Interview de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance et président du conseil général des Hauts-de-Seine, à Europe 1 le 29 juillet 2009, sur le projet de réforme du statut de La Poste en société anonyme et le statut des postiers, le plan de relance et ses effets sur le chômage.

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Texte intégral

A. Caron.- En ce jour de dernier Conseil des ministres avant les vacances, je reçois P. Devedjian, le ministre chargé de la mise en oeuvre du Plan de relance, et le président du Conseil Général des Hauts-de-Seine. P. Devedjian bonjour.

Bonjour.

Est-ce qu'un Conseil des ministres d'avant vacances a un goût particulier ? Est-ce que l'humeur est différente du reste de l'année, plus détendue peut-être ?

Oui, mais ce Conseil des ministres est très chargé, l'ordre du jour est très lourd, et donc...

On va en reparler tout de suite.

On partira en vacances avec le sentiment du devoir accompli.

Il y aura N. Sarkozy tout à l'heure, est-ce que vous l'avez revu depuis son malaise ? Est-ce que vous lui avez parlé ?

Non, je ne l'ai pas eu, il s'est beaucoup reposé, et il a bien fait.

Donc, effectivement, programme chargé pour ce dernier Conseil des ministres, au programme notamment la réforme du statut de La Poste, qui soulève pas mal d'opposition. La Poste qui devrait donc abandonner le 1er janvier 2010 son statut d'établissement public pour celui de société anonyme. D'abord, vous, à titre personnel, est-ce que vous voyez d'un bon oeil cette réforme ?

Oui, bien sûr. Elle est d'ailleurs rendue obligatoire pratiquement, par le fait que La Poste devra affronter la concurrence...

Pratiquement, c'est ça la nuance. C'est le point que discutent les socialistes, eux ils disent que ce n'est pas vrai, ce n'est pas obligatoire.

Ce n'est pas obligatoire ! Mais si, parce qu'elle va se retrouver, La Poste va se retrouver en concurrence avec des sociétés commerciales, qui ont le statut de sociétés commerciales, qui ont la liberté des sociétés commerciales, et donc elle doit disposer du même armement, je dirais, face à la concurrence, que les autres.

Est-ce que, comme l'affirment les syndicats, c'est le début de la privatisation ?

Je ne le crois pas. D'ailleurs, le président de la République a bien dit que l'augmentation de capital, parce que l'Etat va ajouter de l'argent, sera entièrement publique.

Pour l'instant, mais est-ce qu'il pourrait en être autrement dans le futur ?

Le futur appartient aux gouvernements futurs. Mais ce gouvernement-là a pris des engagements, il les tiendra.

Donc il n'y aura pas d'opérateurs privés qui vont entrer dans le capital de La Poste pour l'instant, ni maintenant, ni dans les mois qui viennent, les années qui viennent ?

Vous savez, ceux qui ont commencé à privatiser c'étaient les socialistes avec France Télécom. Donc eux-mêmes, quand le statut de France Télécom a changé, eux-mêmes ont adopté une attitude d'ouverture du capital. Donc, l'avenir appartient aux gouvernements futurs, personne ne peut reprocher à un gouvernement d'avoir une autre politique, mais notre gouvernement a pris des engagements, il les tiendra.

Vous citez à l'instant l'exemple de France Télécom, il est pris aussi en exemple par les syndicats, qui disent justement : « on ne veut pas qu'il arrive à La Poste ce qui est arrivé à France Télécom. » L'actualité nous offre en ce moment des exemples assez dramatiques de salariés qui ne supportent pas bien leurs conditions de travail - actuellement à France Télécom, est-ce que ça vous interpelle les suicides actuellement à France Télécom ?
Je ne suis pas sûr que ce soit en lien avec le statut de France Télécom.
Ce n'est peut-être pas en lien, c'est en lien avec des conditions de travail, en tout cas d'après des mots qui sont laissés, ou des témoignages de collègues.

C'est peut-être... je ne connais pas assez la situation interne de France Télécom, c'est peut-être en relation, mais ça n'a rien à voir avec son statut, avec le fait que ce soit devenu une entreprise privée, mais aussi un champion mondial, accessoirement. Vous savez, vous êtes dans la mondialisation, si vous avez une grande entreprise française et que vous voulez qu'elle aille conquérir des parts de marché ailleurs dans le monde, eh bien il faut que vous acceptiez les règles du jeu de la concurrence, dans les autres pays comme dans le vôtre.

Un mot sur La Poste encore. Le statut des postiers, ils vont être placés sous l'autorité du président de La Poste, qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Est-ce que ça veut dire qu'ils ne dépendront plus des règles de la Fonction publique ?

A La Poste, il y a deux statuts.

Absolument.

Il y a des personnels qui sont contractuels, et puis il y a ceux qui sont fonctionnaires et qui ont un droit acquis.

Mais désormais, tout le monde sera sous l'autorité du président de La Poste ?

C'est normal quand même...

Mais cela va changer des règles ?

Leur statut demeure, ils ont un droit acquis sur leur statut, il demeure.

Est-ce qu'ils auront toujours les mêmes droits que tous les fonctionnaires en France ?

Ils gardent leur statut, ils gardent leurs droits.

Tous ? Pour les promotions tout sera pareil ?

La Poste évolue, fort heureusement. Encore une fois, elle doit s'adapter à la concurrence.

Un mot sur le redécoupage électoral. On garde donc les 577 députés, mais on supprime 33 circonscriptions. D'après les calculs des socialistes, il faudrait que la gauche recueille aujourd'hui 51,3% des suffrages au niveau national pour être majoritaire à l'Assemblée. Est-ce que les socialistes sont mauvais en calcul ?

Je pense qu'ils ne sont pas très bons en calcul, et peut-être pas très bons non plus dans les élections, c'est pour ça qu'ils calculent comme ça.

S'il faut 51,3%, c'est vrai que ça complique les choses.

Une chose est très simple : le redécoupage il a été soumis au Conseil d'Etat, qui en a vérifié la régularité. D'abord c'était une obligation constitutionnelle, d'y procéder. On n'a pas procédé au redécoupage pour se faire plaisir, mais le Conseil constitutionnel nous obligeait à le faire, et déjà on était plutôt en retard de ce point de vue là. Donc ça a été fait. Et ensuite les règles qui ont été posées pour procéder à ce redécoupage ont été validées par le Conseil d'Etat qui a donc considéré que c'était équitable.

Un mot sur le Plan de relance. A ce jour, 13 milliards d'euros ont été injectés déjà dans l'économie, c'est ça ?

Un petit peu plus.

Un peu plus maintenant, 13 milliards...

Ça avance tous les jours.

Voilà, c'est le chiffre que vous avanciez il y a 15 jours à peu près, 13 milliards sur les 26 milliards qui seront dépensés au total ?

Qui sont injectés dans l'économie. Ça produit des effets.

Justement, quels effets pour l'instant ?

Quels effets ? Premièrement, la France est un pays dans lequel la consommation se tient mieux qu'ailleurs, le mois dernier c'est +1,7 et, par comparaison, par exemple, à la Grande-Bretagne, nos chiffres sont bien meilleurs.

Enfin, les soldes par exemple, n'ont pas marché du tout. C'est peut-être une micro situation...

La crise a aussi des effets négatifs, le Plan de relance à lui seul ne va pas d'un seul coup transformer la crise en période de croissance, mais c'est un amortisseur de la crise. Et d'autre part, sur le plan de l'emploi, les choses se tiennent assez bien. Et les chiffres du dernier mois, c'est-à-dire - 18 000 chômeurs, sur le dernier mois paru, ce sont des chiffres qui sont en ligne, en réalité, avec la progression. Il faut se souvenir quand même qu'au mois de janvier on était à + 90 000. Donc, progressivement, nous sommes descendus...

Même si ces chiffres sont un petit peu remis en cause, les derniers bons chiffres du chômage.

Ecoutez, quand ils sont mauvais les chiffres, ils ne sont pas remis en cause, et quand ils sont bons, ils sont discutés, pourtant c'est exactement la m??me méthode statistique.

Parce que si on tient compte des chômeurs qui ont une activité partielle, ces chiffres augmentent, sur cette même période.

Bien sûr le travail à temps partiel augmente, c'est une bonne chose d'ailleurs que le travail à temps partiel augmente, mais le nombre des chômeurs...

Il y a aussi beaucoup de chômeurs qui ne se sont pas réinscrits, donc ces chiffres ont été pas mal commentés ces dernières heures.

Mais oui, mais je vous dis, bien sûr ils n'étaient pas commentés les mois précédents quand ils étaient mauvais.

Ils sont généralement commentés, quand même, les chiffres du chômage, c'est même une tradition.

Enfin, non, non... Tout le monde trouvait ça tout à fait normal que le chômage s'aggrave lourdement, et avec la même méthode statistique, il baisse d'un seul coup, les chiffres ne sont plus bons. Je vous fais observer d'ailleurs que c'est exactement la même chose en Allemagne. En Allemagne, le chômage a également diminué. Ça veut dire qu'en Europe, et pour ceux qui ont eu une politique économique volontariste, comme la France, eh bien ça joue sur le chômage.

Vous parliez de l'Allemagne à l'instant, justement. l'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques, affirme aujourd'hui que les plans de relance allemand et américain auront plus d'effets dans les deux années à venir que le Plan de relance français. Est-ce que vous pensez toujours, 6 mois à peu près après le lancement du Plan français, qu'il est à la hauteur de la situation ?

Oui. Le Plan de relance français, c'est le seul peut-être, enfin ce n'est pas le seul, mais c'est le principal, qui a centré tout son effort sur l'année 2009. Le Plan de relance allemand, comme le Plan de relance américain, ils ont prévu tout leur effort... enfin, 75% de leur effort sur l'année 2010.

Les Allemands c'est 50/50.

En réalité l'essentiel c'est sur l'année 2010, parce que je vous rappelle que l'Allemagne est un pays fédéral, et que par conséquent pour mettre en oeuvre leur Plan de relance, c'est beaucoup plus lent et beaucoup plus dur. La France a 4 mois d'avance sur tout le monde, et encore davantage sur les Etats-Unis, pour le lancement de son Plan de relance. Donc, c'est plutôt bien d'ailleurs, parce que la relance allemande et la relance américaine, viendront relayer l'effort que la France a fait en 2009.

Pour l'instant, 500 des 1000 chantiers lancés par l'Etat en février ont effectivement démarrés, c'est à peu près ça ?

Un petit peu plus encore.

Un petit peu plus maintenant.

Mais là aussi c'est parce que ça augmente tous les jours.

Voilà, ça a encore augmenté depuis 2 semaines. On a l'impression que ce sont essentiellement des chantiers liés à la construction, aux routes. Est-ce qu'il y a aussi des chantiers verts, un peu écolos, qui vont être mis en oeuvre ?

Bien sûr. D'abord il y a tous les chantiers dans le domaine du logement, il y a tout l'effort dans le domaine du logement avec toute la dimension économies d'énergie, bien sûr il y a toute une dimension verte dans le Plan de relance.

La baisse de la TVA dans la restauration, pour changer de sujet. Il y a une dizaine de jours, vous vous désoliez que la baisse des prix dans la restauration ne va pas assez vite, suite au passage de la TVA à 5,5%. Qu'est-ce que vous allez faire, qu'est-ce que vous pouvez faire, pour que cette baisse apparaisse concrètement dans les additions ?

D'abord, il y a eu des contrôles qui ont été faits, ensuite il y a eu des discussions avec la profession, je crois que les choses sont en train de s'améliorer et j'en suis très heureux.

On parle de Hauts-de-Seine ?

Si vous voulez.

Il y a un an, vous annonciez que vous vouliez « nettoyer les écuries d'Augias » du Conseil Général des Hauts-de-Seine. Est-ce que vous avez le sentiment d'y être parvenu ?

Ce n'est pas moi qui nettoie les écuries d'Augias, c'est la justice.

Il y a beaucoup de choses à faire ?

Il y a malheureusement un certain nombre de contentieux, très anciens d'ailleurs, qui sont en cours, et la justice s'exerce, oui.

Est-ce que vous l'avez contactée la justice pour lui signaler des nouveaux contentieux ?

Moi je n'ai pas eu à le faire, mon prédécesseur N. Sarkozy avait déjà fait ce travail. J'ai eu à le continuer.

Vous parliez de corruption, de dossiers par très clairs.

Moi je ne parle pas de ça, je dis simplement que la justice est saisie d'affaires de corruption, qui vont d'ailleurs être jugées prochainement, et par conséquent le nettoyage se fait par le fait de la justice, et c'est son rôle.

Ce qui ne s'est pas arrangé, en revanche, ce sont vos relations avec I. Balkany, qui est vice-présidente du Conseil Général, et qui souhaite qu'en 2011 J. Sarkozy vous remplace à la tête du Conseil Général. Est-ce que déjà vous confirmez que vous serez bien candidat à votre succession ?

Je souhaite naturellement poursuivre ce que j'ai commencé, c'est de grands projets comme la Vallée de la culture, faire une Cité financière à La Défense, faire un nouveau Stade Yves Du Manoir, relancer évidemment toute la dimension sportive dans le département, enfin, j'ai envie de continuer, bien sûr.

Qu'est-ce que vous répondez à I. Balkany qui vous déclare trop âgé pour continuer ?

Oui, bon, j'ai 64 ans, ce n'est pas rédhibitoire.

Est-ce que, s'il le faut, vous affronterez J. Sarkozy ?

Mais on n'en n'est pas là. J. Sarkozy est d'une loyauté totale à mon égard, il est président du groupe UMP au Conseil Général, il ne m'a jamais manqué une voix, et j'ai

Vous dites que vous avez d'excellents rapports avec lui, vous avez discuté de la suite pour le Conseil Général ?

Bien sûr, nous discutons tout le temps.

Qu'est-ce qu'il vous dit ?

Il n'a d'ailleurs jamais affirmé de candidature...

C'est vrai. Est-ce que vous le trouvez trop jeune pour être candidat ?

Il a du talent. Franchement, l'âge ne fait rien à l'affaire, ni la jeunesse, ni le fait d'avoir 64 ans. Vous savez, vous connaissez la chanson de Brassens, là-dessus.

Est-ce que vous allez prendre l'avis de N. Sarkozy ?

Bien sûr.

Et s'il vous le demandait, vous laisseriez la place à J. Sarkozy ?

J'en parlerai avec lui.

Un petit mot pour terminer, puisque c'est la fin des classes tout à l'heure, c'est un petit peu la tradition, vous demander où vous allez partir, dans le Gers ?

Oui, dans le Gers, en Gascogne.

C'est parce que N. Sarkozy a demandé à tous ses ministres de ne pas trop s'éloigner de Paris ?

Je passe toujours mes vacances dans le Gers, ce qui est d'ailleurs à 700 kilomètres de Paris, mais c'est une des plus belles régions de France, et j'invite ceux qui ne la connaissent pas à la découvrir.

Merci beaucoup P. Devedjian d'avoir été avec nous sur Europe 1 ce matin. Très bonne journée et très bonnes vacances.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 30 juillet 2009