Interview de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services et à la consommation, à "RMC" le 1er juillet 2009, sur l'application de la baisse de la TVA dans la restauration et le nouveau débat sur le travail le dimanche.

Prononcé le 1er juillet 2009

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Merci d'être avec nous. Vous êtes secrétaire d'Etat chargé, parce que je l'ai vu, franchement, le Commerce, l'Artisanat, les PME, les Services et maintenant la Consommation. C'est nouveau !

Et le Tourisme...

Et le Tourisme, j'allais oublier le Tourisme !

C'est très important !

Oui, et on va en parler d'ailleurs du tourisme, on va en parler. Vous avez digéré la choucroute que vous avez avalée hier soir sur les Champs Elysées ?

Oui, elle était très digeste. J'ai souhaité marquer ce passage du taux de TVA de 19,6 à 5,5 de manière un peu symbolique.

Elle était moins cher cette choucroute ?

Elle était moins chère. On m'a confié les deux additions, avant minuit et après minuit.

Et alors ?

Effectivement, elle était moins chère.

Elle a baissé de combien ?

Oh, c'était 37 euros avant et 33 après.

Elle n'est pas donnée quand même, 33 euros la choucroute...

Elle n'est pas donnée, mais on était sur les Champs Elysées.

Oui, ça c'est sûr ! Qu'attendez-vous de cette... alors, vous l'avez dit, "j'attends à la fois une baisse des prix, j'attends des augmentations de salaires et de l'embauche".

Oui, et de l'investissement. C'est exactement les termes du contrat d'avenir qu'on a signé avec les organisations professionnelles, il y a maintenant plusieurs semaines. Il faut qu'il y ait des contreparties à cette baisse, ce n'est pas gratuit, c'est deux milliards nets pour les cafés, pour les restaurants.

Oui, ça, ça nous coûte cher !

Ca coûte, et donc les contreparties, elles doivent être pour les consommateurs, pour les salariés et aussi pour les entrepreneurs, c'est-à-dire pour investir dans la modernisation de la restauration.

Mais vous seriez restaurateur, vous feriez quoi ? Enfin, tout dépend de la taille du restaurant et de l'état des finances de votre restaurant.

Vous avez tout à fait raison. Il y a des jeunes restaurateurs qui vont mettre le paquet, par exemple sur l'investissement. Et puis il y en a qui sont à deux ans de la retraite et qui vont mettre le paquet sur la formation, l'apprentissage. Et donc, l'intérêt de ce contrat d'avenir c'est qu'il permet les trois, et il fixe des objectifs précis, concrets, pour la baisse des prix. Mais il le fait de manière à la fois ambitieuse et réaliste. Ce contrat d'avenir, c'est un équilibre, moi j'y crois. Et je pense que depuis le tour de France que j'ai entrepris, j'ai visité toutes les régions depuis le 28 avril pour populariser ce contrat d'avenir avec les organisations de professionnels, je pense que la mobilisation commence à s'opérer. Mais c'est un point de départ le 1er juillet, ce n'est pas un point d'arrivée pour moi.

C'est-à-dire, ce sera pérennisé ?

Ce contrat d'avenir, il est pour deux ans.

Et au bout de deux ans ?

Au bout de deux ans, on fera les comptes et on fera les comptes même avant. J'installe le 22 juillet un comité de suivi. C'est un comité de suivi avec les organisations professionnelles, les pouvoirs publics, des personnalités qualifiées, A. Daguin par exemple, ou d'autres, des parlementaires...

Oui, enfin, ce sont des personnalités du monde de la restauration, donc...

Pas uniquement.

A. Daguin, oui... Il y a des députés, il y a des sénateurs, de l'opposition comme de la majorité. Et ils publieront tous les six mois, les chiffres.

Oui, parce que qui va surveiller ? Il n'y a pas de mécanisme de contrôle. N'est-ce pas dommage quand même ? Il y a la DGCCRF, mais elle n'est pas suffisamment équipée, vous le savez bien.

Non, je ne le regrette pas. Vous savez, on a quitté le contrôle des prix maintenant depuis 1986, on ne s'en est pas plaints. Il faut que les prix, dans un pays moderne, on peut avoir des mécanismes de régulation mais on n'a pas des mécanismes de fixation.

Pas de fixation, mais il n'y aucune sanction qui est prévue.

Il y a un juge, je vous l'annonce, c'est le consommateur, c'est le client, parce que ça, ça va jouer.

Alors, qu'est-ce que vous dites au client ? Vous lui recommandez quoi ?

Je lui demande déjà de regarder la vitrine où il verra l'affichette, « La TVA baisse, les prix aussi ». Les restaurateurs, les neuf organisations professionnelles, ont diffusé 110.000 affichettes, elles commencent d'être posées, et ça c'est un guide pour le consommateur ou le touriste.

Alors, que peut faire le consommateur qui constate que le restaurateur ne baisse pas ses prix ou qu'il n'embauche pas.

Eh bien, il va ailleurs ! Et ça, c'est quand même très important que...

Mais le restaurateur lui-même n'est pas sanctionné ?

Le restaurateur n'a pas à être sanctionné parce qu'il ne rentre pas dans ce contrat d'avenir. Il sera sanctionné s'il a moins de clients, et c'est cela qui est très important, mais il n'aura pas à diffuser de fausses nouvelles. Ceux qui apposeront les affichettes, bien sûr, devront respecter cette baisse des prix telle qu'elle est inscrite dans le contrat.

Je lisais le rapport du FMI qui disait "cette mesure doit être temporaire parce qu'elle est très coûteuse et très inefficace".

Vous savez, le FMI, il n'est pas infaillible.

Oui, ça c'est sûr...

Deux mois avant la crise, je vous le dis, il avait prévu une croissance mondiale très importante. Donc il ne faut pas lui attacher plus de poids. Mais par contre, le provisoire, je ne le pense pas, je ne le crois pas, je ne le souhaite pas. Rappelez-vous ce qui s'est passé en 1996, on a augmenté la TVA de deux points, deux points seulement. Là, il s'agirait de la ré-augmenter de quatorze points. On a cassé la croissance économique, on ne relève pas les prix dans une période difficile.

Alors il faut baisser la TVA sur de nombreux produits, étendre cette baisse de TVA, alors ?

C'était un engagement. C'était un engagement politique...

...pris par J. Chirac au départ.

Il a été tenu. Et avec le président de la République qui m'avait demandé de bâtir ce contrat d'avenir avec C. Lagarde, on a essayé de faire quelque chose d'équilibré.

Alors, je vous demande, dernière question sur le sujet parce qu'il y a beaucoup d'autres sujets qui vous concernent, mais je vous demande, franchement, franchement, là je vous demande, est-ce que vous croyez aux 40.000 embauches dans le secteur de la restauration en deux ans ? Est-ce que vous y croyez ?

Je crois que c'est possible.

Non mais d'accord, ce sont des engagements, possibles ou pas, les restaurateurs se sont engagés !

Cela va dépendre de la durée de la crise. Cet objectif, il a été fixé comment ? 20.000 emplois, 20.000 apprentis. Il a été fixé en fonction de la tendance depuis dix ans. Cette tendance, elle est autour de 15.000, de 15.000 créations nettes d'emplois. On demande un effort, on demande 20.000 emplois supplémentaires, on va y arriver si tout va bien.

Alors, si on n'y arrive pas, vous faites quoi ? Rien ?!

Eh bien, si on n'y arrive pas, que voulez-vous, je ne suis pas moi celui qui décide des créations d'emplois.

Donc, vous ne faites rien ?

Eh bien, nous verrons. Nous ferons les comptes, nous aurons à regarder si ça s'est bien passé sur les prix. Nous créons un fonds de modernisation de la restauration, nous verrons si les investissements vont bien, si la restauration a investi pour son avenir. C'est un équilibre. Peut-être que nous n'atteindrons pas tout à fait les 20.000 emplois.

Alors, beaucoup disent pourquoi ne pas avoir baissé les charges ? Il y avait déjà des aides mais qui ont été supprimées, les exonérations de charges...

Alors, les aides elle existaient, elles étaient justement là parce qu'il n'y avait pas la baisse de TVA.

Oui, c'est vrai...

Donc, on a pas faire les deux. Simplement, on supprime les allégements de charges, ils avaient une certaine efficacité mais qui n'était pas de toute manière infaillible. Vous savez, on a créé plus d'emplois dans la restauration avant les allégements de charges en 2000, 2001, 2002, 2003. Donc il ne faut pas y attacher, là non plus, plus d'importance. Simplement, il était normal qu'on supprime ces allégements de charges dès lors qu'on baissait le taux de TVA. C'était, pour les deniers publics, impératif.

On va parler du travail le dimanche puisque vous êtes aussi concerné. Il y a cette proposition de loi qui revient à l'Assemblée nationale sur le travail du dimanche. Le préfet donc va décider des zones touristiques qui vont pouvoir permettre l'ouverture des magasins le dimanche dans toutes les communes touristiques qui le réclament. C'est ça ?

Il y a deux définitions de la commune touristique. Il y a celle qui est celle du ministre du Tourisme, c'est un classement. Et puis, il y a ce que font les préfets très localement, s'ils décident dans une zone touristique, d'accorder...

Oui, mais enfin, si on leur demande, les préfets, ils vont dire oui !

Les préfets ils ont aussi en charge un certain équilibre, mais en tant que ministre du Tourisme, moi je trouvais très choquant que on puisse dans certaines zones touristiques importantes pouvoir vendre des produits et ne pas pouvoir vendre d'autres produits parce qu'on ne pouvait pas ouvrir.

Donc, dans toutes ces zones touristiques on pourra ouvrir tous les dimanches ?

C'est la position du ministre du Tourisme, ce n'est pas la position du ministre du Travail. Il l'a expliqué hier.

Oui, je sais, je sais, vous n'avez pas la même position.

Et il a réduit cette liste.

Vous défendez vos arguments...

Je défends l'attractivité touristique de notre pays.

Donc, il faut ouvrir, pour vous il faut absolument aller plus loin que ce texte, si j'ai bien compris ?

Non, ce texte me satisfait parce qu'il prend en compte la donne touristique. Maintenant, nous verrons ce qui...

Cela veut dire que les préfets pourront permettre l'ouverture de tous les magasins dans toutes les zones touristiques et tous les dimanches ?

Il appartiendra aux préfets de déterminer les territoires touristiques qui pourront ouvrir.

Les préfets vont donner les autorisations sous la pression, vous imaginez bien...

Après, on est libre d'ouvrir ou pas.

Oui, mais ça, d'accord.

Dans un pays libre, on est libre d'ouvrir ou pas, on est libre de travailler ou pas. Il faut arrêter de penser qu'on va forcer les gens à faire ce qu'ils ne veulent pas.

Mais tous ceux qui vont travailler le dimanche seront payés double.

Oui.

On est bien d'accord ?

Oui, c'est un engagement.

Oui, mais ceux qui travaillent déjà le dimanche ne sont pas payés double.

Eh bien, il leur appartiendra de négocier dans un cadre...

Mais alors pourquoi établir une différence entre ceux qui vont se mettre à travailler le dimanche, qui seront payés double, et ceux qui travaillent déjà le dimanche et qui ne sont pas payés double ?

Eh bien, c'est une des incohérences qui existaient.

Mais elle existe toujours dans la proposition de loi !

Oui, mais demain tout le monde tirera profit de cette nouvelle loi ...

Est-ce que tout le monde sera payé double demain ?

Chacun sera payé, si la loi le décide, chacun sera payé double, bien sûr.

Tout le monde sera payé double, ceux qui travaillent déjà le dimanche et ceux qui vont travailler le dimanche ?

Si la loi le décide. La loi n'est pas votée. Laissez le Parlement en délibérer.

Mais vous êtes pour ça ?

Moi, je suis pour qu'il y ait un volontariat des salariés et que les salariés aient une rétribution supplémentaire du fait de cette contrainte.

Oui, mais payé double ?

Payé double...

Tous ?

Je ne sais pas, c'est à la loi de le décider et c'est à la convention qui existe.

Mais, vous, vous avez un avis. Payé double ou pas ?

Moi, je veux une contribution complémentaire, je veux une rétribution supplémentaire.

Non mais, payé double ou pas ?

Non, payé double ou pas, je ne sais pas, il appartiendra aux conventions de pouvoir l'établir.

Mais attendez, ce texte est extraordinaire. Je suis salarié, tout à coup une zone touristique me permet de travailler le dimanche, mon employeur vient me chercher en me disant, « voilà, est-ce que tu veux travailler le dimanche, c'est nouveau, tu vas être payé double ? ». Mais le magasin à côté, ou dans la ville à côté, on travaillait déjà le dimanche, et les salariés qui travaillaient le dimanche ne sont pas payés double. Quelle injustice !

Mais l'injustice ne perdurera pas, parce que la loi mettra un cadre qui homogénéisera les conditions de rémunération. Est-ce que je suis clair ou pas ?

Donc, tout le monde sera payé double ?

Certainement si la négociation avec les salariés le décide puisque la loi dit...

Vous y êtes favorable, vous ?

Je suis favorable à cette contribution complémentaire, bien sûr.

Oui, à ce que tout le monde soit payé double. Je ne veux pas de contribution complémentaire, ça ne veut rien dire.

Mais si, parce que la négociation...

Contribution complémentaire, ça veut dire +20, +30 ?

Laissez le temps à la négociation de s'engager.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 juillet 2009