Conseil des ministres du 2 mars 2011. Les réformes conduites par le ministère de la justice.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Auteur(s) moral(aux) : Secrétariat général du Gouvernement

Texte intégral

Le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a présenté un point sur les réformes conduites par le ministère de la justice.
Après avoir rappelé son action en matière de lutte contre la récidive, il a exposé les principaux projets législatifs qu'il entend mener à bien au cours des prochains mois.
* La lutte contre la récidive.
Après l'enlèvement et l'assassinat de Laetitia Perrais dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011 à Pornic, le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a immédiatement demandé à l'inspection générale des services judiciaires et à l'inspection des services pénitentiaires d'examiner les circonstances ayant conduit à ce drame.
Les réformes menées ces dernières années ont permis de doter le pays d'un arsenal législatif très complet pour prévenir la récidive :
- loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui prévoit la surveillance judiciaire et le placement sous surveillance électronique mobile ;
- loi du 10 août 2007 de lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, qui introduit dans le code pénal des peines plancher en cas de récidive criminelle et généralise l'injonction de soins ;
- loi du 25 février 2008 qui crée la surveillance et la rétention de sûreté ;
- loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 qui rénove le régime des aménagements de peines pour en faire un instrument plus efficace de lutte contre la récidive ;
- loi du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle qui complète ces dispositions ;
- et enfin, la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, qui vient d'être adoptée par le Parlement.
Il n'est donc pas nécessaire d'adopter une nouvelle loi.
En revanche, la lutte contre la récidive criminelle implique l'amélioration de l'échange d'informations entre les différents acteurs de la chaîne pénale. Pour améliorer la réponse pénale aux actes de délinquance sexuelle et violente, des mesures opérationnelles ont été mises en oeuvre.
Les délinquants dangereux doivent être mieux identifiés :
- par l'amélioration du fonctionnement du fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes en lien avec le fichier des personnes recherchées ;
- par le développement des structures d'évaluation pluridisciplinaire, dont les capacités d'accueil doivent être renforcées ;
- par la création d'un office interministériel de repérage des plus dangereux de ces délinquants, d'alerte et de prévention de leurs passages à l'acte.
Les délinquants dangereux doivent être mieux et plus étroitement suivis :
- par la prise en compte de leurs antécédents et de leur profil, et non pas uniquement de la nature de leur dernière condamnation, pour définir la priorité des dossiers confiés aux conseillers d'insertion et de probation ;
- par un recours accru à la surveillance électronique ;
- par l'amélioration des modalités de leur suivi judiciaire.
Des moyens supplémentaires seront alloués à la chaîne pénale, pour mettre en place ces mesures.
* La réforme des professions judiciaires et juridiques.
Avec quatre textes législatifs déposés par le Gouvernement ou d'initiative parlementaire dont deux sont aujourd'hui adoptés définitivement et deux en voie de l'être, une importante réforme des professions judiciaires et juridiques menée depuis 2009 est sur le point d'aboutir.
Ces textes conduisent à améliorer le fonctionnement de ces professions dans le respect de leurs compétences propres sans remettre en cause les équilibres définis entre elles. L'accès à de nouvelles activités leur est ouvert ainsi que l'inter-professionnalité capitalistique afin de renforcer leur compétitivité sur le marché du droit. La dématérialisation des procédures par les acteurs judiciaires est favorisée.
* La réforme de la garde à vue.
Le projet de loi de réforme de la garde à vue a été présenté en septembre dernier dans le prolongement des travaux sur la réforme de la procédure pénale d'une part, et de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 d'autre part.
Conformément aux principes rappelés par le Conseil constitutionnel, ce texte est placé sous le signe de l'équilibre entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties que sont les droits de la défense et la liberté individuelle placée sous la protection de l'autorité judiciaire.
Le texte voté en première lecture à l'Assemblée nationale s'est inscrit dans cet équilibre. Les travaux parlementaires en cours au Sénat permettront de le conforter.
D'ici au 1er juillet 2011, date limite fixée par le Conseil constitutionnel, la garde à vue sera ainsi profondément modifiée, avec une assistance effective de l'avocat dès le début de la garde à vue et durant toute la durée de la mesure, mais également la notification du droit de garder le silence et l'interdiction des fouilles corporelles systématiques.
La conformité de la procédure de la garde à vue avec les dispositions constitutionnelles et celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales sera donc assurée.
* La participation des citoyens aux décisions de justice pénale.
Cette réforme, souhaitée par le Président de la République, donne une portée concrète au principe qui veut que la justice est rendue « au nom du peuple français ». Elle permet de renforcer le lien entre l'institution judiciaire et nos concitoyens. Elle doit aussi permettre aux décisions de justice de mieux prendre en compte les évolutions de la société.
Il est donc proposé de permettre une participation des citoyens à la justice pénale qui soit à la fois mieux adaptée et plus importante qu'actuellement, avec trois axes de réforme :
- pour le jugement des délits qui portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population (les atteintes aux personnes relevant du tribunal correctionnel collégial, notamment les violences, les vols avec violence et les agressions sexuelles), des jurés assesseurs s'ajouteraient à la formation de jugement du tribunal correctionnel, et, en appel, de la chambre correctionnelle de la cour d'appel, qui seraient ainsi composées de juges professionnels et de citoyens.
Ces jurés seraient tirés au sort sur les listes électorales et participeraient, pour un an, à l'équivalent d'une semaine d'audience.
- pour le jugement des crimes, la procédure serait adaptée afin de réduire la pratique de la correctionnalisation ;
- pour les décisions de libération conditionnelle, une participation des citoyens serait aménagée selon les mêmes modalités que pour le tribunal correctionnel, pour toutes les peines d'emprisonnement égales ou supérieures à cinq ans.
Ce projet sera présenté au Parlement dès le mois d'avril, afin de permettre son examen avant l'été.
* La réforme de la justice pénale des mineurs.
Sans attendre l'écriture d'un code de la justice pénale des mineurs, dont la préparation est en cours, les mesures présentées par le ministre tendent à un traitement plus rapide et plus lisible de la délinquance des mineurs.
La réforme vise tout d'abord à réduire les délais de jugement des mineurs délinquants. Il est donc proposé :
- d'étendre et de simplifier les procédures rapides de jugement et notamment la présentation immédiate ;
- de créer, afin de juger plus rapidement les récidivistes, et avec tous les éléments de personnalité utiles, un « dossier unique de personnalité » qui rassemblera l'ensemble des informations recueillies sur le mineur à l'occasion d'une mesure éducative ou d'une précédente poursuite ou d'une mesure alternative aux poursuites, y compris dans un autre ressort (enquêtes sociales, expertises, rapport d'enquêtes de personnalité...). Un tel outil permettra notamment de développer un traitement plus efficace des mineurs « multiréitérants ».
La réforme vise par ailleurs à mieux adapter la réponse pénale à l'évolution de la délinquance des mineurs. Il est ainsi prévu :
- d'utiliser plus largement le dispositif des centres éducatifs fermés en abaissant à 5 ans (contre 7 ans aujourd'hui) le seuil de la peine encourue permettant un tel placement ;
- de faire juger les mineurs âgés de 16 à 18 ans, ayant commis une infraction en état de récidive légale, par un tribunal correctionnel comprenant un juge des enfants. Cette juridiction appliquera une procédure adaptée aux mineurs ;
- d'ouvrir la possibilité de cumuler les peines et les sanctions éducatives afin de mieux concilier la nécessité d'une réponse judiciaire à l'acte commis et le souci d'une démarche éducative adaptée à la personnalité du mineur ;
- d'étendre la possibilité de prononcer une peine consistant en un travail d'intérêt général à l'encontre d'un mineur âgé de 16 ans au moment du jugement.Enfin, la réforme entend mieux responsabiliser les parents des mineurs délinquants, en sanctionnant notamment ceux qui, convoqués devant la juridiction des mineurs pour le jugement de leur enfant, ne déférent pas à cette convocation.