Déclaration de Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, sur la résorption de l'habitat insalubre et informel dans les départements et régions d'outre-mer, à l'Assemblée nationale le 26 janvier 2011.

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Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je voudrais tout d'abord vous exprimer toute ma satisfaction d'être parmi vous pour l'examen de la proposition de loi relative aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.
Vous connaissez mon engagement personnel et l'engagement du Gouvernement pour le logement outre-mer ; j'ai eu le souci depuis ma prise de fonction que nos bailleurs sociaux disposent des moyens pour développer l'offre de logements et je constate depuis plusieurs mois que les effets de cette mobilisation se font sentir. Mais j'ai toujours dit que la politique du logement outre-mer reposait sur deux piliers : l'accroissement de l'offre de logements sociaux mais également l'habitat privé, qui concerne notamment outre-mer beaucoup de propriétaires aux ressources modestes.
C'est de ce deuxième pilier de la politique du logement outre-mer dont nous parlons aujourd'hui. Et c'est d'un phénomène de masse dont nous traitons.
Monsieur le rapporteur l'a évoqué tout à l'heure, et dans le rapport de mission qu'il m'avait remis en octobre 2009 : les situations d'habitat indigne, insalubre et informel toucheraient environ 200 000 personnes en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, en Guyane et à Mayotte.
Ces personnes habitent souvent des logements qui ne répondent pas aux conditions minimales de confort et de dignité, dans des zones dépourvues des aménagements primaires pour l'alimentation en eau potable, la collecte et l'assainissement des eaux usées. De ce fait, elles sont exposées à des risques pour leur santé.
Aussi est-il nécessaire de mettre en perspective le débat que nous allons avoir et l'engagement affirmé depuis le début du Gouvernement pour le logement social et la reconstitution des tissus urbains dégradés.
Cet engagement s'est d'abord appuyé sur des mesures importantes, il s'agit tout d'abord de la mise en oeuvre de la défiscalisation au bénéfice de la construction de logements sociaux avec le vote de la LODEOM. Nous disposons, vous le savez, de deux instruments fondamentaux que sont la défiscalisation et la Ligne Budgétaire Unique : ils se complètent et ils se cumulent.
D'ailleurs, je constate que cette nouvelle ressource nous donne un véritable effet de levier sur la production neuve, puisque grâce à la défiscalisation ce sont 319 900 logements sociaux qui sont financés à la fin décembre 2010.
Cet engagement a été concrétisé dans le budget de l'outre-mer pour 2011. La loi de finances a d'ailleurs sanctuarisé la défiscalisation pour le logement social comme elle a sanctuarisé la ligne budgétaire unique dont les crédits sont d'environ 275 M€.
Mais vous avez également voté une nouvelle disposition pour l'outre-mer qui permet à l'Etat de céder gratuitement ses terrains dès lors qu'ils sont destinés à accueillir des programmes de logements sociaux ou des équipements publics. Il s'agit d'une mesure également importante et très attendue qui répond à la pénurie de foncier caractéristique dans les départements d'outre-mer et à la cherté du coût des aménagements puisque la décote totale est de nature à compenser de façon significative le coût lié a l'aménagement des terrains. Je rappelle en outre, depuis le décret du 9 novembre 2010, la possibilité pour l'Etat d'intervenir seul dans la compensation de la surcharge foncière dès lors que la situation financière des collectivités ne leur permet pas de le faire.
Nous sommes aujourd'hui dans une situation inédite où des conditions favorables à l'équilibre financier des opérations de construction et de production de foncier aménagé sont simultanément réunies.
Mais la mobilisation sans faille du Gouvernement pour développer l'offre de logements sociaux outre-mer ne doit pas placer au second plan l'enjeu fondamental qu'est l'amélioration de l'habitat privé.
Je peux vous confirmer que la résorption de l'habitat insalubre continue à cet égard d'être une priorité pour le Ministère que j'ai l'honneur de diriger.
Cette priorité s'inscrira dans le cadre des interventions qui visent à réparer les tissus urbains dégradés, qu'il s'agisse de la réhabilitation du logement social ou de l'intervention sur le logement privé. La ligne budgétaire unique est d'ailleurs pleinement mobilisée en ce sens.
J'en veux pour preuve les actions contractualisées pour la rénovation urbaine au travers des 13 conventions pluriannuelles dans les quatre départements d'outre-mer et à Mayotte et du programme national de rénovation des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) qui concerne la ville de Fort de France à travers le projet Porte-Caraïbe.
Avec ces programmes, ce sont plus de 1,8 milliard d'euros de travaux pour les économies d'outre-mer. Ce qui n'est pas négligeable à terme de soutenir l'économie par la commande publique. Ces actions vont permettre la reconstruction de 5 000 logements sociaux.
Pour le logement privé, j'ai signé en 2009 et 2010 deux conventions d'appui, l'une avec le réseau Habitat et Développement, l'autre avec le club des Pact DOM.
Ces conventions mobilisent des subventions du ministère de l'outre-mer à hauteur de 253 000 € sur 3 ans.
Mais dans le cadre de cette politique globale, le Gouvernement a souhaité donner un nouveau souffle volontariste à la politique de lutte contre l'habitat indigne et informel. La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de cette orientation voulue par le Gouvernement.
En effet, en avril 2009, le Gouvernement avait demandé au rapporteur du texte qui vous est soumis aujourd'hui de formuler des propositions pour relancer la politique de lutte contre l'habitat insalubre outre-mer. Le constat était en effet largement partagé : les procédures existantes, singulièrement les opérations de RHI, ne démontraient pas leur efficacité. Bien au contraire, elles s'enlisaient, elles s'éternisaient dans des procédures administratives trop lourdes, trop complexes.
Au-delà du sentiment partagé, Monsieur le rapporteur, vous avez analysé les imperfections de l'action publique sur ces quartiers d'habitat spontané. Et, dans la suite des propositions que vous avez formulées et qui ont été inscrites dans les conclusions du conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009, le Gouvernement a pris immédiatement des mesures destinées à pallier ces dysfonctionnements.
Vous avez avant tout relevé certains manques dans la gouvernance de la lutte contre l'habitat indigne et insalubre. Je vous rappelle que, par circulaire interministérielle en date du 17 mai dernier, le Gouvernement a, d'ors et déjà, demandé aux Préfets de mettre en place des pôles départementaux de lutte contre l'habitat indigne et l'institution de plans communaux de lutte contre l'habitat indigne. Et, avec le réseau du pôle national de lutte contre l'habitat indigne, nous avons organisé des formations sur place à destination des services déconcentrés de l'Etat et des collectivités territoriales.
Mais ce travail sur la gouvernance ne suffit pas. Et le rapport que vous m'avez remis en octobre 2009 montrait que des évolutions législatives étaient nécessaires sur deux aspects principaux : d'une part, il fallait cerner avec une meilleure acuité les quartiers d'habitat spontané – qui ne sont pas réductibles aux zones d'habitat insalubre -, d'autre part, il fallait prendre en compte une situation fréquente outre-mer, celle de l'occupation sans droit ni titre. Ce sont les deux aspects de la proposition de loi sur lesquels je veux insister.
Mais avant d'aborder ces deux aspects, je tiens à saluer le travail réalisé par le rapporteur Serge LETCHIMY missionné sur ce projet par le Gouvernement le 6 avril 2009. Je veux également saluer, M. Serge POIGNANT, je sais combien vous êtes personnellement attentif à la situation de nos outre-mer et votre vigilance sur ce texte en témoigne et je veux remercier tous ceux qui ont participé à la réalisation de ce texte et particulièrement les membres de la commission des affaires économiques.
Mais j'en viens aux deux aspects de la proposition de loi qui apportent des améliorations significatives pour lever les obstacles qui enlisent les procédures de RHI et pour engager, sur des bases plus adaptées, un traitement des quartiers d'habitat spontané.
Trop souvent, les dispositions du code de la santé publique relatives à l'insalubrité peinent à s'appliquer outre-mer parce que le propriétaire foncier n'est pas à l'origine des constructions édifiées sur son terrain. Mais les personnes qui ont construit sur ces terrains, sans droit ni titre, l'ont fait dans des conditions déterminées par l'Histoire. La proposition de loi contient sur ce point une avancée importante en permettant le versement d'une aide financière aux occupants sans droit ni titre dans le cadre d'une opération d'aménagement. Cette aide financière va faciliter la mise en oeuvre de d'opérations d'intérêt public et faciliter la réinstallation des personnes concernées.
Nous avons échangé sur le sens qu'il fallait donner à cette aide. Est-elle une indemnisation pour perte de jouissance ? Il nous semble que cette appellation prête à contestation, jusque devant le juge constitutionnel. Car évoquer une indemnisation de ce type, faire intervenir le juge de l'expropriation, place incontestablement l'occupant sans droit ni titre dans la sphère du droit de propriété. Or nous ne pouvons lui reconnaître un tel droit sans toucher au droit du propriétaire lui-même. C'est pourquoi il nous paraît plus conforme aux normes constitutionnelles de prévoir une aide financière, en lieu et place de l'indemnisation pour perte de jouissance.
Par ailleurs, et c'est le deuxième point sur lequel je souhaite insister, je souligne que l'institution par arrêté du préfet d'un périmètre à contenu adapté pour les secteurs d'habitat informel, moins rigide dans son contenu et ses effets que le périmètre d'insalubrité figurant à l'article L. 331-25 du code de la santé publique, est une démarche nouvelle et très attendue de la part des acteurs locaux de la lutte contre l'habitat indigne. De telles possibilités sont par ailleurs en cohérence avec les actions déjà engagées que j'évoquais tout à l'heure concernant la mise en place de pôles départementaux et l'institution de plans.
Pour conclure, je note avec intérêt les opportunités ouvertes par cette proposition de loi pour traiter des enjeux spécifiques à l'habitat spontané outre-mer. Vous proposez, monsieur le Président, monsieur le Rapporteur, de nouveaux outils pour répondre à des situations marquées le plus souvent par une grande précarité. Le Gouvernement partage votre préoccupation et adhère dans une large mesure aux réponses que vous proposez et qui recueillent, je le constate, un large consensus au-delà des clivages que nous connaissons trop.
Mais je n'oublie pas également qu'au-delà des outils – aussi nouveaux et aussi adaptés aux situations soient-ils – nous ne parlons pas seulement de logements mais bien de quartiers, d'espaces de vie et de lieux de rencontres. C'est cette ambition, cette vision d'au-delà de l'habitation, qui doit nous guider lors de nos débats.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 28 janvier 2011