Déclaration de Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, sur la préservation de la mémoire des expositions ethnographiques et coloniales, à Paris le 15 novembre 2011.

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Circonstance : Réception du rapport de la mission menée par Françoise Vergès, présidente du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage (CPMHE), sur la mémoire des expositions ethnographiques et coloniales, à Paris le 15 novembre 2011

Texte intégral


Monsieur le Député,
Madame la Présidente du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, chère Françoise,
Monsieur le Commissaire à la Diversité et à l’Egalité des chances, cher Yazid Sabeg,
Monsieur le représentant du Maire de Paris,
Monsieur le Commissaire chargé de 2011, année des Outre-mer, cher Daniel Maximin,
Monsieur le Délégué interministériel à l’égalité des chances des Français,
Monsieur le Président du Jardin d’acclimatation, cher Marc-Antoine Jamet,
Mesdames et Messieurs,
Cette année des Outre-mer voulue par le chef de l’Etat, porte l’ambition, vous le savez, loin des oublis et des clichés, de dire la contribution des femmes, des hommes et des territoires d’outre-mer à la grandeur de notre nation, de cette France bercée par trois océans.
Dans le cadre de la programmation de cette année menée de main de maître par Daniel Maximin, le "Jardin en Outre-mer" qui s’est déroulé au mois d’avril dernier au jardin d’acclimatation a connu un succès considérable avec plus de 350 000 visiteurs.
Sans rien ignorer de l’histoire de ce lieu, Daniel Maximin a voulu que l’Outre-mer réinvestisse le Jardin d’acclimatation parce que précisément des expositions ethnographiques et coloniales s’y sont déroulées.
Et comme l’a rappelé le Commissaire : "il est temps pour l’Outre-mer de réinvestir ce Jardin, de répondre aux errements passés en y affirmant la vitalité des cultures dont nous ne pouvons qu’être immensément fiers et de les présenter avec toute l’exigence d’excellence qui préside aux choix des spectacles et activité envisagés. […] Afin que le passé révolu ne fasse pas reculer l’avenir."
Alors oui, mesdames et messieurs, il y a bien deux manières de faire face à l’Histoire :
Nous pouvons oublier les chapitres douloureux de notre passé avec le risque inexorable que l’effacement des faits permette un jour leur résurgence.
Ou bien regarder les faits tels qu’ils se sont produits, les étudier et agir de telle sorte que l’éveil des consciences et la diffusion des savoirs empêchent l’histoire de se répéter.
C’est bien la seconde option que nous avons choisis avec le ministre de la culture Frédéric Mitterrand, la présidente du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, François Vergès et Daniel Maximin, Commissaire chargé de l’année des Outre-mer.
Nous avons choisis d’agir parce que "sans la mémoire, le présent se vide et simultanément est déjà un passé mort" comme le disait l’écrivain portugais José Cardoso Pires.
Je ne reviendrai pas sur la polémique née à l’occasion du "Jardin en Outre-mer" que certains ont voulu entretenir. Je suis résolument du côté de ceux qui affrontent les difficultés plutôt que du côté de ceux qui les évitent en choisissant les petites phrases ou les attaques politiciennes.
C’est pourquoi, je me suis saisie de l’article 4 du décret du 6 mai 2009 pour confier à François Vergès une mission sur la mémoire des expositions ethnographiques et coloniales.
Entourée des meilleurs experts, des élus et des représentants des populations concernées, Françoise Vergès et son équipe ont effectué un immense travail que je salue ce matin et pour lequel je les remercie chaleureusement.
Ma chère Françoise, nous nous connaissons bien, et je tiens à souligner la rigueur et l’honnêteté intellectuelle qui vous caractérisent.
Dans la lettre de mission que je vous ai adressée le 7 avril 2011, je vous avais fixé pour objectif de proposer des actions dans le champ mémoriel et dans le champ historique. Il s’agissait aussi bien de proposer des actions de sensibilisation des publics que de mener des recherches et envisager des restitutions pour transmettre le plus objectivement cette partie méconnue de notre histoire.
La République a le devoir de reconnaître cette histoire, sans aucunement occulter le passé et instruire de procès.
Je viens de prendre connaissance de l’ensemble des préconisations formulées dans le rapport que vous m’avez remis. Soyez assurée que sa mise en œuvre se fera en lien avec le Jardin d’acclimatation dont je salue l’engagement, la mairie de Paris dont je salue la participation efficace et également avec les élus de Guyane, de Nouvelle Calédonie en particulier.
Parmi ces propositions j’ai bien noté le projet d’une inscription mémorielle au Jardin d’acclimatation et en Guyane. A cet effet, je souhaite que les acteurs concernés finalisent ce projet avec le ministère de la culture en 2012, en lien avec les Amérindiens de Guyane et les communautés Kanaks. Par ailleurs, un travail d’information et de sensibilisation devra également être prévu pour sensibiliser les différents publics du jardin.
Le Comité a souhaité également inscrire parmi ses priorités de 2012, la confection d’un programme de signalisation des lieux d’histoire et de mémoire. Nous allons l’examiner bien évidemment.
Enfin, il convient également de valoriser les archives qui permettent aux historiens de mener leurs recherches et ainsi faciliter l’accès du grand public à la connaissance. J’y suis favorable et la proposition d’un guide me paraît tout à fait pertinente.
Vous proposez d’élaborer une doctrine sur la question de l’identification et la restitution éventuelle des restes humains des collections patrimoniales. Vous avez raison, il faut pouvoir avancer sur ce point également.
Enfin, nous ne devons jamais oublier que la protection des populations autochtones doit, plus que jamais, à l’heure des grands bouleversements du monde, être au cœur de nos politiques publiques. C’est pourquoi lorsque l’occasion m’est donnée, je cherche à m’entretenir avec les chefs coutumiers Amérindiens. Je viens de le faire lors d’un récent déplacement en Guyane. Je suis très respectueuse de leurs coutumes et de leurs traditions.
Mesdames et Messieurs, avant de conclure mon propos, je voudrais, une fois de plus, saluer le travail de la présidente du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage et vous assurer de mon soutien pour faire aboutir ces propositions dans le cadre de cette démarche de concertation que nous avons souhaitée pour que chacun s’approprie cette partie de l’histoire de France, cette partie de notre histoire.