Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
C'est la première fois depuis ma prise de fonctions que j'ai l'honneur de présenter au nom du Gouvernement un texte devant votre Assemblée. Je le fais avec beaucoup de plaisir, compte tenu à la fois de l'estime que j'ai pour chacune et chacun de vous, du respect que j'éprouve pour cet hémicycle, au cur de la démocratie, et de la nature du projet que nous allons examiner, la loi sur les nouvelles régulations économiques. Cette réforme, pour l'examen de laquelle je remercie particulièrement le rapporteur Eric Besson et les membres de l'Assemblée qui y ont travaillé sous la présidence d'Henri Emmanuelli, a été préparée par mes prédécesseurs. J'aurai donc pour tâche, avec d'autres collègues dont la ministre de la Justice, de l'exposer et de la défendre devant vous.
Réforme, ai-je dit, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Ce texte fait partie d'un ensemble de réformes que le Gouvernement conduit par Lionel Jospin souhaite mettre en uvre afin de rendre notre économie et notre société plus efficaces, plus justes, plus transparentes, mieux accordées aux nécessités du monde moderne. En ce qui concerne le ministère dont j'ai la charge, nous aurons dans les mois qui viennent à mettre en place plusieurs réformes importantes, certaines de nature législative. C'est par un rapide calendrier de ces réformes que je voudrais commencer mon propos afin que, appelés à travailler ensemble pour l'intérêt du pays, nous puissions ensemble mesurer ce qui va figurer sur notre agenda réformateur, auquel il faudra évidemment ajouter les textes portés par les secrétaires d'Etat qui m'entourent.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, outre la loi sur les nouvelles régulations économiques à laquelle je viendrai dans un instant, nous aurons à examiner plusieurs lois de finances impliquant diverses réformes : collectif budgétaire 2000 qui sera présenté dès demain à votre Commission des finances et qui comporte en particulier un volet d'allégements fiscaux significatifs, débat d'orientation budgétaire puis, à l'automne, loi de finances pour 2001, avec bien sûr, une séquence voisine l'an prochain. A travers ces occasions, nous ferons en sorte qu'il soit possible de mettre en uvre, outre une politique de croissance solidaire et durable, qui est vraiment l'essentiel, diverses réformes d'apparences techniques que nous avions étudiées lorsque je siégeais parmi vous, concernant notamment la procédure budgétaire, la maîtrise des dépenses publiques, la transparence de la gestion. J'indique que le Gouvernement est également très ouvert à la future et j'espère prochaine réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 sur les lois de finances, réforme de fond sur laquelle travaille votre Commission des Finances et notamment son rapporteur général, Didier Migaud.
Réforme toujours, l'important projet de loi sur l'épargne salariale, que je soumettrai début mai à la concertation des partenaires sociaux, économiques et politiques, avant de le déposer sur le bureau de votre Assemblée en juin, pour examen lors de la rentrée parlementaire d'automne et adoption définitive avant la fin de cette année.
Réforme également, un décret portant précisément réforme des marchés publics, tant il est vrai que les textes concernant ces matières ont besoin d'être dépoussiérés, simplifiés, allégés, en pensant notamment aux PME et aux élus qui souvent en sont les "victimes ". Réforme, la loi sur l'information qu'avec Christian Pierret notamment nous préparons afin de mettre pleinement notre législation à l'heure des nouvelles technologies et de l'internet.
Car l'internet et l'euro sont peut-être les deux principaux changements qui nous environnent et qui vont transformer la vie de beaucoup de nos concitoyens. J'aurai à préparer avec vous, cette fois sans texte nouveau, mais par l'anticipation et l'explication, le passage à " l'euro concret " au 1er janvier 2002, qui constituera pour la plupart de nos compatriotes un bouleversement majeur sur le plan psychologique, sociologique, économique, pratique. Nous devrons le réussir ensemble.
Réformes encore, celles que s'attachera à concrétiser, avec le Président de la République et le Premier Ministre, la présidence française de l'Union Européenne au deuxième semestre de cette année. Pour ce qui concerne le secteur économique et financier, il s'agira de favoriser des avancées notamment en matière d'appuis à l'innovation, d'harmonisation fiscale, de lutte contre les mouvements spéculatifs, les centres off-shores et le blanchiment de l'argent sale : ce sera donc certainement une présidence réformatrice.
Réforme enfin, réforme d'abord, celle qui concernera le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, sur laquelle nous avons travaillé dès ces premières semaines avec les organisations syndicales. J'en présenterai les premières décisions et orientations, dans trois jours, le vendredi 28 avril, lors d'un Comité Technique Paritaire Ministériel, car il est clair qu'il doit y avoir et qu'il y aura une réforme/modernisation du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Cette réforme/modernisation du MEFI, menée autour des notions de simplification, de transparence, d'adaptation-formation aux nouvelles technologies, de dialogue et d'expérimentation, sera partie intégrante et, je l'espère, exemplaire de l'indispensable réforme/modernisation de l'Etat et des services publics.
Vous le voyez, ce programme, cohérent avec l'ensemble plus vaste de l'action du Gouvernement, est chargé. Pour qualifier l'objectif général que nous poursuivons, j'ai employé l'expression " croissance réformatrice ". Il s'agit en effet par notre action à tous de briser le mur des deux millions de chômeurs, - je crois que c'est possible- car notre priorité est et reste l'emploi, de renforcer la solidarité et l'égalité des chances, d'alléger les charges, d'affronter avec les meilleurs atouts la compétition mondiale. Cela suppose à la fois des réformes par la croissance (car il est certain que la croissance facilite les réformes) et des réformes pour la croissance (car celle-ci a besoin pour se nourrir durablement que celles-là entrent en application). C'est dans cet esprit que s'inscrit le projet sur les nouvelles régulations économiques.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés,
La régulation n'est pas un choix conjoncturel. C'est une approche d'ensemble, une démarche de nature politique qui est, je l'espère, assez largement partagée dans cette Assemblée. Cette approche peut contribuer à combler en effet de nouveaux fossés, rapprocher l'individuel et le collectif, le public et le privé, le global et le local, mais aussi lier davantage la démocratie et l'entreprise. Pour ce qui me concerne, je ne crois pas en effet que le marché puisse seul tenir lieu de contrat entre l'économie et la société. Nous savons que le jeu non régulé des forces du marché peut accroître les inégalités. Si la compétition est stimulante, elle ne doit se traduire ni par la loi de la jungle, ni par des lois d'exception qui pénaliseraient finalement ceux qui entreprennent, qui créent, qui commercent. L'économie est liée à l'initiative, à la créativité, mais elle ne doit être ni un vase clos, ni un champ de foire. Il faut l'assortir de règles simples, justes, acceptées. Il en va de l'intérêt des chefs d'entreprise comme des salariés, des consommateurs comme des entrepreneurs. Bref, il faut des garde-fous. Dans cet esprit, il nous semble que la régulation est un instrument très utile.
A travers la régulation, on peut en effet légitimement réclamer davantage de règles et moins de réglementations. Avec la régulation, il ne s'agit pas pour l'Etat de " ne pas faire ", mais de montrer qu'on peut souvent faire plus légèrement, plus clairement, plus volontairement. En légiférant sur les régulations, le texte contient une certaine vision de l'Etat. L'Etat n'a pas à s'occuper de tout. Il doit être un arbitre et un garant. Il est celui qui peut le mieux prendre en compte le temps long, celui des considérations d'intérêt général auxquelles le marché ne répond pas spontanément, car ce n'est pas sa fonction. L'Etat régulateur établit les règles du jeu et instaure des équilibres pour que chacun des acteurs de l'économie - sociétés géantes et PME, producteurs et distributeurs, actionnaires et salariés, entreprises et consommateurs - puisse voir reconnue à sa juste valeur sa contribution à la croissance, j'allais dire en tirer profit, non dans une logique d'affrontement, même s'il y a des conflits inévitables, mais à travers une relation partenariale et transparente. Corriger les dysfonctionnements, empêcher les captations, réduire les inégalités, éviter les déséquilibres qui pénalisent une économie, c'est le fondement des nouvelles régulations que propose ce texte. Il s'articule autour de trois axes essentiels.
1 - Le premier champ de régulation concerne le secteur financier. Nous voulons promouvoir un système compétitif et sûr qui ne laisse pas les salariés à l'écart lors des grandes opérations de vente ou d'achat, de participation ou de fusion. Le texte prévoit de nous doter d'instruments plus efficaces qu'aujourd'hui afin d'assurer une plus grande clarté et le respect de l'égalité entre les opérateurs économiques dans le déroulement de ces processus complexes. Cet objectif se décline autour de quelques thèmes.
D'abord mieux associer les salariés aux grandes opérations financières. Nous croyons à la nécessité de l'information et à la consultation de celles et ceux qui travaillent dans l'entreprise. Il est anormal que ces derniers apprennent par hasard ou devant leur télévision que leur entreprise va changer de mains, que sa stratégie risque d'être entièrement revue, et qu'à partir de là des effets néfastes pour leur emploi pourront éventuellement advenir. C'est d'ailleurs une question de bon sens : une fusion réussit rarement, voire jamais, sans l'adhésion des personnels. Quelle motivation, quelle insertion, quelle intégration pourraient exister si les salariés ont le sentiment de n'être que des pions ? Cette situation est préjudiciable à tous et beaucoup de dirigeants d'entreprises en sont conscients. Désormais, les salariés devront être informés officiellement de l'existence d'une offre publique d'achat ou d'échange sur leur entreprise par le dirigeant ; le comité d'entreprise pourra inviter l'auteur de l'offre à présenter son projet.
Notre objectif est aussi d'introduire davantage de transparence dans le déroulement des offres publiques d'achat et des offres publiques d'échange pour éviter que le contrôle et l'avenir de nos entreprises ne dépendent d'opérations opaques qui s'étirent interminablement. La durée de ces opérations souvent destructrices doit être limitée. La fiabilité du système financier français devrait en sortir renforcée aux yeux des investisseurs notamment étrangers. Nos entreprises ont besoin de solidité juridique pour financer leur développement. Un exemple illustre l'amélioration proposée. Une disposition donnera à la COB le pouvoir d'exiger la publication d'un rectificatif lorsqu'une information induit le public en erreur en cours d'opérations, jette le discrédit sur un concurrent ou est manifestement déloyale. A ces pratiques dommageables, le texte apporte une correction salutaire.
Le projet permet également une plus grande transparence dans le fonctionnement des régulateurs financiers, eux-mêmes dotés d'instruments juridiques renforcés, pour faire respecter et assurer l'égalité de traitement de tous les acteurs de l'économie. Ainsi le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) pourra donner des autorisations conditionnelles liées au respect d'engagements souscrits par le demandeur. Ce système fréquemment utilisé à l'étranger sera étendu en matière d'assurance où l'autorité prudentielle sera le ministre de l'économie.
Dernier volet se rapportant au secteur financier, le renforcement de notre dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux. Il reviendra à Elisabeth Guigou de vous le présenter. D'ores et déjà, il me paraît important d'insister sur le caractère exemplaire que doit pouvoir revêtir notre action dans ce domaine. A travers d'abord la coopération internationale, indispensable. La France a su à cet égard faire partager ses idées en obtenant par exemple du FMI certaines avancées et en souhaitant qu'une prochaine étape du dispositif que la communauté internationale met en place permette de dresser la liste des territoires délinquants et de sanctionner internationalement ceux qui ne suivent pas les règles de la probité, en cessant le cas échéant les relations financières avec eux. D'autre part, une obligation de déclaration systématique des transactions financières s'efforcera de répondre aux problèmes posés par les centres offshore. Ces propositions déjà soumises avec succès à nos partenaires du GAFI, devraient être progressivement mises en uvre en coordination avec ceux-ci. Le projet de loi vise à renforcer aussi l'efficacité interne de notre dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent sale en clarifiant la notion de soupçon et, en élargissant les possibilités de sanctions pénales à d'autres activités financières délictueuses. C'est un signal fort de la volonté de la France d'être au premier rang dans la lutte contre la criminalité en col blanc. Ce sera, je le souligne, une de mes priorités lors de la présidence française du Conseil Economique et Financier de l'Union Européenne.
2 - Un second volet de la loi porte sur la régulation de la concurrence. Marilyse Lebranchu en sera la principale oratrice pour le Gouvernement. La recherche d'une économie compétitive et innovante suppose une concurrence loyale, facteur de cohésion sociale et dont le consommateur bénéficie réellement. Les fondements du droit de la concurrence datent seulement en France de 1986, mais en 14 ans le contexte économique a profondément évolué. On assiste à de larges mouvements de restructuration et de concentration qui affectent parfois le bon fonctionnement de la concurrence, l'équilibre des relations entre entreprises et donc à plus ou moins court terme les prix et l'emploi. Dans ce contexte, il était nécessaire de corriger certaines situations. Si la liberté contractuelle doit rester bien sûr la règle, elle ne doit pas conduire à des abus susceptibles d'écraser les petits producteurs, alors même que le consommateur, alibi parfois commode, n'en est aucunement le bénéficiaire direct. Cette pression à outrance sur des conditions d'achat est alors imposée par une minorité de distributeurs, ici particulièrement mal nommés, pour des raisons exclusivement financières. Il relève de la compétence des pouvoirs publics d'éviter ces dérives.
Le gouvernement a donc souhaité soutenir en quelque sorte le " civisme marchand " qui est la marque de beaucoup des sociétés du secteur, en créant une commission des pratiques commerciales destinées notamment à élaborer des codes de bonne conduite. La prévention n'exclut pas la répression, et le texte prévoit de mieux définir les abus, d'interdire purement et simplement certaines clauses, d'élargir les capacités d'action en justice du ministre de l'économie même en l'absence de réaction de la victime car celle-ci, découragée, est souvent réticente ou hésitante à saisir le juge. Les conséquences financières pour les auteurs de ces pratiques abusives seront nettement plus lourdes qu'actuellement. Elles en deviendront, espérons-le, dissuasives.
Il est proposé également de rénover le dispositif de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles qui permettent à leurs instigateurs de tromper le consommateur ou une collectivité locale lorsqu'il s'agit de marché public et de capter une rente indue. Il s'agit en particulier de conforter les sanctions et les pouvoirs du Conseil de la concurrence pour une meilleure efficacité du traitement des affaires et une plus grande effectivité du droit. Qui pourrait le récuser ?
De même, le bon fonctionnement concurrentiel, gage d'une croissance plus riche en emplois, suppose un contrôle renforcé des concentrations afin de vérifier que ces dernières contribuent réellement au progrès économique. Le système actuel est peu compréhensible et guère transparent. Une harmonisation avec le dispositif communautaire est devenue nécessaire. Le projet de loi vise à instaurer une procédure systématique et lisible avec une notification obligatoire au-dessus de seuils de chiffre d'affaires définis de manière objective, à mettre en place une procédure plus rapide pour les opérations simples et à accorder le maximum de garanties pour les opérations posant les questions les plus délicates, lesquelles supposent une saisine pour avis du Conseil de la concurrence. Il s'agit aussi d'améliorer la transparence par une information du marché sur les opérations en cours tout en préservant le secret des affaires des entreprises concernées. Ces dispositions équilibrées permettront au ministre de l'économie, le cas échéant au ministre du secteur intéressé, de disposer d'une capacité d'intervention. Il faudra en user à bon escient.
3 - La dernière partie de ce projet est consacrée à la régulation de l'entreprise. Favoriser l'équilibre des pouvoirs au sein des entreprises est nécessaire en soi et contribue à améliorer leur efficacité. Cela implique notamment des administrateurs effectivement présents, réellement concernés par la stratégie de l'entreprise, un pouvoir de direction éventuellement mieux réparti et des actionnaires minoritaires qui puissent plus facilement -ou qui puissent tout simplement- jouer leur rôle. Malgré certaines avancées réalisées ces dernières années, trop souvent encore le fonctionnement des entreprises hexagonales ne répond pas à ces exigences.
Pour remédier à cette situation, quatre orientations principales sont retenues.
a) Assurer un meilleur équilibre des pouvoirs entre les organes dirigeants en encourageant la dissociation entre les fonctions de président du conseil d'administration et celles de directeur général, tout en limitant le cumul des mandats d'administrateur et de dirigeants d'entreprises. b) Doter les sociétés d'un fonctionnement plus clair notamment par la transparence des rémunérations des mandataires sociaux et l'extension du champ des conventions réglementées.
c) Renforcer les pouvoirs des actionnaires minoritaires en abaissant le seuil d'exercice de certains droits essentiels de 10 % à 5 %.
d) Faciliter conjointement démocratie et utilisation des nouvelles technologies en introduisant, par exemple, une possibilité de vote électronique permettant une plus grande participation des actionnaires minoritaires. L'Etat actionnaire devra donner l'exemple en matière de démocratisation et de transparence, ces mesures volontaires s'appliqueront au secteur public. Par ces dispositions, les différents partenaires de l'entreprise devraient être en mesure d'exercer pleinement leurs responsabilités dans la gestion, les orientations stratégiques et le contrôle de l'activité de celle-ci. Tout le monde a à y gagner.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, initialement l'épargne salariale aurait dû faire partie de ces dispositions, mais ce texte-ci était déjà suffisamment dense et la réflexion sur l'autre point n'était à l'époque pas encore assez mûre, sauf à prendre du retard sur l'ensemble : c'est pourquoi il a été décidé de séparer les deux aspects, étant observé que, comme je l'indiquais au début de mon propos, le projet sur l'épargne salariale, désormais précisé, sera soumis à concertation en mai et examiné en séance publique à l'automne. Tel qu'il est, ce projet significatif et concret sur les nouvelles régulations économiques devrait contribuer à un rééquilibrage des rapports de forces, davantage de transparence et d'efficacité. Certains diront peut-être : mais en quoi cela concerne-t-il le Parlement, le politique ?
L'intervention du Parlement, c'est-à-dire du politique, dans la mise en place de ces régulations est tout à fait centrale. Car s'il peut arriver que des autorités de régulation se substituent à l'action directe de l'Etat pour intervenir, encourager, sanctionner, je veux redire ici que c'est au politique qu'il revient de fixer l'esprit des règles en application desquelles la régulation s'opère et que c'est également au politique qu'il revient de vérifier directement ou indirectement si le régulateur agit conformément à sa mission. Contrairement à une lecture rapide et à vrai dire superficielle, la régulation ne signifie donc ni l'affaiblissement du politique, ni la disparition de l'Etat, elle traduit une adaptation salutaire de divers modes d'action en fonction des évolutions nationales et internationales de l'économie et de la société modernes. La régulation est aussi une réponse à la mondialisation. Nous acceptons le fait de la mondialisation, mais nous voulons corriger certains de ses effets ; nous cherchons à la mettre à l'échelle humaine. Alors que tout devient mondial (les capitaux, les marchandises, les échanges, les sièges sociaux) un droit moderne naît, celui de la régulation. Au plan international et national, nous plaidons pour la croissance sans le creusement des inégalités. La régulation peut nous y aider, non pas règle qui tourne sur elle-même en circuit fermé, mais pivot d'une démocratie économique plus forte, dans laquelle chaque partenaire -chef d'entreprise, salarié, consommateur, usager- puisse se retrouver. Le texte qui vous est proposé constitue donc une étape utile dans notre volonté de moderniser les structures de l'économie, de concilier les principes et les pratiques, de garantir une croissance réformatrice, durable et solidaire. Outil économique, exigence sociale, le projet de loi qui vous est soumis montre que les mutations technologiques et économiques peuvent être mises au service du développement des entreprises et d'une croissance mieux partagée.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 28 avril 2000)
Mesdames et Messieurs les députés,
C'est la première fois depuis ma prise de fonctions que j'ai l'honneur de présenter au nom du Gouvernement un texte devant votre Assemblée. Je le fais avec beaucoup de plaisir, compte tenu à la fois de l'estime que j'ai pour chacune et chacun de vous, du respect que j'éprouve pour cet hémicycle, au cur de la démocratie, et de la nature du projet que nous allons examiner, la loi sur les nouvelles régulations économiques. Cette réforme, pour l'examen de laquelle je remercie particulièrement le rapporteur Eric Besson et les membres de l'Assemblée qui y ont travaillé sous la présidence d'Henri Emmanuelli, a été préparée par mes prédécesseurs. J'aurai donc pour tâche, avec d'autres collègues dont la ministre de la Justice, de l'exposer et de la défendre devant vous.
Réforme, ai-je dit, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Ce texte fait partie d'un ensemble de réformes que le Gouvernement conduit par Lionel Jospin souhaite mettre en uvre afin de rendre notre économie et notre société plus efficaces, plus justes, plus transparentes, mieux accordées aux nécessités du monde moderne. En ce qui concerne le ministère dont j'ai la charge, nous aurons dans les mois qui viennent à mettre en place plusieurs réformes importantes, certaines de nature législative. C'est par un rapide calendrier de ces réformes que je voudrais commencer mon propos afin que, appelés à travailler ensemble pour l'intérêt du pays, nous puissions ensemble mesurer ce qui va figurer sur notre agenda réformateur, auquel il faudra évidemment ajouter les textes portés par les secrétaires d'Etat qui m'entourent.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, outre la loi sur les nouvelles régulations économiques à laquelle je viendrai dans un instant, nous aurons à examiner plusieurs lois de finances impliquant diverses réformes : collectif budgétaire 2000 qui sera présenté dès demain à votre Commission des finances et qui comporte en particulier un volet d'allégements fiscaux significatifs, débat d'orientation budgétaire puis, à l'automne, loi de finances pour 2001, avec bien sûr, une séquence voisine l'an prochain. A travers ces occasions, nous ferons en sorte qu'il soit possible de mettre en uvre, outre une politique de croissance solidaire et durable, qui est vraiment l'essentiel, diverses réformes d'apparences techniques que nous avions étudiées lorsque je siégeais parmi vous, concernant notamment la procédure budgétaire, la maîtrise des dépenses publiques, la transparence de la gestion. J'indique que le Gouvernement est également très ouvert à la future et j'espère prochaine réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 sur les lois de finances, réforme de fond sur laquelle travaille votre Commission des Finances et notamment son rapporteur général, Didier Migaud.
Réforme toujours, l'important projet de loi sur l'épargne salariale, que je soumettrai début mai à la concertation des partenaires sociaux, économiques et politiques, avant de le déposer sur le bureau de votre Assemblée en juin, pour examen lors de la rentrée parlementaire d'automne et adoption définitive avant la fin de cette année.
Réforme également, un décret portant précisément réforme des marchés publics, tant il est vrai que les textes concernant ces matières ont besoin d'être dépoussiérés, simplifiés, allégés, en pensant notamment aux PME et aux élus qui souvent en sont les "victimes ". Réforme, la loi sur l'information qu'avec Christian Pierret notamment nous préparons afin de mettre pleinement notre législation à l'heure des nouvelles technologies et de l'internet.
Car l'internet et l'euro sont peut-être les deux principaux changements qui nous environnent et qui vont transformer la vie de beaucoup de nos concitoyens. J'aurai à préparer avec vous, cette fois sans texte nouveau, mais par l'anticipation et l'explication, le passage à " l'euro concret " au 1er janvier 2002, qui constituera pour la plupart de nos compatriotes un bouleversement majeur sur le plan psychologique, sociologique, économique, pratique. Nous devrons le réussir ensemble.
Réformes encore, celles que s'attachera à concrétiser, avec le Président de la République et le Premier Ministre, la présidence française de l'Union Européenne au deuxième semestre de cette année. Pour ce qui concerne le secteur économique et financier, il s'agira de favoriser des avancées notamment en matière d'appuis à l'innovation, d'harmonisation fiscale, de lutte contre les mouvements spéculatifs, les centres off-shores et le blanchiment de l'argent sale : ce sera donc certainement une présidence réformatrice.
Réforme enfin, réforme d'abord, celle qui concernera le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, sur laquelle nous avons travaillé dès ces premières semaines avec les organisations syndicales. J'en présenterai les premières décisions et orientations, dans trois jours, le vendredi 28 avril, lors d'un Comité Technique Paritaire Ministériel, car il est clair qu'il doit y avoir et qu'il y aura une réforme/modernisation du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Cette réforme/modernisation du MEFI, menée autour des notions de simplification, de transparence, d'adaptation-formation aux nouvelles technologies, de dialogue et d'expérimentation, sera partie intégrante et, je l'espère, exemplaire de l'indispensable réforme/modernisation de l'Etat et des services publics.
Vous le voyez, ce programme, cohérent avec l'ensemble plus vaste de l'action du Gouvernement, est chargé. Pour qualifier l'objectif général que nous poursuivons, j'ai employé l'expression " croissance réformatrice ". Il s'agit en effet par notre action à tous de briser le mur des deux millions de chômeurs, - je crois que c'est possible- car notre priorité est et reste l'emploi, de renforcer la solidarité et l'égalité des chances, d'alléger les charges, d'affronter avec les meilleurs atouts la compétition mondiale. Cela suppose à la fois des réformes par la croissance (car il est certain que la croissance facilite les réformes) et des réformes pour la croissance (car celle-ci a besoin pour se nourrir durablement que celles-là entrent en application). C'est dans cet esprit que s'inscrit le projet sur les nouvelles régulations économiques.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés,
La régulation n'est pas un choix conjoncturel. C'est une approche d'ensemble, une démarche de nature politique qui est, je l'espère, assez largement partagée dans cette Assemblée. Cette approche peut contribuer à combler en effet de nouveaux fossés, rapprocher l'individuel et le collectif, le public et le privé, le global et le local, mais aussi lier davantage la démocratie et l'entreprise. Pour ce qui me concerne, je ne crois pas en effet que le marché puisse seul tenir lieu de contrat entre l'économie et la société. Nous savons que le jeu non régulé des forces du marché peut accroître les inégalités. Si la compétition est stimulante, elle ne doit se traduire ni par la loi de la jungle, ni par des lois d'exception qui pénaliseraient finalement ceux qui entreprennent, qui créent, qui commercent. L'économie est liée à l'initiative, à la créativité, mais elle ne doit être ni un vase clos, ni un champ de foire. Il faut l'assortir de règles simples, justes, acceptées. Il en va de l'intérêt des chefs d'entreprise comme des salariés, des consommateurs comme des entrepreneurs. Bref, il faut des garde-fous. Dans cet esprit, il nous semble que la régulation est un instrument très utile.
A travers la régulation, on peut en effet légitimement réclamer davantage de règles et moins de réglementations. Avec la régulation, il ne s'agit pas pour l'Etat de " ne pas faire ", mais de montrer qu'on peut souvent faire plus légèrement, plus clairement, plus volontairement. En légiférant sur les régulations, le texte contient une certaine vision de l'Etat. L'Etat n'a pas à s'occuper de tout. Il doit être un arbitre et un garant. Il est celui qui peut le mieux prendre en compte le temps long, celui des considérations d'intérêt général auxquelles le marché ne répond pas spontanément, car ce n'est pas sa fonction. L'Etat régulateur établit les règles du jeu et instaure des équilibres pour que chacun des acteurs de l'économie - sociétés géantes et PME, producteurs et distributeurs, actionnaires et salariés, entreprises et consommateurs - puisse voir reconnue à sa juste valeur sa contribution à la croissance, j'allais dire en tirer profit, non dans une logique d'affrontement, même s'il y a des conflits inévitables, mais à travers une relation partenariale et transparente. Corriger les dysfonctionnements, empêcher les captations, réduire les inégalités, éviter les déséquilibres qui pénalisent une économie, c'est le fondement des nouvelles régulations que propose ce texte. Il s'articule autour de trois axes essentiels.
1 - Le premier champ de régulation concerne le secteur financier. Nous voulons promouvoir un système compétitif et sûr qui ne laisse pas les salariés à l'écart lors des grandes opérations de vente ou d'achat, de participation ou de fusion. Le texte prévoit de nous doter d'instruments plus efficaces qu'aujourd'hui afin d'assurer une plus grande clarté et le respect de l'égalité entre les opérateurs économiques dans le déroulement de ces processus complexes. Cet objectif se décline autour de quelques thèmes.
D'abord mieux associer les salariés aux grandes opérations financières. Nous croyons à la nécessité de l'information et à la consultation de celles et ceux qui travaillent dans l'entreprise. Il est anormal que ces derniers apprennent par hasard ou devant leur télévision que leur entreprise va changer de mains, que sa stratégie risque d'être entièrement revue, et qu'à partir de là des effets néfastes pour leur emploi pourront éventuellement advenir. C'est d'ailleurs une question de bon sens : une fusion réussit rarement, voire jamais, sans l'adhésion des personnels. Quelle motivation, quelle insertion, quelle intégration pourraient exister si les salariés ont le sentiment de n'être que des pions ? Cette situation est préjudiciable à tous et beaucoup de dirigeants d'entreprises en sont conscients. Désormais, les salariés devront être informés officiellement de l'existence d'une offre publique d'achat ou d'échange sur leur entreprise par le dirigeant ; le comité d'entreprise pourra inviter l'auteur de l'offre à présenter son projet.
Notre objectif est aussi d'introduire davantage de transparence dans le déroulement des offres publiques d'achat et des offres publiques d'échange pour éviter que le contrôle et l'avenir de nos entreprises ne dépendent d'opérations opaques qui s'étirent interminablement. La durée de ces opérations souvent destructrices doit être limitée. La fiabilité du système financier français devrait en sortir renforcée aux yeux des investisseurs notamment étrangers. Nos entreprises ont besoin de solidité juridique pour financer leur développement. Un exemple illustre l'amélioration proposée. Une disposition donnera à la COB le pouvoir d'exiger la publication d'un rectificatif lorsqu'une information induit le public en erreur en cours d'opérations, jette le discrédit sur un concurrent ou est manifestement déloyale. A ces pratiques dommageables, le texte apporte une correction salutaire.
Le projet permet également une plus grande transparence dans le fonctionnement des régulateurs financiers, eux-mêmes dotés d'instruments juridiques renforcés, pour faire respecter et assurer l'égalité de traitement de tous les acteurs de l'économie. Ainsi le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) pourra donner des autorisations conditionnelles liées au respect d'engagements souscrits par le demandeur. Ce système fréquemment utilisé à l'étranger sera étendu en matière d'assurance où l'autorité prudentielle sera le ministre de l'économie.
Dernier volet se rapportant au secteur financier, le renforcement de notre dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux. Il reviendra à Elisabeth Guigou de vous le présenter. D'ores et déjà, il me paraît important d'insister sur le caractère exemplaire que doit pouvoir revêtir notre action dans ce domaine. A travers d'abord la coopération internationale, indispensable. La France a su à cet égard faire partager ses idées en obtenant par exemple du FMI certaines avancées et en souhaitant qu'une prochaine étape du dispositif que la communauté internationale met en place permette de dresser la liste des territoires délinquants et de sanctionner internationalement ceux qui ne suivent pas les règles de la probité, en cessant le cas échéant les relations financières avec eux. D'autre part, une obligation de déclaration systématique des transactions financières s'efforcera de répondre aux problèmes posés par les centres offshore. Ces propositions déjà soumises avec succès à nos partenaires du GAFI, devraient être progressivement mises en uvre en coordination avec ceux-ci. Le projet de loi vise à renforcer aussi l'efficacité interne de notre dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent sale en clarifiant la notion de soupçon et, en élargissant les possibilités de sanctions pénales à d'autres activités financières délictueuses. C'est un signal fort de la volonté de la France d'être au premier rang dans la lutte contre la criminalité en col blanc. Ce sera, je le souligne, une de mes priorités lors de la présidence française du Conseil Economique et Financier de l'Union Européenne.
2 - Un second volet de la loi porte sur la régulation de la concurrence. Marilyse Lebranchu en sera la principale oratrice pour le Gouvernement. La recherche d'une économie compétitive et innovante suppose une concurrence loyale, facteur de cohésion sociale et dont le consommateur bénéficie réellement. Les fondements du droit de la concurrence datent seulement en France de 1986, mais en 14 ans le contexte économique a profondément évolué. On assiste à de larges mouvements de restructuration et de concentration qui affectent parfois le bon fonctionnement de la concurrence, l'équilibre des relations entre entreprises et donc à plus ou moins court terme les prix et l'emploi. Dans ce contexte, il était nécessaire de corriger certaines situations. Si la liberté contractuelle doit rester bien sûr la règle, elle ne doit pas conduire à des abus susceptibles d'écraser les petits producteurs, alors même que le consommateur, alibi parfois commode, n'en est aucunement le bénéficiaire direct. Cette pression à outrance sur des conditions d'achat est alors imposée par une minorité de distributeurs, ici particulièrement mal nommés, pour des raisons exclusivement financières. Il relève de la compétence des pouvoirs publics d'éviter ces dérives.
Le gouvernement a donc souhaité soutenir en quelque sorte le " civisme marchand " qui est la marque de beaucoup des sociétés du secteur, en créant une commission des pratiques commerciales destinées notamment à élaborer des codes de bonne conduite. La prévention n'exclut pas la répression, et le texte prévoit de mieux définir les abus, d'interdire purement et simplement certaines clauses, d'élargir les capacités d'action en justice du ministre de l'économie même en l'absence de réaction de la victime car celle-ci, découragée, est souvent réticente ou hésitante à saisir le juge. Les conséquences financières pour les auteurs de ces pratiques abusives seront nettement plus lourdes qu'actuellement. Elles en deviendront, espérons-le, dissuasives.
Il est proposé également de rénover le dispositif de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles qui permettent à leurs instigateurs de tromper le consommateur ou une collectivité locale lorsqu'il s'agit de marché public et de capter une rente indue. Il s'agit en particulier de conforter les sanctions et les pouvoirs du Conseil de la concurrence pour une meilleure efficacité du traitement des affaires et une plus grande effectivité du droit. Qui pourrait le récuser ?
De même, le bon fonctionnement concurrentiel, gage d'une croissance plus riche en emplois, suppose un contrôle renforcé des concentrations afin de vérifier que ces dernières contribuent réellement au progrès économique. Le système actuel est peu compréhensible et guère transparent. Une harmonisation avec le dispositif communautaire est devenue nécessaire. Le projet de loi vise à instaurer une procédure systématique et lisible avec une notification obligatoire au-dessus de seuils de chiffre d'affaires définis de manière objective, à mettre en place une procédure plus rapide pour les opérations simples et à accorder le maximum de garanties pour les opérations posant les questions les plus délicates, lesquelles supposent une saisine pour avis du Conseil de la concurrence. Il s'agit aussi d'améliorer la transparence par une information du marché sur les opérations en cours tout en préservant le secret des affaires des entreprises concernées. Ces dispositions équilibrées permettront au ministre de l'économie, le cas échéant au ministre du secteur intéressé, de disposer d'une capacité d'intervention. Il faudra en user à bon escient.
3 - La dernière partie de ce projet est consacrée à la régulation de l'entreprise. Favoriser l'équilibre des pouvoirs au sein des entreprises est nécessaire en soi et contribue à améliorer leur efficacité. Cela implique notamment des administrateurs effectivement présents, réellement concernés par la stratégie de l'entreprise, un pouvoir de direction éventuellement mieux réparti et des actionnaires minoritaires qui puissent plus facilement -ou qui puissent tout simplement- jouer leur rôle. Malgré certaines avancées réalisées ces dernières années, trop souvent encore le fonctionnement des entreprises hexagonales ne répond pas à ces exigences.
Pour remédier à cette situation, quatre orientations principales sont retenues.
a) Assurer un meilleur équilibre des pouvoirs entre les organes dirigeants en encourageant la dissociation entre les fonctions de président du conseil d'administration et celles de directeur général, tout en limitant le cumul des mandats d'administrateur et de dirigeants d'entreprises. b) Doter les sociétés d'un fonctionnement plus clair notamment par la transparence des rémunérations des mandataires sociaux et l'extension du champ des conventions réglementées.
c) Renforcer les pouvoirs des actionnaires minoritaires en abaissant le seuil d'exercice de certains droits essentiels de 10 % à 5 %.
d) Faciliter conjointement démocratie et utilisation des nouvelles technologies en introduisant, par exemple, une possibilité de vote électronique permettant une plus grande participation des actionnaires minoritaires. L'Etat actionnaire devra donner l'exemple en matière de démocratisation et de transparence, ces mesures volontaires s'appliqueront au secteur public. Par ces dispositions, les différents partenaires de l'entreprise devraient être en mesure d'exercer pleinement leurs responsabilités dans la gestion, les orientations stratégiques et le contrôle de l'activité de celle-ci. Tout le monde a à y gagner.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, initialement l'épargne salariale aurait dû faire partie de ces dispositions, mais ce texte-ci était déjà suffisamment dense et la réflexion sur l'autre point n'était à l'époque pas encore assez mûre, sauf à prendre du retard sur l'ensemble : c'est pourquoi il a été décidé de séparer les deux aspects, étant observé que, comme je l'indiquais au début de mon propos, le projet sur l'épargne salariale, désormais précisé, sera soumis à concertation en mai et examiné en séance publique à l'automne. Tel qu'il est, ce projet significatif et concret sur les nouvelles régulations économiques devrait contribuer à un rééquilibrage des rapports de forces, davantage de transparence et d'efficacité. Certains diront peut-être : mais en quoi cela concerne-t-il le Parlement, le politique ?
L'intervention du Parlement, c'est-à-dire du politique, dans la mise en place de ces régulations est tout à fait centrale. Car s'il peut arriver que des autorités de régulation se substituent à l'action directe de l'Etat pour intervenir, encourager, sanctionner, je veux redire ici que c'est au politique qu'il revient de fixer l'esprit des règles en application desquelles la régulation s'opère et que c'est également au politique qu'il revient de vérifier directement ou indirectement si le régulateur agit conformément à sa mission. Contrairement à une lecture rapide et à vrai dire superficielle, la régulation ne signifie donc ni l'affaiblissement du politique, ni la disparition de l'Etat, elle traduit une adaptation salutaire de divers modes d'action en fonction des évolutions nationales et internationales de l'économie et de la société modernes. La régulation est aussi une réponse à la mondialisation. Nous acceptons le fait de la mondialisation, mais nous voulons corriger certains de ses effets ; nous cherchons à la mettre à l'échelle humaine. Alors que tout devient mondial (les capitaux, les marchandises, les échanges, les sièges sociaux) un droit moderne naît, celui de la régulation. Au plan international et national, nous plaidons pour la croissance sans le creusement des inégalités. La régulation peut nous y aider, non pas règle qui tourne sur elle-même en circuit fermé, mais pivot d'une démocratie économique plus forte, dans laquelle chaque partenaire -chef d'entreprise, salarié, consommateur, usager- puisse se retrouver. Le texte qui vous est proposé constitue donc une étape utile dans notre volonté de moderniser les structures de l'économie, de concilier les principes et les pratiques, de garantir une croissance réformatrice, durable et solidaire. Outil économique, exigence sociale, le projet de loi qui vous est soumis montre que les mutations technologiques et économiques peuvent être mises au service du développement des entreprises et d'une croissance mieux partagée.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 28 avril 2000)