Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, à "France 2" le 17 novembre 2009, sur la fronde des élus locaux opposés en l'état à la suppression de la taxe professionnelle et sur le projet de budget de la sécurité sociale.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2

Texte intégral

J. Wittenberg.- Bonjour à tous, bonjour à vous, E. Woerth.

Bonjour.

C'est une chaude journée qui attend le Gouvernement, en tout cas le Premier ministre, puisque le Congrès des Maires débute aujourd'hui. On l'a vu, dans le journal, il y a un vrai vent de fronde des élus locaux, des maires qui ne veulent pas de la suppression de la taxe professionnelle car elle représente une grande partie de leurs ressources, près de la moitié, je crois. Et pour l'instant, le Gouvernement n'est pas parvenu à rassurer ces maires ?

Mais nous y parviendrons, parce que le Gouvernement a besoin d'un peu de temps pour simplement informer. C'est un problème d'information, donc il n'y a pas de raison d'être inquiet. Il n'y a aucune raison d'être inquiet quand on est aujourd'hui maire, je tiens à le dire. Je le suis moi-même d'ailleurs.

Et pourquoi alors ?

Parce que au fond, on supprime la taxe professionnelle parce que c'est nécessaire, et notamment pour la compétitivité des entreprises et en même temps, on garantit les collectivités locales de la ressource qu'ils avaient auparavant grâce à la taxe professionnelle. Pourquoi ? Parce que la taxe professionnelle, elle est remplacée par deux impôts : un sur la valeur ajoutée - c'est une assiette plus solide qu'uniquement les investissements industriels. Et puis également par une taxe foncière. Et lorsque ces deux impôts ne seront pas à égalité par rapport à ce qu'avait un maire avec la taxe professionnelle, l'Etat compensera la différence, et compensera la différence sur le long terme. Et pas uniquement en 2010, comme je l'ai déjà entendu. Il n'y a pas de raison d'être inquiet quand on est aujourd'hui un maire dans notre République.

Alors les maires n'ont rien compris alors ?

Oh ! Je ne dis pas ça, certainement pas ça. C'est très difficile, vous savez d'être maire. Il y a beaucoup de choses à faire, on est partout, on fait tout. Donc c'est bien naturel et notamment parce que le texte, en ce moment, il est encore devant l'Assemblée et le Sénat, il n'est pas encore voté. Il va rentrer au Sénat dans peu de temps, donc il est bien naturel qu'il y ait un peu de désinformation et puis un peu de désinformation aussi, de la part de la gauche, qui en fait, au fond, une sorte d'instrumentalisation, je trouve, des choses.

Il y aura forcément une période, où il y aura un manque à gagner pour les élus ? Le moment où la taxe professionnelle sera effectivement supprimée ?

Non, il n'y aura pas de manque à gagner, parce que durant l'année, elle sera supprimée pour 2010. Donc durant l'année 2010, il y aura une compensation budgétaire totale par rapport, au moins aux recettes de 2009, donc il n'y a aucune inquiétude, les maires peuvent voter leur budget, il n'y a pas d'inquiétude, ils auront leurs ressources. Et puis à partir de 2011, il y aura des impôts qui vont se substituer à la taxe professionnelle, plus sûrs, je crois, plus justes et une dotation budgétaire si jamais la recette de ces impôts est inférieure. Et la péréquation, c'est ça qui est important, aussi, c'est-à-dire qu'une commune, ou plutôt un département très riche, etc. paiera pour ceux qui sont les plus pauvres. Et un lien entre les entreprises qui sont sur le territoire et la cotisation que touchera le maire, un lien très fort entre l'activité économique et la recette.

Ce qui est sûr, c'est que parallèlement à cette réforme, il y a aussi une autre réforme, celle des collectivités territoriales, on sait qu'il y aura un seul échelon, plus de conseillers généraux, régionaux et un seul conseil territorial, et ça non plus ça ne plaît pas aux élus ? On va passer de 6000 à 3000 élus, vous comprenez qu'il y ait une grogne...

Non, il n'y a pas de... enfin il y a grogne, il y a surtout beaucoup de demandes d'informations. Ce sera un texte extraordinaire, un texte spectaculaire, c'est-à-dire le fait de réformer les collectivités locales. Qui peut dire aujourd'hui en France, qu'il lève le doigt, comme ça, pour dire : je trouve que c'est parfaitement organisé, que l'enchevêtrement des collectivités locales est une bonne chose pour la France ? Non, ce n'est pas une bonne chose, il faut y remettre un peu de clarté. Et c'est ce que le Gouvernement va faire, il y aura un texte dans lequel, on dira exactement ce que doit faire une région, ce que doit faire un conseil général ; les mairies elles-mêmes ne changeront pas. Il n'y a aucune inquiétude, les maires, au contraire garderont leurs compétences globales. Il n'y aura qu'un seul élu, qui remplacera les conseillers généraux et les conseillers régionaux. Mais les maires seront toujours là, les 36 000 maires de France et l'intercommunalité, sera évidemment favorisée. Travailler plus ensemble.

En tout cas, devant ces maires, vous, vous rendrez, demain...

Oui, demain.

Tout comme F. Fillon, aujourd'hui. En revanche, N. Sarkozy a préféré recevoir les maires chez lui, en quelque sorte à l'Elysée. Est-ce que ce n'est quand même pas l'aveu d'une crise de confiance aujourd'hui ?

Ah ! Non ! Non, non, pas du tout ! Non, non.

D'habitude, il s'y rend ?

F. Fillon sera cet après-midi devant des milliers de maires, expliquera la taxe professionnelle et l'organisation territoriale.

Mais là, je parle de N. Sarkozy ?

Demain, je serai au congrès des maires, C. Lagarde y sera également, donc nous complèterons les informations. Et puis N. Sarkozy, il est en Arabie Saoudite, le calendrier du Président, en terme international est extrêmement chargé, il est en Arabie Saoudite, c'est comme ça. Et donc ce qu'il a voulu faire, c'est de dire : ok, j'ai un déplacement international, mais ce que je souhaite c'est évidemment voir les maires. Donc il invite, pour la première fois, d'ailleurs depuis quasiment toujours, il invite 700 ou 800 maires à l'Elysée pour parler avec eux. Non, non, le Président suit de très près cette réforme, comme toutes, d'ailleurs ! Mais il suit de très, très près cette réforme, puisque lui-même, d'ailleurs a été élu, il connaît bien ces sujets. Non, nous sommes en train de transformer la France, mais pas révolutionner les choses pour les élus, on les transforme en profondeur, mais les maires continueront à avoir leurs compétences et à jouer un rôle majeur sur le plan social, comme sur le plan de l'investissement, évidemment !

E. Woerth, vous êtes ministre du Budget et des Comptes publics. Vous avez annoncé une bonne nouvelle, hier, pour la Sécurité sociale, avez-vous dit. Elle va bénéficier d'un remboursement de plus de 2 milliards d'euros. Pourquoi ? Parce que, selon vous, l'Etat a moins dépensé, donc a gagné un petit peu d'argent en 2009. Il y a quelqu'un qui n'y croit pas beaucoup, c'est le président de la Commission des Finances, D. Migaud, il est socialiste et il dit qu'en fait, c'est un jeu d'écriture, puisque par exemple, vous avez retranché les dépenses consacrées au plan de relance, qui représente 15 milliards d'euros. Alors est-il vrai, que l'Etat a dépensé moins en 2009 ?

Oui, on a dépensé 2 milliards de moins que ce que prévoyait le budget. 2 milliards, c'est sur 210 ou 212 milliards de dépenses directes, donc c'est très important. 2 milliards de moins. Ce que je veux dire par-là, c'est que pourquoi nous avons dépensé moins ? Parce qu'il y a moins de charges d'intérêts de la dette et parce qu'on a fait des économies sur plein d'autres choses. Et puis il y a d'autres dépenses qui ont augmenté, mais en net c'est 2 milliards de moins. C'est moins que le budget voté 2009 et c'est moins aussi que les dépenses réalisées en 2008. Alors D. Migaud fait un peu des comptes d'apothicaire, parce qu'il me dit que ça doit être recalculé en dehors des dépenses de relance en 2008. Je pense que oui, enfin vous avez raison de le faire. La réalité des choses, c'est que nous avons moins dépensé, que la dépense publique est tenue. La dépense publique en France, pour la Sécurité sociale comme pour l'Etat est parfaitement tenue, on n'a jamais aussi peu progressé en terme de dépenses. Donc elle est parfaitement contrôlée. Pourquoi il y a des déficits et pourquoi ils s'accélèrent ? Simplement parce qu'il y a une chute des recettes spectaculaire. Et ce que je disais aux députés, hier, c'est que les recettes en 2009, elles ont chuté de 53 milliards sur les recettes fiscales alors que dans une année normale, elles augmentent de 10 ou 12. L'écart il est de 65 milliards d'euros, c'est des sommes astronomiques, c'est une somme tout à fait considérable. C'est à ça qu'on doit s'atteler, et la lutte que nous menons, contre la crise, contre le chômage etc., elle passe évidemment par le retour des recettes fiscales.

On va parler pour clore cette émission, d'un autre budget qui est ultra sensible, c'est celui des sondages commandés par l'Elysée. Vous le savez, c'est un petit peu l'affaire du jour. Aujourd'hui, la Commission des Lois va trancher, pour dire si une commission d'enquête peut se pencher sur ces sondages. On rappelle les faits : 3 millions d'euros dépensés par l'Elysée pour des sondages. Est-ce que déjà, sur ce point, ça vous paraît normal ? En quelques mots.

Qu'il ait 3 millions d'euros de dépensé... oui, oui, bien sûr, regardez dans tous les autres pays du monde, allez voir en Allemagne, en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis, je n'en parle pas ! Evidemment les gouvernants, ils ont besoin de sondages. Ou alors, vous ne vous intéressez pas à l'opinion publique. Le président de la République, en plus il va sur le terrain 2 ou 300 fois en deux ans, plus des sondages, plus des discussions, etc. Tout ça sert à forger une décision dans un Etat moderne. En plus, il y a quelque chose de très nouveau, c'est qu'on le sait, c'est qu'auparavant, on ne le savait pas. Il y a toujours eu des sondages donc on le sait, il y a une transparence totale aujourd'hui sur les comptes de l'Elysée, et ils sont soumis à contrôle de la Cour Des Comptes, c'est absolument nouveau.

Est-ce que vous souhaitez qu'il y ait une commission d'enquête ?

Moi, je n'ai pas à me prononcer là-dessus, c'est au Parlement de le dire. Je trouve que cette commission d'enquête n'est pas très bien venue. Parce que je trouve que les députés ont à enquêter sur des sujets nettement plus importants, d'autant plus qu'il y a une transparence totale devant la Cour Des Comptes des dépenses de l'Elysée et c'est nouveau. C'est le président de la République, c'est N. Sarkozy qui a imposé cela. Auparavant, les comptes de l'Elysée n'étaient soumis à aucun contrôle. C'est ça et croyez-moi, il y avait des sondages avant. Sauf qu'aujourd'hui, on sait combien. En plus, le budget des sondages qui est indiqué là, ce budget des sondages est en nette diminution...

3 millions dont 1 million et demi consacré à une société dirigée par un conseiller de l'Elysée, c'est ça qui pose un vrai problème ?

Mais c'est surtout en nette diminution, 3 millions et demi, il y a 2 millions l'année dernière, ou cette année, enfin les volumes de sondages ont diminué, c'est absolument nécessaire que de sonder l'opinion, voilà. Enfin, je trouve ça tellement naturel. Voilà, la commission d'enquête, à mon avis, n'a pas beaucoup d'intérêt, mais si les députés la souhaitent, ils feront une enquête qui ne donnera pas grand-chose, j'imagine, puisque tout est transparent.

On vous a entendu, merci beaucoup E. Woerth.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 novembre 2009