Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, sur la protection des consommateurs dans le commerce électronique, Rome le 20 mars 1999.

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Circonstance : Forum sur le thème : "Institutions politiques et démocratie dans la société de l'information" le 20 mars 1999

Texte intégral

Linformation est depuis toujours le vecteur et lenjeu du fonctionnement des institutions politiques et de la démocratie. Mais lavènement de la société de linformation constitue cependant un saut qualitatif et quantitatif.
Le volume des informations transportées et stockées, la vitesse avec laquelle elles sont acheminées sont considérablement amplifiées.
Lévolution nest pas seulement quantitative. Nous vivons aussi, avec les nouvelles technologies, une évolution qualitative dimportance : avec lélectronique, nous passons du réel au virtuel, et nous sommes donc confrontés à un nouveau pari, le pari de la maîtrise de la virtualité.
Comme lindique le titre de ce colloque, et comme les travaux menés ici à Rome le confirment, la société de linformation représente un enjeu et un défi pour la démocratie. Nous sommes aujourdhui dans une situation où le citoyen et le consommateur sont en droit dattendre de nous une vision, un engagement et une détermination qui soient à la hauteur de lévolution de la société générée par le développement de linformation électronique.
Pour le consommateur, la société de linformation se voit et se mesure notamment à lavènement annoncé du commerce électronique. Aujourdhui, le commerce électronique ne représente encore quune part marginale des échanges ; cependant, son potentiel saffirme déjà.
En France, dimportants travaux sont consacrés à la société de linformation. Le Gouvernement a adopté un plan global daction et une série de décisions ainsi que dimpulsions ont été engagées concernant le cadre législatif, la culture sur internet, ladministration électronique et laccès pour tous à linternet.
Pour le commerce électronique, nous avons confié une mission détude à Francis Lorentz qui, au début du mois de février, rendait ses dernières conclusions au ministre de léconomie, des finances et de lindustrie. Le rapport de Francis Lorentz et des groupes de travail quil a pilotés montre que la France rentre massivement dans la société de linformation. Ainsi, la connexion et lusage de linternet y ont presque doublé en un an. Cest pourquoi le commerce électronique est aujourdhui un domaine essentiel de laction du gouvernement français.
Après les grandes foires commerciales du Moyen Age, linvention des grands magasins généralistes à la fin du XIXème siècle et le développement de la grande distribution dans les années 1960 / 1970, le commerce électronique est bien la quatrième révolution des modes de commerce de notre histoire.
De toutes les réflexions menées, il apparaît clairement que le dossier du commerce électronique est global. Il implique la mondialisation, lévolution de la société.
En mars 1998, la France faisait déjà part à la Commission européenne, sous la forme dun mémorandum, de la nécessité de créer un environnement communautaire et international adapté. Le commerce électronique est une chance à saisir pour les entreprises, les consommateurs, léconomie et les cultures européennes. Il est aussi un levier pour lachèvement du marché intérieur européen et pour lintroduction de leuro. Mais, pour que les espoirs suscités par le commerce électronique deviennent réalité, il faut créer les conditions pour que les acteurs, clients et fournisseurs, puissent y intervenir en toute confiance.
Le succès du commerce électronique repose en tout premier lieu sur ladhésion des consommateurs à cette nouvelle forme de commerce.
Pour gagner cette adhésion, il convient de donner aux consommateurs deux clés :
* la première clé consiste à éclairer le besoin et mettre en main loutil.
Le commerce électronique, comme les autres utilisations dinternet, tend naturellement à redistribuer le territoire : le consommateur pourra où quil se trouve accéder aux catalogues les plus fournis, aux offres les plus performantes, sans perte de temps, sans déplacement et à un coût restant réduit.
Léclairage des besoins et la mise en main des outils est dabord du ressort des vendeurs.
Il appartient en outre aux autorités de mener une politique daccompagnement et dimpulsion déterminée en faveur du développement de linternet. Cest le cas, en France, qui a été longtemps en retard de ce point de vue.
* la seconde clé consiste à créer les conditions de la transparence et de la confiance.
Je résume souvent par ces deux mots, confiance et transparence, ce que la politique de la consommation doit à mon sens apporter au citoyen / consommateur. Je crois que le dossier du commerce électronique illustre, lui aussi, que les besoins de confiance et de transparence sont des besoins fondamentaux daujourdhui. Tant que ces exigences, parfaitement légitimes, de confiance et de transparence ne seront pas pleinement satisfaites, un frein significatif subsistera au développement du commerce électronique.
Comme le soulignait en France un rapport du Conseil dEtat sur internet et les réseaux numériques, lobjectif est de faire des réseaux numériques un espace de civilité mondiale, la civilité étant lart de bien vivre ensemble.
La question à laquelle il faut donc répondre est la suivante : comment assurer la confiance et la transparence dans le cadre déchanges où la relation distributeurs/consommateurs est virtuelle ?
La réponse implique aujourdhui la coopération internationale, lintégration européenne et aussi la proximité de laction publique.
Tout dabord, la coopération internationale.
Donald Johnston vient dévoquer la déclaration ministérielle adoptée à Ottawa en octobre 1998 sur la protection des consommateurs dans le contexte du commerce électronique, et les travaux actuellement menés par lO.C.D.E. pour élaborer des lignes directrices sur la protection des consommateurs dans le commerce électronique.
La déclaration dOttawa soulignait limportance dune protection efficace des consommateurs, et mettait aussi en avant la dimension de la confiance. Lexercice actuellement mené à lO.C.D.E. pour adopter dici la fin de lannée des lignes directrices est donc important, car il va définir une référence internationale dont nous ne disposons pas encore.
Ensuite, vient le pari dune intégration européenne réussie.
Lampleur des bénéfices que lEurope tirera du commerce électronique et la rapidité avec laquelle ces bénéfices se dégageront vont dépendre, dans une large mesure, de lexistence dun cadre réglementaire qui réponde aux attentes des entreprises et des consommateurs.
Aujourdhui, plusieurs exercices communautaires, complémentaires, sont engagés. Déjà, la directive de 1997 sur les contrats négociés à distance constitue un cadre général sappliquant au commerce électronique, qui constitue une forme de vente à distance ; cette directive assure aux consommateurs européens une information et une protection harmonisées.
Des négociations sont engagées sur une proposition de directive spécifique au commerce électronique.
Lun des points majeurs du débat concerne la définition du droit applicable aux transactions électroniques conclues par les consommateurs. Nous ne pouvons pas, à léchelle européenne, faire léconomie de ce débat dans la mesure où létat actuel dharmonisation des droits nationaux conduit à des niveaux de protection encore hétérogènes, et aussi dans la mesure où en cas de litige, le consommateur doit pouvoir faire appel à la juridiction la plus proche, celle de son lieu de résidence.
Dès lors, je ne vois quune solution, qui consiste à appliquer aux contrats conclus par les consommateurs dans leur pays de résidence la loi de ce pays, de manière à ce quils bénéficient, quelle que soit la forme de commerce, du niveau de protection quils connaissent et quils maîtrisent.
Il me paraît important que les textes qui seront adoptés soient très clairs sur ce point. Il doit sagir dune disposition impérative, assurant la protection des consommateurs et donc le succès du commerce électronique.
Ma troisième remarque porte sur la nécessaire proximité de laction publique.
En France, nous avons la chance de disposer dun Conseil national de la consommation, qui est linstance qui réunit à parité professionnels et consommateurs au plan national et permet ainsi de développer, ce qui me paraît essentiel, le dialogue professionnels / consommateurs.
Les travaux du Conseil national de la consommation ont abouti dès 1997 à plusieurs avis et recommandations sur le commerce électronique, basés sur une étude approfondie et comparative.
Le Conseil national de la consommation constatait déjà en 1997 que les conventions internationales existantes nintègrent pas la dimension consumériste. Ainsi, se pose sans cesse la question fondamentale relative à la loi applicable.
Lavis rendu par cette instance définit les principaux éléments de la transaction électronique qui impliquent des réponses adaptées assurant linformation et la protection des consommateurs.
Ces éléments portent à la fois sur la recherche et la différenciation des sites commerciaux, lidentification des professionnels, ainsi que sur loffre et la transaction électronique en elle-même.
Sur ce dernier volet, le Conseil national de la consommation établit comme points essentiels la conformité et la sécurité des produits et services offerts, une information claire sur le prix toutes taxes comprises, ainsi que sur les stipulations contractuelles ayant trait à la bonne exécution du contrat.
Lavis rendu soulève enfin les questions liées à la sécurisation des paiements et à l'administration de la preuve.
Le développement des transactions électroniques implique donc un bon encadrement, je viens de le dire. Il implique aussi une action de surveillance, et laction coordonnée développée par le réseau des pays de lO.C.D.E.est très positive.
Au plan national, jai demandé à ladministration en charge des contrôles de mettre en place un dispositif spécifique de surveillance et de proximité.
Cest ainsi que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dispose de boites aux lettres électroniques, qui permettent de recevoir les réclamations des consommateurs. A ce jour, cette administration traite de lordre dune dizaine de réclamations par jour, qui parviennent soit sur son propre site, soit sur les différents sites du ministère, y compris les sites des ministres eux-mêmes.
De plus, quatorze directions locales couvrant lensemble du territoire national constituent un réseau actif sur le contrôle des offres commerciales sur linternet. Ainsi, pour donner un exemple (bien français), une enquête a été menée en 1998 sur les publicités portant sur des vins et spiritueux. Cette enquête portait à la fois sur des sites commerciaux et des forums de discussion. Des déficiences ont pu être constatées, auxquelles il a été remédié, sur des dénominations de vente, des allégations, l'information sur lidentité du vendeur, les prix et lindication des frais de livraison.
Les contrôles menés mettent aussi parfois en évidence des infractions qui dépassent la seule dimension de la protection des consommateurs, et dont les autorités judiciaires, qui disposent aussi de réseaux de surveillance, sont alors saisies.
Mettre un terme à une certaine insécurité juridique, rendre les transactions plus sûres et transparentes, voici les objectifs communs que nous devons nous assigner.
Cest à ces conditions que le consommateur nhésitera plus à devenir un cyber consommateur. Notre objectif est bien de rendre lhomme serein dans le monde virtuel..
(Source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 23 mars 1999)