Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ségolène ROYAL, bonjour.
MADAME LA MINISTRE SEGOLENE ROYAL
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Je rappelle que vous êtes ministre de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie. C'est important d'ailleurs de mettre l'écologie et l'énergie dans le même ministère. Ségolène ROYAL, on va parler d'EDF. Nouvelle hausse imposée par la justice, le conseil d'État vous demande de prendre un nouvel arrêté pour augmenter rétroactivement les prix. Cet arrêté doit être pris avant deux mois. Il sera pris quand ?
SEGOLENE ROYAL
Avant deux mois, comme vous venez de le dire !
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord ! Non mais d'accord ! Quand et alors quelle hausse ? Combien ?
SEGOLENE ROYAL
Ça va permettre d'y voir clair car trouvez-vous normal que lorsqu'un gouvernement décide, pour protéger les consommateurs, de limiter la hausse de l'énergie que la plus haute juridiction dise : « Non, il faut que l'énergie soit plus chère » à cause des textes sur lesquels cette hausse juridiction s'appuie. Ce que je veux comprendre, c'est pourquoi il y a un tel écart entre les critères qui sont donnés pour fixer le prix de l'énergie et la volonté politique - la volonté politique qui, elle doit l'emporter - pour arrêter une politique énergétique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La volonté politique l'emportera donc.
SEGOLENE ROYAL
La volonté politique doit l'emporter, sinon à quoi servent les ministres ? A quoi sert un gouvernement ? C'est bien pour faire en sorte que d'abord il y ait du bon sens, il y ait de la justice, il y ait de la protection des consommateurs à un moment où le pouvoir d'achat est en difficulté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors qu'allez-vous faire puisque la volonté politique doit l'emporter ?
SEGOLENE ROYAL
Actuellement, je suis en train de comprendre les mécanismes complexes de fixation du prix de l'énergie. Ensuite, nous en discuterons avec le ministre de l'Économie parce que nous sommes deux ministres compétents et nous irons demander un arbitrage au Premier ministre parce que ce sont des sujets considérables. Ce sont des sujets majeurs. C'est vingt-huit millions ! Vingt-huit millions de Français sont concernés par ce rattrapage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais. Ça veut dire qu'il n'y aura peut-être pas de hausse malgré la recommandation du conseil d'État.
SEGOLENE ROYAL
Nous allons regarder car, il faut rappeler pour les auditeurs qui nous écoutent, que ce tarif est celui de 2012. C'est une décision de 2012. Nous sommes déjà en 2014 et là, c'est un rattrapage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Entre août 2012 et août 2013, le gouvernement a volontairement modéré la hausse du prix de l'électricité.
SEGOLENE ROYAL
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que vous reproche le conseil d'État. Il vous demande donc d'augmenter pour compenser et vous dites non.
SEGOLENE ROYAL
Il y a deux façons de procéder pour que les gens ne payent pas plus. Ce sera l'objectif : c'est que les gens ne payent pas plus. C'est de faire des économies d'énergie, il faut donc voir tous les opérateurs qui sont concernés pour voir comment faire des économies d'énergie parce que si on permet à ceux qui payent les factures - nous tous donc, vingt-huit millions de Français - de rattraper ces entre vingt et quarante euros par des économies d'énergie ou par un calcul meilleur du coût de l'énergie, à ce moment-là on pourra compenser et faire en sorte que la situation soit neutre, qu'il n'y ait pas de hausse. Je ne souhaite pas qu'il y ait une hausse du prix de l'énergie au moment où les Français sont en difficulté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y aura donc pas de hausse de l'électricité avant le mois d'août ?
SEGOLENE ROYAL
Je souhaite qu'il n'y ait pas de hausse d'électricité actuellement, c'est-à-dire que la décision politique de 2012 soit appliquée mais en respect des règles, puisque le conseil d'État a décidé en respect des règles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez, attendez ! Pour que ce soit très clair : il n'y aura pas de hausse de l'électricité avant le mois d'août.
SEGOLENE ROYAL
Je suis en train de vous dire que dans les deux mois - j'ai deux mois...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans les deux mois, il n'y aura pas de hausse.
SEGOLENE ROYAL
Jean-Jacques BOURDIN, mes principes de travail, c'est d'analyser les choses, de maîtriser la totalité des données, qu'on ne me dise pas : « C'est comme ça et il n'y a rien à changer ». C'est ce qu'entendent souvent les responsables politiques. Moi, je suis une responsable politique, comme tout ce gouvernement, à qui on ne dit pas : « C'est comme ça, il n'y a rien à changer. Vous n'avez pas le choix ». La politique, gouverner c'est choisir. Je considère que là, il y a un problème majeur qui est posé et qui est celui du coût de l'énergie, qui est celui de la protection des consommateurs, qui est celui de la parole donnée d'un gouvernement en 2012. Mon souci, c'est que cette parole du gouvernement soit respectée et que lorsque les Français vont payer leur facture cette année en 2014, il n'y ait pas de coût supplémentaire par rapport à ce qui avait été promis. Je vais trouver une solution, c'est ça l'ingéniosité politique. Je vais trouver une solution de bon sens, concrète, conforme aux textes et aux règles pour qu'il n'y ait pas d'augmentation sur cette période entre aujourd'hui, 2012, et le mois d'août.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'au mois d'août, il y a une augmentation de 5 % qui est prévue.
SEGOLENE ROYAL
Voilà, donc déjà ça suffit. Par ailleurs, puisque j'ai la responsabilité de préparer la loi sur la transition énergétique, nous pourrons dans le cadre de cette loi aussi changer les modes de calcul de la hausse du coût de l'énergie et voir exactement pourquoi et comment sont élaborés ces indices de la hausse du coût de l'énergie, et ça en toute transparence et pas seulement par les producteurs d'énergie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, c'est très intéressant.
SEGOLENE ROYAL
Vous voyez, ce n'est pas les producteurs d'énergie tous seul...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas EDF qui va changer la loi.
SEGOLENE ROYAL
Exactement. Qui va dire à tous les Français : « Voilà, c'est la fatalité ». Parce qu'on a conditionné les Français en leur disant : « C'est la fatalité, c'est obligatoire. Le prix de l'énergie va augmenter ». Or, c'est absurde de dire une chose pareille ? Pourquoi ? Parce que c'est à nous de maîtriser le prix de l'énergie en faisant monter en puissance les énergies renouvelables et en plus, des énergies qui ne polluent pas, qui ne provoquent pas de réchauffement planétaire. Moi, je n'accepte pas cette fatalité selon laquelle : « Circulez ! Y'a rien à voir ! Le prix de l'énergie va obligatoirement augmenter ». Si l'on ne remet pas en cause cette espèce de dogme, à ce moment-là on ne remettra jamais en cause nos comportements. C'est bien en disant « non », si on s'y prend autrement, si on économise l'énergie, si on fait monter en puissance les énergies renouvelables, si on fait la transparence sur le coût de l'énergie, si on met du dialogue démocratique pour que les citoyens comprennent ce qu'ils payent et ce qu'ils vont payer, à ce moment-là je suis absolument convaincue que nous pouvons maîtriser le coût de l'énergie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Ségolène ROYAL, projet de loi sur la transition énergétique. Il sera présenté quand, ce projet de loi ?
SEGOLENE ROYAL
Le plus vite possible ! Il reste un gros travail. Il y a du retard, disons les choses très clairement. Là, j'accélère les choses. Ma responsabilité, c'est d'accélérer les choses pour qu'elles changent concrètement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Présenté quand ?
SEGOLENE ROYAL
Il faut qu'il soit terminé en avril-mai, qu'il passe au conseil d'État, au conseil économique et social et environnemental, et ensuite sur le bureau des assemblées sans doute en juillet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En juillet sur le bureau des assemblées ?
SEGOLENE ROYAL
Ça paraît long mais c'est très, très court. Ça veut dire un passage en conseil des ministres en mai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le calcul du prix de l'énergie sera contenu dans ce projet de loi, si j'ai bien compris. Il y aura aussi la réduction de 75 à 50 % de la part du nucléaire dans la consommation d'électricité. Ce sera inscrit dans la loi ?
SEGOLENE ROYAL
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Fermeture de Fessenheim avant la fin du quinquennat, tout ça ce sera dans la loi.
SEGOLENE ROYAL
Ce sera respecté en tous cas. On mettra dans la loi ce qui est vraiment législatif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Renouvellement du parc nucléaire français aussi. Est-ce que vous allez construire de nouvelles centrales ?
SEGOLENE ROYAL
Bien sûr. Il y aura le débat. Ce n'est pas l'objectif, de construire de nouvelles centrales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, mais il faut remplacer les anciennes.
SEGOLENE ROYAL
On verra. Je ne vais pas répondre de but en blanc et de façon schématique sur des sujets qui sont extrêmement sensibles, qui engagent des milliers et des milliers d'emplois et des technologies très avancées dans notre pays. La France peut être fière de tous ses ingénieurs, de toutes ces technologies de l'électricité. C'est quelque chose de formidable. En même temps, le choix doit être politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais le nucléaire lutte contre le réchauffement climatique.
SEGOLENE ROYAL
Oui, le nucléaire n'est pas une énergie fossile, c'est-à-dire une énergie extraite du sous-sol. Je dis cela parce qu'on parle avec tellement de mots techniques maintenant dans l'environnement, et moi je considère que si tous les citoyens comprennent ce qui se passe dans l'environnement, ils vont tous se mettre en mouvement et c'est ça qui nous fera réussir. Vous voyez, si chacun d'entre nous comprend les enjeux et fait évoluer ses comportements, c'est comme ça qu'on réussira à protéger la planète tout en gagnant sur le plan de la santé publique et sur le plan du bien-être.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais tout le monde va être d'accord avec vous, Ségolène ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
C'est une formidable révolution. Vous savez, c'est très rare quand il y a un sujet politique qui fait l'alliance entre des problèmes concrets immédiats - facture d'électricité, lutte contre la pollution, propreté de l'eau, santé, et cætera - et les sujets planétaires. Chacun d'entre nous peut être citoyen du monde en améliorant sa situation. C'est quand même formidable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne condamnez pas le nucléaire, évidemment.
SEGOLENE ROYAL
Non, bien sûr que non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Encore une fois, le nucléaire est une énergie propre.
SEGOLENE ROYAL
Propre ? Je n'irais pas jusque-là puisque nous avons le problème des déchets nucléaires qui est un vrai problème. On ne peut donc pas dire que ce soit une énergie propre mais c'est une énergie performante et c'est une énergie qui n'est pas une énergie fossile, donc qui ne contribue pas à l'effet de serre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'avais comme invité la semaine dernière sur RMC votre secrétaire d'État aux Transports, monsieur CUVILLIER, qui me disait à propos de l'écotaxe : « Oui, pour financer les travaux d'infrastructure sera mise en place une contribution que paieraient ceux qui utilisent économiquement la route ». Vous confirmez ?
SEGOLENE ROYAL
On va voir comment ça va se faire !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah ! C'est ce qu'il m'a dit, lui.
SEGOLENE ROYAL
Oui, on va réfléchir. Je vais vous dire une chose. Je ne veux pas que l'écologie soit punitive.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle est punitive ?
SEGOLENE ROYAL
Un impôt, c'est vu et c'est prévu comme tel. L'écologie, la protection de l'environnement, ça doit toujours être du positif. Je viens de vous expliquer pourquoi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors un transporteur étranger qui roule sur les routes françaises paiera-t-il une taxe ou une contribution à cette circulation-là ? Je ne parle pas des autoroutes parce qu'il paye.
SEGOLENE ROYAL
Je vais vous répondre sur deux points très concrets, très, très concrets. Ce serait tout à fait légitime qu'un camion étranger qui traverse tout le pays contribue et paye pour l'entretien des routes qu'il utilise. Est-ce que l'écotaxe permet cela ? Non, aujourd'hui telle qu'elle est conçue, puisque l'écotaxe fait payer à la fois les camions français et les camions étrangers. Elle fait même payer davantage les camions français, puisque les camions étrangers qui font leur plein en Belgique et qui traversent toute la France, vu le volume aujourd'hui des réservoirs, se retrouvent en Espagne et refont leur plein en Espagne. Ils ne payent pas la fameuse TIPP, la taxe sur les produits pétroliers. Vous avez donc aujourd'hui des camions français qui payent déjà la TIPP sur le prix de l'essence, la taxe sur les produits pétroliers qui sert à entretenir les routes ; et vous avez des camions étrangers qui traversent toute la France et qui ne payent rien parce qu'ils n'achètent pas l'essence en France. Ils se débrouillent pour ne pas payer la TIPP et en plus pour ne pas prendre les autoroutes. Vous savez, entre Poitiers et Bordeaux sur nationale 10, c'est effrayant. Vous avez les camions à touche-touche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais, c'est pour ça que je vous en parle. Mais est-ce que ces camions-là vont payer ?
SEGOLENE ROYAL
Il faudrait que ces camions-là payent et seulement ceux-là. Ce que je cherche aujourd'hui et le plus rapidement possible, c'est un système qui va faire payer les camions étrangers, parce que les camions français payent déjà la TIPP.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les camions étrangers paieront ?
SEGOLENE ROYAL
Il faut trouver un système. Si tout le monde passe sous les portiques, tout le monde paye. Le système est d'autant plus absurde aujourd'hui qu'on a imaginé pour ne pas fâcher les camions de répercuter l'éventuelle future écotaxe sur les producteurs. Je rencontre l'autre jour un producteur de pommes et de salades ; il charge ses pommes et ses salades sur son camion. Il n'a pas beaucoup de marge, il ne fait pas beaucoup de bénéfices, le producteur. Avec le nouveau système tel qu'il a été imaginé, c'est lui qui va payer l'écotaxe ! Ce n'est pas le camion !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais, mais je sais.
SEGOLENE ROYAL
Alors, on n'atteint pas l'objectif. Ce qu'il faut c'est que ce soient les camions qui payent l'entretien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc les camions étrangers paieront une contribution.
SEGOLENE ROYAL
Si on trouve le système. Je vais vous dire une piste sans anticiper les choses. C'est que dans certains pays, pour que ce soient les camions étrangers qui payent, je le répète, parce que les camions français payent déjà parce qu'ils prennent l'essence en France, d'abord il faut voir quel système on peut utiliser pour obliger les camions étrangers à prendre les autoroutes et donc à payer l'autoroute plutôt qu'à encombrer les routes. En payant l'autoroute, à ce moment-là on pourra donc prélever une partie parce que les camions qui sont forcés de prendre l'autoroute, ça va augmenter le chiffre d'affaires des autoroutes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est donc une sorte de taxe sur les sociétés d'autoroutes.
SEGOLENE ROYAL
C'est une piste. Et que les Français qui nous écoutent comprennent que la politique, c'est de chercher des pistes de bon sens et qui atteignent leur objectif. Par exemple, j'observe que les autoroutes qui ont été privatisées en dessous de leur prix par le gouvernement Villepin aujourd'hui font 8,5 milliards de chiffres d'affaires et dégagent 2 milliards de bénéfices.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez donc taxer ces bénéfices ?
SEGOLENE ROYAL
J'observe pour l'instant. Je n'annonce pas. Je ne suis pas quelqu'un qui annonce. Je réfléchis à ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
À une taxe sur les autoroutes ? Sur les profits des sociétés d'autoroutes ?
SEGOLENE ROYAL
Non, parce que je ne veux pas non plus déstabiliser des entreprises qui ont leur logique d'entreprise. Moi, j'ai la responsabilité de la logique de l'intérêt général et à partir du moment où les autoroutes ont été privatisées en dessous de leur prix, en dessous de leur valeur, et qu'aujourd'hui elles font des bénéfices, tant mieux. Si demain on oblige les camions à prendre les autoroutes, il y a peut-être une légitimité pour faire en sorte que dans une bonne allocation optimale des ressources, les profits tirés du passage des camions sur les autoroutes puissent servir à entretenir les routes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc obliger les camions étrangers à prendre l'autoroute. Et deuxième piste, très vite Ségolène ROYAL ?
SEGOLENE ROYAL
Deuxième piste : au lieu de créer une écotaxe pour tout le monde avec des portiques qui coûtent au passage très cher, c'est 300 millions d'euros rien que le coût du portique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Etat n'a toujours pas payé la société ECOMOUV'...
SEGOLENE ROYAL
Non, mais attendez, il faut débourser 300 millions avant même d'avoir le retour sur l'écotaxe, il y a quand même un problème là-dessus, d'ailleurs il y a une commission d'enquête du Sénat...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais.
SEGOLENE ROYAL
Et j'espère qu'on fera toute la clarté sur ce système...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur le contrat.
SEGOLENE ROYAL
Ce système très étrange. Un autre système de certains pays...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors la piste donc.
SEGOLENE ROYAL
C'est de faire payer une vignette aux camions étrangers, à la frontière, et comme ça on est sûr de faire payer que les camions étrangers, donc il n'y a pas de distorsion de concurrence, avec les transports...
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va instaurer une vignette à la frontière, ça existe en Suisse.
SEGOLENE ROYAL
Exactement, et un système où il n'y a pas besoin de portiques, et donc qui ne coûte rien, puisqu'il n'y a pas le prélèvement des 300 millions, donc on récupère 300 millions pour faire les travaux sur les routes et sur les trains.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une vignette à l'entrée. Est-ce que les taxes...
SEGOLENE ROYAL
Voyez qu'il y a des pistes...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais bien sûr.
SEGOLENE ROYAL
Quand on regarde avec un bon sens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les taxes sur le diesel vont rester au même niveau, en France ?
SEGOLENE ROYAL
Je ne vais pas faire la liste des...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non non, mais moi je fais la liste. Ségolène ROYAL, je fais la liste parce que ça, ça intéresse...
SEGOLENE ROYAL
D'abord il faut simplifier cette liste, il y a au moins 8 ou 9 dispositifs...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais attendez, le diesel. Il n'y aura pas d'alignement des taxes diesel/ essence, tant que vous serez ministre ?
SEGOLENE ROYAL
C'est comme le reste Monsieur BOURDIN, c'est comme le reste, moi j'ai la responsabilité de décider avec pertinence, en ayant l'ensemble des éléments du problème, et en étant capable d'expliquer en toute transparence ce qui est fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pour l'instant vous n'avez pas décidé sur le diesel ?
SEGOLENE ROYAL
Revenons-en toujours au principe. Qu'est-ce que c'est le diesel. C'est vrai que les émanations de diesel polluent et sont un problème pour la santé publique, maintenant, ce qui est très important aussi, dans une logique technique d'environnement positive, c'est de ne pas donner aux citoyens qui ont acheté des voitures diesel et qui ont été encouragés pour cela, et qui n'ont pas les moyens pour, du jour au lendemain, de changer de voiture, ayons là aussi un petit peu de bon sens et soyons réalistes, on ne va pas leur taper sur la tête en leur disant « vous avez eu tort, on vous a vendu des voitures diesel on vous disant que ça coûtait moins cher », et puis aujourd'hui faire le contraire en leur disant « maintenant vous... » Donc ce qu'il faut c'est faire en sorte, comme le font - et ça en coordination avec les autres pays européens, là aussi, pour qu'il n'y ait pas de distorsion de concurrence - petit à petit, en terminer avec les voitures diesel, au fur et à mesure...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous allez encourager...
SEGOLENE ROYAL
Mais avouez que c'est aberrant, parce qu'on continue à en fabriquer, et on parle de les taxer, alors qu'il faut développer la voiture électrique non polluante, les voitures faiblement consommatrice d'énergie, et là, là, c'est là qu'on voit la logique de la croissance verte, c'est qu'on peut, avec des innovations technologiques créatrices d'emplois, régler à la fois les problèmes d'environnement, les problèmes de santé publique et les problèmes de création d'activités et d'emplois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai compris que c'était votre objectif. MIA ELECTRIC liquidé le 12 mars, toujours pas de repreneur ?
SEGOLENE ROYAL
C'est en cours, j'ai bon espoir. Il y a plusieurs projets.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?
SEGOLENE ROYAL
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le gaz de schiste, vous avez dit « on ne doit jamais fermer la porte à des perspectives de recherche », est-ce que vous dites encore « non » à toute exploration ?
SEGOLENE ROYAL
Oui, non à toute exploration dans l'état actuel des connaissances.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans l'état actuel.
SEGOLENE ROYAL
C'est polluant. Ça consiste, là aussi pour que les auditeurs nous comprennent, à faire des explosions souterraines, avec des fuites de gaz méthane, et on ne maîtrise pas les conséquences de ces mécaniques-là, donc il ne faudrait pas qu'une espèce de course effrénée à une pseudo énergie fossile, soi-disant bon marché, conduise à une destruction dramatique du sous-sol et peut-être des pollutions de nappes phréatiques qui contiennent l'eau, donc l'eau potable, ou l'eau qui va servir à arroser l'agriculture, et donc ensuite être consommée par les gens. Voyez, c'est un cycle la protection de la nature. On ne fait pas indifféremment, parce que certaines entreprises ont une espèce de course aux profits hystérique, polluer un sous-sol, alors que la vie humaine est liée, dans un dispositif circulaire, entre tout ce qui se passe. Tous les prédateurs des ressources naturelles qui le font sans règles portent atteinte à la santé publique et à l'avenir de la planète, donc on ne peut pas laisser faire n'importe quoi, dans des logiques financières de rentabilité à court terme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'orthodoxie monétaire, je me souviens, vous appeliez, « les recommandations de Bruxelles c'est de l'orthodoxie monétaire. » Vous vouliez qu'on remette en cause cette orthodoxie monétaire, mais les 3% là, on va être obligé d'y passer, j'ai entendu le Premier ministre.
SEGOLENE ROYAL
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, pas de délai, Bruxelles ne nous accorde absolument aucun délai, vous confirmez ?
SEGOLENE ROYAL
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aucun délai.
SEGOLENE ROYAL
Le pot de fer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aucun délai. Je me souviens de votre proposition, « il faudrait créer un ministère commun franco-allemand, ministère de l'Economie et des Finances. »
SEGOLENE ROYAL
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes toujours sur cette proposition ?
SEGOLENE ROYAL
C'était prémonitoire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous êtes toujours sur cette proposition ?
SEGOLENE ROYAL
Oui, bien sûr, mais d'ailleurs c'est un peu ce qui se fait, sans que ce soit structurellement installé, puisqu'il y a une vraie volonté du couple franco-allemand, dans le domaine économique et financier, mais aussi dans le domaine, d'ailleurs, de l'environnement et de l'écologie. Moi je le souhaite, j'ai parlé d'ailleurs longuement au ministre de l'Energie allemand, pour qu'on puisse arriver avec des positions communes et puis entraîner toute l'Europe. Par exemple les Allemands sont très en avance sur la performance énergétique des bâtiments.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils ont dit non au nucléaire les Allemands, eux.
SEGOLENE ROYAL
Oui, justement...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc normalement, le ministère de l'Energie...
SEGOLENE ROYAL
Mais ça fait une variété...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une complémentarité, vous me diriez.
SEGOLENE ROYAL
Une complémentarité des choix, mais là, vous voyez, ils ont décéléré le recours au charbon, donc ils font un effort considérable, et nous, les Français, nous sommes en avance sur toutes les technologies des industries et des énergies vertes. Ce qui est évident c'est que si on met en commun nos laboratoires de recherche, par exemple pourquoi il n'y aurait pas une petite voiture franco-allemande électrique bon marché qui pourrait ensuite conquérir le monde, puisque ce sont des enjeux considérables.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, les 3%, pas de délai nous a dit Bruxelles, alors on fait comment ? On fait des économies.
SEGOLENE ROYAL
On fait des économies et surtout, et surtout, on relance l'activité économique. Parce qu'il y a deux façons de limiter un déficit, c'est de relancer l'activité économique, puisqu'à ce moment-là ça fait des rentrées de ressources publiques, et c'est de faire des économies. Donc, tout ce qu'on pourra...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas d'économie sur l'environnement et l'écologie en tous les cas, Ségolène ROYAL ?
SEGOLENE ROYAL
Je contribuerai, comme les autres, à l'effort d'économies, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous allez défendre ardemment votre ministère et votre secteur...
SEGOLENE ROYAL
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça j'en suis sûr.
SEGOLENE ROYAL
D'autant que c'est une priorité présidentielle et gouvernementale, donc...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez le rappeler au président de la République.
SEGOLENE ROYAL
Bien sûr, mais je crois qu'il en est convaincu, mais je contribuerai comme les autres à cet effort, avec cette idée, quand même formidable, c'est que ce secteur de la croissance verte, des industries vertes, est potentiellement créateur de beaucoup de développement durable et de croissance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je sais.
SEGOLENE ROYAL
Donc si on donne les moyens, si on donne la confiance aux entreprises, et moi je leur dis aux entreprises, je dis la croissance est là, la croissance va repartir, j'en suis convaincue, et donc investissez pour pouvoir anticiper cette reprise de croissance, et pour ne pas...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Investissez dans l'environnement, vous dites ?
SEGOLENE ROYAL
Et notamment dans les économies d'énergie, le facteur de production énergétique est majeur pour augmenter la productivité des entreprises. Si elles dépensent moins pour produire, elles vont dégager davantage de marges, de bénéfices, et donc il y aura besoin moins d'économiser, puisqu'il y aura des rentrées de ressources publiques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une question qui me brûle les lèvres. Qu'a fait François HOLLANDE en 2 ans de présidence ?
SEGOLENE ROYAL
C'est ironique comme question, mais ça ne me gêne absolument pas vous savez...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non non, ce n'est pas ironique, qu'a-t-il réalisé, franchement ?
SEGOLENE ROYAL
Mais c'est tout le pays, c'est le pays tout entier qui a bougé, qui a réalisé, qui a évolué, qui a engagé un certain nombre de réformes. Aujourd'hui on va, là, débattre du Pacte de responsabilité...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous trouvez que depuis 2 ans...
SEGOLENE ROYAL
Vous ne m'entendrez pas, non mais écoutez, c'est facile...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ce n'est pas facile, Ségolène ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
Vous ne m'entendrez pas, Monsieur BOURDIN, moi ce qui m'intéresse, vous ne m'entendrez pas critiquer, ni le président de la République, ni le Premier ministre. Nous sommes à la tâche, beaucoup de choses ont été faites...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on oublie ces deux années-là ?
SEGOLENE ROYAL
Non, il y a eu des mutations...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous regrettez les mesures qui- pardon, je complète, les mesures qui sont prises aujourd'hui, par le Premier ministre, par le gouvernement, sous l'autorité du président de la République, est-ce qu'elles auraient dû être prises il y a 2 ans ?
SEGOLENE ROYAL
Tout le monde sait, je l'ai déjà dit, et le président l'a dit lui-même, le Premier ministre également, que les choses ne sont pas allées assez rapidement pour relancer notamment l'activité économique. Et deuxièmement, qu'il y a eu un frein au développement de l'activité parce qu'il y a eu trop d'impôts, voilà. Et ne même temps...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est le président de la République qui a décidé !
SEGOLENE ROYAL
Attendez. En même temps il y a eu des choses, des modifications structurelles, qui sont peut-être moins visibles, mais qui vont nous permettre aujourd'hui de rebondir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui a été visible c'est la hausse du chômage, c'est l'augmentation des impôts !
SEGOLENE ROYAL
Ça ce sont les résultats.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça franchement ! Oui, mais ça c'est visible.
SEGOLENE ROYAL
Mais en même temps il y a une réforme, il y a une réforme du marché du travail, qui a permis de renouer le lien entre les partenaires sociaux, il y a une dynamique de politique étrangère qui est absolument remarquable, c'est-à-dire que la France sur la scène internationale, et ça c'est très important pour relancer notre avenir, la France est respectée sur la scène internationale, elle tient son rang, ça c'est aussi très important, et aujourd'hui ce qui est important, c'est ce qui se passe maintenant, et...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ce qui va se passer demain.
SEGOLENE ROYAL
Voilà, et nous avons donc un gouvernement au travail, au combat, qui doit, et le président l'a demandé, obtenir des résultats rapidement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Ségolène ROYAL, 40 points d'écart dans les sondages entre François HOLLANDE et Manuel VALLS, est-ce tenable, franchement ? Est-ce que François HOLLANDE, aujourd'hui, est un problème pour la gauche ?
SEGOLENE ROYAL
Comment on peut dire une chose pareille ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ce n'est pas moi qui le dit, vous l'entendez vous-même.
SEGOLENE ROYAL
Oui, mais ça fait partie du jeu politique ça. Ma responsabilité politique, comme celle de chaque membre de ce gouvernement, c'est d'être animée par la morale de l'action. Moi je suis là pour agir, et pas pour faire de la politique politicienne, et d'ailleurs la question de l'adhésion populaire révélée dans les sondages doit se juger sur la durée d'un quinquennat. C'est toujours difficile, de toute façon, les élections intermédiaires. Ce qui est très important, c'est quoi ? c'est que l'Exécutif ait admis en toute franchise, et en toute transparence, que des erreurs avaient été faites, et notamment, on vient d'en parler, la hausse de la fiscalité, et donc a posé un problème de confiance avec les acteurs économiques de notre pays, que deuxièmement aujourd'hui on s'engage sur une baisse des charges sociales pour que le coût du travail ne soit pas un frein à l'embauche et au développement des PME, et que dans le secteur dont j'ai la charge, que l'on puisse déployer sur l'ensemble du territoire les PME, les innovations, les mutations, la créativité, que la France devienne un pays d'entrepreneurs, où les hommes et les femmes ont envie d'entreprendre, et se disent on peut réussir notre vie, on peut bien gagner notre vie, on peut progresser, on peut faire des bénéfices, pour peu que ce soit la récompense du travail, que les gains ainsi soient justement répartis, et que ce soit la récompense du travail et du talent, voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les Français ont envie de vous croire. Julien DRAY disait hier « je suis favorable à la tenue d'une primaire en vue de la présidentielle de 2017, que François HOLLANDE soit candidat ou pas. » Vous aussi ?
SEGOLENE ROYAL
Je considère, honnêtement, que ce sujet n'est pas à l'ordre du jour. Vous savez, moi j'entends beaucoup de gens qui disent « attendez les politiques, arrêtez de vous occuper de vous », et tout ce qui est du débat interne...
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Occupez-vous de nous. »
SEGOLENE ROYAL
« Occupez-vous de nous », et tout ce qui est débat interne, procédures, et pire, présidentielle dans 3 ans, 3 ans c'est long, on peut faire plein de choses en 3 ans, eh bien vous allez voir, vous n'allez pas être déçu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière question. La région Poitou-Charentes, vous confirmez, vous allez quitter la présidence ?
SEGOLENE ROYAL
Oui, je suis obligée de transmettre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sens une immense déception.
SEGOLENE ROYAL
Voyez, la politique on n'est pas des robots...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes contre le cumul des mandats, Ségolène ROYAL...
SEGOLENE ROYAL
Oui, mais quand même, vous savez il n'y a pas que, comment dire, les règles déshumanisées, il y a aussi beaucoup d'humanité dans l'exercice d'un mandat, mais je reste conseillère régionale, donc je veille...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ingérez.
SEGOLENE ROYAL
Je veille à la bonne évolution des choses pour ma belle région Poitou-Charentes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Ségolène ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2014