Déclaration de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, sur le droit de préemption urbain comme outil au service d'une politique d'habitat formalisée dans un PLH (plan local de l'habitat), Paris le 20 mai 2008.

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Circonstance : Colloque du Conseil d'Etat sur le droit de préemption urbain et la relance des politiques d'aménagement et d'habitat, à Paris le 20 mai 2008

Texte intégral


Monsieur le rapporteur général de la section du rapport et des études,
Monsieur le Conseiller d'Etat,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et messieurs,
Perrmettez-moi d'adresser mes remerciements au Conseil d'Etat qui en la personne de M. Frédéric TIBERGHIEN et de M. Jean-Pierre DUPORT m'ont lancé cette invitation à conclure les travaux de ce colloque consacré au droit de préemption urbain et à la relance des politiques d'aménagement et d'habitat.
Vous n'êtes pas sans savoir que le ministre du logement et de la ville que je suis est en quelque sorte amputé d'une compétence fondamentale au regard des politiques dont je suis responsable. Cette compétence, c'est naturellement l'urbanisme. Mais comme tout est intimement lié en ces domaines, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le Conseil de modernisation d'avril dernier sous l'autorité du Président de la République a inclus dans ses décisions, au titre de la politique du logement, la réforme des outils de programmation de l'urbanisation (PLU, PLH). L'idée est d'obtenir une meilleure adéquation entre les objectifs de la construction de logements et la politique de l'urbanisme et d'avancer vers une responsabilisation des agglomérations.
Sur cette base et dans un esprit de concertation étroite avec mon collègue Jean-Louis Borloo, je travaille à des mesures destinées à une intégration plus forte de la dimension logement, que ce soit en matière de planification urbaine ou que ce soit pour une relance des processus d'urbanisme opérationnel. Tout ceci trouvera sa concrétisation dans le projet de loi que je prépare pour la mobilisation en faveur du logement, ou celui que Jean-Louis Borloo élabore de son côté pour refondre tout ou partie du code de l'urbanisme à la demande du Président de la République.
C'est pourquoi la publication de votre rapport, et ce colloque Monsieur le conseiller d'Etat, interviennent au meilleur moment. Vos réflexions alimentent les miennes et me permettront d'enrichir les textes en préparation , en particulier le projet de loi.
En introduction je souhaite faire deux remarques préalables.
* Depuis un an que je suis ministre du logement et de la ville, je suis frappée par le fait qu'en matière d'aides à la pierre notamment, l'intervention égalitaire de l'Etat conduit en quelque sorte à creuser les inégalités territoriales que connaît notre pays face à la crise du logement. Deux chiffres à l'appui de cette observation : en 2007, la région Ile de France a programmé 24% des logements sociaux de toute la France. Depuis le début de cette année, le nombre de dossiers déposés au titre du droit au logement opposable dans cette même région représente près de 70% du total national.
Loin de moi l'idée de vous annoncer des mesures de péréquation brutales. En revanche, j'estime, qu'à moyen terme et pour les 5 ans à venir, toute politique du logement devra s'attacher à résorber ces écarts par des mesures différenciées, prenant en compte les réalités territoriales. Je pense que ce qui vaut pour le logement est également pertinent dans le domaine de l'urbanisme qui se situe en amont.
* En second lieu, le droit inaliénable de la propriété doit évoluer pour être dans une certaine mesure dissocié du droit d'usage que lui confèrent notamment les documents définissant le droit des sols comme les PLU. Cette exigence a déjà connu une avancée dans la loi portant Engagement national pour le Logement de juillet 2006 avec des dispositions visant à lutter contre la rétention foncière des zones constructibles. Le partage des plus values résultant du droit des sols défini par les PLU, ou directement liées à des décisions publiques d'investissement de quelque nature que ce soit, est désormais posé afin, entre autre, de résoudre le difficile problème du financement des infrastructures indispensables à la construction de logements dans un objectif de développement durable.
Le thème central du colloque est celui de la relance des politiques d'aménagement et d'habitat se fondant sur le rapport que vous avez rédigé à propos du droit de préemption urbain (DPU).
C'est un truisme que de rappeler que toute politique foncière n'est qu'un moyen au service de l'intérêt général exprimé au travers d'un projet urbain. Sans foncier il n'y a pas de construction de logements. Cette réalité est d'autant plus difficile à concrétiser que la France est plongée dans une crise du logement très inégalement répartie sur son territoire. Comment permettre à nos compatriotes de se loger à des coûts raisonnables sans passer par un étalement urbain dispendieux en termes de déplacement et de consommation d'espaces agricoles à haute valeur ajoutée ? La maîtrise du foncier pour produire des logements adaptés aux besoins des populations devient - on le voit bien - un enjeu crucial...
Trois facteurs compliquent cette situation de pénurie relative de foncier disponible pour l'urbanisation.
* La décentralisation a pu conduire certains élus responsables du développement urbain à adopter des positions très frileuses à l'égard de la construction de logements. Pour beaucoup, un Maire bâtisseur est un maire battu d'avance. Inutile de vous dire que je suis intimement convaincue du contraire.
* Le second facteur est la défiance de nos concitoyens à l'égard de tout projet de construction, surtout dès lors qu'il s'agit de logement social. Le nombre de contentieux administratifs de cette nature a crû , ce qui bloque ou retarde la réalisation de nombreux projets.
* Enfin, la raréfaction du foncier en centre urbain dense a pu, sans que cela ne soit la seule raison, conduire à une envolée des coûts.
Aussi, la place du DPU parmi les nombreux outils de politique foncière est-elle en partie justifiée.
Même si des dérives ont pu voir le jour, il est clair qu'en milieu urbain dense, le droit de préemption urbain représente un outil essentiel au service d'une politique d'habitat formalisé dans un programme local de l'habitat. Le revente d'immeubles entiers offre en effet des opportunités importantes et rares, qu'il faut savoir saisir. Cependant, comme le rapport que vous avez présenté le propose, des précisions sur le périmètre du DPU doivent être apporter et des évolutions législatives sont nécessaires.
Toujours à propos du DPU, je souhaite que, dans le prolongement du rapport présenté par M Etienne Pinte, nous prévoyons une disposition permettant aux préfets d'utiliser ce droit dans les communes déclarées en carence selon l'article 55 de la loi SRU. Il est important en effet qu'au delà du paiement des pénalités financières, on construise bel bien et du logement social dans les communes incriminées. J'ajoute que le comité interministériel pour le développement de l'offre de logements, tenu sous la présidence du Premier Ministre le 28 mars dernier, a retenu le principe de l'élaboration de contrats de mixité sociale destinés, pour ces communes déclarées en carence, à définir les modalités opérationnelles de construction de logements sociaux.
Mais au delà, dans le cadre des opérations programmées d'amélioration de l'habitat financées par l'Agence nationale de l'habitat - dont le succès ne s'est jamais démenti depuis plus de vingt ans - et dans le cadre de mon programme de revitalisation des quartiers anciens dégradés qui sera inscrit dans mon futur projet de loi, il est essentiel d'offrir aux collectivités les outils requis pour faire de leur ville un lieu de bien-être et d'échanges entre leurs habitants.
Le constat a été dressé depuis la loi SRU : les procédures de ZAC ne sont plus guère usitées pour la réalisation de logements dans les centres villes. C'est bien regrettable et je compte qu'elles soient remises à l'honneur à l'occasion du toilettage des procédures de l'urbanisme opérationnel prévu dans le cadre la refonte du code de l'urbanisme. J'ajoute que la recherche de partenariats entre le public et le privé pour des terrains déjà situés en zones constructibles et pour lesquels les propriétaires sont d'accord sur un projet doit pouvoir connaître des développements assurant ainsi la libération de foncier constructible. C'est le sens que je fixe à certaines de autres mesures prévues dans mon projet de loi.
Les politiques foncières à développer sur les territoires relèvent de la stricte compétence des collectivités. Ceci ne signifie pas que l'Etat en soit absent. Il intervient par l'intermédiaire des Etablissements publics fonciers qu'il a contribué à multiplier notamment sur les zones tendues en matière d'habitat. Mais il intervient aussi comme propriétaire foncier dans le cadre de la revente de certains de ses actifs. Une liste de terrains susceptibles d'être cédés pour du logement a été arrêtée lors du CIDOL du mois de mars. Ils représentent de façon prévisionnelle d'ici à 2012 la construction de plus de 70 000 logements, dont 40 000 sociaux. Ces opérations intéressent en premier lieu les communes sur lesquels se situent ces terrains et constituent une part de leur politique foncière.
Pour conclure cette revue des mesures qui figureront dans le projet de loi ou qui ont été d'ores et déjà arrêtées, je souhaite revenir sur l'articulation entre les PLH et les PLU, pivots de la planification urbaine française. Il est essentiel que l'harmonisation entre ces documents autour des agglomérations se concrétise rapidement. Il est tout aussi important que, sans attendre, les PLH deviennent non plus seulement des documents stratégiques, ce qu'ils sont déjà, mais aussi des documents opérationnels. Dans cette perspective ils doivent fixer pour les communes de leur périmètre précisément les objectifs quantitatifs et qualitatifs de production de logements pouvant, le cas échéant, descendre à une échelle infra communale.
J'attache aussi une grande importance à ce que l'Etat puisse, sur des territoires à forts enjeux, pas uniquement exprimés en termes de logement, définir des orientations d'urbanisme applicables sur les périmètres retenus. C'est à une refonte des directives territoriales d'aménagement revues et simplifiées que je pense.
Vous pouvez donc constater que le ministre du logement et de la ville a de nombreux et multiples centres d'intérêt autour de l'urbanisme et du foncier. Je n'ai pas évoqué la nécessaire densification des dispositions des PLU, mais la palette des adaptations sur lesquelles le Président de la République a demandé de travailler est large. Les propositions que vous avez évoquées tout au long de cette journée de réflexions et d'échanges serviront à alimenter les propres travaux du gouvernement.
Près de quarante ans après l'adoption de la loi d'orientation foncière de 1967, le temps est venu de procéder à un examen approfondi de notre code de l'urbanisme. Il est heureux qu'il puisse se faire alors que nous nous préparons à donner un élan décisif à la politique du logement et de la ville.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.conseil-etat.fr, le 5 août 2008