Interview de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, à RMC le 23 juillet 2009, sur la proposition d'une taxe carbone, l'application des mesures du Grenelle de l'environnement sur le transport routier, et la politique de sécurité routière.

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Texte intégral

G. Cahour.- Il y a cette actualité bouillonnante sur cette fameuse taxe carbone qui est en ce moment en cogitation du côté de M. Rocard et du Gouvernement. On sent d'ailleurs que le Gouvernement est divisé en deux, entre les pro-taxe carbone et les anti-taxe carbone.

Vous savez, moi je me positionne dans le déroulement des choses. Il y a un rapport qui a été confié à l'ancien Premier ministre M. Rocard, qui s'exprime d'ailleurs ce matin dans Libération, en donnant quelques idées. Ce rapport va être donné au Gouvernement d'ici quelques jours, ensuite le Gouvernement va s'en saisir et puis on verra bien. La taxe carbone, ce n'est pas une nouveauté, ça existe en Suède. Elle a pour objet d'essayer de diminuer les consommations de ce qui est le plus polluants dans l'univers qui nous entoure.

Donc le dioxyde de carbone...

Voilà. Maintenant, cela a également des retombées financières, parce que cela entraîne un renchérissement de la consommation d'énergie. Qui dit "renchérissement" peut signifier en face telle ou telle profession ou telle ou telle catégorie de nos concitoyens qui se trouvent touchés par les conséquences de la taxe carbone. Donc c'est vraiment un débat considérable. Aujourd'hui, M. Rocard semble donner quelques prémices de son rapport, il faut son rapport et puis le Gouvernement s'en saisira, il en débattra.

Sur les points-clés, par exemple, on parle d'une facture de 300 euros par an pour la moitié des ménages français. Aujourd'hui, qui plus est en période de crise, on peut se permettre de dire aux Français "vous allez payez 300 euros de plus" ?

Je crois qu'il ne faut lancer de chiffres dans la nature.

C'est lui qui les lance...

Oui, j'ai vu ce chiffre, mais bon...

Si M. Rocard veut ouvrir, c'est son choix.

A partir du moment où l'on donne des chiffres, on entraîne des peurs ou des craintes, ou, au contraire des approbations. Pour l'instant, il faut attendre calmement son rapport, le regarder. En tout cas, je vous le dis très clairement, n'attendez pas de moi ce matin que je me prononce là-dessus. Le ministère de J.-L. Borloo est naturellement intéressé, la contribution carbone, c'est une des conclusions des réflexions du Grenelle de l'Environnement.

Mais vous, vous dépendez du ministère de J.-L. Borloo ; J.-L. Borloo, lui, est favorable à une sorte de chèque vert, pour compenser. C'est-à-dire qu'on paie cette taxe, mais ensuite, on récupère tous un chèque vert pour que la pilule soit moins amère.

C'est une idée qui a été évoquée par J.-L. Borloo, qui a créé un débat.

Mais là, il n'en est pas vraiment question, ou en tout cas, c'est une vraie usine à gaz dans le système Rocard.

Honnêtement, se prononcer aujourd'hui par rapport à un rapport que nous ne connaissons pas et dont le Gouvernement n'a pas débattu, c'est vraiment commettre une erreur. Je sais bien que cela peut faire de bonnes conversations autour du barbecue l'été, quand on cherche des sujets qui divisent ou qui vont discuter.

On ne va pas parler des détails, puisqu'il semble qu'on tourne en rond si on continue sur cette ligne-là, mais sur la philosophie, sur la stratégie. On a, depuis que N. Sarkozy est arrivé, et J.-L. Borloo et son équipe, une stratégie qui celle du bonus-malus. C'est-à-dire d'inciter les Français à faire des efforts en matière d'écologie. Et là, tout à coup, on arrête ce système de bonus-malus, et on se retrouve avec une taxe - encore une taxe ! Là, c'est une rupture stratégique.

Ce jeudi - ça ne va pas être un évènement d'actualité puisqu'on en parle depuis deux ans, cet après-midi, va être voté définitivement au Parlement le Grenelle de l'Environnement. Et dans le Grenelle de l'Environnement vont être votées cet après-midi des mesures aussi importantes que la taxe poids lourds à l'horizon 2011-2012, toutes les décisions prises sur le report modal, toutes les décisions sur les nouvelles lignes de train grande vitesse. Les décisions prises sur les grands canaux. Donc la politique de report modal, la politique de développement durable, le Grenelle de l'Environnement sera voté aujourd'hui et mise en oeuvre. Ensuite, les étapes ultérieures, c'est le Grenelle 2. La loi d'application du Grenelle viendra en discussion au Parlement à partir de l'automne.

Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'il y a d'autres taxes qui vont nous tomber dessus ?

Non. Par exemple quand on parle de transport routier, on a décidé dans ce pays d'une politique de report modal. Il ne s'agit pas de taper contre le transport routier naturellement, qui est indispensable à notre économie. Et nous avons décidé, à partir de 2011-2012, et ce sera voté définitivement par le Parlement, que les poids lourds qui circuleront sur des autoroutes jusqu'à présent gratuite, sur des routes nationales, ils paieront comme en Allemagne, comme en Autriche, une taxe qui sera affectée au développement des infrastructures, au développement du transport en commune. Voilà, ça, c'est des mesures concrètes. La taxe carbone, si vous voulez, pour l'instant, c'est vraiment le débat qui est ouvert mais qu'on ne peut pas fermer aujourd'hui à votre antenne.

La sécurité routière, avec ce projet d'amendement qui est à l'étude, pour que les Français qui font pour la première fois un excès de vitesse, un petit excès de vitesse, ne perdent pas de point de permis. Est-ce que le Gouvernement soutient cet amendement parlementaire ?

Absolument pas. D'ailleurs, nous avons eu, il y a quelque temps, une proposition de loi, exactement la même, au Sénat, qui était présentée par l'actuel président du groupe de l'Union centriste. Eh bien nous avons... Je crois que la majorité...

Pourquoi vous ne la soutenez pas ?

Parce que si vous voulez, il y a déjà une ... enfin, il faut que vos auditeurs le sachent, et le sachent bien avant de partir sur les routes, il y a déjà une tolérance de 5 kilomètres. C'est-à-dire que quand vous êtes...

Cela veut dire que je peux rouler à 135 km/heure sur autoroute ?

Quand vous êtes en réalité à 135, on vous ramène à 130. 95 également. Mais ce n'est pas une raison pour le faire, mais en tout cas il y a une tolérance de 5. A partir du moment où il n'y aurait plus le point, où il y aurait simplement une amende financière, tout le monde s'amuserait à dépasser la vitesse.

Sauf que si c'est pour un excès, la petite marge de tolérance...

Un excès un lundi matin, et puis le mardi matin, on fait pas vu pas pris, et puis le mercredi matin, et le jeudi, on est mort. Je vous rappelle quand même que nous avons un objectif de baisse du nombre de morts sur nos routes à la fin du quinquennat du Président Sarkozy à 3.000. Nous sommes à 4.274, on a eu de mauvais résultats au mois de juin. Donc je dis très, très fermement à ceux qui vont prendre la route ce week-end, à tous ceux qui vont prendre la route de week-end, à tous ceux qui sont dans les chassés-croisés des vacances, qu'il ne faut pas s'attendre à moins de sévérité mais à toujours plus de sévérité pour faire baisser le nombre de morts et de blessés sur nos routes. La marge de 5 kilomètres, elle est normale. C'est une marge de bon sens. Mais considérer qu'un excès n'entraîne pas la perte d'un point, le Gouvernement ne peut pas l'accepter, ce serait remettre en cause tout l'édifice de notre politique de sécurité routière.

Qui est basée sur la fermeté ?

Nous le dirons gentiment aux parlementaires, mais nous sommes opposés, nous ferons voter contre cette disposition.

En matière de fermeté, faut-il être ferme aussi vis-à-vis des personnes qui ont une maladie type épilepsie ? Deux scouts dans l'Yonne ont été renversées par quelqu'un qui était vraisemblablement épileptique. Les personnes âgées aussi, c'est un débat qui revient régulièrement et dont les médecins veulent se saisir à l'automne prochain pour savoir si eux peuvent trouver le moyen de dire "Stop monsieur, vous arrêtez de conduire, vous ne pouvez plus". Est-ce que là aussi, il ne faut pas de la fermeté ?

D'abord, il y a déjà toute une série de dispositions qui sont des dispositions d'examens médicaux dans certains cas, quand on est atteint de certaines pathologies, on ne peut pas passer son permis, on ne peut pas conduire.

On ne peut pas le passer. C'est-à-dire qu'une fois qu'on l'a, on est pénard pour toute la vie ?

Enfin, ceci étant, on peut être soumis après un accident à une visite médicale, etc. Donc c'est la première chose.

Oui, mais il faut arriver à l'accident...

La deuxième chose : il est tout à fait légitime d'ouvrir un débat avec la médecine sur "conduite et santé". Et la déléguée interministérielle à la sécurité routière l'a dit hier, nous ne sommes pas hostiles à ce qu'à la rentrée, nous ayons une discussion avec le corps médical là-dessus. Troisièmement, les personnes âgées, il faut absolument tordre le cou à ce vilain canard qui dit que les personnes âgées causent plus d'accident. On a des statistiques qui sont évidentes et qui n'ont pas bougé en France depuis vingt ans. Les personnes âgées, par nature, roulent moins. Elles font moins de grands voyages, etc. Elles ne causent pas d'accident, elles sont même beaucoup moins la cause d'accident que les jeunes. Je vous prends l'exemple très simple de mon père, qui a 86 ans : le jour où il a compris qu'il voyait moins bien et qu'il entendait moins bien, il a vendu sa voiture.

Mais ça, tous ne le comprennent pas. Je peux vous dire que là, on a le 32-16 qui est un boulevard en matière de témoignages en la matière...

Oui, mais enfin, votre boulevard, il est sympathique. Moi, mon boulevard, c'est le département où je suis élu depuis plus de vingt ans. Il y a beaucoup de personnes âgées, c'est un département du littoral où les gens viennent prendre leur retraite. Ce comportement citoyen des personnes âgées, je le constate toujours dans la bonne direction. De temps en temps, il y a une exception. Et ne soyons pas fous, parce que nous sommes dans une société où nous allons tous vivre plus âgés avec les progrès de la médecine. Donc ne condamnons pas toute une partie de la population française à être absente des routes. Simplement, on ne conduit plus la nuit quand on est âgé, on fait attention, on ne prend pas les heures de pointe et on prend un certain nombre de précautions par rapport à ses réflexes.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 juillet 2009