Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur lAmbassadeur,
Mesdames, messieurs,
Je voudrais faire le point à lissue de ce Sommet.
Le Sommet de Washington, qui devait à lorigine célébrer le 50ème anniversaire de lAlliance atlantique, a été en réalité le Sommet de lunité des 19 pays de lAlliance réunis dans un même combat pour la démocratie et pour les droits de lHomme.
Les Etats de lAlliance ont été unanimes à condamner le comportement abominable des dirigeants de Belgrade, qui poursuivent sauvagement leur politique dépuration raciste, leurs massacres, leurs violences. Milosevic na pas changé. Son entêtement meurtrier demeure entier et le nombre de ses victimes ne cesse daugmenter.
Devant cette situation, nos démocraties ont, dune même voix, décidé de confirmer leur stratégie de frappes aériennes, comme la France lavait souhaité, de les amplifier et de diversifier les objectifs afin de paralyser le plus vite possible lappareil de répression serbe.
De même, les mesures dembargo sur les armes et le pétrole nécessaires aux forces serbes ont été décidées par lUnion européenne, puis par lAlliance. La France a souligné limportance du respect du droit international dans la conduite de cette action.
Nous avons aussi décidé de renforcer les moyens mis en uvre par lAlliance pour faire face à la tragédie qui frappe des centaines de milliers de réfugiés, des enfants, des femmes, des hommes, brutalement chassés de chez eux, séparés, ayant tout perdu. Cette tragédie a bouleversé lensemble de nos peuples. Lélan de générosité samplifie. Les associations humanitaires sont de plus en plus présentes et sorganisent. La France demande que lappui de nos armées respecte lindépendance de ces associations, qui souhaitent cette aide, mais qui veulent conserver cette indépendance qui leur est nécessaire.
Nous avons aussi affirmé la volonté, notre volonté de secourir ceux qui sont restés au Kosovo, dans une situation de plus en plus dramatique. Malgré les difficultés techniques, qui sont réelles, la France a demandé que tout soit mis en uvre pour leur venir en aide, notamment par des parachutages de vivres et de médicaments.
Mais la crise a aussi de graves effets sur lensemble de la région et notamment sur lAlbanie et sur la Macédoine. La France avait demandé quun sommet réunisse les Alliés et les sept pays voisins de la Serbie pour examiner avec eux laide que lOTAN doit leur apporter pour assurer leur sécurité. Ce sommet vient davoir lieu. LAlliance se tient aux côtés de ces Etats. Nous sommes décidés à préserver leur stabilité.
La situation du Monténégro a été particulièrement examinée. Et la Serbie doit savoir quelle subirait toutes les conséquences dun coup de force dans cette petite république.
Mais au-delà de lindispensable renforcement de nos actions militaires, au-delà de la solidarité que nous devons à ceux qui souffrent, il y a la nécessaire recherche dune solution politique. Les efforts des Alliés doivent se conjuguer avec ceux de lONU, et aussi avec ceux de la Russie qui, vous le savez, tente de convaincre Belgrade de revenir à la raison.
Enfin, la France a réaffirmé la vocation et la volonté de lEurope à jouer un rôle déterminant dans la mise en uvre, le moment venu, dune solution durable.
A Washington, jai pu mesurer combien la voix de la France, deuxième puissance par les moyens engagés, était renforcée par lunité évidente du peuple français, cette unité dont il fait preuve depuis le début du conflit. La détermination et la mobilisation de la France pour la défense des droits de lHomme, pour la défense des libertés, donnent à notre pays une place éminente en Europe et dans le monde. Cette unité du peuple français impressionne et je tiens, ce soir, à la saluer.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
QUESTION Monsieur le Président, vous avez parlé de la nécessité de respecter le droit international en matière dembargo pétrolier qui frappe la Serbie. Est-ce que vous pourriez nous préciser, est-ce que cela signifie quon ne peut pas arraisonner, par exemple, un bateau dun pays tiers qui ambitionnerait de ravitailler en pétrole la Serbie, via le Monténégro. Est-ce que ces précisions ont été apportées lors de vos discussions, ou est-ce que cest resté un peu dans le flou ou dans une, disons, définition future au niveau militaire ?
LE PRESIDENT Il y a dabord lembargo, il y a ensuite linspection. Pour lembargo, les choses claires. LUnion européenne a été unanime à décider un embargo à légard de la Serbie, elle a demandé à tous les peuples et particulièrement tous ceux qui ont un accord avec elle, et qui sont assez nombreux, de respecter cet embargo. Les pays de lAlliance ont fait de même. Il y a donc un embargo auquel souscrit un nombre important de pays, et notamment de pays producteurs. Il y a ensuite le problème de linspection, cest-à-dire que se passe-t-il si un bateau appartenant à un pays nayant pas souscrit à lembargo veut ravitailler directement, ou indirectement, la Serbie. Sur ce point, il y a des règles internationales, un droit international. Jai dit tout à lheure que la France avait rappelé que ce droit devait être respecté. Comme ces affaires sont toujours complexes, les responsables militaires, et le Secrétaire Général,
M. Solana, la rappelé tout à lheure, ont décidé, avec les responsables politiques, dexaminer lensemble de la situation pour voir comment ces mesures éventuelles dinspection pourraient être mises en uvre dans le respect du droit international.
QUESTION Monsieur le Président, au début de cette opération de frappes aériennes, lordre de marche a été donné de la manière suivante, cest-à-dire quon faisait une opération phasée, en trois phases : phase un, destruction des capacités militaires pour le Kosovo, deuxièmement, on allait beaucoup plus loin au sud du 44ème parallèle, et après, on frappait toutes les capacités militaires de la Serbie au sud et au nord du 44ème parallèle. Il semble, pour lobservateur que je suis, que nous avons complètement bouleversé cet ordre de marche qui était donné au départ. Alors, je voudrais savoir si, de votre avis, nous sommes toujours dans cette phase, définie dans le mandat donné par le Conseil atlantique aux forces de lOTAN, ou si nous allons progressivement, et sans nous en apercevoir, passer dans cette fameuse phase trois ?
LE PRESIDENT Pour le moment nous ne sommes pas passés dans la phase trois, et dailleurs, cela na pas été proposé par les autorités militaires. Ceci étant, je vous lai dit tout à lheure, nous avons décidé dintensifier nos frappes et de diversifier les objectifs. Ce qui ne suppose pas, dans létat actuel des choses, le passage à la phase trois, qui aurait, naturellement, aussi, une signification politique. Alors, nous en sommes là.
QUESTION Monsieur le Président, vous avez insisté ce matin, lOTAN a apporté sa garantie de sécurité, en quelque sorte, aux pays voisins de la Serbie. Il y a déjà eu des accrochages, des bombardements, des actions militaires des troupes serbes dans le nord de lAlbanie et le long de la frontière macédonienne. Comment les pays de lOTAN entendent-ils garantir la stabilité et la sécurité de ces pays voisins, en cas de visées agressives serbes, sans envisager des opérations au sol, terrestres, de défense de ces pays. Et est-ce que lon envisage ces opérations terrestres, et est-ce que lon sy prépare ?
LE PRESIDENT Je me permets de vous dire que lOTAN na pas garanti la sécurité, je veux dire au sens que le droit donnerait à cette affirmation. Car, si tel était le cas, nous assisterions, en réalité, de facto, à un élargissement de lOTAN, et cela na pas été décidé. LOTAN a tenu à entendre aujourdhui les sept pays concernés, cest-à-dire les sept pays voisins de la RFY, pour dabord comprendre leurs problèmes, mieux savoir leurs sentiments, pour créer avec eux les liens nécessaires pour mettre en uvre, le cas échéant, si len était besoin, des mesures qui seraient de nature à préserver leur stabilité. Nous en sommes là. Et donc, il nest pas question, dans létat actuel des choses, dopérations militaires et, a fortiori, dopérations terrestres.
QUESTION Hier, en écoutant la conférence de presse de Bill Clinton, ni dans son propos liminaire, ni dans aucune des réponses aux questions, il na fait référence à lONU et à ce dont vous vous félicitiez hier. Est-ce que vous avez des assurances que, au-delà du texte dhier, dans les faits, les Etats-Unis auront, dans lavenir, la même exigence que nous, quant au préalable accord de lONU pour les actions de lOTAN dans le futur ?
LE PRESIDENT Cher Monsieur, ce qui est important, cest ce qui est dans les textes. Car les textes traduisent un engagement politique, et ne sont pas susceptibles, naturellement, dêtre mis en cause. Donc, ensuite, chacun souligne ce qui lintéresse ou ce quil veut développer. Mais la seule chose qui compte, ce sont les engagements pris par écrit, les textes qui sont signés par les chefs dEtat et de Gouvernement. Alors, je vous laisse le soin de lire les textes, et vous serez, de ce point de vue, tout à fait rassuré sur les dispositions qui ont été arrêtées. Et, je lai dit, et je voudrais le répéter aujourdhui, qui ont été arrêtées, grâce, pour lessentiel, à un effort très remarquable réalisé par la diplomatie française.
QUESTION Monsieur le Président, combien de réfugiés pourrions-nous accueillir en plus, en Europe, provisoirement peut-être, au cas où dautres civils sortiraient du Kosovo ? Et, pendant ce Sommet, les médias américains ont beaucoup montré dautres images de guerre dans une école du Colorado, avec des risques, dit-on ici, que cela se répète ailleurs. Sommes-nous à labri en France, et croyez-vous que lon fasse bien le travail dexplication sur les images de violence, juste ou injuste ?
LE PRESIDENT Je ne pense pas que le nombre de réfugiés qui peuvent être accueillis soit prédéterminé. Je sais que certains avaient imaginé, à un moment, de définir une sorte de quota, que lon pourrait ainsi réévaluer ou réajuster en fonction des circonstances. Le problème, cest que peu nombreux sont les réfugiés, pour des raisons évidentes, qui veulent séloigner de chez eux. Ils conservent plus ou moins, pour la plupart dentre eux, chevillé au cur et au corps, lespoir de retrouver leur maison. Et ils ont le sentiment que les efforts réalisés par la communauté internationale pour rétablir les droits de lHomme au Kosovo leur permettront de retrouver leur terre. Et donc le nombre de ceux qui, pour des raisons personnelles, souhaitent partir est un nombre assez faible, finalement. La France a pris une position très ouverte dans ce domaine, qui consiste à accueillir tous ceux qui le demandent, qui expriment la volonté de venir, généralement parce quils ont de la famille. Alors, je ne pense pas que ce nombre soit destiné à augmenter beaucoup. En tous les cas, la France a clairement dit sa disponibilité à accueillir ceux qui voudraient venir. Le drame qui sest passé dans une école du Colorado est un drame, je ne dirais pas spécifiquement américain, puisquaussi bien des drames de cette nature existent un peu partout, pas les mêmes, mais de la même nature. Cest le drame de la violence, qui sexprime dune façon ou dune autre. Alors, il est probable que, sur le plan spécifiquement américain, la législation très ouverte sur les armes mériterait probablement dêtre réexaminée. Je ne veux pas faire dingérence dans les affaires américaines, mais enfin cest une observation que lon peut imaginer. Heureusement, notre législation en Europe, en général, et en France en particulier, de ce point de vue, est beaucoup plus limitative et restrictive. Dautre part, il est certain que les spectacles, au sens le plus large du terme, de violence, qui sont, je dirais, probablement de plus en plus servis aux jeunes, de plus en plus jeunes, ne peuvent qualler dans le sens du développement de ces mauvais instincts. Pour ma part, je le déplore.
QUESTION Monsieur le Président, vous avez dit que la France demande à ce que lon puisse faire des parachutages de produits alimentaires au Kosovo. Je sais que les Etats-Unis avaient exprimé des préoccupations sur la sécurité des pilotes. Pouvez-vous nous dire que ce quont dit les autres dirigeants de lAlliance à ce sujet ? Et, deuxièmement, doit-il y avoir une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies avant quaucune force de sécurité internationale ne puisse pénétrer au Kosovo ?
LE PRESIDENT Le texte qui a été adopté par le Sommet, vendredi, sur le Kosovo prévoit effectivement quune résolution du Conseil de Sécurité déterminera les conditions de déploiement au Kosovo dune force de paix et de sécurité. Sagissant des parachutages, cest vrai que la France a été très militante pour cette idée, tout en ayant parfaitement conscience des difficultés techniques quelle représente. Mais cette idée a été adoptée, sur la proposition de la France, par lensemble des chefs dEtat et de Gouvernement. Il appartient maintenant aux autorités militaires de lOTAN de déterminer les conditions, je le répète, très difficiles de mise en uvre de cette action. Jespère quelle sera la plus rapide possible, et la plus efficace possible.
QUESTION Monsieur le Président, depuis le début de ce Sommet, on prétend que les frappes aériennes, cest la stratégie qui est adaptée à la situation, et cest une stratégie qui fonctionne. Quest-ce qui permet de dire que les frappes apportent des résultats ?
LE PRESIDENT Lobservation des choses. Nous voyons, aujourdhui, que ces frappes ont dabord commencé à paralyser sérieusement le système de commandement et de communication serbe. Deuxièmement, elles ont obligé, pratiquement, les forces serbes au Kosovo à sarrêter, à sinstaller. Elles ont perdu leur mobilité, ce qui était tout à fait capital. Elles nont plus aucune mobilité. Troisièmement, ces frappes ont pour conséquence que ces forces serbes, notamment au Kosovo, sont maintenant pratiquement, pas totalement coupées de leurs bases, et donc de leur ravitaillement. Et je nai pas besoin de vous dire que des unités militaires blindées qui sont coupées de leur ravitaillement, les unités en général, mais des unités militaires blindées coupées de leur ravitaillement, deviennent rapidement inefficaces. Donc, si vous voulez, la paralysie du système, létouffement du système de répression serbe est en bonne voie. Il nest pas terminé, il faut poursuivre, mais il est en bonne voie. Et cette constatation justifie que, unanimes, les pays de lAlliance ont considéré quil ny avait pas lieu de changer de stratégie et quil fallait poursuivre la stratégie des frappes aériennes, tout en ayant conscience, je le disais tout à lheure, de la nécessité damplifier ces frappes et de diversifier les objectifs retenus..
QUESTION M. le Président, les Américains envoient des renforts militaires en Albanie, les Britanniques et les Allemands vont envoyer chacun 2000 hommes en Macédoine, en renfort. Est-ce que la France entend faire de même, et nest-ce pas un moyen déguisé de préparer une intervention au sol ?
LE PRESIDENT Dabord, la France a anticipé, si jose dire, par rapport à dautres et comme vous le savez elle avait déjà envoyé en Macédoine des troupes qui représentaient à peu près la moitié de lensemble du corps de Macédoine. La France na pas lintention de poursuivre et den envoyer, sauf si cétait naturellement nécessaire. Les troupes qui ont été envoyées par les Américains, par les Anglais, par les Allemands, ici ou là, et en particulier en Albanie, sont des troupes qui avaient pour objet, soit de faciliter les opérations humanitaires, soit de protéger les unités qui viennent en appui des frappes aériennes. Je pense notamment aux soldats américains qui sont arrivés en Albanie pour assurer, et ils sont nombreux 2000 ou 3000, la mise en uvre du système des hélicoptères Apache et des MLRS qui sont destinés à les protéger. Tout ceci exigeant du monde. Donc aucune de ces troupes na été envoyée là bas avec la mission, ni dailleurs avec les équipements qui seraient destinés à en faire des troupes dintervention terrestre ; Il ny a aucun rapport.
QUESTION Je voudrais revenir à lembargo pétrolier, vous avez dit que ce sommet était un sommet de lunité. Ne craignez-vous pas que cette unité ait été quelque peu entachée par les divergences qui sont apparues sur les conditions dapplication de lembargo pétrolier ? Deuxième question , dans le même domaine, que se passera-t-il si, demain, un navire sapproche du port de Bar au Monténégro, en particulier un navire russe, ce qui peut être probable dans la mesure ou la Russie était le principal fournisseur de pétrole de la Serbie ?
LE PRESIDENT Je voudrais dabord vous dire que lunité, cest le sentiment que chacun a retenu comme élément fort de lensemble de ces discussions. Cela a été vrai au niveau des Chefs dEtat et de Gouvernement, cela a été vrai, je le dis devant le ministre des Affaires étrangères, qui me le confirmait ce matin même, au niveau des réunions qui ont lieu entre ministres des Affaires étrangères, là où il se passe les choses les plus importantes, en général, puisque cest la mise en uvre des politiques. Cest vraiment lunité. Je veux dire que je nai pas le souvenir de sommets, quelle que soit leur nature, où il y nait eu aucune divergence de vue, pratiquement, exprimée en assemblée générale. Ce qui ne veut pas dire naturellement quavant, dans la préparation diplomatique des décisions, les experts naient pas eu à affronter leurs points de vue, de façon à arrêter les positions. Donc, cest vraiment lunité, je crois quil faut vraiment le souligner. Sur, non pas lembargo, je le répète, sur lembargo il ny a aucune discussion de qui que ce soit, sur lutilisation des moyens dinspection, cest sur ce point quil y a discussion au niveau des militaires. Que peut-on faire, et comment, pour à la fois respecter le droit international et assurer lefficacité de la rupture dapprovisionnement en produits pétroliers ou en armes, du régime de Belgrade. Là, il y a des discussions techniques, cest vrai. Ne me demandez pas de vous dire comment on va faire, dabord parce que ce nest pas encore décidé, et que cela, cest vraiment un problème qui relève de la compétence des militaires. Mais contrairement à ce que jai pu entendre ici ou là, cela na pas du tout fait lobjet de divergences de vues entre les responsables politiques, ministres, Chefs dEtat ou Chefs de Gouvernement.
QUESTION Gerhard Schroeder a proposé, il y a un ou deux jours, un plan Marshall, pour les Balkans. Est-ce quil a eu loccasion de vous préciser ses propositions, ce quil y avait dans cette proposition. Et, dautre part, comment peut-on aider le Kosovo et le Monténégro étant donné que dans létat actuel des choses, ils font toujours partie de la République Fédérale de Yougoslavie ?
LE PRESIDENT Le Chancelier allemand a fait une proposition que la France a immédiatement soutenue, et qui est une bonne proposition, qui consiste à faire une conférence sur les Balkans, suivie de la mise en uvre dun pacte pour la stabilité et le développement, je crois que cest le nom exact, des Balkans. Et pour illustrer sa pensée, il a effectivement utilisé le mot "plan Marshall ", cétait pour illustrer sa pensée, pour dire quel était lobjectif quil se donnait. Car, naturellement, il ne sagit pas de répéter lopération du plan Marshall. Nous sommes tout à fait favorables au plan du Chancelier allemand, et nous lavons soutenu, et je lai encore dit ce matin.
QUESTION - Quest-ce quon met dedans ?
LE PRESIDENT Premièrement, ce nest pas une action immédiate. Il faut dabord quil y ait le retour à la paix, quune solution politique durable ait été trouvée dans la région A partir de là, cette région présentant un certain nombre de caractéristiques politiques, économiques, et sociales qui exigent, je dirais, un effort de solidarité pour renforcer sa stabilité et assurer son développement, il faudra, tous ensemble, avec ces pays, et la réunion que nous avons eue aujourdhui préfigure un peu en quelque sorte ce qui se passera, il faudra voir comment on peut mettre en uvre une politique de stabilité et de développement. Cest cela lobjet de la conférence, dabord, et du pacte, ensuite, auxquels le Chancelier allemand se réfère, et que nous approuvons. Mais il est prématuré de dire ce que lon fera et comment on le fera. Cest lexpression dune volonté, dune solidarité pour la stabilité et le développement de cette région.
QUESTION Quand vous évoquiez, tout à lheure, les forces de répression serbes, vous évoquiez les forces terrestres. Or il semblerait que depuis quelques jours les forces aériennes de la République Fédérale de Yougoslavie, avions et hélicoptères, aient repris des opérations de répression contre les réfugiés. Je voudrais savoir si vous pensez que cette information est exacte, si lAlliance a reçu des instructions pour faire en sorte que ces vols cessent et si, dans cette hypothèse, les Français mettraient des moyens supplémentaires pour mener de telles opérations ?
LE PRESIDENT Je voudrais dabord vous dire que la France est le deuxième contributeur militaire au niveau de limportance des moyens mis à la disposition des Alliés dans cette opération du Kosovo. Et il nest pas exclu que, si on lui demande, elle augmente encore sa contribution, en avions ou en autres moyens.
Deuxièmement, sagissant des forces aériennes serbes, on ne les a pas découvertes aujourdhui. Tout à lheure, votre confrère faisait allusion à la phase un, qui précisément a eu pour objet de viser à la fois les défenses anti-aériennes serbes, -cest-à-dire les missiles sol-air-, et les avions et les aérodromes. Cela a été les premiers objectifs. Et, effectivement, les objectifs ont été très largement atteints, et lon peut dire quune part importante de la capacité en matière de défense anti-aérienne comme en matière aéronautique des forces serbes a été anéantie. Alors, naturellement, il reste des moyens, ceux qui ont été dissimulés, ceux qui nont pas été atteints. Cest vrai pour un certain nombre de missiles, mais vous aurez observé que déjà, à partir dune certaine altitude, nous avons la maîtrise totale de lespace aérien. Ce nest quen dessous dune certaine altitude que nous ne lavons plus, à cause notamment des missiles sol-air, plus quà cause des avions. Encore que les Serbes en ont encore quelques-uns. Enfin, je ne dirais pas que cest de là que vient le danger principal.
QUESTION Après un mois de frappes aériennes, est-ce quil y a des signes tangibles daffaiblissement du régime du Président Milosevic. On dit quil fait le ménage à un rythme assez accéléré parmi ses généraux. Quen est-il exactement, est-ce quon a des indications ?
LE PRESIDENT Notre objectif cest laffaiblissement des forces de répression, cest-à-dire essentiellement des forces militaires, paramilitaires ou des forces de police, de leurs moyens et naturellement des moyens de commandement et de communication qui permettent dutiliser ces forces dans le but quhélas nous connaissons. Il y a incontestablement un affaiblissement de ces capacités, et on le ressent jour après jour. Jajoute que les choses saccélèrent toujours. Au début, un certain nombre de choses peuvent être visées et détruites, mais ce nest pas pour autant que cela met en cause la capacité générale daction et de répression. Puis, plus cette capacité est atteinte et plus lefficacité, plus que proportionnellement, est accrue. Nous sommes arrivés, je crois, à la période ou chaque coup porté prend vraiment de limportance et a des conséquences. Autrement dit, le même coup, porté aujourdhui, est évidemment beaucoup plus efficace que porté il y a un mois. Parce que le système saffaiblit. Donc, oui, je crois quon peut parler daffaiblissement.
QUESTION Durant ces deux mois, est-ce que vous pensez que le Président Milosevic a été suffisamment affaibli pour envoyer une force internationale même si les Russes ne sont pas totalement avec vous. Insisterez-vous quand même pour que le Conseil de Sécurité approuve un tel déploiement, même si le reste de vos Alliés insistent pour dire que lheure est venue dy aller, même sil y a un veto russe, ou non ?
LE PRESIDENT Chère Madame, je ne suis pas sûr que votre question soit tout à fait dactualité. Dabord parce que personne na discuté au cours de ce sommet dun changement de stratégie. La stratégie utilisée a été confirmée, cest-à-dire quil nest pas question, quon na pas étudié un changement de stratégie. Donc, je ne peux pas répondre à votre question. Ensuite, vous avez pu voir que dans une autre partie du sommet, celle qui parlait du concept, nous avons réaffirmé que la décision finale devait appartenir à linstance qui incarne létat de droit international, cest-à-dire au Conseil de Sécurité de lONU. Et donc, sil devait y avoir des décisions de la nature de celles que vous évoquez, il faudrait bien entendu que ce soit discuté au niveau du Conseil de Sécurité.
Je vous remercie
Monsieur lAmbassadeur,
Mesdames, messieurs,
Je voudrais faire le point à lissue de ce Sommet.
Le Sommet de Washington, qui devait à lorigine célébrer le 50ème anniversaire de lAlliance atlantique, a été en réalité le Sommet de lunité des 19 pays de lAlliance réunis dans un même combat pour la démocratie et pour les droits de lHomme.
Les Etats de lAlliance ont été unanimes à condamner le comportement abominable des dirigeants de Belgrade, qui poursuivent sauvagement leur politique dépuration raciste, leurs massacres, leurs violences. Milosevic na pas changé. Son entêtement meurtrier demeure entier et le nombre de ses victimes ne cesse daugmenter.
Devant cette situation, nos démocraties ont, dune même voix, décidé de confirmer leur stratégie de frappes aériennes, comme la France lavait souhaité, de les amplifier et de diversifier les objectifs afin de paralyser le plus vite possible lappareil de répression serbe.
De même, les mesures dembargo sur les armes et le pétrole nécessaires aux forces serbes ont été décidées par lUnion européenne, puis par lAlliance. La France a souligné limportance du respect du droit international dans la conduite de cette action.
Nous avons aussi décidé de renforcer les moyens mis en uvre par lAlliance pour faire face à la tragédie qui frappe des centaines de milliers de réfugiés, des enfants, des femmes, des hommes, brutalement chassés de chez eux, séparés, ayant tout perdu. Cette tragédie a bouleversé lensemble de nos peuples. Lélan de générosité samplifie. Les associations humanitaires sont de plus en plus présentes et sorganisent. La France demande que lappui de nos armées respecte lindépendance de ces associations, qui souhaitent cette aide, mais qui veulent conserver cette indépendance qui leur est nécessaire.
Nous avons aussi affirmé la volonté, notre volonté de secourir ceux qui sont restés au Kosovo, dans une situation de plus en plus dramatique. Malgré les difficultés techniques, qui sont réelles, la France a demandé que tout soit mis en uvre pour leur venir en aide, notamment par des parachutages de vivres et de médicaments.
Mais la crise a aussi de graves effets sur lensemble de la région et notamment sur lAlbanie et sur la Macédoine. La France avait demandé quun sommet réunisse les Alliés et les sept pays voisins de la Serbie pour examiner avec eux laide que lOTAN doit leur apporter pour assurer leur sécurité. Ce sommet vient davoir lieu. LAlliance se tient aux côtés de ces Etats. Nous sommes décidés à préserver leur stabilité.
La situation du Monténégro a été particulièrement examinée. Et la Serbie doit savoir quelle subirait toutes les conséquences dun coup de force dans cette petite république.
Mais au-delà de lindispensable renforcement de nos actions militaires, au-delà de la solidarité que nous devons à ceux qui souffrent, il y a la nécessaire recherche dune solution politique. Les efforts des Alliés doivent se conjuguer avec ceux de lONU, et aussi avec ceux de la Russie qui, vous le savez, tente de convaincre Belgrade de revenir à la raison.
Enfin, la France a réaffirmé la vocation et la volonté de lEurope à jouer un rôle déterminant dans la mise en uvre, le moment venu, dune solution durable.
A Washington, jai pu mesurer combien la voix de la France, deuxième puissance par les moyens engagés, était renforcée par lunité évidente du peuple français, cette unité dont il fait preuve depuis le début du conflit. La détermination et la mobilisation de la France pour la défense des droits de lHomme, pour la défense des libertés, donnent à notre pays une place éminente en Europe et dans le monde. Cette unité du peuple français impressionne et je tiens, ce soir, à la saluer.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
QUESTION Monsieur le Président, vous avez parlé de la nécessité de respecter le droit international en matière dembargo pétrolier qui frappe la Serbie. Est-ce que vous pourriez nous préciser, est-ce que cela signifie quon ne peut pas arraisonner, par exemple, un bateau dun pays tiers qui ambitionnerait de ravitailler en pétrole la Serbie, via le Monténégro. Est-ce que ces précisions ont été apportées lors de vos discussions, ou est-ce que cest resté un peu dans le flou ou dans une, disons, définition future au niveau militaire ?
LE PRESIDENT Il y a dabord lembargo, il y a ensuite linspection. Pour lembargo, les choses claires. LUnion européenne a été unanime à décider un embargo à légard de la Serbie, elle a demandé à tous les peuples et particulièrement tous ceux qui ont un accord avec elle, et qui sont assez nombreux, de respecter cet embargo. Les pays de lAlliance ont fait de même. Il y a donc un embargo auquel souscrit un nombre important de pays, et notamment de pays producteurs. Il y a ensuite le problème de linspection, cest-à-dire que se passe-t-il si un bateau appartenant à un pays nayant pas souscrit à lembargo veut ravitailler directement, ou indirectement, la Serbie. Sur ce point, il y a des règles internationales, un droit international. Jai dit tout à lheure que la France avait rappelé que ce droit devait être respecté. Comme ces affaires sont toujours complexes, les responsables militaires, et le Secrétaire Général,
M. Solana, la rappelé tout à lheure, ont décidé, avec les responsables politiques, dexaminer lensemble de la situation pour voir comment ces mesures éventuelles dinspection pourraient être mises en uvre dans le respect du droit international.
QUESTION Monsieur le Président, au début de cette opération de frappes aériennes, lordre de marche a été donné de la manière suivante, cest-à-dire quon faisait une opération phasée, en trois phases : phase un, destruction des capacités militaires pour le Kosovo, deuxièmement, on allait beaucoup plus loin au sud du 44ème parallèle, et après, on frappait toutes les capacités militaires de la Serbie au sud et au nord du 44ème parallèle. Il semble, pour lobservateur que je suis, que nous avons complètement bouleversé cet ordre de marche qui était donné au départ. Alors, je voudrais savoir si, de votre avis, nous sommes toujours dans cette phase, définie dans le mandat donné par le Conseil atlantique aux forces de lOTAN, ou si nous allons progressivement, et sans nous en apercevoir, passer dans cette fameuse phase trois ?
LE PRESIDENT Pour le moment nous ne sommes pas passés dans la phase trois, et dailleurs, cela na pas été proposé par les autorités militaires. Ceci étant, je vous lai dit tout à lheure, nous avons décidé dintensifier nos frappes et de diversifier les objectifs. Ce qui ne suppose pas, dans létat actuel des choses, le passage à la phase trois, qui aurait, naturellement, aussi, une signification politique. Alors, nous en sommes là.
QUESTION Monsieur le Président, vous avez insisté ce matin, lOTAN a apporté sa garantie de sécurité, en quelque sorte, aux pays voisins de la Serbie. Il y a déjà eu des accrochages, des bombardements, des actions militaires des troupes serbes dans le nord de lAlbanie et le long de la frontière macédonienne. Comment les pays de lOTAN entendent-ils garantir la stabilité et la sécurité de ces pays voisins, en cas de visées agressives serbes, sans envisager des opérations au sol, terrestres, de défense de ces pays. Et est-ce que lon envisage ces opérations terrestres, et est-ce que lon sy prépare ?
LE PRESIDENT Je me permets de vous dire que lOTAN na pas garanti la sécurité, je veux dire au sens que le droit donnerait à cette affirmation. Car, si tel était le cas, nous assisterions, en réalité, de facto, à un élargissement de lOTAN, et cela na pas été décidé. LOTAN a tenu à entendre aujourdhui les sept pays concernés, cest-à-dire les sept pays voisins de la RFY, pour dabord comprendre leurs problèmes, mieux savoir leurs sentiments, pour créer avec eux les liens nécessaires pour mettre en uvre, le cas échéant, si len était besoin, des mesures qui seraient de nature à préserver leur stabilité. Nous en sommes là. Et donc, il nest pas question, dans létat actuel des choses, dopérations militaires et, a fortiori, dopérations terrestres.
QUESTION Hier, en écoutant la conférence de presse de Bill Clinton, ni dans son propos liminaire, ni dans aucune des réponses aux questions, il na fait référence à lONU et à ce dont vous vous félicitiez hier. Est-ce que vous avez des assurances que, au-delà du texte dhier, dans les faits, les Etats-Unis auront, dans lavenir, la même exigence que nous, quant au préalable accord de lONU pour les actions de lOTAN dans le futur ?
LE PRESIDENT Cher Monsieur, ce qui est important, cest ce qui est dans les textes. Car les textes traduisent un engagement politique, et ne sont pas susceptibles, naturellement, dêtre mis en cause. Donc, ensuite, chacun souligne ce qui lintéresse ou ce quil veut développer. Mais la seule chose qui compte, ce sont les engagements pris par écrit, les textes qui sont signés par les chefs dEtat et de Gouvernement. Alors, je vous laisse le soin de lire les textes, et vous serez, de ce point de vue, tout à fait rassuré sur les dispositions qui ont été arrêtées. Et, je lai dit, et je voudrais le répéter aujourdhui, qui ont été arrêtées, grâce, pour lessentiel, à un effort très remarquable réalisé par la diplomatie française.
QUESTION Monsieur le Président, combien de réfugiés pourrions-nous accueillir en plus, en Europe, provisoirement peut-être, au cas où dautres civils sortiraient du Kosovo ? Et, pendant ce Sommet, les médias américains ont beaucoup montré dautres images de guerre dans une école du Colorado, avec des risques, dit-on ici, que cela se répète ailleurs. Sommes-nous à labri en France, et croyez-vous que lon fasse bien le travail dexplication sur les images de violence, juste ou injuste ?
LE PRESIDENT Je ne pense pas que le nombre de réfugiés qui peuvent être accueillis soit prédéterminé. Je sais que certains avaient imaginé, à un moment, de définir une sorte de quota, que lon pourrait ainsi réévaluer ou réajuster en fonction des circonstances. Le problème, cest que peu nombreux sont les réfugiés, pour des raisons évidentes, qui veulent séloigner de chez eux. Ils conservent plus ou moins, pour la plupart dentre eux, chevillé au cur et au corps, lespoir de retrouver leur maison. Et ils ont le sentiment que les efforts réalisés par la communauté internationale pour rétablir les droits de lHomme au Kosovo leur permettront de retrouver leur terre. Et donc le nombre de ceux qui, pour des raisons personnelles, souhaitent partir est un nombre assez faible, finalement. La France a pris une position très ouverte dans ce domaine, qui consiste à accueillir tous ceux qui le demandent, qui expriment la volonté de venir, généralement parce quils ont de la famille. Alors, je ne pense pas que ce nombre soit destiné à augmenter beaucoup. En tous les cas, la France a clairement dit sa disponibilité à accueillir ceux qui voudraient venir. Le drame qui sest passé dans une école du Colorado est un drame, je ne dirais pas spécifiquement américain, puisquaussi bien des drames de cette nature existent un peu partout, pas les mêmes, mais de la même nature. Cest le drame de la violence, qui sexprime dune façon ou dune autre. Alors, il est probable que, sur le plan spécifiquement américain, la législation très ouverte sur les armes mériterait probablement dêtre réexaminée. Je ne veux pas faire dingérence dans les affaires américaines, mais enfin cest une observation que lon peut imaginer. Heureusement, notre législation en Europe, en général, et en France en particulier, de ce point de vue, est beaucoup plus limitative et restrictive. Dautre part, il est certain que les spectacles, au sens le plus large du terme, de violence, qui sont, je dirais, probablement de plus en plus servis aux jeunes, de plus en plus jeunes, ne peuvent qualler dans le sens du développement de ces mauvais instincts. Pour ma part, je le déplore.
QUESTION Monsieur le Président, vous avez dit que la France demande à ce que lon puisse faire des parachutages de produits alimentaires au Kosovo. Je sais que les Etats-Unis avaient exprimé des préoccupations sur la sécurité des pilotes. Pouvez-vous nous dire que ce quont dit les autres dirigeants de lAlliance à ce sujet ? Et, deuxièmement, doit-il y avoir une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies avant quaucune force de sécurité internationale ne puisse pénétrer au Kosovo ?
LE PRESIDENT Le texte qui a été adopté par le Sommet, vendredi, sur le Kosovo prévoit effectivement quune résolution du Conseil de Sécurité déterminera les conditions de déploiement au Kosovo dune force de paix et de sécurité. Sagissant des parachutages, cest vrai que la France a été très militante pour cette idée, tout en ayant parfaitement conscience des difficultés techniques quelle représente. Mais cette idée a été adoptée, sur la proposition de la France, par lensemble des chefs dEtat et de Gouvernement. Il appartient maintenant aux autorités militaires de lOTAN de déterminer les conditions, je le répète, très difficiles de mise en uvre de cette action. Jespère quelle sera la plus rapide possible, et la plus efficace possible.
QUESTION Monsieur le Président, depuis le début de ce Sommet, on prétend que les frappes aériennes, cest la stratégie qui est adaptée à la situation, et cest une stratégie qui fonctionne. Quest-ce qui permet de dire que les frappes apportent des résultats ?
LE PRESIDENT Lobservation des choses. Nous voyons, aujourdhui, que ces frappes ont dabord commencé à paralyser sérieusement le système de commandement et de communication serbe. Deuxièmement, elles ont obligé, pratiquement, les forces serbes au Kosovo à sarrêter, à sinstaller. Elles ont perdu leur mobilité, ce qui était tout à fait capital. Elles nont plus aucune mobilité. Troisièmement, ces frappes ont pour conséquence que ces forces serbes, notamment au Kosovo, sont maintenant pratiquement, pas totalement coupées de leurs bases, et donc de leur ravitaillement. Et je nai pas besoin de vous dire que des unités militaires blindées qui sont coupées de leur ravitaillement, les unités en général, mais des unités militaires blindées coupées de leur ravitaillement, deviennent rapidement inefficaces. Donc, si vous voulez, la paralysie du système, létouffement du système de répression serbe est en bonne voie. Il nest pas terminé, il faut poursuivre, mais il est en bonne voie. Et cette constatation justifie que, unanimes, les pays de lAlliance ont considéré quil ny avait pas lieu de changer de stratégie et quil fallait poursuivre la stratégie des frappes aériennes, tout en ayant conscience, je le disais tout à lheure, de la nécessité damplifier ces frappes et de diversifier les objectifs retenus..
QUESTION M. le Président, les Américains envoient des renforts militaires en Albanie, les Britanniques et les Allemands vont envoyer chacun 2000 hommes en Macédoine, en renfort. Est-ce que la France entend faire de même, et nest-ce pas un moyen déguisé de préparer une intervention au sol ?
LE PRESIDENT Dabord, la France a anticipé, si jose dire, par rapport à dautres et comme vous le savez elle avait déjà envoyé en Macédoine des troupes qui représentaient à peu près la moitié de lensemble du corps de Macédoine. La France na pas lintention de poursuivre et den envoyer, sauf si cétait naturellement nécessaire. Les troupes qui ont été envoyées par les Américains, par les Anglais, par les Allemands, ici ou là, et en particulier en Albanie, sont des troupes qui avaient pour objet, soit de faciliter les opérations humanitaires, soit de protéger les unités qui viennent en appui des frappes aériennes. Je pense notamment aux soldats américains qui sont arrivés en Albanie pour assurer, et ils sont nombreux 2000 ou 3000, la mise en uvre du système des hélicoptères Apache et des MLRS qui sont destinés à les protéger. Tout ceci exigeant du monde. Donc aucune de ces troupes na été envoyée là bas avec la mission, ni dailleurs avec les équipements qui seraient destinés à en faire des troupes dintervention terrestre ; Il ny a aucun rapport.
QUESTION Je voudrais revenir à lembargo pétrolier, vous avez dit que ce sommet était un sommet de lunité. Ne craignez-vous pas que cette unité ait été quelque peu entachée par les divergences qui sont apparues sur les conditions dapplication de lembargo pétrolier ? Deuxième question , dans le même domaine, que se passera-t-il si, demain, un navire sapproche du port de Bar au Monténégro, en particulier un navire russe, ce qui peut être probable dans la mesure ou la Russie était le principal fournisseur de pétrole de la Serbie ?
LE PRESIDENT Je voudrais dabord vous dire que lunité, cest le sentiment que chacun a retenu comme élément fort de lensemble de ces discussions. Cela a été vrai au niveau des Chefs dEtat et de Gouvernement, cela a été vrai, je le dis devant le ministre des Affaires étrangères, qui me le confirmait ce matin même, au niveau des réunions qui ont lieu entre ministres des Affaires étrangères, là où il se passe les choses les plus importantes, en général, puisque cest la mise en uvre des politiques. Cest vraiment lunité. Je veux dire que je nai pas le souvenir de sommets, quelle que soit leur nature, où il y nait eu aucune divergence de vue, pratiquement, exprimée en assemblée générale. Ce qui ne veut pas dire naturellement quavant, dans la préparation diplomatique des décisions, les experts naient pas eu à affronter leurs points de vue, de façon à arrêter les positions. Donc, cest vraiment lunité, je crois quil faut vraiment le souligner. Sur, non pas lembargo, je le répète, sur lembargo il ny a aucune discussion de qui que ce soit, sur lutilisation des moyens dinspection, cest sur ce point quil y a discussion au niveau des militaires. Que peut-on faire, et comment, pour à la fois respecter le droit international et assurer lefficacité de la rupture dapprovisionnement en produits pétroliers ou en armes, du régime de Belgrade. Là, il y a des discussions techniques, cest vrai. Ne me demandez pas de vous dire comment on va faire, dabord parce que ce nest pas encore décidé, et que cela, cest vraiment un problème qui relève de la compétence des militaires. Mais contrairement à ce que jai pu entendre ici ou là, cela na pas du tout fait lobjet de divergences de vues entre les responsables politiques, ministres, Chefs dEtat ou Chefs de Gouvernement.
QUESTION Gerhard Schroeder a proposé, il y a un ou deux jours, un plan Marshall, pour les Balkans. Est-ce quil a eu loccasion de vous préciser ses propositions, ce quil y avait dans cette proposition. Et, dautre part, comment peut-on aider le Kosovo et le Monténégro étant donné que dans létat actuel des choses, ils font toujours partie de la République Fédérale de Yougoslavie ?
LE PRESIDENT Le Chancelier allemand a fait une proposition que la France a immédiatement soutenue, et qui est une bonne proposition, qui consiste à faire une conférence sur les Balkans, suivie de la mise en uvre dun pacte pour la stabilité et le développement, je crois que cest le nom exact, des Balkans. Et pour illustrer sa pensée, il a effectivement utilisé le mot "plan Marshall ", cétait pour illustrer sa pensée, pour dire quel était lobjectif quil se donnait. Car, naturellement, il ne sagit pas de répéter lopération du plan Marshall. Nous sommes tout à fait favorables au plan du Chancelier allemand, et nous lavons soutenu, et je lai encore dit ce matin.
QUESTION - Quest-ce quon met dedans ?
LE PRESIDENT Premièrement, ce nest pas une action immédiate. Il faut dabord quil y ait le retour à la paix, quune solution politique durable ait été trouvée dans la région A partir de là, cette région présentant un certain nombre de caractéristiques politiques, économiques, et sociales qui exigent, je dirais, un effort de solidarité pour renforcer sa stabilité et assurer son développement, il faudra, tous ensemble, avec ces pays, et la réunion que nous avons eue aujourdhui préfigure un peu en quelque sorte ce qui se passera, il faudra voir comment on peut mettre en uvre une politique de stabilité et de développement. Cest cela lobjet de la conférence, dabord, et du pacte, ensuite, auxquels le Chancelier allemand se réfère, et que nous approuvons. Mais il est prématuré de dire ce que lon fera et comment on le fera. Cest lexpression dune volonté, dune solidarité pour la stabilité et le développement de cette région.
QUESTION Quand vous évoquiez, tout à lheure, les forces de répression serbes, vous évoquiez les forces terrestres. Or il semblerait que depuis quelques jours les forces aériennes de la République Fédérale de Yougoslavie, avions et hélicoptères, aient repris des opérations de répression contre les réfugiés. Je voudrais savoir si vous pensez que cette information est exacte, si lAlliance a reçu des instructions pour faire en sorte que ces vols cessent et si, dans cette hypothèse, les Français mettraient des moyens supplémentaires pour mener de telles opérations ?
LE PRESIDENT Je voudrais dabord vous dire que la France est le deuxième contributeur militaire au niveau de limportance des moyens mis à la disposition des Alliés dans cette opération du Kosovo. Et il nest pas exclu que, si on lui demande, elle augmente encore sa contribution, en avions ou en autres moyens.
Deuxièmement, sagissant des forces aériennes serbes, on ne les a pas découvertes aujourdhui. Tout à lheure, votre confrère faisait allusion à la phase un, qui précisément a eu pour objet de viser à la fois les défenses anti-aériennes serbes, -cest-à-dire les missiles sol-air-, et les avions et les aérodromes. Cela a été les premiers objectifs. Et, effectivement, les objectifs ont été très largement atteints, et lon peut dire quune part importante de la capacité en matière de défense anti-aérienne comme en matière aéronautique des forces serbes a été anéantie. Alors, naturellement, il reste des moyens, ceux qui ont été dissimulés, ceux qui nont pas été atteints. Cest vrai pour un certain nombre de missiles, mais vous aurez observé que déjà, à partir dune certaine altitude, nous avons la maîtrise totale de lespace aérien. Ce nest quen dessous dune certaine altitude que nous ne lavons plus, à cause notamment des missiles sol-air, plus quà cause des avions. Encore que les Serbes en ont encore quelques-uns. Enfin, je ne dirais pas que cest de là que vient le danger principal.
QUESTION Après un mois de frappes aériennes, est-ce quil y a des signes tangibles daffaiblissement du régime du Président Milosevic. On dit quil fait le ménage à un rythme assez accéléré parmi ses généraux. Quen est-il exactement, est-ce quon a des indications ?
LE PRESIDENT Notre objectif cest laffaiblissement des forces de répression, cest-à-dire essentiellement des forces militaires, paramilitaires ou des forces de police, de leurs moyens et naturellement des moyens de commandement et de communication qui permettent dutiliser ces forces dans le but quhélas nous connaissons. Il y a incontestablement un affaiblissement de ces capacités, et on le ressent jour après jour. Jajoute que les choses saccélèrent toujours. Au début, un certain nombre de choses peuvent être visées et détruites, mais ce nest pas pour autant que cela met en cause la capacité générale daction et de répression. Puis, plus cette capacité est atteinte et plus lefficacité, plus que proportionnellement, est accrue. Nous sommes arrivés, je crois, à la période ou chaque coup porté prend vraiment de limportance et a des conséquences. Autrement dit, le même coup, porté aujourdhui, est évidemment beaucoup plus efficace que porté il y a un mois. Parce que le système saffaiblit. Donc, oui, je crois quon peut parler daffaiblissement.
QUESTION Durant ces deux mois, est-ce que vous pensez que le Président Milosevic a été suffisamment affaibli pour envoyer une force internationale même si les Russes ne sont pas totalement avec vous. Insisterez-vous quand même pour que le Conseil de Sécurité approuve un tel déploiement, même si le reste de vos Alliés insistent pour dire que lheure est venue dy aller, même sil y a un veto russe, ou non ?
LE PRESIDENT Chère Madame, je ne suis pas sûr que votre question soit tout à fait dactualité. Dabord parce que personne na discuté au cours de ce sommet dun changement de stratégie. La stratégie utilisée a été confirmée, cest-à-dire quil nest pas question, quon na pas étudié un changement de stratégie. Donc, je ne peux pas répondre à votre question. Ensuite, vous avez pu voir que dans une autre partie du sommet, celle qui parlait du concept, nous avons réaffirmé que la décision finale devait appartenir à linstance qui incarne létat de droit international, cest-à-dire au Conseil de Sécurité de lONU. Et donc, sil devait y avoir des décisions de la nature de celles que vous évoquez, il faudrait bien entendu que ce soit discuté au niveau du Conseil de Sécurité.
Je vous remercie