précisées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Mon objectif est d'assainir la situation financière de la sécurité sociale sans peser sur le pouvoir d'achat des salariés.
Pour conclure, je reprendrais les mots du Premier ministre : ramener les finances publiques à l'équilibre, c'est la « priorité des priorités ». Et cela passe évidemment par un retour à l'équilibre de la sécurité sociale. Vous pouvez donc croire en ma détermination absolue à atteindre cet objectif et, - je crois que je peux parler en leur nom sur ce point -, sur celle de Roselyne Bachelot et de Xavier Bertrand.
Nous allons donc amplifier l'effort de redressement engagé cette année. Le PLFSS 2009 traduira cette ambition et je vous donne donc rendez-vous à l'automne pour la présentation de ce texte. La fatalité des déficits doit prendre fin. Il en va de l'avenir de notre pays, de sa capacité à faire face aux défis économiques et sociaux de notre temps.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 19 juin 2008