Déclaration de M. Benoist Apparu, ministre chargé du logement, à RMC le 6 mars 2012, sur le projet de loi augmentant le taux de constructibilité des logements et l'accession à la propriété.\

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Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN On va parler d’abord de ce fameux COS, le Coefficient d’Occupation des Sols, Benoist APPARU. Pourquoi ? Eh ben parce que ça revient à l’Assemblée nationale aujourd’hui, ce COS. Alors quelle est l’idée que vous défendez ? Elle est simple : vous voulez augmenter ce COS de 30%. C’est-à-dire que sur un terrain de 1 000 m² je pourrai construire 30% de plus, c’est ça ?
 
BENOIST APPARU Alors ce n’est pas que sur le coefficient d’occupation des sols. En fait c’est ce qu’on appelle une mesure de constructibilité. Là où sur un terrain vous pouvez construire aujourd’hui 1 000 m², vous pourrez construire demain 1 300 m². En fait ce sont les collectivités locales qui décident sur chaque terrain ce qu’on a le droit de construire.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.
 
BENOIST APPARU Avec la hauteur, le fameux COS, le gabarit, l’emprise au sol, enfin toute une série de règles techniques qu’elles définissent dans leur plan local d’urbanisme. Et on va dire à ces règles locales du plan local d’urbanisme nous on rajoute 30% pour pouvoir produire tout simplement plus de logements.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais c’est déjà possible aujourd’hui, si on emploie des matériaux écologiques on peut déjà construire 30% de plus.
 
BENOIST APPARU Alors on fait en fait un système un peu différent. Aujourd’hui effectivement si vous prenez, en fait si vous faites une maison BBC…vous allez le droit de faire 30% de plus. Si vous faites du logement social vous pouvez faire 50% de plus. Mais c’est comme on dit à la main des collectivités locales. Elles le décident si elles souhaitent le faire. Combien l’ont faite sur les 36.000 collectivités locales concernées ? 31. 31 l’ont faite. Ben là on dit exactement l’inverse, c’est-à-dire que ça s’applique automatiquement, automatiquement, sauf si les collectivités locales le refusent. Donc on inverse complètement la charge de la preuve. Là, aujourd’hui c’est à leur main, demain elles pourront refuser l’application, ce qui n’est pas la même chose.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien, sauf que la question première c’est est-ce que ça va faire augmenter les prix ou pas de l’immobilier ? Alors certains disent : eh oui mais le prix d’un terrain à bâtir est en fonction de ce qui peut être construit dessus. C’est-à-dire que si on peut construire 30% de plus, le prix du terrain va prendre 30%.
 
BENOIST APPARU Alors oui c’est vrai, bien évidemment, en France comme partout ailleurs, le prix d’un terrain dépend du nombre du m² que vous avez le droit de construire au-dessus. Mais le prix d’un terrain ce n’est pas le prix de l’opération. Faisons un truc très bête, si je peux construire 8 appartements, aujourd’hui et que demain que je peux en faire 12, évidemment ma matière première va augmenter, mais je vais vendre 12 logements et non plus 8. Donc mon chiffre d’affaires va aussi augmenter. Pour faire un logement…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ce n’est pas pour ça que le logement sera moins cher.
 
BENOIST APPARU Je n’ai pas dire moins cher. Pour l’instant on est en train de parler de savoir s’il sera plus cher.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bon…
 
BENOIST APPARU Ce n’est déjà pas le même débat. Aujourd’hui quelle est l’idée ? Un logement pour le construire il faut deux matières premières, du bois, du bêton, classique ; et puis il faut aussi du terrain, du foncier, c’est la matière première pour construire un logement. Ce prix de matière première va augmenter, comme d’ailleurs vous aurez besoin de plus de béton et plus de bois, eh bien ça augmentera aussi. Simplement notre prix d’opération global, notre bilan d’opération, comme vous allez vendre plus de logements eh bien il sera a priori moins cher.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN A priori oui.
 
BENOIST APPARU Potentiellement, au mieux, au pire on va dire même prix.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui mais alors Benoist APPARU c’est une compensation parce que, c’est une compensation pour tous les promoteurs, pour tous les constructeurs. Je vous dis ça Benoist APPARU parce que si je lis ce que réclame justement tous ces constructeurs ils disent : mais attendez, attendez, la priorité c’est qu’on mette fin au démantèlement des principales mesures qui visent à répondre aux besoins du logement en France, suppression du prêt à taux zéro plus dans l’ancien, suppression du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunts, suppression des investissements locatifs défiscalisant, c’est lié par exemple la loi SCELLIER, ben voilà c’est une compensation.
 
BENOIST APPARU On peut appeler ça comme ça. On peut appeler ça…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est ce qu’ils disent, c’est ce qu’ils pensent.
 
BENOIST APPARU Oui bien sûr, on peut appeler ça, en tout cas moi j’appelle ça comme ça un nouveau modèle économique.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui.
 
BENOIST APPARU Il y a un moment à force de rajouter en permanence depuis 50 ans de l’argent public dans le logement eh bien ça fait qu’une chose, ça fait monter les prix. On est en course poursuite permanente derrière ce qu’on appelle la solvabilisation du client.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais ça permet de vendre aux clients, c’est ce que disent les promoteurs.
 
BENOIST APPARU Oui enfin si vous vendez, la question pour les promoteurs c’est de vendre des logements.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Ben oui.
 
BENOIST APPARU Je les comprends. Et donc pour ça c’est argent public sur argent public pour solvabiliser une clientèle, et elle est course poursuite, les prix augmentent, il faut plus d’argent pour aider les gens à acheter, donc les prix ré-augmentent, enfin on peut continuer longtemps comme ça. Nous ce qu’on souhaite c’est changer totalement le modèle économique.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Mais alors vous dites aux constructeurs que vous allez baisser vos prix grâce à ça.
 
BENOIST APPARU Ce qu’on espère, en tout cas c’est le souhait et c’est l’idée du président de la République derrière cette mesure, c’est de se dire quoi ? On va pouvoir vendre potentiellement plus de logements. En général, en économie quand vous vendez plus, eh ben vous pouvez faire baisser les prix. Parce que vos marges entre guillemets restent les mêmes et donc pour faire à peu près les mêmes marges, à peu près les mêmes bénéfices eh ben vous pouvez baisser un peu vos prix, on escompte là-dessus. Je ne suis pas en train de vous dire que c’est du garanti sur facture. Mais j’ai une conviction, si on continue sur le modèle traditionnel, on va continuer à faire augmenter les prix. Un chiffre : en 2000 les encours de crédits liés au logement, c’est-à-dire toutes les sommes de crédits, publics, privés etc. dans le logement, c’était 300 milliards d’euros ; en 2010, 900 milliards d’euros, on est passé de 300 milliards à 900 milliards. Est-ce que ce facteur trois dont les montants liés au logement on l’a retrouvé dans la production ? Non. On a augmenté à peine, ce qui est déjà beaucoup de 0,3. Ca veut dire quoi ? Ca veut dire que tout le reste est passé dans les prix. Et si vous avez eu une explosion des prix c’est pourquoi ? C’est parce que les crédits sont passés de 15 à 25 ans, et qu’on a besoin de beaucoup plus d’argent aujourd’hui pour acheter un logement. Le résultat c’est qu’effectivement on est en train d’empêcher la classe moyenne de devenir propriétaire. Si on souhaite demain faire baisser les prix il faut qu’on baisse ces masses monétaires.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Oui moi je me souviens effectivement que Nicolas SARKOZY nous disait je veux une France de propriétaires, il est temps.
 
BENOIST APPARU Mais on a réussi en partie. Je ne peux pas vous dire là encore qu’on a pleinement réussi. On a augmenté de deux points le nombre de Français propriétaires. Avec le prêt à taux 0 en 2011 on aura fait 380.000 propriétaires de plus, c’est déjà une belle réussite.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est pour ça que vous le supprimez ?
 
BENOIST APPARU On le supprime dans l’ancien parce que là encore il y a un moment il faut savoir ce qu’on veut. Soit faire des économies budgétaires pour ne pas se retrouver dans la situation de la Grèce, soit effectivement dépenser sans compter.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Bien, une dernière chose, c’est bien de parler de logement, non. C’est mieux que de parler de la viande halal, non, Benoist APPARU ?
 
BENOIST APPARU C’est un sujet qui me parait effectivement important même si la viande halal je comprends que ce soit important dans une campagne présidentielle. J’ai le sentiment que pour la vie quotidienne des Français le logement l’est plus encore.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 6 mars 2012