Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à "France 2" le 20 avril 2009, sur les nouveautés dans la déclaration d'impôt et sur le budget des collectivités locales après la suppression de la taxe professionnelle.

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Média : France 2

Texte intégral

Bonjour.

A partir de cette semaine, les Français vont recevoir un petit mot doux signé par vous.

C'est vrai.

C'est la déclaration d'impôt, mais cette année il y a une bonne nouvelle pour les revenus les plus modestes : il y aura, appliquée dès cette année, une remise des deux tiers de l'impôt sur le revenu. Comment concrètement ça va se passer ?

Oui c'est l'engagement du président de la République il y a quelques semaines. Donc nous n'allons pas prélever à peu près deux tiers de l'impôt sur le revenu pour les personnes alors qui sont imposées à la première tranche de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire la tranche à 5,5%. Et puis pour les personnes qui sont imposées au début de la deuxième tranche de l'impôt sur le revenu. Alors les personnes qui sont mensualisées ou qui payent par tiers recevront un courrier pour leur indiquer qu'on ne prélèvera pas en fait les mensualités entre le mois de mai et puis le mois d'août ou le mois de septembre. Et puis les personnes qui payent le tiers provisionnel seront exonérées de ce tiers. C'est un courrier inhabituel de la part des impôts, c'est une bonne nouvelle. Et c'est une nouvelle qui s'applique tout de suite parce que c'est dans le cadre du plan de relance et donc ça permet au fond de dégager plus de pouvoir d'achat, donc plus de consommation, donc c'est de la relance et puis c'est aussi aider les catégories les plus modestes.

Qu'est-ce qu'il y a comme autre nouveauté dans cette déclaration ?

Il y a d'autres nouveautés qui sont importantes en dehors de l'impôt sur le revenu, par exemple, vous savez que c'est une déclaration qui est, je vous la montre, c'est une belle déclaration, elle est préremplie.

Elle est bleue.

Elle est bleue, écoutez mais elle est belle surtout parce qu'il y a surtout plein de données qui sont déjà préremplies. Vos revenues sont pré remplis comme l'année dernière.

Ca ce n'est pas nouveau.

Et vous avez aussi les revenus des capitaux mobiliers, c'est-à-dire les dividendes d'actions ou ce genre de revenus sont aujourd'hui préremplis. On est allé chercher à peu près 30 millions d'informations pour obtenir cela, ce qui fait qu'il y a 80 ou 90 % des Français qui n'ont quasiment rien à changer sur cette déclaration. Elle est pré-remplie il suffit juste de la signer.

Il faut la renvoyer quand ?

Alors il faut la renvoyer... D'abord elle va partir, là, du 24 avril jusqu'au 5 ou 6 mai. Elle arrivera dans les boîtes aux lettres des uns et des autres et puis on a jusqu'au 29 mai pour la renvoyer. Et alors si vous télé-déclarez...

Si on passe par Internet.

... Je voudrais quand même remettre en valeur ça, si vous passez par Internet vous avez un délai supplémentaire, grosso modo, selon l'endroit où vous habitez, selon les zones, comme les zones de vacances scolaires, entre le 11 juin et le 25 juin pour la renvoyer. Et vous avez aussi des possibilités beaucoup plus simples aujourd'hui de télédéclarer. Avant, il fallait télécharger un certificat, enfin ça pouvait être assez compliqué, vous pouvez continuer à le faire. Il fallait garder le même ordinateur, vous pouvez continuer à le faire à ce moment là vous avez plus de services. Mais vous pouvez aussi, c'est une nouveauté cette année, ne plus avoir à télécharger de certificats et de faire directement, trois clics, au fond si vous n'avez rien à changer sur votre télé-déclaration.

Et si on déclare par Internet pour la première fois on a toujours la ristourne de 20 euros.

Oui, vous avez 20 euros...

Et si c'est la deuxième fois rien du tout ?

Alors si c'est la deuxième fois non, vous n'avez pas... c'est une sorte de cadeau de bienvenue pour dire : voilà, aller télé-déclarer, vous verrez c'est beaucoup plus simple. Et voilà. La deuxième fois, normalement, on revient parce que c'est effectivement beaucoup plus simple. Et puis vous avez des services supplémentaires notamment le fait d'avoir plus de temps : vous avez 10 à 15 jours de plus ou 20 jours même de plus pour déclarer vos impôts, ce qui n'est pas négligeable ; ça va plus vite et vous avez plus de temps pour le faire.

Est-ce qu'avec la crise, le déficit public va se creuser ? Est-ce que d'une façon ou d'une autre, il ne faudra pas augmenter les impôts ?

Oui, le déficit public il se creuse. Vous savez dans le courrier qu'on envoie, l'accompagnement, il y a ça...

Votre petit mot, votre petit mot doux.

Mon petit mot, voilà, mon petit courrier. Il y a surtout des informations sur le budget et on voit bien que c'est marqué...

On sera à quel déficit en 2009 ?

Le déficit en 2009 sur l'Etat sera de l'ordre entre 104 et 105 milliards d'euros.

C'est combien de la richesse nationale ?

Ce déficit par rapport au Produit Intérieur Brut ce sera, si on compte à la fois l'Etat mais aussi les Collectivités locales et puis la Sécurité sociale, ce sera environ 5,5%. C'est moins que beaucoup de pays ; les Etats-Unis sont à 8, 9 ou 10%, d'autres pays sont à bien plus. Mais à l'intérieur c'est quoi ? C'est à la fois des dépenses pour relancer- il y a des dépenses de relance -, et puis c'est en même temps aussi des impôts qui rentrent moins bien. Ce sont des impôts qu'on ne compense pas, ce sont des impôts... simplement, il y a moins d'impôts sur les sociétés, il y a moins d'impôts sur le revenu et il y a moins de TVA. L'impôt sur le revenu c'est quand même, je dois dire, 20% des impôts français. C'est grosso modo à peu près 59 milliards d'euros de recettes.

Il y a un sénateur, J. Arthuis, qui propose de supprimer le bouclier fiscal, de supprimer l'impôt sur la fortune et de relever l'impôt sur le revenu pour les revenus les plus élevés. Est-ce que c'est une solution qui vous paraît intéressante ?

On en discute toujours au Sénat et à l'Assemblée nationale. Il y a beaucoup de propositions de cette nature. Moi je pense que ce n'est pas une proposition par temps de crise souhaitable parce que ça remodifie encore une fois le système d'impôt et ce n'est probablement pas souhaitable. Maintenant, toute piste doit être regardée, quand elle est proposée par des parlementaires.

Mais supprimer le bouclier fiscal ou l'ISF il n'est pas question...

Mais il y a un sujet tabou, vous le savez, il y a un sujet véritablement tabou et ce n'est pas du tout la piste qu'on a choisie d'explorer : le bouclier fiscal ça veut dire qu'on limite à 50% finalement votre contribution.

Ça, ça ne bougera pas.

Ça ne bougera évidemment pas...

C'est l'ISF ?

C'est l'impôt à 50% en fait, c'est ça que ça veut dire le bouclier fiscal, c'est l'impôt à 50%. Et l'ISF, eh ben l'ISF c'est un impôt qui ne bougera pas. L'impôt de solidarité sur la fortune aujourd'hui il est bien installé en France. Donc on a d'un côté un bouclier fiscal, de l'autre un impôt de solidarité sur la fortune et puis des tranches d'impôt sur le revenu qui sont à niveau moyen par rapport aux tranches européennes. On est dans la moyenne aujourd'hui européenne. Voilà. Donc on a une imposition relativement équilibrée aujourd'hui en France.

Vous parliez des collectivités locales, elles sont notamment financées par la taxe professionnelle. N. Sarkozy a dit qu'elle serait supprimée cette taxe professionnelle. Ça va être remplacé par quoi ? Est-ce que le contribuable au final ne sera pas obligé de payer ?

C'était un impôt imbécile, tout le monde le dit, donc ça doit quand même être vrai quelque part. Et ça a été modifié une vingtaine de fois. Il fallait cesser cela et le Président a décidé de le faire. Et il a eu raison. Il y a un moment donné où il faut décider de le faire sinon plus personne ne le fait. Il fallait tirer les conclusions. On a rassuré les collectivités ; on leur a dit qu'il y aurait des mesures de compensation.

Mais vous n'avez pas rassuré les particuliers, ils se demandent s'ils ne vont pas passer à la caisse.

Non, non, bien sûr que non. Nous verrons cela au moment du budget 2010. Il y a d'un côté des collectivités qui sont compensées, on affectera d'autres types d'impôts. Et puis on réfléchira notamment avec les entreprises comment essayer d'asseoir une fiscalité plus juste et localisée, territorialisée. Mais c'est un impôt foncier, par exemple, économique où un pourcentage de la valeur ajoutée qui continuera à perdurer.

Mais ce matin, vous vous engagez à ce que le particulier ne paye pas plus ?

Moi je rassure les collectivités locales, c'est déjà très important...

Mais le particulier ?

Et puis je rassure aussi le particulier. L'idée n'est pas d'augmenter les impôts, le président de la République l'a déjà dit à plusieurs reprises. Aujourd'hui, augmenter les impôts ce serait une bêtise tout à fait considérable parce que ça reviendrait au fond à tuer le début de reprise que nous voyons. On voit bien qu'il y a des signes de reprise aujourd'hui, qu'il y a des petits mais il y a des signes de reprise, et les plans de relance qui vont commencer à rentrer en vigueur un peu partout dans les pays vont probablement - en tout cas je l'espère, et tout le monde l'espère -, mettre fin à cette crise, infléchir en réalité le toboggan de la crise.

Et pourtant la croissance sera négative en 2009. Ça, vous le confirmez ?

Oui la croissance sera négative en 2009. Mais en 2010, on a de bons espoirs aujourd'hui que la crise commence à s'infléchir et qu'on commence à revenir à meilleure fortune. C'est très important pour tout le monde, c'est très important surtout pour l'emploi.

Et en 2009, le chômage va continuer à augmenter, on parle de 500.000 chômeurs de plus.

Ecoutez le chômage va continuer à augmenter, bien évidemment, mais on se bat pour éviter cela, et c'est bien ce qu'on fait. Et puis on se bat aussi entreprise par entreprise, comme hier par exemple sur l'entreprise Caterpillar.

Merci E. Woerth.

Je vous en prie.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 avril 2009