Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le bilan de la loi Montagne, la réforme des collectivités territoriales et la mise en place de groupes de travail pour répondre aux évolutions environnementales, économiques et sociales des territoires de montagne, Paris le 3 novembre 2009.

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Circonstance : Installation du Conseil de la montagne, à Paris le 3 novembre 2009

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
J'espère que ceux qui sont sur la mauvaise partie de la table ne vont pas attraper le torticolis mais je voudrais en tous cas vous dire que c'est un très grand plaisir pour tous les membres du gouvernement qui sont avec moi cet après-midi de pouvoir ensemble installer le Conseil national de la montagne. Vous avez tous en partage une expérience unique de la gouvernance de la montagne, de ses singularités, de ses défis, et la mobilisation qui est la vôtre témoigne de votre motivation pour exercer le mandat de membre du Conseil national de la montagne. Je veux vous souhaiter à tous chaleureusement la bienvenue.
Parmi les services du Premier ministre, la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires a pour mission de tisser des liens vitaux entre le gouvernement, les élus et la population de nos territoires de métropole et d'Outre-mer. Si j'ai souhaité qu'elle accueille ce soir l'installation de notre Conseil national de la montagne c'est parce que je considère qu'elle est d'une certaine façon la maison des territoires. Et puis vous me permettrez de penser aussi que notre Conseil national de la montagne ne pouvait pas trouver meilleur patronage que celui d'Olivier GUICHARD, grand artisan de la politique d'aménagement du territoire, à la mémoire duquel cette salle neuve dans laquelle nous nous trouvons vient d'être dédiée. Avec cinq massifs hexagonaux auxquelles s'ajoutent les zones de montagne de Corse et de trois des quatre départements d'Outre-mer, le visage géographique et climatique de la France est placé sous le signe de la diversité, une diversité qui compte pour beaucoup dans son attractivité. Dans une France largement urbanisée, il y a longtemps que la montagne n'apparaît plus uniquement comme une frontière, comme un obstacle naturel aux voies de communication. Elle s'est imposée au contraire comme un espace accessible, un espace dédié à la nature, un espace dédié aux loisirs qui mérite d'être protégé. Pour autant, la montagne demeure un lieu de vie, un lieu d'activité dont le développement doit se poursuivre et nous sommes là au coeur des enjeux des politiques publiques qui ont été engagées pour répondre à la diversité de ces attentes et de ces regards portés sur la montagne.
En janvier 2010, la loi Montagne aura 25 ans et je crois qu'on peut dire qu'au fil des ans elle est devenue un texte de référence. Elle a posé le principe d'une évolution progressive de la société montagnarde dans le respect de sa culture et de son identité. Elle a élevé le développement équitable et durable des territoires de montagne au rang d'objectif d'intérêt national. Elle encourage la réforme de leur gouvernance, la diversification de leur économie et l'amélioration des services à la population. Je pense que 25 ans après les grands objectifs de la loi Montagne n'ont en rien perdu de leur pertinence. En même temps, les évolutions ont été depuis 25 ans nombreuses et surtout je crois qu'on peut dire qu'elles n'ont pas été les mêmes sur tous les territoires.
Certains massifs ont très bien réussi à allier les activités traditionnelles de montagne, notamment les activités agricoles, les activités sportives et de loisirs, d'autres se heurtent à des difficultés d'ordre économique, d'ordre démographique, d'ordre territorial, et doivent faire face à des mouvements de déprise. Je vous propose donc d'abord, et c'est la première proposition que je vous ferai, que 25 ans après la publication de la loi nous engagions ensemble un bilan de la loi Montagne afin de porter un diagnostic sur sa mise en oeuvre et sur la réussite de ses objectifs. Je vais mobiliser l'expertise des inspections générales, des ministères de l'Intérieur, de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable, de la Mer, du ministère de l'Agriculture et de la Pêche, du ministère de l'Economie, de celui de l'Industrie et de l'Emploi, et, aux besoins, d'un bureau d'études si ensemble nous estimons que cela est nécessaire. Je vous propose de confier à la DIACT la coordination opérationnelle de cette démarche, la responsabilité de votre commission permanente sera d'élaborer les conclusions autour desquelles se réunira le prochain Conseil national de la montagne.
Je pense que nous avons tous le même désir, c'est celui de promouvoir le développement des zones de montagne. Je sais que dans les territoires à faible densité que sont les zones de montagne la modernisation de notre organisation territoriale suscite des questions, des incertitudes, des inquiétudes, et c'est la première raison pour laquelle il était important pour moi de tenir cette réunion avec vous. Nous avons voulu avec le Président de la République clarifier notre décentralisation, je suis moi-même un élu local avec une longue expérience à la fois de maire, de président de conseil général et de président de conseil régional, je connais parfaitement comme vous la part primordiale qui a été prise par nos collectivités territoriales à la modernisation de notre pays depuis 30 ans.
Et je pense qu'aujourd'hui nous avons le devoir de moderniser cette organisation avec comme souci de renforcer l'esprit même de la décentralisation. Nous avons avec le Président de la République proposé pour moderniser cette décentralisation trois objectifs, d'abord un premier objectif, renforcer l'intercommunalité. Je pense que c'est un objectif qui ne devrait pas faire l'objet de beaucoup de débat compte tenu du fait que l'intercommunalité est une réussite, je dois dire d'ailleurs qu'elle a été largement initiée par la gauche. Quand elle a été initiée par la gauche, la droite a manifesté les plus grandes inquiétudes et les plus grandes incertitudes sur cette évolution qui allait naturellement apporter la fin de l'identité communale. Je pense qu'à chaque fois on devrait réfléchir avant de se lancer dans un combat stratégique. En réfléchissant à ce qui s'est passé avant nous, aux réformes qui ont été conduites et qui finalement les unes après les autres ont construit le pays dans lequel nous vivons. Je pense qu'en zone de montagne la question de la cohérence, de l'efficacité, du caractère démocratique de l'intercommunalité est une question vitale parce que la solidarité entre les territoires est encore plus vitale en zone de montagne qu'ailleurs, parce qu'elle passe par le maintien des services de proximité. La solidarité dans l'intercommunalité ne signifie pas l'effacement des identités des communes. On aurait pu choisir de franchir une étape plus radicale dans la proposition que nous avons faite en allant vers par exemple l'élection directe au suffrage universel des responsables des intercommunalités. Nous ne l'avons pas souhaitée pour ne pas mettre en cause l'identité communale mais nous avons proposé en fléchant l'élection des membres des intercommunalités dans les communes de plus de 500 habitants nous avons pensé qu'on pouvait franchir une nouvelle étape pour rendre plus démocratique le système, pour donner plus de légitimité à l'intercommunalité.
Le deuxième axe que nous avons choisi c'est celui de la mise en place de synergies entre département et région. Là encore il y avait des solutions radicales, je pense qu'aucune d'entre elles n'était praticable, nous avons donc proposé la mise en oeuvre d'un rapprochement département/région à travers deux idées. La première, un conseiller territorial unique siégeant à la fois à la région et au département et deuxièmement un travail de redéfinition des compétences des départements et des régions. Je sais qu'un certain nombre d'entre vous craignent que cette réforme provoque une sorte de sous-représentation des territoires et des départements de montagne. Je pense que si au plan national la réforme conduit à réduire le nombre d'élus, pour une raison simple c'est qu'on ne peut pas avoir des conseils régionaux avec un trop grand nombre d'élus, je pense que le nouveau système électoral sur lequel le Parlement va débattre, fondé à la fois sur les territoires et sur la démographie, va au contraire accroître le poids relatif des territoires et des départements de montagne au sein des conseils régionaux.
Enfin, parce que l'attractivité des territoires est cruciale pour que les entreprises s'y maintiennent et s'y installent, nous avons décidé d'une réforme de la fiscalité locale. Je ne vais pas reprendre devant vous parce que ce n'est pas l'objet de notre réunion l'ensemble de l'argumentation qui nous y a conduit, je veux simplement vous faire remarquer une nouvelle fois que la question de la compétitivité de l'économie française et en particulier de l'industrie française par rapport à nos principaux concurrents européens, et pour dire les choses simplement, par rapport à l'Allemagne est un sujet vital. Au début des années 80, l'industrie automobile française c'était 10% du marché mondial, aujourd'hui c'est 5%. Au début des années 80, l'industrie automobile allemande c'était 11% du marché mondial, aujourd'hui c'est 10% du marché mondial. Certes, l'industrie européenne dans son ensemble recule mais, enfin, il y en a qui reculent plus vite que les autres. Pourquoi ? Parce que nous n'avons pas suffisamment réformé notre organisation et nous n'avons pas suffisamment été attentifs à la compétitivité de notre industrie. Je recevais hier le nouveau vice-chancelier allemand auquel je demandais de m'expliquer plus en détail la politique économique du nouveau gouvernement allemand et en particulier les réductions d'impôts qu'il vient de décider, il m'expliquait que l'essentiel de ces réductions d'impôts sont des réductions d'impôts sur les entreprises et sur les investissements des entreprises. Leur idée c'est de faire en sorte que les entreprises puissent investir sans être taxées à chaque fois qu'elles investissent.
Et d'ailleurs c'était bien la démarche qui avait été suivie par le gouvernement de Lionel JOSPIN lorsque Dominique STRAUSS-KAHN a décidé de retirer la base investissements de la taxe professionnelle faisant en sorte d'ailleurs que ça soit l'Etat qui finalement à terme finance une partie considérable de cet impôt local. Alors il y a encore évidemment des tas de débats sur la question de la répartition des nouveaux impôts que nous allons créer, c'est-à-dire un impôt assis sur la base foncière des entreprises et puis un impôt basé sur la valeur ajoutée. Je pense que nous avons l'occasion dans les prochaines semaines de mettre en oeuvre une péréquation beaucoup plus volontariste que celle qui a été le cas pendant des années. Ce débat sur la péréquation entre communes pauvres, territoires pauvres et territoires riches est un débat que nous avons depuis 30 ans, à chaque assemblée générale de maires, à chaque réunion des associations de départements et de régions, la vérité c'est que là, parce qu'on est en train de dimensionner le système, on a la possibilité par une décision votée au Parlement de pratiquer une péréquation beaucoup plus ambitieuse que ce qui a été fait jusqu'à maintenant.
Voilà ce que je voulais vous dire à propos de ces réformes en cours, naturellement la discussion reste ouverte. Comme le Président de la République l'a rappelé il y a quelques jours à Saint-Dizier, ces réformes sont nécessaires, nous les ferons parce qu'elles ont été trop longtemps différées, ça ne veut pas dire pour autant que le gouvernement ne soit pas ouvert aux suggestions des uns et des autres et au dialogue pour faire en sorte que nous puissions trouver les meilleurs équilibres possibles.
Je veux revenir maintenant aux problèmes spécifiques qui sont ceux des territoires de montagne. Trois années se sont écoulées depuis la dernière réunion de Sallanches et je crois qu'on peut dire que depuis 1985 le Conseil national de la montagne s'est réuni avec une régularité dont on peut dire qu'elle a été variable.
Le premier impératif c'est donc que ces organes recouvrent toute leur efficacité et nous allons donc ensemble désigner sa commission permanente. Dans quelques instants, le délégué interministériel à l'Aménagement et à la Compétitivité des territoires va présenter sa composition. J'ai demandé à Michel MERCIER qu'elle soit installée sans délai le 24 novembre prochain afin qu'elle puisse désigner au plus vite son président et qu'elle puisse lancer ses groupes de travail. Depuis 2006, nous avons mené à leur terme un certain nombre de chantiers très importants pour les territoires de montagne. Les conventions interrégionales de massifs ont été signées et mises en oeuvre. Au total, c'est plus de 500 millions d'euros de fonds européens, d'Etat ou des collectivités locales qui ont été mobilisés.
Nous avons fait évoluer la composition des conseils d'administration des parcs nationaux, nous avons lancé la révision de leur charte, nous avons fait progresser l'accès à la téléphonie mobile et au haut débit informatique en zone de montagne, nous savons que là il y a encore des efforts importants à faire. Nous avons continué d'optimiser l'aménagement et la programmation avec les décrets sur les unités touristiques nouvelles et sur les refuges comme vous l'aviez souhaité en 2006.
Grâce à l'impulsion qui a été donnée par la présidence française du Conseil de l'Union européenne et de la convention alpine, nous avons mis en place les programmes interrégionaux de cohésion territoriale, de coopération transfrontalière et nous avons lancé des initiatives comme le plan d'action climat adopté lors de la convention alpine d'Evian, autant de politiques publiques adaptées spécialement au contexte de la montagne.
Enfin, nous avons créé un pôle d'observation des territoires de montagne afin de mieux les connaître et de mieux évaluer l'impact des politiques publiques qui leur sont dédiées. Aujourd'hui, les territoires de montagne doivent répondre à des défis considérables que vous avez formulés à l'Argentière-la-Bessée lors du dernier congrès de l'ANEM. Ils doivent développer leurs activités économiques, aider l'agriculture à sortir de la crise majeure qu'elle traverse, une crise qui n'est pas spécifique aux zones de montagne mais qui est naturellement toujours plus grave dans les zones de montagne compte tenu de la fragilité de l'agriculture de montagne, et d'aider les stations de moyenne montagne qui sont exposées aux aléas de l'enneigement.
Ensuite, ils doivent maintenir les services à la population, je sais que parmi les services à la population il y en a un qui vous est particulièrement cher c'est LA POSTE. J'ai écrit récemment aux maires et je veux vous dire que le gouvernement est particulièrement vigilant sur la présence territoriale de LA POSTE et sur les 17.000 points de contact qu'elle établit avec le public, mais je veux dire aussi que pour pouvoir maintenir cette fonction sociale le statut de l'entreprise doit évoluer.
Enfin, il faut définir la vocation future des territoires de montagne. Dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, il va falloir tracer une perspective partagée de développement durable de la montagne. C'est dire si le nouveau Conseil national a un programme lourd, chargé devant lui : dresser le bilan de la loi Montagne 25 ans après, avancer des propositions sur la gouvernance des territoires, articuler les impératifs de l'agriculture, du tourisme et des services au public, voilà si vous en êtes d'accord le programme de travail qui pourrait être désormais celui du Conseil national de la montagne.
Je vous propose de vous atteler à ce travail au cours des prochains mois, de prévoir une réunion du Conseil national de la montagne en formation plénière à l'automne 2010 pour pouvoir échanger sur la conclusion de ces différents travaux et pour pouvoir prendre les décisions concrètes sur lesquelles nous nous mettrons d'accord pour donner à ces territoires qui sont à la fois fragiles et qui sont en même temps des atouts formidables de notre pays l'avenir qu'ils méritent.
Alors je vais si vous en êtes d'accord organiser les choses de la manière suivante, donner la parole au délégué interministériel pour la désignation de la commission permanente. Je demanderai ensuite à Monsieur BOUVARD et à Monsieur NAYROU de s'exprimer puis à tous ceux qui voudront le faire.
Ensuite, Monsieur LE MAIRE interviendra sur l'agriculture de montagne, Monsieur APPARU et Madame PENCHARD sur la gestion durable des territoires de montagne et les enjeux spécifiques de l'Outre-mer. Monsieur NOVELLI et Madame YADE sur le devenir des stations de moyenne montagne et sur la question des activités sportives et sur le sujet particulier des Jeux olympiques. Et puis Monsieur MERCIER, s'il est encore là interviendra ou en tous cas il sera représenté pour parler des services à la population, des nouvelles technologies, de la politique européenne.
Et puis Monsieur MARLEIX, si vous l'estimez nécessaire, si vous avez des questions et que vous voulez qu'on évoque ces sujets, sur la réforme des collectivités locales. Ensuite, chacun d'entre vous pourra également s'exprimer sur tous ces sujets et nous conclurons nos travaux. Alors, voilà, on me propose de faire monter Monsieur MERCIER devant Monsieur LE MAIRE si l'on est d'accord, Monsieur MERCIER étant convoqué par l'Assemblée nationale. Donc on commence par le délégué interministériel.Source http://www.gouvernement.fr, le 5 novembre 2009