Déclaration de M. Gérard Larcher, président du Sénat, sur l'état d'avancement du dossier de la réforme des collectivités territoriales et de celui de la taxe professionnelle, Caen le 9 novembre 2009.

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Circonstance : Assemblée générale de l'Union amicale des maires du Calvados, à Caen le 9 novembre 2009

Texte intégral

Monsieur le Sénateur Maire, et Président de l'Union Amicale des Maires du Calvados, Ambroise DUPONT,
Monsieur le Préfet (Christian LEYRIT, préfet du Calvados et de la région Basse-Normandie, ancien préfet du Val d'Oise 2004-2007, de Corse-du-Sud et de la région Corse, 2007-2008, origine Ingénieur des Ponts et Chaussées, 1973 DRE Ile-de-France, Directeur des Routes en 1993),
Monsieur le Député-maire de Caen,
Mesdames et messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Conseillers,
Mesdames, Messieurs les Maires,
Monsieur le Président du Conseil régional,
C'est pour moi un grand plaisir d'être parmi vous sur ces terres de Basse-Normandie, auxquelles je suis attaché par des liens familiaux et éducatifs très forts.
Je n'ignore pas les difficultés du moment que traverse la Normandie (crise agricole, interrogation sur l'industrie automobile...). Je sais l'engagement des élus et la détermination des acteurs économiques. Je ne doute pas de la capacité à rebondir lorsque la reprise se confirmera.
Ces difficultés ne doivent pas nous faire oublier que Le Calvados, c'est un équilibre réussi entre la tradition et la modernité, entre la préservation du patrimoine rural et le dynamisme de projets d'avenir. Je sais, cher collègue sénateur (cher Ambroise DUPONT), que le Festival des AOC de Normandie vous doit beaucoup, ainsi que les « Equidays », qui se sont tenus tout récemment en octobre.
Le festival comprend des épreuves de saut d'obstacles, une très noble discipline équestre, qui nous introduit directement dans notre sujet de ce jour : la réforme de l'organisation territoriale de notre pays et ses épreuves spécifiques de saut d'obstacles.
Mais avant de vous livrer l'état d'avancement de ce dossier, et la position du Sénat, puisque la Constitution a fait du Sénat le représentant des collectivités territoriales, permettez-moi de vous adresser mes remerciements pour votre invitation.
Je sais que beaucoup d'entre vous se sont pleinement investis dans l'effort de modernisation des territoires, et dans la réflexion au sujet de leur avenir. Merci pour vos réflexions, vos interrogations, et vos propositions, qui ont été largement prises en compte dans la préparation de la réforme territoriale au Sénat.
Alors où en sommes-nous aujourd'hui ?
Tout d'abord en préliminaire, puisque nous sommes en assemblée des Maires, je souhaite d'emblée vous dire que le maire apparaît au terme de cette longue période de réflexion et de concertation comme l'élément incontournable de notre organisation territoriale.
Il y a une volonté consensuelle de conforter la commune, fondement de la démocratie locale, dans l'ensemble territorial où elle s'insère, et la compétence générale du maire.
La commune est l'échelon de proximité, le berceau de la démocratie. Le maire est la personnalité politique préférée des Français.
Le citoyen connaît son Maire et le Président de la République.
Venons-en sur le fond du dossier de la réforme territoriale.
J'articulerai mon propos sur l'état d'avancement du dossier de la réforme des collectivités territoriales, la place particulière de l'institution communale dans cette réforme, l'état d'avancement du travail législatif, j'évoquerai enfin la question de la taxe professionnelle.
A - L'état de la réforme territoriale
1. la réforme des collectivités territoriales (vue du Sénat)
Il faut tout d'abord resituer la réforme territoriale dans son contexte.
La crise mondiale renforce la brutalité de la concurrence, tout en faisant courir à de nombreux territoires le risque du repli sur soi.
Ce contexte est difficile, mais il nous invite à poser la question de la compétitivité des territoires, et par conséquent de leur gouvernance. Les collectivités territoriales ce sont plus de 520 000 élus, 1 864 676 fonctionnaires, plus de 200 milliards d'euros de dépense publique..., près des ¾ de l'investissement public.
Notre organisation territoriale est-elle encore pertinente ?
Cette question est d'importance dans un pays multiséculaire, marqué par la richesse et la diversité de ses territoires. Cette diversité constitue un formidable potentiel.
Pourtant, nous devons reconnaître que l'organisation territoriale de notre pays est plutôt sophistiquée. Face à la mosaïque des structures, à l'enchevêtrement des compétences et des pouvoirs, le citoyen, et souvent l'élu local lui-même, ont peine à savoir qui est responsable de quoi.
Le Président de la République l'a rappelé le 21 octobre à Saint-Dizier, en ne faisant qu'exprimer un sentiment général.
Aux trois niveaux d'origine (État, départements, communes) sont venus s'ajouter non seulement les régions, mais les groupements intercommunaux, les SIVOM, et autres SIVU, des pays et autres agences territoriales...
Il peut y avoir sur nos territoires jusqu'à sept échelons de responsabilité, sans compter les instances européennes. La demande de clarification qu'expriment nos concitoyens et les élus locaux me paraît légitime. C'était le constat en septembre 2008, à la racine du projet de réforme territoriale.
La diversité de nos territoires est une richesse à laquelle il convient d'adapter notre organisation institutionnelle, au lieu d'écraser les territoires sous la complexité institutionnelle. Telle est notre philosophie générale.
La France s'est engagée depuis plus de vingt ans dans un processus de décentralisation. Je rappelle que la révision constitutionnelle de 2003, qui doit beaucoup aux travaux et réflexions antérieurs du Sénat, a donné naissance à une République dont « l'organisation est décentralisée ».
Mais il ne suffit pas de poser un principe pour qu'il devienne réalité. La vitalité de la décentralisation ne se mesure pas à l'aune des paquets de compétences transférées, mais à la bonne (ou moins bonne...) organisation de leur exercice.
Il nous faut aujourd'hui passer à une nouvelle étape : la simplification, la clarification de nos institutions locales, au service de l'efficacité de l'action publique et d'une compétitivité renforcée de nos territoires, c'est-à-dire une décentralisation renforcée parce que mieux organisée.
Le Président de la République a eu l'audace d'ouvrir ce chantier. C'était un chantier réclamé par beaucoup et depuis longtemps, mais que l'on s'empressait de refermer à peine ouvert !
Le Sénat, représentant des collectivités locales, ne pouvait rester étranger à cette réflexion ouverte, et en vertu de la Constitution, le Sénat a à connaître en première lecture du projet de loi.
Dès ma prise de fonctions, c'était il y a un an, nous avons décidé la création d'une « Mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales », qui a regroupé toutes les sensibilités politiques à travers ses 36 membres, et dont la présidence a été assurée par le sénateur Claude Belot.
En 8 mois, la mission a procédé à de nombreuses auditions. Elle s'est rendue dans les territoires de la Gironde, Charente-Maritime, Rhône, des Hautes-Pyrénées, du Tarn-et-Garonne, afin d'avoir une appréciation plus complète des situations - constatant, notamment, l'importance prise par le fait métropolitain, ou les enjeux propres à la nouvelle ruralité. Elle a recueilli l'avis de toutes les associations d'élus locaux, à plusieurs reprises, avant de présenter ses conclusions.
La « somme » de ses propositions a été soumise au libre débat du Sénat, qui a pu jouer ainsi le rôle d' « éclaireur de la décentralisation ».
C'est ainsi qu'ont été organisés, le 18 mars, sur la base du rapport d'étape de la mission, et le 30 juin, sur ses propositions finales, les deux premiers débats d'initiative parlementaire, suivis par un échange interactif, sous forme de questions-réponses, avec la participation du ministre de l'Intérieur et du secrétaire d'Etat aux collectivités territoriales.
Au terme de cette phase de réflexion, quel bilan provisoire pouvait en être tiré ?
Les élus locaux et les parlementaires se sont fortement approprié un dossier complexe. Ensuite - et c'est pour le Président du Sénat une grande source de satisfaction - on note de fortes convergences sur un grand nombre de points :
- le constat de la diversité territoriale, et la nécessité d'apporter des réponses différenciées à la spécificité des situations ;
- l'urgence d'une réforme ambitieuse, qui permette une meilleure prise en compte de cette diversité ;
- la recherche d'une plus grande cohérence dans l'organisation territoriale, clé d'une efficacité accrue dans l'action :
- la nécessité de démocratiser nos structures.
Au total ces réflexions auront été fructueuses.
Nous avons désormais une idée claire de la problématique et des réponses à apporter.
2. Une nouvelle architecture territoriale pour renforcer la démocratie locale et la gouvernance des territoires.
Le travail sur le dossier territorial ne s'est pas arrêté avec le débat que nous avons eu au Sénat le 30 juin. Nous avons poursuivi le dialogue avec le Ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, avec le Premier ministre, le Président de la République. Les élus membres de la Mission Belot se sont réunis à nouveau pour faire le point de ses travaux. Moi-même je me suis entretenu en tête à tête avec le Président de la République et je continuerai de me porter chaque semaine à la rencontre des territoires et de leurs représentants.
Lors des réflexions préalables aux projets de loi soumis au Parlement, une convergence suffisante s'est dessinée autour d'une architecture à trois niveaux :
1. un niveau de proximité relevant de l'institution communale, dont la place essentielle au coeur du fondement de la République est réaffirmée. La commune doit rester, comme l'Etat, dotée de la compétence générale. C'est le coeur de notre vie citoyenne.
2. un niveau de cohérence sociale du territoire, assumé par le département.
3. un niveau de cohérence stratégique relatif aux grands services et équipements publics, relevant de la région.
B - L'institution communale confortée par le projet de réforme
Permettez-moi, chers collègues maires et élus locaux, d'être plus précis sur la sphère communale.
On peut s'appuyer sur la volonté unanime de conforter l'institution communale, qui est au coeur de notre démocratie locale.
Le développement de l'intercommunalité à fiscalité propre constitue l'une des réformes institutionnelles les plus significatives qu'ait connues notre pays sous la Ve République, en donnant à l'institution communale la capacité d'être à la hauteur de ses missions.
Certes, l'attachement de nos concitoyens aux quelque 36 700 communes qui irriguent encore aujourd'hui notre territoire justifie que l'on ne remette pas en cause ce socle de la démocratie locale.
Mais nos communes - dont le nombre représente 40 % de l'ensemble des communes européennes - ne sont que la première strate de l'empilement de structures de notre administration locale.
L'intercommunalité, en France, c'est (chiffres au 1er janvier 2009) :
- 2 601 communautés, qui rassemblent 34 164 communes
- 2 406 communautés de communes
- 174 communautés d'agglomération
- 16 communautés urbaines
- 5 syndicats d'agglomération nouvelle
Les communautés de France représentent 93,1 % des communes et 87,3 % de la population.
S'y ajoutent 11 050 SIVU, 1 435 SIVOM et 3 122 syndicats mixtes, sans oublier les 351 pays et les nombreux schémas dont les périmètres ne s'harmonisent que rarement.
A l'évidence, c'est beaucoup et il y a urgence à essayer de mettre de l'ordre dans cette organisation particulièrement complexe.
C'est donc une carte intercommunale plus cohérente et plus efficace, dont les membres de la Mission sénatoriale ont souhaité la mise en place.
Prenant largement appui sur vos recommandations, la Mission sénatoriale a souhaité que la carte de l'intercommunalité à fiscalité propre soit achevée pour la fin 2013.
Afin de mener à bien cette opération, la Mission a souhaité que soit renforcé le rôle des commissions départementales de coopération intercommunale.
Par ailleurs, même si le maire reste au coeur du dispositif de la sphère communale, cela ne doit pas empêcher l'approfondissement de la légitimité démocratique de l'intercommunalité.
La technique du fléchage devra permettre au citoyen d'identifier les futurs délégués communautaires, lors des élections municipales (pour les communes dont le nombre d'habitants est supérieur à 500) et une certaine proportionnalité.
L'association des maires ruraux de France, qui n'était pas favorable à cette réforme au début, a changé d'avis et ne souhaite même plus de seuil pour le scrutin de liste. L'association des maires de France soutient la proposition d'un seuil abaissé à 500 habitants.
Je constate également que les avis sont assez convergents sur la nécessité de prendre en compte une réalité nouvelle, qui caractérise la France d'aujourd'hui : le fait métropolitain.
Cela concerne les quelques vraies grandes métropoles (assurément moins d'une dizaine), à forte dimension internationale qui structurent désormais le territoire d'une France, partie constitutive d'une Union Européenne ouverte sur le monde.
Ces métropoles, véritables cités, on pourrait les qualifier de ville encore « sans papier », elles ont, à l'évidence, besoin d'un vrai statut, d'une vraie gouvernance pour pouvoir assumer pleinement leurs responsabilités.
Personnellement, je pense qu'il faut aller assez loin sur cette question, avec audace, tout en respectant la cohérence d'ensemble que porte le département.
Par ailleurs, nous ne pouvons occulter cette réalité : les grandes agglomérations sont au coeur de la question sociale, car c'est sur leur territoire que l'exclusion est la plus forte. Il ne peut y avoir dilution des responsabilités, face au devoir de solidarité. Ce serait contraire à l'esprit même de la République.
C - Nécessité d'une coordination entre la région et le département
L'action publique a besoin de cohérence, mais la cohérence ne veut pas dire opération chirurgicale lourde...
Mais force est de constater que la répartition des compétences entre ces deux échelons manque de clarté.
Là aussi, les travaux préparatoires ont permis de dégager une identité de vue sur le constat, et sur l'objectif à atteindre.
On ne peut accepter que la libre administration des collectivités autorise le jeu d'une concurrence stérile dictée par le jeu politique au détriment de l'intérêt général. Alors oui ! Chaque collectivité doit se recentrer sur son coeur de métier.
Pour autant, la spécialisation ne doit pas injurier l'avenir ! Il faut laisser toute leur place à l'initiative, à l'intelligence des territoires, à la possibilité de répondre à des enjeux spécifiques.
La prise en compte des territoires
En créant un ministère de plein exercice consacré à l'espace rural et à l'aménagement du territoire, ministère confié à Michel Mercier, le président de la République et le Premier ministre ont donné un signal fort.
Les caractères des espaces ruraux ont fortement changé. Les enjeux, les moyens et les finalités de l'action publique doivent être redéfinis. Il s'agit pour les pouvoirs publics de mieux identifier les besoins et les attentes des ruraux, et d'agir de manière cohérente en faveur de l'attractivité de ces territoires, sur les plans économique, social et patrimonial.
L'association de Michel Mercier à la conduite de la réforme territoriale est l'expression d'une volonté de mieux prendre en compte les intérêts et les aspirations des territoires ruraux : Michel Mercier vient de lancer les Assises des territoires ruraux, jusqu'en janvier prochain.
Le Sénat ne s'est pas contenté de rester dans l'attente de la lecture des projets de loi : nous avons poursuivi le dialogue avec le Ministre de l'Intérieur, avec le Premier ministre, avec le Président de la République. Les élus membres de la Mission Belot se sont réunis pour faire le point sur les travaux. Nous avons travaillé avec le Président de la Commission des lois.
Voilà le travail en amont qu'a accompli le Sénat.
Aujourd'hui le temps du travail législatif est arrivé.
D - État du processus législatif de la réforme
1 - le Processus législatif
Le Président de la République a présenté dans son discours à Saint-Dizier, le mardi 20 octobre 2009, le projet de réforme qui a fait l'objet de quatre projets de loi adoptés en conseil des ministres le 21 octobre.
Ces projets ont été déposés au Sénat. La Commission des lois a immédiatement entamé ses travaux et a notamment auditionné les trois ministres concernés : MM. Brice Hortefeux, Alain Marleix et Michel Mercier, mercredi 28 octobre, dans une séance ouverte à tous les sénateurs ainsi qu'à la presse et retransmise en direct par Public Sénat.
Le dispositif législatif présenté comporte quatre textes :
- le projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales qui est au coeur de la réforme.
- un projet de loi relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale qui est également novateur, et deux projets qui en sont conséquents.
- un projet de loi organique relatif à l'élection des membres des collectivités territoriales et EPCI.
- un projet de loi organisant la concomitance du renouvellement des conseils généraux et des conseils régionaux.
Seul ce dernier texte qui prévoit que le mandat des conseillers régionaux élus les 14 et 21 mars prochains sera de 4 ans, et celui des conseillers généraux élus en mars 2011 de trois ans, afin d'assurer la concomitance des renouvellements en mars 2014 des deux conseils, est susceptible de faire l'objet de la procédure accélérée pour des raisons évidentes.
Les autres textes feront l'objet de la procédure normale, ce qui devrait conduire à une première lecture fin décembre
2 - Le contenu du projet gouvernemental
Je constate que le projet gouvernemental c'est du ¾ Belot.
· Tout d'abord c'est bien évidement le maintien de l'architecture à trois niveaux :
- sphère communale
- département
- région
· Ensuite C'est la confortation de l'institution communale avec la reprise d'un très grand nombre des préconisations du rapport de la mission sénatoriale :
- développement et simplification de l'intercommunalité afin de parvenir au 1er janvier 2014 à une couverture de l'ensemble du territoire avec un renforcement de la cohérence des périmètres.
Le rôle de la CDCI est renforcé et sa composition démocratisée :
- démocratisation de la désignation des délégués avec élection directe par fléchage et abaissement du seuil de 3 500 habitants à 500.
- allègement des procédures de fusion des communes qui reste bien évidemment volontaire par un nouveau dispositif qui remplace la loi Marcellin du 16 juillet 1971.
- prise en compte du fait métropolitain avec un nouveau cadre institutionnel « les métropoles » d'un seul tenant (8 de plus de 450 000 habitants) qui pourront bénéficier de transferts de compétences. Et les métropoles en réseau à caractère multipolaire mutualisant les moyens et les compétences avec des villes qui ne seraient pas nécessairement limitrophes.
Ces métropoles ne seront pas des collectivités locales mais des EPCI.
Personnellement j'estime qu'on pourrait avoir plus d'audace.
- c'est le maintien de la clause de compétence générale pour la commune.
· Enfin, le projet du Gouvernement retient le principe de la clarification des compétences et de la coordination de l'action du département et de la région en :
- posant le principe de la spécialisation des compétences pour ces deux niveaux de collectivités, tout en prévoyant le droit à l'initiative pour ce qui ne serait pas prévu par la loi, le chef de file pour les compétences exercées conjointement et l'encadrement du cofinancement.
Une loi précisera ultérieurement ces compétences (sujet complexe, les transferts s'étant fait au fil de l'eau).
- assurance de la cohérence de l'action publique au niveau du département et de la région ainsi que la prise en compte de la réalité territoriale par la création du conseiller territorial unique siégeant au conseil général et au conseil régional.
Ces conseillers territoriaux, dont la première élection est prévue en 2014, seraient élus dans le cadre du canton selon un scrutin mixte :
- 80 % d'entre eux au scrutin uninominal à un tour.
- une répartition proportionnelle au plus fort reste des 20 % de sièges restant, en fonction des suffrages obtenus au scrutin majoritaire par les candidats affiliés à des listes (présentes dans tous les départements de la région et dans au moins 50 % des cantons) non élus. Les listes sont distinctes de ces candidats.
(Ndr le Gouvernement sollicite une habilitation par ordonnance pour établir le tableau 7 par département au regard du recensement glissant la carte cantonale serait revue sous le contrôle d'une commission indépendante - les petits départements bénéficieraient d'un minimum de CT de 15 à 20).
Commentaires sur le projet gouvernemental
Au regard du projet gouvernemental, force est de constater que les réflexions conduites sur ce difficile dossier, ont été fructueuses.
Nous avons désormais une idée claire de la problématique et des réponses à apporter.
Certes, il reste des sujets de discussion importants, qui ne sont en vérité pas très nombreux, mais complexes.
D'abord la création du conseiller territorial :
Le principe de la création du conseiller territorial, et le Président de la République l'a rappelé récemment à Saint-Dizier, c'est un seul élu qui siégera au département et à la région. Le principe, c'est donc le rapprochement du département et de la région par le biais de ses élus, et le renforcement du lien entre l'élu et le canton, c'est-à-dire avec les électeurs d'un territoire.
Il ne s'agit pas de supprimer l'un ou l'autre niveau d'action publique territoriale, mais de favoriser la création d'un pôle d'intérêts partagés entre région et département.
L'élection des conseillers territoriaux doit servir au renforcement de la démocratie. Les conseillers territoriaux porteront l'intérêt des territoires, tout en garantissant la cohérence entre la région et les départements et en assurant par une dose de proportionnelle la représentation de toutes les sensibilités.
Ma conviction, c'est que l'assise territoriale des élus est un point positif, un gage que les besoins et les intérêts des territoires seront pris en compte dans leur diversité.
Les territoires ruraux pourront trouver là un nouveau relais pour exprimer leurs préoccupations. Le conseiller territorial relaiera plus aisément qu'aujourd'hui auprès du conseil régional les attentes du monde rural. Il jouera un rôle identique au département, dont les interventions en faveur de l'aménagement rural sont si essentielles. Chaque terroir, chaque ville, fut-elle modeste, doit pouvoir bénéficier de défenseurs, auprès des instances de décision compétentes. Chaque citoyen, dans la réalité de la spécificité de son terroir (urbain ou rural), doit pouvoir, par ses représentants directement élus, participer en responsabilité à l'administration cohérente des territoires qui le concerne. C'est cela la décentralisation.
D'autres sujets sur lesquels le Gouvernement s'est déclaré ouvert doivent sans doute encore être réglés :
- La question du rapport des métropoles et des pôles métropolitains avec les autres collectivités ;
- la pondération de la représentation au sein des instances communautaires ;
- la relation région-département.
- et puis les textes sont très techniques donc propices à la discussion...
Sur tous ces points le Sénat organisera le débat.
C'est pourquoi j'ai demandé, au mois de juillet, que le texte de fond ne fasse pas l'objet d'une procédure accélérée. J'ai été entendu.
Nous aurons donc quatre lectures de textes nécessairement complexes sur la réforme des collectivités territoriales, lectures qui permettront au Parlement et en particulier au Sénat d'exercer pleinement ses responsabilités.
La partie agenda, avec la date de 2014, ne soulève pas grande difficulté et pourra être disjointe du texte de fond.
Mais revenons à l'essentiel.
Je suis convaincu de ce que nous pouvons attendre : doter la France d'une organisation territoriale cohérente, efficace, lisible où le citoyen s'y retrouve.
L'explication m'en apparaît simple. Cette démarche a permis de retrouver la vraie réalité :
Le citoyen n'est pas un être immatériel, il vit dans un territoire et parce que la république est décentralisée, la citoyenneté s'exerce d'abord dans ce territoire.
Et c'est la prise en compte de cette réalité territoriale de la citoyenneté trop longtemps oubliée, si ce n'est niée, qui permet de construire une organisation pertinente.
C'est vers cela que l'on s'achemine : libérer et mettre en cohérence l'intelligence des territoires dans le respect de leur identité, qu'ils soient ruraux ou urbains.
C'est cela le sens de la réforme. C'est sans doute cela qui heurte quelques corporatismes de structures, qui prennent insuffisamment en compte cette réalité territoriale et cette aspiration citoyenne.
C'est cela le cap.
E - La question de la taxe professionnelle
Enfin, il reste bien évidemment la partie financière « recette », avec notamment la question de la suppression de la taxe professionnelle (et c'est me semble-t-il un point d'inquiétude majeur pour les élus locaux). Je l'ai entendu au Sénat.
Dans le contexte économique actuel, je n'ignore pas qu'il y a urgence à traiter le « volet entreprise » de ce dossier, nécessaire à la compétitivité de nos entreprises, en particulier celles soumises à la concurrence internationale et délocalisables. L'enjeu, c'est l'emploi des Français.
Le Président de la République a décidé de la suppression de la taxe professionnelle dès cette année dans le Projet de Loi de Finances pour 2010.
Il n'est pas question, bien évidement, de revenir sur le bien fondé de la suppression de la taxe professionnelle.
Je rappelle que créé en 1975, cet impôt a été réformé plus de vingt fois en 35 ans, il a même été qualifié « d'imbécile » par François Mitterrand.
Ces réformes successives l'ont vidé d'une bonne partie de sa substance pour en faire quelque part une « anomalie » qui impose les entreprises sur leurs immobilisations -avant toute production. Il y a donc nécessité à traiter ce dossier dans le contexte économique actuel pour assurer toute la compétitivité de notre économie.
Pour autant, cet impôt constitue une part majeure de la recette fiscale des collectivités locales. Sa suppression suppose que l'on trouve les moyens de garantir la ressource des collectivités territoriales.
C'est pourquoi j'ai attiré l'attention du Président de la République et du Premier ministre dès juin dernier sur ce « risque » qu'implique le calendrier législatif. Il importait que le débat sur la loi de finances -qui doit être votée avant le 31 décembre- ne préempte pas celui de la réforme de l'organisation des collectivités territoriales.
Je pense avoir été entendu : le volet « entreprise » de la Taxe Professionnelle sera au maximum possible découplé du volet « Recettes des collectivités territoriales ». Cela signifie que la Taxe Professionnelle sera bien supprimée au 1er janvier 2010 pour les entreprises mais que l'année 2010 sera une année neutre pour les collectivités locales. L'Etat jouera pendant cette année le rôle de « chambre de compensation » ; les collectivités locales recevront le produit de la Taxe Professionnelle qui leur aurait été versé en l'absence de réforme. Aucune collectivité ne sera perdante, ni globalement, ni individuellement. Quant à la question de la répartition des nouvelles recettes, c'est au Parlement de la fixer, en totale responsabilité.
Qu'en est-il exactement aujourd'hui ?
Comme vous le savez, l'Assemblée nationale a voté, à l'initiative de son rapporteur général, Gilles Carrez, une réécriture substantielle de l'article 2 du projet de loi de finances sur la Taxe Professionnelle.
Elle était pleinement dans son rôle de première assemblée saisie sur une loi de finances.
C'est ainsi qu'une partie de la cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée (20 %) a été affectée aux EPCI ce qui renforce le lien entre territoires et entreprises.
L'Assemblée nationale a également retenu un système original de péréquation au niveau des départements et régions reposant sur les taux de croissance.
Le texte arrive maintenant au Sénat, en séance publique à partir du 19 novembre. Et, je vous le dis très clairement, le Sénat sera pleinement dans son rôle de représentation des collectivités locales en proposant de compléter et adapter le dispositif qui nous vient de l'Assemblée nationale.
Notre action est guidée par un principe simple -mais pas toujours facile à mettre en oeuvre- qu'aucun niveau de collectivité ne soit lésé.
Dans cette perspective, le Sénat a mis en place une instance collective de réflexion autour de la Commission des finances pour trouver des solutions équitables et équilibrées.
Cette commission élargie s'est réunie en séminaire le 5 novembre dernier.
Il n'incombe pas au Président du Sénat d'anticiper les travaux et les amendements de ses collègues -tant ceux qu'ils présenteront que ceux qui pourront être votés.
Pour autant, à ce stade, je suis à même de vous communiquer un certain nombre d'orientations.
D'abord, le Sénat souhaite bien distinguer ce qui se passera en 2010 (le volet « entreprise » et la compensation 2010 pour les collectivités locales) de ce qui arrivera ultérieurement (répartition et péréquation).
Il va sans dire que ce deuxième volet devra être l'objet d'ajustements, notamment en fonction de la loi sur la réforme des collectivités territoriales, dans le courant de l'année 2011.
L'objectif est que 2010 qui est une année financièrement neutre soit aussi une année qui nous donne le temps des réglages et des ajustements.
Je pense que cette méthode en deux temps est la bonne :
- elle nous permet le dialogue avec nos collègues de l'Assemblée nationale qui ont proposé des avancées intéressantes ;
- elle nous garantit de faire coller la loi aux réalités du terrain.
A titre personnel, je crois que reporter le débat ne ferait qu'accroître les inquiétudes des élus. Il nous faut faire des choix de principe et à partir de ces choix lancer les simulations chiffrées pour un dispositif définitif et juste avant le vote des budgets locaux, en 2011 pour 2012.
Plus précisément, je peux également vous dire que la territorialisation pour le « bloc communal » ne paraît pas une mauvaise chose. En revanche, un système de mutualisation pour les départements et les régions est certainement plus approprié. Enfin, en ce qui concerne la péréquation, il nous faut analyser précisément le dispositif proposé par l'Assemblée.
Conclusion
Pour conclure, je dirais que la fierté du Sénat, c'est de pouvoir exprimer des divergences. Il jouera pleinement son rôle sur le dossier de la réforme territoriale, un dossier difficile, mais que nous n'avons pas le droit d'escamoter.
L'évitement des difficultés n'est pas un mode de règlement des problèmes.
La réforme se fera au Sénat avec les élus et non contre les élus. Et le Sénat exercera pleinement les prérogatives nouvelles que lui a données la réforme de la Constitution.
La compétitivité passe aussi et d'abord par l'optimisation des moyens mis à notre disposition par le citoyen, par la transparence et la responsabilité.
Le diagnostic est clair, l'objectif partagé. Nous devons assurer :
- la compétitivité de nos territoires au sortir de la crise
- l'efficacité de la dépense publique
- la lisibilité et la cohérence des actions territoriales.
Cet impératif de réforme s'impose bien évidemment aux collectivités locales. Mais il oblige aussi l'État. La République française est une et indivisible, et l'on sait combien nos concitoyens attendent de l'État.
La décentralisation a renforcé le rôle des collectivités territoriales, mais l'Etat est lui aussi appelé à remplir pleinement son rôle d'impulsion, et de coordination entre les territoires au niveau national.
Le principe de l'administration des territoires par les territoires n'exonèrent pas l'Etat de ses responsabilités. Avec la réforme de l'organisation territoriale, il s'agit d'une réforme globale.
Le temps de la réflexion s'achève. Le temps de la décision va venir. Des projets de loi ont été déposés, nous devons en débattre puis voter.
Le Sénat connaît les divergences de ses membres.
Les opinions s'expriment dans leurs pleines divergences, mais dans le respect mutuel.
Mon rôle c'est d'être un passeur, mon rôle est d'être un facilitateur. Le texte ne sortira pas du Sénat comme il y sera présenté. A ceux qui pensaient que le Sénat ne bougerait pas, je pense qu'ils seront surpris...
La réforme est nécessaire, parce que le citoyen l'attend, notre pays en a besoin, nos territoires la justifient. N'ayons pas peur de la réforme : soyons bâtisseurs d'avenir, audacieux et responsables !
Je vous remercie de votre attention et me propose de répondre maintenant à vos questions.
Source http://www.senat.fr, le 24 novembre 2009