Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur les principaux axes de la politique du transport routier : la sécurité routière, le développementt durable, l'intermodalité des transports et les réformes du secteur autoroutier concédé, Paris, le 11 juin 2001

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Circonstance : 14ème congrès mondial de la route de l'International Road Federation à Paris, le 11 juin 2001

Texte intégral

Madame la ministre,
Messieurs les ministres,
Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux et fier que se tienne aujourd'hui à Paris ce 14ème Congrès mondial de la Route de l'IRF. Je suis d'autant plus satisfait d'inaugurer cette manifestation d'envergure que près d'un siècle après le premier congrès mondial de la route en 1908, la France est à nouveau honorée et accueille le premier congrès du XXIème siècle.
Je voudrais tout d'abord féliciter Alain le Coroller, tout nouveau président de la fédération internationale de la route et Christian Gérondeau, organisateur de la manifestation, pour avoir eu l'initiative de ce projet et pour avoir réussi à mobiliser des représentants de quatre vingt pays qui vont assister à la présentation de plus de 600 contributions sur des thèmes fortement renouvelés. En effet, ce sont des vrais sujets de préoccupation des citoyens du XXIème siècle, dont il sera question tout au long de ces journées. J'ai noté une complète convergence entre mes préoccupations ministérielles et les sujets qui seront abordés dans les différentes sessions et ateliers : la sécurité routière, le développement durable, l'intermodalité des transports et les réformes du secteur autoroutier concédé et du débat public, avec en perspective les rapports avec les citoyens.
Objectif premier, la sécurité routière est l'un des thèmes qui doit sous-tendre toutes nos actions; elle doit être la priorité non seulement des ministres de l'équipement et des transports mais également de tous les acteurs de la route dont vous faites partie avec les gestionnaires de réseaux. Nous ne pouvons plus admettre que 330 000 personnes perdent la vie sur les routes du monde chaque année.
Même si le comportement des automobilistes est souvent à l'origine des drames, des améliorations sont également à trouver au niveau des infrastructures routières. Plusieurs pistes de progrès existent, que ce soit au niveau de leur conception, de leur entretien ou de leur mode d'exploitation. Toutes ces actions visent à inciter ou à aider l'automobiliste à adopter une conduite qui minimise les risques, mais également à réduire les risques d'une erreur ou d'un comportement inadapté. La route doit savoir accompagner et pardonner.
Concrètement, dans notre pays, nous avons élaboré un projet de loi sur la sécurité des infrastructures de transports afin de tenir compte de la spécificité de certains grands ouvrages de transport comme les tunnels longs.
Pour les projets plus courants, la prise en compte de la sécurité dès le début de l'élaboration du projet et tout au long de sa mise en uvre sera renforcée grâce au contrôle de sécurité des projets routiers qui a été instauré par la circulaire du 18 mai 2001, à la suite des comités interministériels de sécurité routière d'avril 1999 et d'octobre 2000.
Sur le réseau routier existant, j'ai demandé que soit mis en uvre dans les meilleurs délais un diagnostic de sécurité des sections anormalement dangereuses. Cette démarche confortera la politique de résorption des points dangereux du réseau, mise en uvre dans le cadre des contrats de plan.
Enfin, de trop nombreuses sorties de routes pourraient avoir des conséquences moins dramatiques si les abords de nos routes ne comportaient pas d'obstacles qui se sont rapprochés des usagers au fur et à mesure de l'élargissement des anciennes chaussées.
Un programme de traitement de ces obstacles d'un montant de 400 MF sur la période 2000-2006 est en cours de mise en uvre.
Ce sont les pistes connues d'amélioration de la sécurité routière mais si, en tant que représentant du monde routier, nous voulons faire toujours plus, nous devons être à la recherche perpétuelle d'améliorations, d'innovations, permettant de résoudre des problèmes spécifiques. Je peux citer comme exemple le problème de la prise à contresens des autoroutes et voies rapides. Ce problème n'est certes pas nouveau mais semble en développement et constitue un sujet de réflexion dont se sont saisis les experts de la direction des routes, à l'initiative de leur directeur, Patrick GANDIL.
Il n'est pas concevable qu'on ne puisse pas aujourd'hui trouver un système, qu'il soit mécanique ou qu'il ait recours à des méthodes électroniques plus sophistiquées de détection de trafic, qui limite les possibilités de prendre une voie rapide à contresens. Il en est de même de l'apport encore trop limité aujourd'hui des systèmes électroniques anticollision destinés à limiter les risques de carambolage en chaîne.
Plus globalement, la mise en uvre d'un Schéma Directeur d'Information Routière sur le réseau principal de notre pays, visera à prescrire les modalités d'interaction entre l'infrastructure et le véhicule, utilisant notamment les nouvelles technologies avec l'objectif essentiel de la sécurité. La "route intelligente" doit non seulement améliorer le service à l'usager, mais surtout contribuer à diminuer le nombre et la gravité des accidents.
Je serai attentif aux conclusions de vos échanges sur ce thème ou chaque progrès concourt à sauver des vies.
Cette mobilisation de tous contre l'insécurité routière est d'autant plus nécessaire que le besoin de mobilité des personnes ainsi que celui des échanges de marchandises n'ont jamais été aussi grands. Comme la mondialisation en général, l'appréciation de cette évolution dépendra de la façon dont elle sera organisée, régulée et contrôlée par les citoyens.
Les échanges ne peuvent que croître à l'avenir. La société de l'information dont certains avaient imaginé qu'en multipliant les réseaux, elle réduirait la demande de déplacements l'a au contraire accrue. En se mondialisant, le commerce exige du même coup un essor du transport à cette échelle. La croissance le dope. Les comportements changent : l'exigence de rapidité grandit.
C'est dans le cadre de cette explosion de la demande que par un curieux renversement, le merveilleux outil d'autonomie, de liberté et de plaisir qu'est la route vient se heurter à de redoutables enjeux, qui pour l'essentiel ont comme noms : la sécurité, la qualité de vie et l'environnement.
Si on laisse aller les choses au fil de l'eau, les réponses positives apportées par l'automobile et par le camion se retourneront contre eux. La société refuse et refusera les excès, les gâchis et les dangers du "tout automobile" et du "tout camion". Cette évolution est déjà perceptible dans nos sociétés européennes dont les villes ont souffert des effets de coupure provoqués par les infrastructures autoroutières construites en milieu urbain. Je formule le voeu que vos échanges permettront à tous les pays, notamment les pays émergents, de profiter de cette expérience pour mieux respecter leurs riverains.
Bien entendu, il faut sortir du manichéisme. Critiquer le "tout-routier" ne vise pas à promouvoir le "tout-chemin-de-fer", mais bien plutôt à en finir avec "le tout-ceci ou tout-cela". Et au lieu d'une concurrence inefficace, je préfère explorer les voies de la complémentarité, de la coopération, de l'intermodalité, de la mixité et du partage.
Dans cet esprit la politique de rééquilibrage rail-voie fluviale-route préconisée et mise en uvre par le gouvernement français, ne vise pas à porter des coups au développement de la route. Mais plutôt à lui donner une nouvelle chance en l'incitant à se transformer en profondeur.
Cela suppose réflexions et débats, initiative et innovation sociale. Les schémas de services collectifs de transport de marchandises et de voyageurs traduisent cette nouvelle politique des transports.
Son ambition est de répondre aux besoins de transport et de déplacements, dans des conditions compatibles avec les exigences économiques, sociales et environnementales d'un développement durable.
En mettant l'accent sur le service rendu, elle conduit à rechercher d'abord les modalités d'une meilleure utilisation des réseaux existants avant d'envisager de nouvelles infrastructures.
Les objectifs et les mesures inscrites dans ces schémas de services sont ambitieux, notamment en ce qui concerne le fret ferroviaire et la régulation générale des transports, compte tenu de l'enjeu planétaire de la stabilisation des gaz à effet de serre, qui a fait l'objet du protocole de Kyoto.
Si la diminution des émissions des véhicules constitue toujours la principale piste de progrès, et les constructeurs doivent à ce titre accentuer leurs efforts, la meilleure complémentarité entre les modes est également source d'amélioration de l'environnement et de la qualité de la vie.
Je citerai l'exemple du transport de marchandises. Si le transport routier est indispensable pour les faibles distances et la desserte fine des territoires, les échanges internationaux terrestres doivent se reporter sur les modes moins polluants, fluvial et surtout ferroviaire. A ce titre la création du Réseau Transeuropéen de Fret Ferroviaire vise à rendre plus compétitif ce mode dans les longues distances d'une Europe unie.
Le ferroutage est un exemple encore plus intermodal. La complémentarité entre la desserte terminale des villes -par la route- et l'utilisation du réseau ferré par les camions -notamment dans les zones sensibles- doit être développée.
Optimisation et rééquilibrage ne signifient pas, bien au contraire, que le siècle qui débute ne sera pas celui des grandes réalisations d'infrastructures, dans tous les modes de transports.
Depuis hier, le TGV Méditerranée circule entre Lyon, Marseille et Nîmes. Ce projet, d'un coût de 25 Milliards de francs, 3,8 Milliards d'Euros, 3,25 Milliards de dollars, pour 250 km de voies, rapproche l'Europe du Nord à moins de 4 heures de la Méditerranée.
S'il a déjà deux prolongements au Nord, vers Londres par l'Eurostar et vers la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne par le Thalys, nous engageons aujourd'hui les procédures de prolongement vers nos deux voisins méditerranéens, l'Espagne et l'Italie.
Les lignes mixtes, grande vitesse, fret mais aussi ferroutage, entre Perpignan et Figueiras en Espagne d'une part, entre Lyon et Turin en Italie d'autre part, constituent les chantiers exceptionnels de cette nouvelle décennie qui commence.
Vers l'Est, le TGV Est-européen est totalement financé et sera mis en service en 2006.
Des ouvrages routiers exceptionnels marqueront également cette décennie, et je le pense, déjà, le XXIème siècle.
Vous visiterez le chantier du tunnel d'A86, à Rueil-Malmaison, qui illustre également l'innovation technologique d'une solution optimisée pour le cadre urbain.
J'ai retenu il y a quelques jours le concessionnaire du Viaduc de Millau. A l'été 2004, cet ouvrage monumental permettra d'assurer la continuité d'une nouvelle liaison autoroutière entre l'Île-de-France et la Méditerranée.
Ces projets fantastiques poursuivent la grande tradition française des Ponts et Chaussés en matière d'ingénierie des travaux publics, de la construction, du ferroviaire, qui remonte à plus de 250 ans.
Ils ne doivent pas occulter le savoir-faire quotidien des entrepreneurs de la route, pour répondre à l'augmentation des crédits d'entretien et de développement du réseau routier national, initiée par le gouvernement.
Cette spécialité française avait depuis longtemps trouvé de nombreux débouchés dans d'importantes concessions à l'étranger, mais notre cadre national, qui avait permis la réalisation de nombreux projets dans la seconde moitié du XX ème siècle, nécessitait aussi d'être modernisé.
Deux principes ont guidé les réformes ferroviaire et autoroutière : transparence et partenariat.
La transparence, pour bien distinguer ce qui relève de l'utilisation rentable de capitaux pour construire puis exploiter et ce qui relève de la subvention publique, souvent indispensable en matière d'infrastructure.
Le partenariat à la fois entre le privé et le public, qui correspond aux deux domaines que je viens de définir, mais aussi entre l'État, l'Europe, les collectivités territoriales pour cofinancer les subventions publiques, comme c'est le cas pour le TGV Est Européen ou l'A28 entre Rouen et Alençon.
La réforme autoroutière permettra ainsi de concéder des sections isolées d'autoroutes à tous types de sociétés par mise en concurrence, ce qui est tout à fait nouveau en France.
Les nouvelles concessions pourront être attribuées aussi bien aux exploitants actuels d'autoroutes qu'à des sociétés qui ne sont pas aujourd'hui concessionnaires d'autoroutes françaises.
Le financement sera plus transparent et permettra au citoyen d'être réellement informé de la consistance et des conséquences des choix réalisés.
La route citoyenne, c'est également un enjeux déterminant pour ce XXIème siècle. Si la demande sociale exprime des besoins de déplacement croissant, elle met en également en évidence deux exigences fortes : le respect de l'environnement et un renouveau de la concertation en amont des décisions d'investissement. Ces notions se fondent en un concept encore trop peu intégré à la route : le développement durable.
La réflexion sur les problèmes environnementaux n'est pas nouvelle mais la prise en compte concrète se développe et s'améliore chaque jour.
Cette amélioration touche en premier lieu les techniques employées. De gros progrès ont été faits dans ce domaine mais des améliorations restent possibles.
Le monde routier devra en particulier instaurer rapidement un recyclage des matériaux de chaussées. Notre volonté est de progresser dans ce domaine, bénéfique à la fois sur le plan énergétique et sur le plan environnemental.
Ceci n'est qu'un exemple mais nous devront nous attacher à l'avenir à utiliser des techniques moins polluantes et plus respectueuses de l'environnement, à optimiser l'utilisation des ressources, à réutiliser les sous-produits et les déchets. Des innovations sont attendues dans ce domaine et les travaux de ce congrès seront, j'en suis certain, propices à d'ambitieuses propositions.
Tendance de fond dans l'évolution récente de notre fonctionnement social, la transparence dans l'action publique répond à l'aspiration de nos concitoyens de comprendre et de s'informer, mais aussi de ne plus être des administrés qui subissent, pour devenir des citoyens qui participent. J'y attache personnellement une très grande importance.
La participation du public doit commencer au début de la procédure c'est à dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence.
Le gouvernement français présentera ainsi une réforme sur la participation du public à l'élaboration des grands projets dans le cadre du projet de loi sur la démocratie de proximité.
Parmi les mesures envisagées, l'élargissement du débat public en amont, sous le contrôle de la Commission nationale pour le débat public, qui deviendra une autorité administrative indépendante.
Voilà quels sont, rapidement évoqués, les enjeux majeurs pour la route du futur. Ils sont parfaitement inscrits dans votre programme de travail qui, pour une fois donne une place prépondérante à l'environnement socio-économique de la route afin de la rapprocher durablement des besoins et des aspirations des citoyens.
Rappelons nous que c'était déjà le cas au début du 20ème siècle, car avant même le premier congrès mondial de la route en 1908, deux congrès se tinrent à Monaco en 1905 et à Paris en 1906 sur le problème routier majeur de l'époque : la poussière des routes.
En conclusion, je souhaite un plein succès à ce 14ème Congrès mondial de la Route, dont je prendrai connaissance des conclusions avec la plus grande attention.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 29 juin 2001)