Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
J'étais à l'instant avec Hervé Morin et Jean-Marie Bockel à l'Ecole Militaire pour préciser aux cadres de nos armées l'une des réformes de notre outil de défense les plus conséquentes depuis le passage à la professionnalisation.
Je leur ai dit qu'il existe entre la France et ses armées un pacte sacré, parce qu'ils sont les gardiens de notre sécurité et de notre indépendance.
J'ai rappelé que c'est la stratégie qui commande l'organisation de la défense et ce n'est pas l'organisation qui commande la stratégie. Je leur ai redit qu'en matière militaire, rien n'est plus coupable, rien n'est plus périlleux que l'immobilisme. Les responsables militaires qui étaient présents sont des chefs et les chefs savent que la principale qualité d'un chef c'est de décider, c'est de faire des choix. Et ce qui a trop manqué dans notre pays depuis de nombreuses années, s'agissant de l'organisation de la défense, c'est la capacité à décider, c'est la capacité à faire des choix.
Nous connaissons, ce n'est pas la peine de la souligner plus que cela, une évolution considérable du paysage stratégique. Le pacte de Varsovie a disparu, une grande partie des pays de l'Europe de l'Est qui en étaient membres sont aujourd'hui dans l'Alliance atlantique, certains sont même dans l'Union européenne. Il n'y a aucun Etat qui nous menace en tant que tel, il n'y a plus aucune menace d'invasion sur notre territoire, le continent européen est devenu depuis 50 ans, grâce en particulier à l'Union européenne, la zone la plus stable, la plus sûre du monde. Et en même temps, d'autres menaces sont apparues, celles qui résultent du délitement de certains Etats, le développement considérable du terrorisme, alimenté par des crises comme celle du Moyen-Orient, comme celle des Balkans, comme la montée du fondamentalisme religieux, de l'intégrisme. Le monde est un monde totalement interconnecté, ce qui induit des fragilités et des menaces nouvelles. On assiste à une relative prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, comme on vient encore de la voir avec les essais qui ont été réalisés par l'Iran en matière de missiles à longue portée.
Bref, on est dans un monde qui n'est pas plus dangereux, contrairement à ce que l'on dit souvent, qu'avant, mais qui est certainement moins stable et dont les menaces peuvent être moins facilement déterminées à l'avance et évaluées.
Dans ce contexte, on a commencé à réformer notre outil de défense de manière très radicale avec la professionnalisation des forces ; c'était la première conséquence tirée de la fin de la Guerre froide. On avait besoin de forces professionnelles, capables d'intervenir l'époque, cette réforme a été fortement critiquée, certains pensaient qu'elle était dangereuse, qu'elle était inopportune ; je pense qu'aujourd'hui, aucune voix ne pourrait se lever ou se faire entendre pour dire que la professionnalisation a été une erreur. Imaginez la situation qui serait celle de notre outil de défense aujourd'hui si nous étions amenés à intégrer les 400.000 jeunes garçons qui, chaque année, sont en mesure de faire le service national. Imaginez quel serait le caractère opérationnel des unités de nos armées si elles étaient composées, pour une large part, d'appelés, qu'il fallait envoyer en Afghanistan ou dans les Balkans, ou faire du maintien de l'ordre au Moyen-Orient ?
Mais en même temps, cette réforme a été une réforme extrêmement difficile à conduire pour les armées, une véritable révolution organisationnelle, culturelle. Et la première chose que je voudrais dire, c'est que j'ai beaucoup de respect, beaucoup d'admiration pour la capacité des armées à conduire des réformes. Cette réforme de la professionnalisation a été conduite dans un temps record par les armées, dans des conditions qui sont exceptionnelles. Je pense qu'il n'y a pas une administration de l'Etat qui peut présenter un tel bilan en matière de capacité à faire des réformes.
Mais en même temps, cette réforme de la professionnalisation n'a pas été menée totalement jusqu'à son terme, et en particulier, pour des raisons liées à des problèmes d'aménagement du territoire, pour des raisons liées à un certain manque de courage pour décider - disons les choses -, on n'a pas resserré suffisamment l'implantation de nos forces pour tenir compte des nouvelles missions et de la nouvelle organisation. Et il en est résulté des coûts de soutien très élevés puisque la seule armée avec laquelle on peut se comparer en Europe, c'est l'armée britannique ; dans l'armée britannique, environ 60 % des moyens sont consacrés à l'opérationnel et 40 % au soutien. Dans les forces françaises aujourd'hui, c'est l'inverse : 60 % des moyens sont consacrés au soutien pour 40 % qui sont consacrés à l'opérationnel. La raison principale de cette situation, c'est la dissémination sur le territoire d'un très grand nombre d'unités, pour des raisons historiques, pour des raisons politiques, pour des raisons économiques.
Donc on a conduit, avec le président de la République, avec le ministre de la Défense, une réflexion très longue sur cette question. C'est le Livre Blanc sur la Défense, c'est la RGPP. Et ce que nous allons aujourd'hui vous annoncer, ce sont les décisions, je dis bien les décisions, qui ont été prises par le président de la République et par le Gouvernement, et vont désormais se mettre en oeuvre.
C'est notre responsabilité de faire ces choix.
C'est notre responsabilité à la fois au regard de la sécurité nationale : il faut avoir l'outil militaire le plus adapté à nos besoins, aux menaces. Et en même temps, c'est notre responsabilité vis-à-vis de nos engagements en matière de finances publiques. On ne peut pas considérer qu'il soit raisonnable et sain de construire la sécurité de notre pays au plan militaire en l'endettant par ailleurs et en mettant en danger et en péril son indépendance.
Je disais tout à l'heure aux cadres de nos armées que l'ensemble de la réforme que nous allons conduire va nous amener à économiser, ou à dégager plutôt, en année pleine, 2 milliards d'euros sur le fonctionnement des armées qui vont être réinvestis dans la modernisation des armées. Ca, c'est au bout de la réforme, lorsque l'on aura assuré l'ensemble de cette réforme. Eh bien sachez que rien que cette année, la seule conséquence de l'inflation sur les intérêts de la dette de notre pays, c'est 2 milliards d'euros. Ca donne une idée de l'extrême nécessité de retrouver l'équilibre des finances publiques.
Comme l'a indiqué le président de la République le 17 juin dernier, le format des armées sera réduit de 54 000 hommes, à la fois civils et militaires.
Au terme de la réforme, l'armée de terre comptera 131 000 hommes, l'armée de l'air 50.000, la marine 44.000.
L'armée de terre aura perdu 20 régiments et bataillons, l'armée de l'air 11 bases aériennes avec ou sans plate-forme, et la marine une base aéronavale.
La future carte des implantations militaires va s'articuler autour d'un concept extrêmement novateur, qui est la philosophie même de la réforme, qui est le concept des bases de défense. On regroupe autour d'un même dispositif logistique des moyens opérationnels différents. Il y aura entre 85 et 90 bases de défense qui vont fédérer les moyens de soutien des différentes unités pour leur permettre de se reconcentrer sur leurs activités opérationnelles.
Toutes les mesures de suppressions d'unités visent des unités qui ne sont plus adaptées à la menace d'aujourd'hui. Chacun comprend bien qu'on n'a pas besoin d'autant de chars Leclerc quand on n'est pas menacé d'invasion sur son territoire et qu'on n'a pas à conduire des combats en centre-Europe. On a beaucoup moins besoin d'autant d'artillerie lourde.
On a, par contre, beaucoup plus besoin de moyens de renseignement, de moyens de projections de forces, de forces plus légères, plus réactives, capables d'intervenir, le plus souvent d'ailleurs, dans le cadre d'alliances, en coopération avec nos alliés, ceux de l'Alliance atlantique ou de l'Union européenne, dans des opérations qui sont presque toujours maintenant des opérations de maintien de la paix.
L'enjeu, c'est d'être capable de projeter 30.000 hommes pendant un an. C'est grosso modo la capacité de l'armée britannique, sachant que l'armée britannique dépense moins que nous pour la dissuasion nucléaire, puisque nous, nous conservons une capacité très importante de dissuasion nucléaire. Cela veut dire que nous resterons dans les 4 grandes puissances du monde et nous serons, avec les Britanniques, les deux seules grandes armées disposant de l'ensemble des moyens au plan européen.
L'armée française, c'est une armée d'élite, nous voulons qu'elle le reste. Cela passe par une réforme profonde des fonctions de soutien aux armées, je le disais à l'instant. Naturellement, ces restructurations suscitent des inquiétudes dans les collectivités concernées, c'est bien compréhensible. Le Gouvernement s'est donné les moyens d'y répondre, mais je veux dire clairement, sans détours, que le rôle de l'armée, ce n'est pas l'aménagement du territoire. Le rôle de l'armée c'est la sécurité des Français. Je pense que tous les élus locaux qui sont mobilisés pour défendre leurs unités et qui le font avec conviction, et qui le font souvent avec affection, parce que ces unités sont mêlées à l'histoire de leur territoire, sont aussi des citoyens qui doivent faire la part entre l'intérêt général et l'intérêt local. L'intérêt général, c'est de disposer d'un outil militaire rationalisé.
Naturellement, nous allons mettre tous les moyens en oeuvre pour permettre aux territoires qui sont les plus fragiles et qui sont les plus concernés par ces restructurations de réagir. C'est le dispositif ambitieux qu'Hubert Falco vous présentera dans un instant. Avec ce dispositif, nous allons actionner tous les leviers des politiques publiques pour accompagner les territoires et leur donner les moyens de leur développement.
J'ai réuni hier, avec Hervé Morin, Hubert Falco et Jean-Marie Bockel, tous les préfets concernés par cette restructuration.
Ce sont eux qui vont coordonner l'ensemble des moyens d'accompagnement. Les préfets seront les interlocuteurs uniques des collectivités territoriales pour conduire cette réorganisation.
J'ai signé aujourd'hui même une circulaire qui donne au préfet des consignes extrêmement précises. Nous allons affecter 320 millions d'euros aux territoires les plus touchés, à travers des contrats et des plans de redynamisation des sites de défense.
Pour la trentaine de sites qui sont les plus concernés par les restructurations, il y aura un contrat de reconversion, et pour les autres qui sont concernés de façon moins directe, nous mettrons en place des moyens spécifiques pour accompagner la réorganisation.
Mais notre mobilisation ne peut pas se résumer aux chiffres que je viens de citer. On va déployer tout un arsenal de mesures pour inciter les entreprises à investir et à embaucher dans ces secteurs.
On va, par exemple, étendre aux territoires concernés l'application de dispositifs ciblés d'exonération fiscale et de charges sociales qui existaient déjà sur certains territoires en difficulté.
On va demander à la Commission européenne d'étendre les zones sur lesquelles peuvent s'appliquer certaines aides de l'Etat et des collectivités territoriales en faveur des entreprises pour tenir compte du choc créé par ces disparitions.
On va mobiliser le réseau de l'Agence française des investissements internationaux pour orienter les investisseurs vers les bassins d'emplois touchés par les restructurations de défense.
On va tout faire pour qu'une partie des actifs immobiliers de la défense, qui sont devenus inutiles du fait des restructurations, reviennent aux collectivités ou puissent être utilisés dans des projets qui sont des projets en faveur du développement économique local.
On va développer les transferts d'administrations parisiennes vers les communes concernées. Ces mouvements devront intervenir dès 2009. Le président de la République a décidé que ces mouvements concerneraient au moins 10 % des effectifs parisiens des différents ministères. Cela représente 5.000 postes d'ici 2012.
Nous allons aussi réfléchir aussi à la possibilité d'implanter en province davantage d'établissements publics de l'Etat.
On a conçu un dispositif de solidarité qui permettra une adaptation progressive des ressources des communes pour tenir compte des pertes de populations résultant du départ des militaires. Il peut y avoir dans certaines communes des chocs en termes fiscaux. Nous avons déjà été confrontés, dans le passé, à des situations de ce type. On avait créé un fonds pour ces communes, un fonds de solidarité, on le remettra en place à cette occasion.
Enfin, on va profiter de la révision à mi-parcours des contrats de projet Etat-région, qui va donc avoir lieu en 2009, pour orienter de nouvelles ressources vers les sites concernés.
Naturellement, nous allons attacher une importance particulière au quart Nord-Est de la France qui, pour des raisons que chacun comprend bien, qui sont des raisons historiques, est particulièrement concerné par le redéploiement avec un plan national en faveur de cette région.
Nous allons veiller scrupuleusement à ce que certains territoires ne soient pas concernés par de multiples réformes en même temps. Je le dis clairement, il y a un ensemble global de réformes qui est en cours pour adapter l'Etat à ses nouvelles tâches et assurer le retour à l'équilibre des finances publiques, eh bien dans certains territoires, on ne va pas cumuler toutes les réorganisations en même temps. Donc nous prendrons des décisions de gel de certaines restructurations civiles dans des territoires qui sont trop frappés par les réorganisations militaires.
L'Etat a un devoir de cohérence et d'équité, il en va de la solidarité nationale. On ne peut pas faire supporter à quelques uns le coût d'une réforme qui profite à tous. Et on ne peut pas demander à certains d'accepter les réformes difficiles si tous ne contribuent pas à l'effort.
Voilà Mesdames et Messieurs ce que je voulais dire pour ouvrir cette conférence de presse.
Je veux terminer en rendant un hommage particulier à nos armées. Elles mesurent la difficulté de la tâche, mais elles savent que leur efficacité dépend du succès de la réforme. Je veux dire aux collectivités concernées que l'Etat est à leurs côtés, que tout le Gouvernement va se mobiliser pour elles. J'attends simplement d'elles qu'elles prennent en compte l'intérêt général, l'intérêt national de notre pays.
C'est une réforme difficile mais vous savez qu'avec le président de la République, on a choisi le mouvement plutôt que le statu quo et je pense, et je viens de le constater avec les chefs militaires, que ceux qui ont l'habitude de prendre des décisions sont sensibles au courage qui est celui du Gouvernement d'assumer ses responsabilités.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 29 juillet 2008
J'étais à l'instant avec Hervé Morin et Jean-Marie Bockel à l'Ecole Militaire pour préciser aux cadres de nos armées l'une des réformes de notre outil de défense les plus conséquentes depuis le passage à la professionnalisation.
Je leur ai dit qu'il existe entre la France et ses armées un pacte sacré, parce qu'ils sont les gardiens de notre sécurité et de notre indépendance.
J'ai rappelé que c'est la stratégie qui commande l'organisation de la défense et ce n'est pas l'organisation qui commande la stratégie. Je leur ai redit qu'en matière militaire, rien n'est plus coupable, rien n'est plus périlleux que l'immobilisme. Les responsables militaires qui étaient présents sont des chefs et les chefs savent que la principale qualité d'un chef c'est de décider, c'est de faire des choix. Et ce qui a trop manqué dans notre pays depuis de nombreuses années, s'agissant de l'organisation de la défense, c'est la capacité à décider, c'est la capacité à faire des choix.
Nous connaissons, ce n'est pas la peine de la souligner plus que cela, une évolution considérable du paysage stratégique. Le pacte de Varsovie a disparu, une grande partie des pays de l'Europe de l'Est qui en étaient membres sont aujourd'hui dans l'Alliance atlantique, certains sont même dans l'Union européenne. Il n'y a aucun Etat qui nous menace en tant que tel, il n'y a plus aucune menace d'invasion sur notre territoire, le continent européen est devenu depuis 50 ans, grâce en particulier à l'Union européenne, la zone la plus stable, la plus sûre du monde. Et en même temps, d'autres menaces sont apparues, celles qui résultent du délitement de certains Etats, le développement considérable du terrorisme, alimenté par des crises comme celle du Moyen-Orient, comme celle des Balkans, comme la montée du fondamentalisme religieux, de l'intégrisme. Le monde est un monde totalement interconnecté, ce qui induit des fragilités et des menaces nouvelles. On assiste à une relative prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, comme on vient encore de la voir avec les essais qui ont été réalisés par l'Iran en matière de missiles à longue portée.
Bref, on est dans un monde qui n'est pas plus dangereux, contrairement à ce que l'on dit souvent, qu'avant, mais qui est certainement moins stable et dont les menaces peuvent être moins facilement déterminées à l'avance et évaluées.
Dans ce contexte, on a commencé à réformer notre outil de défense de manière très radicale avec la professionnalisation des forces ; c'était la première conséquence tirée de la fin de la Guerre froide. On avait besoin de forces professionnelles, capables d'intervenir l'époque, cette réforme a été fortement critiquée, certains pensaient qu'elle était dangereuse, qu'elle était inopportune ; je pense qu'aujourd'hui, aucune voix ne pourrait se lever ou se faire entendre pour dire que la professionnalisation a été une erreur. Imaginez la situation qui serait celle de notre outil de défense aujourd'hui si nous étions amenés à intégrer les 400.000 jeunes garçons qui, chaque année, sont en mesure de faire le service national. Imaginez quel serait le caractère opérationnel des unités de nos armées si elles étaient composées, pour une large part, d'appelés, qu'il fallait envoyer en Afghanistan ou dans les Balkans, ou faire du maintien de l'ordre au Moyen-Orient ?
Mais en même temps, cette réforme a été une réforme extrêmement difficile à conduire pour les armées, une véritable révolution organisationnelle, culturelle. Et la première chose que je voudrais dire, c'est que j'ai beaucoup de respect, beaucoup d'admiration pour la capacité des armées à conduire des réformes. Cette réforme de la professionnalisation a été conduite dans un temps record par les armées, dans des conditions qui sont exceptionnelles. Je pense qu'il n'y a pas une administration de l'Etat qui peut présenter un tel bilan en matière de capacité à faire des réformes.
Mais en même temps, cette réforme de la professionnalisation n'a pas été menée totalement jusqu'à son terme, et en particulier, pour des raisons liées à des problèmes d'aménagement du territoire, pour des raisons liées à un certain manque de courage pour décider - disons les choses -, on n'a pas resserré suffisamment l'implantation de nos forces pour tenir compte des nouvelles missions et de la nouvelle organisation. Et il en est résulté des coûts de soutien très élevés puisque la seule armée avec laquelle on peut se comparer en Europe, c'est l'armée britannique ; dans l'armée britannique, environ 60 % des moyens sont consacrés à l'opérationnel et 40 % au soutien. Dans les forces françaises aujourd'hui, c'est l'inverse : 60 % des moyens sont consacrés au soutien pour 40 % qui sont consacrés à l'opérationnel. La raison principale de cette situation, c'est la dissémination sur le territoire d'un très grand nombre d'unités, pour des raisons historiques, pour des raisons politiques, pour des raisons économiques.
Donc on a conduit, avec le président de la République, avec le ministre de la Défense, une réflexion très longue sur cette question. C'est le Livre Blanc sur la Défense, c'est la RGPP. Et ce que nous allons aujourd'hui vous annoncer, ce sont les décisions, je dis bien les décisions, qui ont été prises par le président de la République et par le Gouvernement, et vont désormais se mettre en oeuvre.
C'est notre responsabilité de faire ces choix.
C'est notre responsabilité à la fois au regard de la sécurité nationale : il faut avoir l'outil militaire le plus adapté à nos besoins, aux menaces. Et en même temps, c'est notre responsabilité vis-à-vis de nos engagements en matière de finances publiques. On ne peut pas considérer qu'il soit raisonnable et sain de construire la sécurité de notre pays au plan militaire en l'endettant par ailleurs et en mettant en danger et en péril son indépendance.
Je disais tout à l'heure aux cadres de nos armées que l'ensemble de la réforme que nous allons conduire va nous amener à économiser, ou à dégager plutôt, en année pleine, 2 milliards d'euros sur le fonctionnement des armées qui vont être réinvestis dans la modernisation des armées. Ca, c'est au bout de la réforme, lorsque l'on aura assuré l'ensemble de cette réforme. Eh bien sachez que rien que cette année, la seule conséquence de l'inflation sur les intérêts de la dette de notre pays, c'est 2 milliards d'euros. Ca donne une idée de l'extrême nécessité de retrouver l'équilibre des finances publiques.
Comme l'a indiqué le président de la République le 17 juin dernier, le format des armées sera réduit de 54 000 hommes, à la fois civils et militaires.
Au terme de la réforme, l'armée de terre comptera 131 000 hommes, l'armée de l'air 50.000, la marine 44.000.
L'armée de terre aura perdu 20 régiments et bataillons, l'armée de l'air 11 bases aériennes avec ou sans plate-forme, et la marine une base aéronavale.
La future carte des implantations militaires va s'articuler autour d'un concept extrêmement novateur, qui est la philosophie même de la réforme, qui est le concept des bases de défense. On regroupe autour d'un même dispositif logistique des moyens opérationnels différents. Il y aura entre 85 et 90 bases de défense qui vont fédérer les moyens de soutien des différentes unités pour leur permettre de se reconcentrer sur leurs activités opérationnelles.
Toutes les mesures de suppressions d'unités visent des unités qui ne sont plus adaptées à la menace d'aujourd'hui. Chacun comprend bien qu'on n'a pas besoin d'autant de chars Leclerc quand on n'est pas menacé d'invasion sur son territoire et qu'on n'a pas à conduire des combats en centre-Europe. On a beaucoup moins besoin d'autant d'artillerie lourde.
On a, par contre, beaucoup plus besoin de moyens de renseignement, de moyens de projections de forces, de forces plus légères, plus réactives, capables d'intervenir, le plus souvent d'ailleurs, dans le cadre d'alliances, en coopération avec nos alliés, ceux de l'Alliance atlantique ou de l'Union européenne, dans des opérations qui sont presque toujours maintenant des opérations de maintien de la paix.
L'enjeu, c'est d'être capable de projeter 30.000 hommes pendant un an. C'est grosso modo la capacité de l'armée britannique, sachant que l'armée britannique dépense moins que nous pour la dissuasion nucléaire, puisque nous, nous conservons une capacité très importante de dissuasion nucléaire. Cela veut dire que nous resterons dans les 4 grandes puissances du monde et nous serons, avec les Britanniques, les deux seules grandes armées disposant de l'ensemble des moyens au plan européen.
L'armée française, c'est une armée d'élite, nous voulons qu'elle le reste. Cela passe par une réforme profonde des fonctions de soutien aux armées, je le disais à l'instant. Naturellement, ces restructurations suscitent des inquiétudes dans les collectivités concernées, c'est bien compréhensible. Le Gouvernement s'est donné les moyens d'y répondre, mais je veux dire clairement, sans détours, que le rôle de l'armée, ce n'est pas l'aménagement du territoire. Le rôle de l'armée c'est la sécurité des Français. Je pense que tous les élus locaux qui sont mobilisés pour défendre leurs unités et qui le font avec conviction, et qui le font souvent avec affection, parce que ces unités sont mêlées à l'histoire de leur territoire, sont aussi des citoyens qui doivent faire la part entre l'intérêt général et l'intérêt local. L'intérêt général, c'est de disposer d'un outil militaire rationalisé.
Naturellement, nous allons mettre tous les moyens en oeuvre pour permettre aux territoires qui sont les plus fragiles et qui sont les plus concernés par ces restructurations de réagir. C'est le dispositif ambitieux qu'Hubert Falco vous présentera dans un instant. Avec ce dispositif, nous allons actionner tous les leviers des politiques publiques pour accompagner les territoires et leur donner les moyens de leur développement.
J'ai réuni hier, avec Hervé Morin, Hubert Falco et Jean-Marie Bockel, tous les préfets concernés par cette restructuration.
Ce sont eux qui vont coordonner l'ensemble des moyens d'accompagnement. Les préfets seront les interlocuteurs uniques des collectivités territoriales pour conduire cette réorganisation.
J'ai signé aujourd'hui même une circulaire qui donne au préfet des consignes extrêmement précises. Nous allons affecter 320 millions d'euros aux territoires les plus touchés, à travers des contrats et des plans de redynamisation des sites de défense.
Pour la trentaine de sites qui sont les plus concernés par les restructurations, il y aura un contrat de reconversion, et pour les autres qui sont concernés de façon moins directe, nous mettrons en place des moyens spécifiques pour accompagner la réorganisation.
Mais notre mobilisation ne peut pas se résumer aux chiffres que je viens de citer. On va déployer tout un arsenal de mesures pour inciter les entreprises à investir et à embaucher dans ces secteurs.
On va, par exemple, étendre aux territoires concernés l'application de dispositifs ciblés d'exonération fiscale et de charges sociales qui existaient déjà sur certains territoires en difficulté.
On va demander à la Commission européenne d'étendre les zones sur lesquelles peuvent s'appliquer certaines aides de l'Etat et des collectivités territoriales en faveur des entreprises pour tenir compte du choc créé par ces disparitions.
On va mobiliser le réseau de l'Agence française des investissements internationaux pour orienter les investisseurs vers les bassins d'emplois touchés par les restructurations de défense.
On va tout faire pour qu'une partie des actifs immobiliers de la défense, qui sont devenus inutiles du fait des restructurations, reviennent aux collectivités ou puissent être utilisés dans des projets qui sont des projets en faveur du développement économique local.
On va développer les transferts d'administrations parisiennes vers les communes concernées. Ces mouvements devront intervenir dès 2009. Le président de la République a décidé que ces mouvements concerneraient au moins 10 % des effectifs parisiens des différents ministères. Cela représente 5.000 postes d'ici 2012.
Nous allons aussi réfléchir aussi à la possibilité d'implanter en province davantage d'établissements publics de l'Etat.
On a conçu un dispositif de solidarité qui permettra une adaptation progressive des ressources des communes pour tenir compte des pertes de populations résultant du départ des militaires. Il peut y avoir dans certaines communes des chocs en termes fiscaux. Nous avons déjà été confrontés, dans le passé, à des situations de ce type. On avait créé un fonds pour ces communes, un fonds de solidarité, on le remettra en place à cette occasion.
Enfin, on va profiter de la révision à mi-parcours des contrats de projet Etat-région, qui va donc avoir lieu en 2009, pour orienter de nouvelles ressources vers les sites concernés.
Naturellement, nous allons attacher une importance particulière au quart Nord-Est de la France qui, pour des raisons que chacun comprend bien, qui sont des raisons historiques, est particulièrement concerné par le redéploiement avec un plan national en faveur de cette région.
Nous allons veiller scrupuleusement à ce que certains territoires ne soient pas concernés par de multiples réformes en même temps. Je le dis clairement, il y a un ensemble global de réformes qui est en cours pour adapter l'Etat à ses nouvelles tâches et assurer le retour à l'équilibre des finances publiques, eh bien dans certains territoires, on ne va pas cumuler toutes les réorganisations en même temps. Donc nous prendrons des décisions de gel de certaines restructurations civiles dans des territoires qui sont trop frappés par les réorganisations militaires.
L'Etat a un devoir de cohérence et d'équité, il en va de la solidarité nationale. On ne peut pas faire supporter à quelques uns le coût d'une réforme qui profite à tous. Et on ne peut pas demander à certains d'accepter les réformes difficiles si tous ne contribuent pas à l'effort.
Voilà Mesdames et Messieurs ce que je voulais dire pour ouvrir cette conférence de presse.
Je veux terminer en rendant un hommage particulier à nos armées. Elles mesurent la difficulté de la tâche, mais elles savent que leur efficacité dépend du succès de la réforme. Je veux dire aux collectivités concernées que l'Etat est à leurs côtés, que tout le Gouvernement va se mobiliser pour elles. J'attends simplement d'elles qu'elles prennent en compte l'intérêt général, l'intérêt national de notre pays.
C'est une réforme difficile mais vous savez qu'avec le président de la République, on a choisi le mouvement plutôt que le statu quo et je pense, et je viens de le constater avec les chefs militaires, que ceux qui ont l'habitude de prendre des décisions sont sensibles au courage qui est celui du Gouvernement d'assumer ses responsabilités.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 29 juillet 2008