Déclaration de M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales, sur le développement de la coopération intercommunale, la rationalisation de la carte de l'intercommunalité, la maîtrise de la dépense publique locale et la réforme des structures administratives de la France, Montpellier le 10 octobre 2008.

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Circonstance : Convention nationale de l'intercommunalité de l'assemblée des communautés de France, à Montpellier (Hérault) le 10 octobre 2008

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président,
(cher Marc CENSI),
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,
C'est avec grand plaisir que je participe aujourd'hui à votre convention nationale dont j'ai suivi avec intérêt la conclusion de vos travaux.
Cela participe en effet de cet échange permanent que j'appelle de mes voeux entre vous et moi, un dialogue dont le rythme s'accélérera encore dans les prochaines semaines lorsque nous discuterons du contenu du projet de loi relatif à la modernisation de la vie locale que je présenterai à la rentrée 2009.
Avant de rentrer plus en avant de mon propos, j'adresse tous mes remerciements à votre président fondateur, cher Marc CENSI, pour votre travail et votre enthousiasme tout au long de ces 19 années au sein de votre association dont vous quittez maintenant la présidence.
Je souhaite que cette ouverture d'esprit et que la qualité du dialogue entre nous, soient poursuivies par votre successeur, et je souhaite bonne chance à Daniel DELAVEAU pour continuer à faire vivre « l'esprit communautaire ».
Mesdames et messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,
Avec ses 36 700 communes, la France constitue une spécificité au sein de l'Europe.
Pour faire face à cet émiettement communal les gouvernements successifs ont privilégié depuis une quinzaine d'années le développement de la coopération intercommunale.
Cette forme de coopération rencontre un franc succès puisqu'aujourd'hui, 92 % des communes et 87 % de la population appartiennent à une intercommunalité à fiscalité propre.
Cependant, le nombre important d'échelons d'administration locale n'est pas sans poser de difficultés organisationnelles ou financières.
Vous le savez, le Président de la République a ainsi confirmé le 25 septembre à TOULON, lors de son intervention sur la politique économique, sa volonté de poursuivre les réformes et notamment celle des administrations et des collectivités locales.
Pour résumer, la clarification des compétences s'impose en termes démocratiques : nos concitoyens doivent savoir « Qui fait quoi, pour qui et à quel coût ».
De la même manière, la part prise par les collectivités locales et les intercommunalités dans le montant des dépenses publiques est non négligeable, même si et surtout les collectivités territoriales sont les premiers investisseurs de notre pays.
La question de la régulation des dépenses locales revêt donc une importance majeure, non seulement pour répondre aux objectifs de maîtrise des dépenses publiques fixés au plan communautaire, mais également afin de permettre d'atteindre un meilleur rapport coût/efficacité dans la mise en oeuvre des services publics locaux tel que la Cour des comptes le souligne dans un nouveau rapport qui s'inscrit dans celui de 2005.
Là encore, l'intercommunalité peut constituer la réponse à ces enjeux majeurs par les économies d'échelle qu'elle doit apporter et de par sa vocation qui est de porter des projets de territoires sur des périmètres pertinents et rationnels.
L'an dernier, à la même époque, vous aviez souhaité, Monsieur le Président, que soit mis en place le chantier de la rationalisation territoriale de la France, en formulant le voeu que l'intercommunalité y occupe une place centrale.
Je crois que nous vous avons entendu.
Aussi, ai-je le plaisir de vous annoncer que le futur chapitre 3 du projet de loi relatif à la modernisation de la démocratie locale que je présenterai dans les semaines à venir sera consacré à l'intercommunalité.
Les principales mesures, que je vais vous détailler, devraient répondre à vos attentes.
. Tout d'abord il nous faut achever et rationaliser la carte de l'intercommunalité de notre pays.
De mon point de vue, il ne saurait y avoir de réussite définitive de l'intercommunalité sans couverture intégrale du territoire.
A cette fin, le Gouvernement souhaite donner de la perspective aux élus locaux dont les communes ne sont pas encore membres d'une intercommunalité.
Il pourrait être introduit dans la loi une date-butoir à l'horizon du 1er janvier 2014, pour laisser aux dernières communes isolées le choix d'une communauté de rattachement.
A défaut de s'y être conformé, c'est le préfet, après avoir épuisé toutes les voies de la concertation et après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale qui y procédera.
L'achèvement de la carte intercommunale est certes une nécessité, mais celui-ci ne doit pas occulter les efforts entrepris par les communautés existantes pour affiner leurs périmètres.
. De plus, afin de les aider dans leurs démarches, le Gouvernement souhaite revoir dans un sens plus opérationnel le dispositif de fusion pour lever les obstacles persistants rencontrés aujourd'hui.
Dès lors, il serait dorénavant possible de fusionner des EPCI, malgré le refus qu'opposerait l'un d'entre eux à cette opération, selon un mécanisme reposant sur l'obtention de conditions de majorité qualifiée, à l'instar de ce qui prévaut vis-à-vis des communes en cas de création de communauté.
Mon objectif est de favoriser la réalisation de projets actuellement en sommeil, faute de consensus entre les candidats au rapprochement.
. Par ailleurs, je crois qu'il nous faut faire évoluer la maîtrise du droit des sols.
Le plan local d'urbanisme étant un outil essentiel de l'aménagement de l'espace, je considère que les problématiques qui s'y rattachent doivent être traitées au niveau de l'agglomération.
Les réflexions intervenues dans le cadre du Grenelle de l'environnement ont confirmé cette nécessité.
A l'image des communautés urbaines qui détiennent déjà les compétences de plein droit en matière de plan local d'urbanisme, il est proposé d'étendre le dispositif aux communautés d'agglomération et aux communautés de communes de plus de 50 000 habitants, tout en associant les conseils municipaux pour la partie du territoire qui les concernent.
La cohérence et la cohésion de l'action intercommunale le requièrent.
Le renforcement du poids des intercommunalités à fiscalité propre ne saurait se limiter au strict plan des compétences.
. En effet, il convient parallèlement de renforcer leur légitimité en leur conférant une représentation accrue au sein des instances où elles siègent, au premier rang desquelles figure la commission départementale de la coopération intercommunale.
Un rééquilibrage raisonnable permettant une représentation des communes et des EPCI dans les mêmes proportions me paraît correspondre pleinement à la réalité du terrain et devrait rencontrer votre approbation.
Suivant en cela les préconisations de la Cour des Comptes, je souhaite que l'intercommunalité favorise une meilleure maîtrise de la dépense publique locale notamment via la création de services communs entre communes et EPCI.
L'efficacité et la rationalisation de l'action publique locale nécessitent que les services supports des communes et de l'EPCI dont elles sont membres puissent devenir des services communs, qu'il s'agisse de services fonctionnels ou de services techniques.
Le Gouvernement fera des propositions en ce sens.
Mesdames et messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,
. Je souhaite également évoquer devant vous, et ce n'est pas le moindre des sujets, la question de la légitimité démocratique des intercommunalités.
Le débat relatif à la désignation au suffrage universel direct des élus communautaires est récurrent et n'a pas à ce jour dégagé de consensus.
Je crois compte tenu de la part croissante prise par l'intercommunalité comme mode de gouvernance des territoires, que l'on ne peut plus mettre le citoyen à l'écart du processus de désignation des assemblées communautaires.
Il y a là comme un problème de démocratie.
Beaucoup d'intercommunalités lèvent l'impôt sur les ménages, la majorité le prélève sur les entreprises, sans que leurs dirigeants aient été directement investis par les citoyens, ce qui constitue un hiatus juridique.
C'est pourquoi il m'est apparu judicieux de remédier à ces carences en proposant la mise en place pour les prochaines municipales de 2014 d'un système s'inspirant de ce qui se pratique pour les villes de PARIS, MARSEILLE et LYON, qui voit l'électeur voter à la fois pour le conseiller d'arrondissement et pour le conseiller municipal en identifiant sur les listes les élus en question.
Ce double fléchage donnera le pouvoir à l'électeur de choisir lui-même ses représentants.
Bien entendu, ce mécanisme de désignation devra être adapté pour les petites communes pour lesquelles le scrutin de liste n'existe pas.

Les élus intercommunaux disposeront de la légitimité démocratique et le lien entre la commune et l'intercommunalité sera renforcée ; je sais que ces deux points sont essentiels pour vous comme ils le sont pour le Gouvernement.
Mesdames et messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,
Comme vous pouvez le constater, Monsieur le Président, les annonces que je viens de faire, répondent, je l'espère, en grande partie aux préoccupations dont vous vous faites l'écho depuis plusieurs années.
Mais je tenais par ailleurs à ajouter à l'ensemble des thèmes abordés, un mot sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.
En effet, dans une situation budgétaire qui réclame des efforts, l'Etat a néanmoins su tenir ses engagements à l'égard des collectivités territoriales dans le PLF 2009, et notamment en préservant le pouvoir d'achat de leurs dotations.
Dans ce contexte dégradé, je tiens à vous affirmer que le Gouvernement n'entend pas faire payer la contrainte qui va s'exercer sur ses dépenses aux collectivités.
. Ainsi, les concours de l'Etat aux collectivités territoriales qui en 2008 représentent 72,9 milliards d'euros progressera de 3,2% en 2009 soit une augmentation de + 2,35 milliards pour atteindre 75,25 milliards d'euros ce qui représente 21,5% du budget de l'Etat.
Les crédits augmentent en effet de 1,1 milliard d'euros.
S'ajoutent à cette somme, les compensations des dégrèvements fiscaux en augmentation de 1,2 milliards d'euros.
Si l'on additionne par ailleurs la fiscalité transférée, l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités locales sera en 2009 de 96,15 milliards d'euros contre 93,95 en 2008.
Ces 2,35 milliards supplémentaires en 2009, c'est la traduction de l'engagement qu'a pris le Président de la République, Nicolas SARKOZY, à CAHORS le 8 avril dernier.
Et je serai auprès de vous le garant des engagements pris par le Chef de l'Etat.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire, l'objectif de réduire le déficit public que l'Etat s'est fixé à l'horizon 2012, il le partage aussi avec les collectivités territoriales, mais je tiens à préciser que les concours de l'Etat aux collectivités territoriales ne doivent pas servir de variable d'ajustement pour le budget de l'Etat.
Par ailleurs, ma présence parmi vous me permet également d'éclaircir certains points.
L'indexation de la dotation globale de fonctionnement sera préservée et la péréquation en son sein sera consolidée.
La DGF progressera donc de 801 millions d'euros soit un montant très proche des 817 millions d'euros de la LFI 2008.
La Dotation de Solidarité Urbaine va être réformée : pour concentrer davantage la solidarité nationale sur les communes les plus nécessiteuses, le nombre de communes de plus de 10 000 habitants éligibles à la DSU sera réduit.
La DSU s'élèvera donc en 2009 à 1 milliard 160 millions d'euros et progressera ainsi de 70 millions d'euros par rapport à 2008.
S'ajoutera à cette somme, 50 millions d'euros au titre de la dotation de développement urbain qui sera créée.
Un certain nombre d'élus ont manifesté des inquiétudes par rapport à ce projet de réforme.
Je veux dire que j'ai entendu ces craintes, les parlementaires auront naturellement la possibilité d'amender et d'améliorer ce texte à l'occasion du débat budgétaire.
En effet, dès lors que l'on reste dans l'enveloppe prévue au Projet de Loi de Finances 2009, le Gouvernement sera ouvert aux propositions des députés et des sénateurs.
Voilà présentées à grand trait, les principales mesures contenues dans le PLF 2009.
Mesdames et messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,
Le projet de loi dont je viens de parler ne doit pas rester le projet du Gouvernement mais bien le projet de ses futurs utilisateurs.
A vous de l'enrichir de vos propositions afin de transmettre au Parlement une version la plus adaptée possible aux besoins du terrain et de vos adhérents.
En conclusion, je voudrais évoquer le grand chantier qui attend pour 2009, celui de la réforme de nos structures administratives.
Les dernières semaines ont en effet été riches de déclarations de tout genre sur cette question, parfois contradictoires, parfois iconoclastes, et il me parait important de recadrer le débat sur cette question majeure.
Le Président de la République et le Premier ministre ont en effet souhaité que ce chantier soit rapidement ouvert.
Il le sera dans un esprit de transparence, de concertation et sans tabous.
Une commission indépendante et pluraliste sera ainsi mise en place sur le modèle de celle pour la réforme de nos institutions.
Sa composition permettra d'associer des représentants des principales forces politiques de notre pays de même qu'un certain nombre de personnalités qualifiées et quelques hauts fonctionnaires.
Elle devrait commencer ses travaux dans les meilleurs délais et rendre ses conclusions avant l'été 2009.
A l'instar des travaux du comité de réflexion sur la modernisation des institutions de la Vème République, ces conclusions qui seront rendues publiques, auront vocation à éclairer le Gouvernement pour préparer un projet de loi dans le courant de l'été 2009.
Je voudrais également attirer votre attention sur les implications constitutionnelles éventuelles d'un tel chantier : je rappelle en effet que l'article 72 de la Constitution modifié par la révision constitutionnelle de mars 2003 énumère les différentes collectivités territoriales, à savoir : les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer.
Il précise aussi, et c'est fondamental dans le débat qui nous occupe, qu'aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre.
Si le débat autour de la réforme de nos structures territoriales doit être mené sans a priori et dans la concertation, il n'est absolument pas question en l'état de supprimer les départements.
Je tiens à la préciser.
L'enjeu est plutôt de réfléchir à une meilleure imbrication entre départements et régions, d'optimiser la gestion des deniers publics, de faciliter la vie de nos concitoyens qui ont souvent beaucoup de difficultés à se repérer dans notre « mille-feuilles » administratif, de clarifier les compétences en s'inscrivant dans la logique du rapport LAMBERT avec comme perspective une nécessaire évolution de la clause générale de compétence.
Cette réflexion d'ensemble qui engage l'avenir de nos institutions territoriales pour le XXIème siècle ne pourra pas non plus se faire sans un travail approfondi avec le Parlement.
Avec le Sénat, dont l'article 24 de la Constitution précise qu'il « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».
Avec l'Assemblée nationale, et je salue le Président WARSMANN ici présent - dont la commission des lois vient de rendre public un rapport sur la simplification et la clarification du droit qui formule un certain nombre de propositions sur le sujet.
C'est donc un chantier majeur qui nous attend, essentiel pour l'avenir de notre pays et qui sera mené dans la plus grande concertation.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 13 octobre 2008