Déclaration de M. Michel Sapin ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur les travaux de la Commission supérieure de codification et sur la simplification des textes législatifs et réglementaires, Paris le 10 juillet 2001.

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Circonstance : Remise du 11ème rapport annuel de la Commission supérieure de codification, Paris le 10 juillet 2001

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous recevoir aujourd'hui à l'occasion de la remise du 11ème rapport annuel de la commission supérieure de codification.
Monsieur le président, vous animez les travaux de la commission supérieure de codification, qui est présidée par le Premier ministre, depuis maintenant plus de 10 ans : la présentation de ce rapport prend donc un relief tout particulier. La codification vous doit énormément et je tiens, au nom du Gouvernement, à vous en remercier.
Votre commission, Monsieur le président, est l'héritière d'une longue tradition administrative puisqu'il existe depuis 1948 une structure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires. Dans sa forme actuelle, votre commission existe depuis 1989. Son travail a été considérable. Entre 1989 et 1999, le Parlement a en effet adopté 5 codes : le code la propriété intellectuelle, le code de la consommation, le code des juridictions financières, le code général des collectivités territoriales et cinq livres du code rural.
L'activité de la commission s'est considérablement alourdie à partir de l'adoption de la loi du 16 décembre 1999 qui a habilité le gouvernement à procéder par ordonnances pour accélérer l'uvre de codification. Ce sont neuf codes qui ont ainsi pu être publiés, pour leur partie législative, depuis la promulgation de cette loi d'habilitation : deux livres du code rural, le code de l'éducation, le code de la santé publique, le code de commerce, le code de l'environnement, le code de justice administrative, le code de la route, le code de l'action sociale et des familles, le code monétaire et financier.
Je note que cette nouvelle méthode de travail doit, sans aucun doute, être la bonne puisqu'elle nous a conduit à publier neuf codes en une seule année alors qu'il aura fallu dix ans pour n'en publier que cinq.
Votre programme de travail reste très chargé puisque vous allez vous consacrer prioritairement, d'ici 2004, à l'élaboration des parties réglementaires des codes adoptés sous la forme d'ordonnances et à la préparation de 7 codes supplémentaires.
Comme tous les ministères, le ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat apporte sa contribution à l'uvre de codification, en préparant deux codes : le code de l'administration et le code général de la fonction publique.
Le code général de la fonction publique a vocation à rassembler l'ensemble des textes généraux applicables dans chacune des trois fonctions publiques.
Le code de l'administration regroupera, d'une part, les règles de portée générale qui organisent les relations entre les administrations et le public et, d'autre part, celles qui définissent l'organisation des administrations de l'Etat.
Ces deux codes permettront aux citoyens, aux fonctionnaires, aux gestionnaires des ressources humaines des ministères de disposer d'un outil concret, maniable et complet.
Mais l'activité de votre commission intéresse dans sa totalité le ministère que je dirige, car la codification est un des rouages de la réforme de l'Etat. Un Etat plus proche des citoyens c'est un Etat où la règle de droit est de qualité.
" Nul n'est censé ignorer la loi ". L'Etat de droit suppose en effet que la règle de droit, qu'elle soit constitutionnelle, législative ou réglementaire, soit opposable au citoyen. Dans une décision de décembre 1999, le conseil constitutionnel a fait de l'accessibilité et de l'intelligibilité de la loi un objectif de valeur constitutionnelle. C'est dans cet esprit que j'ai constitué, le 28 mars dernier, un groupe de travail sur la qualité de la réglementation animé par Monsieur Dieudonné Mandelkern qui me remettra ses conclusions avant la fin de l'année. C'est toujours dans cet esprit que j'ai engagé, avec mes collègues européens un travail commun sur l'amélioration de la qualité de la réglementation nationale et communautaire.
La règle de droit doit tout d'abord être accessible à tous. L'accès à la connaissance de la règle est l'une des conditions de la démocratie. La mise en ligne, en janvier dernier, de l'intégralité des Journaux officiels depuis 1990, va ainsi dans le sens d'un meilleur accès de tous au droit. La codification remplit exactement le même objectif.
Il ne suffit pas que le droit soit physiquement accessible, il faut qu'il soit lisible et intelligible. La lecture du droit ne doit pas être l'apanage des juristes et des experts. Le droit appartient à tous, et la bonne marche de la société commande que chacun puisse s'en prévaloir. Rendre le droit accessible aux citoyens illustre, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, la volonté du Gouvernement de placer les usagers au centre des préoccupations des services publics. Il y a une semaine, j'ai installé le Comité d'orientation pour la simplification du langage administratif dont les travaux aboutiront, en octobre prochain, à la réécriture, en langage simple, de six dossiers administratifs courants et, au début de l'année 2002, à la mise en place d'outils destinés à simplifier le langage des courriers administratifs.
Au delà des questions de forme, une réglementation de qualité, c'est une réglementation juste, efficace, pertinente, dénuée d'effets pervers. Pour y parvenir, il faut certes recourir aux méthodes traditionnelles : audition d'experts, éventuellement de représentants des syndicats ou des usagers, débat politique au sein du Gouvernement, et, s'agissant des lois, au Parlement.
Mais je suis intimement persuadé que l'association plus en amont et plus systématique, par le biais des technologies de l'information et de la communication, de tous les acteurs concernés à la conception et à l'élaboration d'un texte réglementaire ou législatif, apporterait une garantie supplémentaire de qualité. Une règle de droit de qualité doit être aujourd'hui précédée d'un débat ouvert car la règle ne doit plus seulement s'imposer, elle doit aussi convaincre.
Nous n'avons pas, en France, à rougir de notre expérience. Si le souci de clarifier la législation et la réglementation est largement partagé chez nos voisins, nous sommes loin d'être en retard. De fait, la comparaison internationale place la France en position favorable sur certains points : en particulier, la claire organisation de la production des normes liée à la Constitution de 1958, la qualité des organes de contrôle, la tradition juridique, constituent pour la France des atouts indiscutables. Il nous faut faire fructifier ces atouts : la consolidation et la codification des normes juridiques européennes constitue certainement un défi essentiel des années à venir. L'expérience de la commission supérieure de codification nous sera très utile dans cet exercice.
Le droit imprègne de plus en plus les activités humaines . Certains le déplorent, qui voient dans toute règle commune un frein à l'initiative individuelle. Je fais partie de ceux qui y voient un progrès dans l'organisation de nos sociétés, car le droit est une garantie, une protection contre l'arbitraire et la puissance. Mais pour que cette protection soit effective, la règle commune doit être accessible au commun des mortels. La codification et la recherche d'une meilleure qualité des textes, sont donc indispensables.
Monsieur le président, bravo pour le travail accompli en dix ans. Et bon courage pour le travail qui vous attend encore. Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 12 juillet 2001)