Déclaration de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat à l'écologie, sur les grandes orientations de la politique en faveur de la biodiversité, à Paris le 28 septembre 2010.

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Circonstance : Table ronde sur le baromètre de la biodiversité, à Paris le 28 septembre 2010

Texte intégral

Nous partageons tous la même conviction : la biodiversité est l'enjeu majeur du XXIème siècle.
Un enjeu environnemental évidemment. Un enjeu social car son effondrement affecte d'abord les pays et les peuples les plus pauvres. C'est le combat de Wangari MAATHAÏ ou de Jane GOODALL. Un enjeu économique enfin. Alors que tout le monde parle de croissance, pourquoi les travaux de Pavan SUKDEV restent cantonnés aux cercles restreints des experts ? Ce qui se joue est catastrophique.
Notre alimentation en dépend : plus de 70% de nos cultures dépendent de la pollinisation naturelle. Notre santé en dépend : 50% de nos médicaments contiennent des éléments chimiques issus des plantes. Ainsi, les répercussions économiques d'un tel déclin de la biodiversité sont potentiellement immenses : 7% du PIB mondial à l'horizon 2050.
Mais que se passe-t-il ?
Nous étions heureux que la biodiversité soit au menu des Nations Unies. Mais seuls les ministres chargés de l'environnement étaient présents. Nous étions heureux que les OMD soient aussi au menu des Nations Unies mais personne n'a fait le lien entre biodiversité et développement.
Tout le monde parle d'urgence mais personne n'y croit.
Pourquoi ? Peut-être que nous ne nous parlons qu'à nous même, qu'à notre cercle restreint de convaincus, de passionnés. Et plutôt que de se critiquer les uns les autres, faisons notre introspection, travaillons ensemble. Evitons surtout la politique avec un petit « p » pour la biodiversité.
On parle là de nos enfants. On parle du fondement de la vie. On parle de ce qui nous unit. La biodiversité est un surcroît d'humanité. Alors ne nous érigeons pas en censeur de ceux qui ne nous comprennent pas.
On me dit que l'Année de la biodiversité, c'est beaucoup de communication. On a préparé cette année avec un petit groupe et justement nous avons convenu que le gros enjeu était celui de la sensibilisation.
Le fond de l'action, c'est le Grenelle.
On me dit que le Grenelle n'est pas à la hauteur en prenant le seul exemple de l'opposabilité de la Trame Verte et Bleue. J'ai bien essayé. Mais n'oublions pas qu'à l'origine du texte et dans le COMOP, il n'y avait pas de consensus sur ce point. Le Grenelle ne va peut-être pas assez loin mais c'est un pas en avant et il faut le faire fructifier.
Que nous manque-t-il ?
* IPBES et Nagoya : le véritable enjeu à l'International est là. Et vous devriez vous pencher autant sur IPBES que sur le protocole ABS. C'est ce protocole qui lie la biodiversité et le développement.
* En France, l'Agence de la nature. J'ai sorti le dossier des étagères et je le pousserai jusqu'au
bout.
Le dossier est en bonne voie pour créer un opérateur chapeau qui garantira une meilleure visibilité à l'action de l'Etat en matière de biodiversité tel que prévu par la loi grenelle. Le rapport a été rendu dans sa version complète fin août. Nous avons démarré les consultations, un cycle s'engage. L'objectif est de mettre en place la mission de préfiguration au début de l'année 2011.
Ce nouvel établissement public se verra également confier la mise en place de la trame verte et bleue, la réforme la plus fondamentale est là.
En mai 2010, nous a été remis le rapport définitif du comité opérationnel consacré à la trame verte et bleue. Nous avons la volonté de publier les décrets d'application dans les prochaines semaines car des aires protégées non connectées ne peuvent atteindre pleinement leurs objectifs.
Les schémas régionaux de cohérence écologique sont en cours d'élaboration, étant entendu que l'Etat dispose, au titre de la programmation budgétaire 2009-2011, des crédits nécessaires pour appuyer l'élaboration desdits schémas. Ainsi, le budget pluriannuel 2009-2011 prévoit au titre de la TVB : 2 Meuros au titre de l'année 2009, 4 Meuros en 2010 et 7 Meuros en 2011.
Quant au financement pérenne, nous y parviendrons par la compensation.
* Nous porterons l'extension des espaces protégés sur terre ou en mer.
- je tiendrai le calendrier du parc des Calanques. Nous avons vu les élus. Nous voyons cette semaine les socio-professionnels ;
- le GIP du parc forestier a été mis en place le 10 juillet 2010 ;
- dans 2 semaines, je vais lancer les consultations du parc national des zones humides ;
- nous allons créer le 3ème parc marin avant la fin de l'année.
* Naturellement, j'ai un penchant tout particulier pour l'outre-mer, territoire fabuleux. Elle aura une place centrale dans la stratégie nationale. Après Mayotte, après la procédure d'étude du parc naturel marin des glorieuses, nous irons plus loin notamment en Guyane.
La biodiversité ne fait pas partie des budgets du ministère qui baissent. Certes, j'aurais aimé qu'il augmente... Mais nous sommes préservés. L'action est là. Et la biodiversité ne se résume pas à des chiffres. Le défi aujourd'hui est d'ouvrir les yeux de ceux qui dorment dans leurs certitudes.
C'est aussi et surtout votre mission.
Quels sont les gros enjeux de demain ?
- évidemment, le plan écophyto et le développement de l'agriculture biologique.
- évidemment la recherche.
Nous avons lancé cette année deux missions. L'une conduite par l'académicien Yvon LE MAHO sur l'expertise car il nous faut améliorer la connexion entre la recherche et la décision. La seconde mission conduite par le président du muséum, Gilles BOEUF, vise à développer les sciences participatives.
Mais le véritable enjeu est IPBES. Le véritable enjeu est de montrer par un TEEB national (The Economics of Ecosystems and Biodiversity) et demain par notre produit national « vert » que nous parlons bien de croissance et de développement.
Le véritable enjeu est de se faire comprendre pour aller plus loin que le Grenelle. Le Grenelle apporte des réponses techniques mais tout reste à faire pour construire un modèle de développement positif, soutenable, un modèle que nous pourrons léguer à nos enfants. Et là, il faut construire ensemble, se serrer les coudes, aller voir les économistes, les banquiers, les responsables marketing, les journalistes politiques, voire même les financiers.
Personne ne doit tomber dans la posture. Le temps est à la construction.
Comme vous l'aurez constaté, le bilan de nos actions est positif Beaucoup a été fait mais plus encore reste à faire. Vous le reconnaissez, les engagements du Grenelle de l'environnement, pris il y a maintenant trois ans, avancent. Il est maintenant le temps de l'action, sur le terrain.
Je vous conjure simplement de garder vos portes ouvertes, de convaincre, de séduire plus que de juger. Si nous regrettons les postures que personne ne tombe dedans.Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 30 septembre 2010