Interview de M. Alain Vidalies, ministre des relations avec le Parlement, à France Info le 24 avril 2013, sur la saisine du Conseil constitutionnel à propos de la loi sur le "mariage pour tous", le projet de loi sur la moralisation de la vie politique et la proposition de loi sur l'amnistie sociale.

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Média : France Info

Texte intégral

RAPHAËLLE DUCHEMIN
Bonjour Alain VIDALIES.
ALAIN VIDALIES
Bonjour.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Merci d'être en direct avec nous sur France Info. On parlait du mariage pour tous il y a un instant, le texte a donc été adopté à l'Assemblée, vote solennel. Le conseil constitutionnel doit maintenant se prononcer. Vous êtes inquiet ou pas ?
ALAIN VIDALIES
Non, pas du tout. Le conseil est souverain, naturellement. Le gouvernement, je peux le dire, est serein.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Vous ne redoutez pas de censure ?
ALAIN VIDALIES
Évidemment, je ne peux pas vous dire ça. Le conseil est souverain et il y a déjà eu une décision sur le fond rendue à l'occasion de ce qu'on appelle une question prioritaire de consultation.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui, c'était il y a deux ans.
ALAIN VIDALIES
Voila. Dans laquelle au fond le conseil disait : « C'est évidemment au législateur et à lui seul de répondre sur le fond ». Après, il y a toujours des incertitudes.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Donc à partir du moment où le législateur a fignolé le texte, a priori il ne devrait pas subir les fourches caudines des Sages ?
ALAIN VIDALIES
En tous les cas, on a pris toutes les précautions pour que le conseil constitutionnel ne prenne aucune décision contre ce texte.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui, y compris sur les questions d'adoption parce que visiblement c'est plus cette partie-là qui serait regardée de près.
ALAIN VIDALIES
Oui, y compris sur les questions d'adoption.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Venons-en à la moralisation de la vie politique. C'est vous qui allez porter ce texte qui sera présenté aujourd'hui en conseil des ministres. Est-ce que vraiment ça peut réparer le mal qui a été fait après l'affaire Cahuzac ?
ALAIN VIDALIES
Ce n'est pas que l'affaire Cahuzac mais elle fait partie du problème. Au fond, personne aujourd'hui ne peut ignorer, même si on peut le regretter quand on est un homme public, que quatre-vingts pourcents des Français ont une défiance, une suspicion. Ils pensent même à soixante-quinze pourcents que les élus, tous les élus – de droite, de gauche, tous ceux – tous ceux qui les représentent, tous ceux qui font fonctionner la démocratie sont corrompus. Personne ne peut ignorer cette réalité qui a comme conséquence aujourd'hui principalement que je peux toujours venir, d'autres peuvent venir ici débattre avec vous de sujets importants de fond, il y a une suspicion vis-à-vis de la parole publique elle-même ! Et donc, il faut retrouver le chemin de la confiance ; c'est ça la transparence. C'est lutter contre la défiance pour retrouver la confiance par la transparence.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Il y a eu plusieurs tentatives avant ça pour y remédier. Toutes ont échoué où en tous cas ne sont pas allées au bout. Il y avait eu notamment la commission Sauvé qui a beaucoup planché. Il y a eu aussi des résultats de la commission Jospin. Pourquoi aujourd'hui ça marcherait alors qu'hier, ça n'a pas fonctionné ?
ALAIN VIDALIES
Parce que, comme vous le citiez vous-même, c'étaient des commissions mais entre la commission et la décision, il y a une étape qui n'a pas toujours été franchie, y compris le rapport Sauvé qui était très intéressant. Je veux vous dire que ce n'est pas simplement l'affaire Cahuzac mais elle est dans la problématique parce qu'avant même qu'on ait cette révélation, le Premier ministre le 14 mars avait fait une communication en conseil des ministres pour demander l'inscription d'un texte sur les conflits d'intérêt, qui depuis a effectivement été renforcé par l'affaire Cahuzac.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Ça signifie qu'après ce texte, Alain VIDALIES, il ne pourra plus clairement y avoir d'affaire Cahuzac ? C'est une garantie ?
ALAIN VIDALIES
Ce n'est jamais une garantie parce qu'en face de vous, vous avez parfois, ce qui est le cas dans l'affaire Cahuzac, des fraudeurs. Donc c'est la différence entre aujourd'hui où on fait une déclaration de patrimoine mais qui est avec une déclaration sur l'honneur, et puis demain la Haute autorité qui enquêtera sur les patrimoines des élus.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors justement, on parlait de Jean-Marc SAUVÉ. Il affirme que pour être efficace, il faut instaurer un droit de communication des informations détenues par des établissements financiers en France et à l'étranger. Vous allez mettre ça dans la loi ?
ALAIN VIDALIES
La réponse est oui et clairement oui.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Il dit aussi qu'il faut affiner la rédaction du délit de déclaration mensongère. Là aussi, même question.
ALAIN VIDALIES
La réponse est oui et clairement oui.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Et pourquoi ne pas publier la liste aussi des personnes - c'est une des propositions qu'il avait faites et qu'il réitère – dont l'enrichissement n'est pas expliqué ?
ALAIN VIDALIES
La réponse est oui à cette préoccupation dans le texte qui sera présenté en conseil des ministres.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Est-ce que vous comprenez aujourd'hui ne pas être totalement soutenu par toute votre majorité, à commencer par Claude BARTOLONE ?
ALAIN VIDALIES
C'est tout à fait compréhensible. On ne s'engage pas en politique pour ça. Je viens de publier mon patrimoine ; bon, ce n'était pas une décision de ma part de rendre mon patrimoine public mais je considère, avec le président de la République, que c'est un passage obligé.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui. Ça change quoi de savoir que vous êtes riche ou moins riche ? que vous avez telle ou telle maison ?
ALAIN VIDALIES
Ce n'est pas la chasse aux riches. Je veux dire, il faut surtout se sortir ça de la tête. Les gens sont assez intelligents pour comprendre que ce n'est pas la même chose quand vous avez soixante-deux ans ou que vous avez… Que votre patrimoine soit constitué normalement, que vous payez vos impôts normalement, ça les gens l'acceptent. Il y a une explication à votre situation, pas une sanction au fait que vous êtes riche. Quelle est la question ? Les gens veulent avoir la certitude qu'on ne va pas s'enrichir illégalement pendant l'exercice de nos mandats.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
À savoir sur le dos des Français.
ALAIN VIDALIES
Voilà. Après tout, c'est assez naturel. Comment le faire ? comment le faire ? Jusqu'à présent, on pensait que c'était sur notre bonne mine ; ça ne suffit pas. Il faut le faire avec la transparence et c'est ce qu'on va proposer. Je pense que sur ces bases-là, on peut arriver à convaincre, même en discutant avec les parlementaires.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors, transparence y compris sur la question des conflits d'intérêt. Ça, c'est quelque chose qui visiblement avance puisqu'on a vu que Jean-François COPÉ avait décidé de mettre fin à ses activités d'avocat, Jean-Louis BORLOO a annoncé la même chose hier. Ça signifie qu'il y a une prise de conscience aujourd'hui ?
ALAIN VIDALIES
Écoutez, elle aurait dû venir avant. Ça avait choqué, la situation de monsieur COPÉ, tout le monde. On ne peut pas faire de lois et être en même temps le conseil de grandes sociétés qui sont intéressées à l'évolution de la législation. Ça, c'est tout à fait impossible ; le repenti est tardif mais au moins il est là.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Dans les textes, dans ceux que vous allez proposer, quelle sera précisément la définition du conflit d'intérêt et jusqu'où vous allez aller ?
ALAIN VIDALIES
Nous allons reprendre la définition du conflit d'intérêt qui était dans le rapport Jospin. Il y avait différentes définitions mais on va prendre ce texte-là et reprendre aussi les dispositions du rapport Sauvé – vous en parliez tout à l'heure – mais qui n'avaient été transcrites dans la réalité puisque le projet de loi porté à l'époque par monsieur SAUVADET n'avait jamais été soumis au parlement.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Y compris sur la prise illégale d'intérêt ? Ça aussi ?
ALAIN VIDALIES
Y compris sur la prise illégale d'intérêt.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Qu'est-ce que vous allez faire dans ce sens ?
ALAIN VIDALIES
On va donner toute une liste - je ne veux pas être trop technique – mais qui interdira à des parlementaires de pouvoir continuer à exercer leur mandat ou plus exactement des responsabilités dans toute une série d'entreprises dans lesquelles notamment l'État est actionnaire.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors il y a une autre actualité. Elle concerne la proposition de loi d'amnistie sociale. Le Canard Enchaîné avait mis le doigt sur des problèmes dans ce texte, des failles notamment qui permettraient – si j'ai tout bien compris – à certains syndicalistes qui ont commis y compris des délits d'ordre fiscal d'être amnistiés. Est-ce que vous êtes favorable, vous, à cette loi d'amnistie sociale ou pas ?
ALAIN VIDALIES
Deux réponses claires. La première, il y a effectivement des erreurs de rédaction qui font que de toute façon, cette loi, on ne pouvait pas la confirmer à l'Assemblée nationale, mais c'était par erreur. Le champ visait aussi les délits financiers. Une fois cette erreur corrigée, est-ce que nous sommes favorables à l'amnistie pour les délits qui ont été commis à l'occasion de mouvements sociaux ? Je veux être clair : la position du gouvernement dans ce débat sera non. Nous ne sommes pas favorables à cette amnistie ni à aucune autre. Ça a été la position du président de la République depuis l'origine et ce qui se passe en ce moment montre qu'il faut avoir une seule réponse. Une seule réponse, c'est le respect de la loi républicaine pour tous, le droit à manifester, le droit à faire grève qui sont des grands principes constitutionnels. Justement, pour respecter la force de ces principes, il ne faut pas permettre en quelque moment que ce soit, des débordements qui entrent dans le champ de la voie pénale. Je suis très clair, la réponse que donnera le gouvernement quand ce texte viendra devant le Parlement ce sera une réponse défavorable.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Le 16 mai. Et vous demandez à la majorité de vous suivre évidemment. Pourtant, le texte a été adopté au Sénat.
ALAIN VIDALIES
Le texte a été adopté au Sénat dans cette forme-là mais la position du gouvernement, je vous le dis, lorsque le texte reviendra à l'Assemblée nationale, je ne sais pas ce que feront les parlementaires mais la position que le gouvernement exprimera publiquement, c'est son opposition ferme et claire à toute forme d'amnistie.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Merci Alain VIDALIES d'avoir été en direct avec nous ce matin sur France Info.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 mai 2013