Discours de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur les mesures gouvernementales prises dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi d'orientation pour l'outre-mer, concernant l'enseignement, les aérodromes, les finances locales, la sécurité et les institutions locales, Bourda, Guyane, le 15 juin 2001.

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Circonstance : Dîner à la résidence préfectorale de Bourda, Guyane, le 15 juin 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les Conseillers généraux,
Tout d'abord permettez moi de vous remercier d'avoir bien voulu répondre à mon invitation et à celle de M. le préfet de Guyane de participer à cette rencontre de ce soir. Certes, ce dîner se veut convivial mais enfin, et les questions que vous venez d'aborder, Monsieur le Président, le démontre amplement, il s'agit aussi bien d'une réunion de travail.
Cette rencontre est aussi importante car votre assemblée, à l'issue des scrutins des 11 et 19 mars dernier, a été renouvelée et donc relégitimée par le suffrage universel dans son rôle, son importance et sa mission. Comme je l'ai fait en avril en Martinique, puis en Guadeloupe, j'ai donc souhaité pouvoir vous saluer et rendre, par la même occasion, hommage à l'institution que vous représentez, institution de la solidarité et de l'équité sociale.
Comme aux Antilles, si la majorité départementale n'a pas changé à l'occasion des dernières élections, le Conseil général de Guyane à l'instar de celui de Guadeloupe a connu un changement à la tête de son exécutif. Je ne doute pas cependant que la pratique de travail en commun et de partenariat mise en uvre par le président Lecante, que je veux saluer ici, sera poursuivi par vous, Monsieur le Président Ho Ten You, et qu'ensemble, nous continuerons de rechercher les voies et moyens de résoudre quelques dossiers compliqués.
Un certain nombre ont déjà été évoqués, vous l'avez rappelé, lors de notre rencontre à Paris début mai. Il font l'objet actuellement des études et des expertises nécessaires, mais je voudrais d'ores et déjà revenir sur quelques uns de ces points.
Sur l'enseignement, j'ai présidé, vous le savez, cet après-midi, à Saint-Laurent-du-Maroni, une réunion de travail avec l'ensemble des acteurs concernés afin de présenter les réponses qui pourraient être apportées à la situation spécifique et sans comparaison avec la métropole ou même les Antilles, qui est celle de la Guyane. Ces réponses constituent un plan pour le renouveau de l'éducation en Guyane. Une concertation avait été nouée, à la fois ici, sur place, avec la constitution de trois groupes de travail, et avec l'échelon central, avec l'envoi d'une mission interministérielle d'évaluation qui vient de nous remettre son rapport, au ministre de l'Education nationale, et à moi-même. Entre autres conclusions, ce rapport évalue à 230 millions les financements complémentaires nécessaires en matière de constructions scolaires sur la durée du contrat de plan. Ces financements s'ajouteraient donc à ceux déjà prévus dans ce dernier, soit près d'un milliard de francs.
Avec Jack Lang, nous avions pris l'engagement que des solutions concrètes seraient apportées non seulement à court terme, c'est à dire dans la perspective de la rentrée prochaine, mais dans la durée, en l'espèce d'ici l'horizon 2006. Je le redis devant vous, les engagements pris seront tenus. Ainsi, une fois achevée l'étude des conclusions de la mission interministérielle mais aussi celles des groupes de travail qui ont été mis en place en Guyane, je proposerai aux partenaires locaux la signature d'un avenant au contrat de plan actuel qui prévoira les moyens nécessaires pour que l'enseignement en Guyane assume pleinement ses missions y compris face aux défis démographique et pédagogique.
Sur les aérodromes de l'intérieur, vous savez l'importance que j'attache à l'adaptation des plates-formes aéroportuaires.
A partir du schéma directeur élaboré par la DDE à la demande du Conseil général, l'ensemble des opérations ont été planifiées et les financements prévus dans le CPER et le Docup à hauteur de 100 MF. La boîte à outil est disponible, les moyens financiers sont prévus. Reste maintenant à engager très rapidement la phase de réalisation qui passe d'abord par la rénovation de l'aérodrome de Maripasoula qui représente l'opération la plus urgente et la plus importante en montant. C'est pourquoi, comme nous l'avons déjà abordé lors de notre rencontre à Paris, j'ai demandé au Préfet de veiller avec les autres partenaires à ce que le dossier de Maripasoula puisse être programmé dès cette année et mobilise les financements complémentaires nécessaires en terme de fonds européens.
Sur le problème plus global des finances du Conseil général, vous savez que l'Etat et ses services au niveau local - Préfecture et Trésorerie générale - sont à votre disposition pour vous apporter tout l'appui, notamment méthodologique, que vous seriez amené à solliciter.
Par ailleurs, et à la suite de notre rencontre, vous êtes en train de mener une analyse approfondie des finances de votre collectivité.
Il est clair néanmoins que la recherche de solutions pérennes doit passer à la fois par le souci que vous avez d'une rigueur accrue et par la prise en compte à son juste niveau de la croissance démographique de la population guyanaise afin de satisfaire les besoins légitimes qu'elle induit.
A cet égard, le Préfet va être amené à vous notifier dans les jours qui viennent le montant de la DGF 2001 qui progressera fortement, du fait d'une prise en compte plus rapide de la croissance démographique au titre de la dotation de péréquation.
Ce travail se poursuit avec l'appui, à votre demande, d'un expert mis à votre disposition pour mener à bien cette analyse, pour, ensuite esquisser des perspectives qui devraient faire l'objet d'une discussion prochaine entre l'Etat et votre collectivité.
Je voudrais ici vous confirmer l'écoute de vos préoccupations et la nécessité que nous partageons de permettre à votre collectivité d'assumer pleinement ses responsabilités.
S'agissant de la sécurité, vous avez eu raison Monsieur le Président d'interpeller l'Etat en soulignant combien la population Guyanaise ressentait un sentiment de dégradation en ce domaine, accentué par une délinquance de voie publique davantage de type sud américaine qu'européenne, c'est à dire marquée par des actes parfois d'une grande violence.
En la matière, mesdames et messieurs, les statistiques ne nourrissent pas le sentiment d'insécurité, car celui-ci est, naturellement, davantage alimenté par certains types de délinquance qui concernent la vie et la sécurité quotidienne de nos concitoyens. La délinquance de voie publique a elle augmenté la même année de près de 9 %. Cette question ne doit donc pas être éludée.
Pour lutter contre cette délinquance, les réponses sont évidemment à plusieurs niveaux, mais, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'intérieur et élu local moi-même, je sais aussi que ne peut être évacuée la question des moyens déployés face à l'insécurité et, au premier chef, la question des effectifs. Conformément aux engagements qui avaient été pris par mon prédécesseur,
Jean-Jack Queyranne, depuis 1997, les effectifs de police en Guyane ont progressé de près de 25 % grâce à la création d'une section d'intervention et à l'affectation d'adjoints de sécurité.
Cet effort sera maintenu : Comme je l'ai déjà annoncé, 41 fonctionnaires de police doivent être affectés à la rentrée de septembre prochain pour remettre à niveau les effectifs. Mais nous savons aussi, ceci n'est pas spécifique à la police, que en matière de mutations dans la fonction publique, la Guyane souffre d'un problème d'attractivité. Autrement dit, il ne suffit pas d'ouvrir des postes pour constater ensuite qu'ils n'ont pas pu être pourvus. C'est pourquoi, j'ai souhaité et obtenu du ministre de l'intérieur qu'un concours délocalisé de gardiens de la paix, et ceci est une première, se déroule en Guyane avant la fin de l'année. Dans ce cadre, outre la réponse au problème d'attractivité que j'évoquais à l'instant, ce type de concours offre des perspectives de recrutement intéressantes pour des jeunes Guyanais, avec la garantie d'être affectés en Guyane après leur période de formation.
Outre le problème des effectifs, la Guyane connaît certains types de délinquance qui, par leur nature ou leur ampleur, lui sont spécifiques. Ainsi en est-il de l'immigration clandestine contre laquelle le gouvernement entend résolument lutter, dans le respect certes des règles de l'Etat de droit qui est le nôtre et de la dignité des personnes. La lutte contre l'immigration clandestine suppose une coopération avec les Etats frontaliers de la Guyane. C'est pourquoi, ce sujet a été au cur des discussions que j'ai eues avec les autorités du Surinam, lors du déplacement que j'ai fait ce matin, accompagné d'élus de la Guyane, parmi lesquels le président Karam.
Le gouvernement restera bien évidemment attentif également à ce que ne subsiste aucune zone de non droit sur le territoire de la Guyane. Lors de mon dernier déplacement, je m'étais rendu dans la région de Maripasoula pour me rendre compte personnellement, sur le terrain, d'une situation que chacun dénonçait comme inacceptable et dont vous connaissez le lien avec les pratiques d'orpaillage clandestin. Depuis le début de l'année, à mon initiative, une unité de gendarmerie mobile a été déployée dans cette région. Je vous le confirme. Cette unité sera maintenue le temps nécessaire et étendra son action dans toutes les régions où existe l'orpaillage clandestin. Cette action et cette présence seront durables car ils sont nécessaires.
Au-delà, mesdames et messieurs les conseillers généraux, j'entends bien mettre à profit, pour la Guyane, toutes les perspectives offertes par la politique de sécurité mise en uvre au niveau national, qu'il s'agisse de la mise en place de la police de proximité, dont la généralisation sera effective dès l'année prochaine, ou des nouvelles réponses apportées par le projet de loi sur la sécurité quotidienne actuellement en cours de discussion au parlement.
Mais je vous le dis. Si la sécurité relève de la responsabilité première de l'Etat, elle est aussi, et peut être même d'abord, l'affaire de tous. C'est pourquoi, j'en appelle ici à la relance d'un vrai partenariat qui doit impliquer l'ensemble des acteurs de la sécurité. En Guyane, cette démarche partenariale reste par trop embryonnaire. La démarche des contrats locaux de sécurité n'a suscité qu'un engouement limité. Nous pouvons faire bien plus, et de ce point de vue là, je me félicite que dans le projet de loi sur la sécurité quotidienne, le ministre de l'intérieur ait veillé à renforcer l'association des maires à la politique de sécurité. Une circulaire a déjà été adressée aux préfets leur précisant les modalités concrètes d'association des élus municipaux à l'action publique en faveur de la sécurité. Monsieur le préfet, je compte sur vous pour qu'en Guyane, peut être plus qu'ailleurs, cette circulaire soit pleinement et complètement mise en uvre, dans son esprit comme dans sa lettre.
Mais la sécurité, la préservation des biens et des personnes, concerne également la problématique de sécurité civile. Je n'ignore pas les difficultés propres à la Guyane, à commencer par les distances à couvrir. Je connais aussi les retards pris dans ce domaine et les problèmes d'équipement qui se posent à vous.
Il faut donc travailler au renforcement des services de secours après qu'un audit a été réalisé à la fin de l'année dernière, à ma demande, par une mission conjointe du Secrétariat d'Etat et du Ministère de l'Intérieur.
Dans le prolongement de cette étude, je veux vous dire que l'Etat appuiera la démarche de modernisation engagée en apportant sa pierre à l'édifice, par un effort spécifique.
Trois projets, pour la réussite desquels je suis intervenu personnellement, incarnent la volonté de l'Etat d'être présent aux côtés des collectivités locales :
. C'est tout d'abord l'implantation d'une base d'hélicoptère de la sécurité civile. Sous réserve de son inscription au projet de loi de finances pour 2002, cet hélicoptère devrait pouvoir être implanté au 1er semestre de l'année prochaine en Guyane. Cela constituera un progrès tout à fait remarquable en matière de secours aux personnes.
. C'est ensuite la création d'un détachement des unités d'intervention de la sécurité civile. C'est un projet auquel je tiens particulièrement, et qui fait aussi l'objet actuellement d'une discussion dans le cadre de la préparation du budget 2002. Il s'agira de créer 2 sections, soit près de 70 personnels, ayant vocation à intervenir en Guyane sur des lieux de sinistres, mais aussi, dans l'ensemble régional, particulièrement aux Antilles.
. Je veux enfin souligner l'effort important qui doit être consenti pour améliorer les télécommunications dans l'intérieur. C'est une condition, chacun le sait, de l'amélioration de nos systèmes d'alerte, et donc, de la rapidité d'intervention des services de secours. Une mission interministérielle doit se rendre prochainement en Guyane pour faire des propositions précises en matière de télécommunication des services publics. Il faudra ensuite déterminer rapidement un plan d'action et cibler les moyens nécessaires, notamment ceux qui sont mobilisables sur le contrat de plan.
Voilà, monsieur le Président, mesdames et messieurs, les éléments dont je tenais à vous faire part sur les questions qui viennent d'être abordées.
Mais, je ne saurais clore ce propos que volontairement j'ai voulu bref, sans aborder, comme vous l'avez également fait, Monsieur le Président Ho Ten You, la question de l'avenir institutionnel de la Guyane.
Certes, je souhaite respecter le processus en cours en Guyane et éviter d'interférer dans son déroulement. Ce processus est aujourd'hui dans sa phase locale, c'est à dire un débat entre tous les élus de Guyane. Ce débat, le gouvernement de Lionel Jospin a voulu qu'il ait lieu, quant à l'époque, d'aucuns lui reprochaient d'ouvrir la boîte de Pandore. Ce débat, s'agissant de la Guyane, vous savez que je n'ai pas ménagé mes efforts pour qu'il s'inscrive dans un cadre démocratique, apaisé, et légal, c'est à dire celui fixé par la loi d'orientation pour l'outre-mer.
Après la Martinique, mardi dernier, et avant la Guadeloupe, lundi prochain, le congrès des élus départementaux et régionaux de la Guyane aura lieu, sous votre autorité, monsieur le président du conseil général, le 29 juin prochain. Ce débat, ce congrès, ce processus, nous les avons voulu, vous, élus de Guyane, et moi, ministre aujourd'hui en charge de l'outre-mer.
En offrant la garantie du respect des règles démocratiques, la procédure du congrès ne marque ni un point d'arrivée, ni un aboutissement, mais un point de départ. Et à ceux qui s'interrogent sur ce que fera le gouvernement, lorsqu'il sera saisi des propositions issues des travaux du congrès de la Guyane, je voudrais dire ici que nous ne resterons pas inertes. D'abord, je n'oublie pas mon engagement de reprendre la balle au bond, et de le faire dans un délai de deux mois. Mais je veux souligner qu'en Guyane comme ailleurs, l'Etat devra se garder de deux écueils. Ignorer ces propositions et la force de la démarche qui les sous-tend ou, à l'inverse, se contenter d'en être un spectateur passif voire complaisant.
Mesdames et messieurs les conseillers généraux, membres du congrès, je vous le dis ici avec force et conviction. L'Etat ne sera pas un simple greffier de l'évolution institutionnelle dans les départements d'outre-mer. Il entend bien dire ce qu'il pense des propositions qui lui seront faites. Certaines ne souffriront à mon sens guère de discussion, car les esprits ont mûri. Je pense par exemple à la fusion que vous pourriez, peut-être, proposer de votre assemblée et du conseil régional en une seule assemblée. Mais d'autres devront être analysées à partir de trois critères simples :
Tout d'abord, leur cohérence interne car on ne peut évidemment pas demander une chose et son contraire, l'intégration européenne et le non respect de ce qui est au cur même de celle-ci, par exemple l'unité douanière ou la libre circulation des biens et des personnes.
Ensuite, l'impact de ces propositions, à court et moyen termes, en matière économique et d'égalité sociale. Vous le savez, et je crois que nous partageons tous ce point de vue, aucune évolution n'est envisageable si elle devait se traduire, pour les Guyanais par quelque régression économique ou sociale que ce soit.
Enfin, mesdames et messieurs les conseillers généraux, le statut nouveau qu'ensemble, nous bâtirons pour la Guyane devra bien être celui d'une collectivité de la République. Il peut être novateur et sans doute il le doit. La question d'une réforme constitutionnelle sur ce sujet n'est plus un tabou. Beaucoup s'y rallient, même tardivement. Votre projet peut être audacieux et sans doute il le sera. Il devra se traduire par un accroissement des pouvoirs locaux, des libertés locales, mais au profit d'élus, je le répète, d'une collectivité de la République. Cette logique, c'est l'évolution institutionnelle pour la Guyane, si, bien sûr, élus et population la souhaitent, une évolution novatrice, spécifique et adaptée, mais une évolution dans la République.
C'est je crois, l'approche qui nous est majoritairement commune, je m'en félicite car il ne saurait y avoir d'évolution statutaire par effraction et qui ne dirait pas ce qu'elle entend être et où elle entend conduire.
Monsieur le président en exercice du congrès, mesdames et messieurs les membres du congrès des élus départementaux et régionaux, je voudrais ici vous remercier pour l'exemple de responsabilité et de dignité que vous donnerez, le 29 juin prochain, lorsque vous vous réunirez.
Pour ma part, je n'ai jamais douté de votre capacité à vous engager dans cette voie.
(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 27 juin 2001)