Interview de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires, à Europe 1 le 11 juillet 2014, sur la politique du logement, notamment la mise en oeuvre de la loi ALUR de Cécile Duflot.

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Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aujourd'hui vous serez au côté de Manuel VALLS, le Premier ministre, à Matignon, quand il recevra les patrons de la construction et des banques. Pourquoi il les reçoit lui ?
SYLVIA PINEL
C'est bien le signe que le secteur du logement, la nécessité de construire, de produire du logement en France, est une priorité, priorité du gouvernement, et priorité du chef de…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais on ne le savait pas jusque-là ?
SYLVIA PINEL
Non, c'est une implication qui est importante du Premier ministre, il a été maire dans une ville qui connait des difficultés en région parisienne, comme toute la région parisienne il y a un besoin de logements, et le Premier ministre s'implique beaucoup. Cela est très utile d'avoir justement un Premier ministre qui s'implique sur ce dossier et qui rencontre les acteurs de la construction et des banques.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc désormais on dira la loi ou le dispositif VALLS.
SYLVIA PINEL
Mais la question n'est pas du dispositif…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce n'est pas le dispositif PINEL, ou le dispositif DUFLOT, c'est le dispositif VALLS pour le logement. Il faut appeler les choses par leur nom.
SYLVIA PINEL
Le gouvernement est une équipe, le Premier ministre est le chef du gouvernement, il s'implique sur ce sujet, et c'est une aide précieuse.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Evidemment la ministre dit que le Premier ministre c'est précieux, mais est-ce qu'il va confirmer que la loi votée sera appliquée telle quelle.
SYLVIA PINEL
La loi a été promulguée il y a quelques mois, nous travaillons aujourd'hui à mettre en oeuvre cette loi ALUR qui comporte il faut le savoir 200 mesures d'application, plus de 100 décrets.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est un cauchemar ça ?
SYLVIA PINEL
Et nous travaillons à sa mise en oeuvre. Et pour sa mise en oeuvre il faut mettre en place des priorités, des sujets qui sont importants pour les Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il y en a qui vont disparaitre, la loi sera assouplie.
SYLVIA PINEL
Non, il y a certaines dispositions qui seront simplifiées. Je vous prends un exemple pour que ce soit précis. Lorsqu'aujourd'hui il y a une transaction immobilière, lorsque vous souhaitez acquérir un bien, il y a beaucoup de documents à fournir qui retardent considérablement les transactions. L'idée à la base est louable, c'était informer le futur acquéreur, mais on voit bien que dans le fonctionnement ça ne marche pas, donc oui sur ce point-là par exemple nous allons simplifier.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous reconnaissez que le système est bloqué.
SYLVIA PINEL
Il y a des points qui ne sont pas d'hier ou d'avant-hier, qui ne datent pas de la loi ALUR. La crise de la construction ça fait dix ans.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Elle ne s'est pas aggravée depuis deux ans ?
SYLVIA PINEL
Aujourd'hui, les chiffres de la construction, que ce soit ceux de 2012 ou ceux d'il y a dix ans, ce sont à peu près les mêmes….
JEAN-PIERRE ELKABBACH
330 000 logements mis en chantier, alors que vous avez promis, enfin vous, le président, etc, 500 000 logements par an.
SYLVIA PINEL
C'est la raison pour laquelle nous voulons accélérer.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous renouveler la promesse des 500 000.
SYLVIA PINEL
Nous voulons tendre à cet objectif des 500 000, c'est important d'aller vers ce cap…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Par an.
SYLVIA PINEL
C'est le sens des mesures que nous avons prises avec le Premier ministre pour justement relancer, accélérer, lever les blocages, donner confiance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pour vous donner raison sur un point, c'est Michel SAPIN qui a reconnu à Aix en Provence devant des économistes que selon ses calculs et des experts la croissance dépend du logement pour 0,4 %. C'est-à-dire que jusqu'ici en deux ans il y a ½ point de croissance pratiquement qui a été perdu. ½ point c'est-à-dire 8 à 10 …
SYLVIA PINEL
C'est bien avant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ça s'est aggravé. C'est-à-dire près de 10 milliards…
SYLVIA PINEL
Le contexte économique, le fait d'avoir des ménages qui ont des inquiétudes, font qu'ils retardent leur projet d'accès à la propriété par exemple, ou que des bailleurs sociaux hésitent, ou des élus locaux retardent leur chantier. C'est la nécessité d'aller vite et de prendre ces mesures qui seront appliquées d'ici la fin de l'année.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que vous n'avez pas besoin de passer par le Parlement, la loi de finances.
SYLVIA PINEL
Les mesures que nous avons prises seront applicables d'ici la fin de l'année, certaines sont de nature règlementaire et nous prendrons les décrets le plus rapidement possible.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans l'espoir de relancer la croissance, je ne dis pas à la fin de l'année, mais au début 2015 sans attendre davantage. Vous disiez vous-même qu'il y a plus, en principe, de 220 décrets. Il va en rester …
SYLVIA PINEL
Non, une centaine, une grosse centaine.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Maintenant une centaine. Il y avait 220.
SYLVIA PINEL
Non. Il y a 200 mesures d'application que nous avons regroupé dans une centaine de décrets pour simplifier les choses, et pour aller plus vite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est vrai que Cécile DUFLOT a une réussite à son actif, la loi DUFLOT est la plus grosse de la Vème République en nombre de pages de texte. C'est même le plus gros blocage, au point que, je lisais récemment, que le Premier ministre, monsieur VALLS, dit lui-même que la loi doit être appliquée avec pragmatisme et qu'il faut lui redonner de la visibilité, de la confiance, c'est-à-dire qu'elle manque des deux.
SYLVIA PINEL
Non. Ce que dit le Premier ministre c'est qu'il faut prendre les décrets d'application en mettant en oeuvre en priorité les mesures qui ont un impact sur la construction, sur le pouvoir d'achat, et que lorsqu'il y a un décret d'application à prendre et lorsqu'on peut simplifier des procédures, l'exemple que je vous prenais tout à l'heure, nous le faisons, c'est ça le pragmatisme. Mais les mesures que j'évoque monsieur ELKABBACH c'est des mesures qui complètent, qui aident, qui accompagnent le secteur de la construction. Par exemple dans les mesures que nous avons prises, il y a 50 mesures pour baisser les couts de la construction, accélérer les procédures sans baisser la qualité de nos logements. Ces 50 mesures elles ont été discutées avec l'ensemble des professionnels, avec l'ensemble des constructeurs, parce que ça répond à un vrai blocage sur le terrain.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais si vous les recevez avec surtout le Premier ministre aujourd'hui c'est que les professionnels, les banques, les fédérations de construction n'ont pas tellement compris. Peut-être on peut dire que ce sont des lobbies qui résistent, vous voulez faire baisser les prix, ce n'est pas aussi facile que ça. Et d'autre part vous voulez simplifier, vous l'avez dit, c'est très intéressant, par exemple le préavis du locataire qui devait être réduit de trois mois à un mois, il le sera quand ?
SYLVIA PINEL
Ça c'est une mesure d'application de la loi ALUR, qui sera appliquée d'ici l'automne.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et tout le monde saura qu'il faut l'appliquer ?
SYLVIA PINEL
Bien sûr. Les mesures de simplification que j'évoquais ce sont des simplifications sur la construction, sur les normes de construction. Vous savez qu'aujourd'hui une maison individuelle c'est 3700 normes. Donc il y a certaines normes qui peuvent être utiles, d'autres que l'on peut surement simplifier pour gagner du temps, aller plus vite. Et la mobilisation des acteurs, de tous les acteurs, à la fois des professionnels, mais aussi des collectivités locales, depuis les élections municipales on constate un certain nombre de retards ou d'abandon de chantier, et là aussi il est important de mobiliser les territoires pour qu'on puisse répondre à ces besoins de logements.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Là vous vous adressez aux maires des grandes agglomérations, vous leur dites « il faut donner plus facilement des terrains et surtout des permis de construire ».
SYLVIA PINEL
Il faut aller plus vite. Il faut que l'on puisse répondre aux attentes des Français mais aussi aux attentes économiques d'un secteur, secteur de l'artisanat, de la construction qui a besoin de créer de l'emploi. Parce que 40 000 logements crées dans notre pays c'est 100 000 emplois, donc nous voyons bien qu'il y a un lien croissance-emplois.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je ne suis pas très fort en calcul, mais il y a 330 000 logements crées en un an au lieu des 500 000, c'est-à-dire qu'on a perdu dans ces promesses 170 000, et si 40 000 créent 100 000 emplois, on peut multiplier le nombre d'emplois qui ont été perdus en deux ans, près de 500 000.
SYLVIA PINEL
Ecoutez, l'objectif il est surtout d'accélérer, de trouver des réponses aux blocages qui existent. Les blocages c'est la simplification, c'est l'accès à la propriété pour les classes moyennes et les classes modestes, c'est la mobilisation du foncier, c'est le soutien au logement social, et l'amélioration de l'investissement locatif. L'investissement locatif dans les agglomérations…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous avez découragé les propriétaires, vous les avez dénoncés, enfin pas vous, on les a dénoncés, dénigrés les méchants propriétaires, comment voulez-vous qu'ils investissent ?
SYLVIA PINEL
Il ne s'agit pas de dénigrer. Je souhaite que justement les propriétaires honnêtes, les investisseurs responsables puissent revenir dans le secteur de l'immobilier, et notamment dans les zones très tendues. Quant avec le Premier ministre nous améliorons le dispositif d'investissement locatif dans les zones très tendues comme à Lyon, à Lille ou à Marseille…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ou à Paris.
SYLVIA PINEL
Mais à Paris ça existait déjà, nous faisons, nous prenons des mesures qui justement ont un impact concret.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sylvia PINEL, oui oui, vous dites qu'il faut être concret, il faut simplifier.
SYLVIA PINEL
Et pragmatique, c'est ce que nous avons dans les mesures que nous …
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Manuel VALLS dit la loi doit être pragmatique, ou il faut la traiter de manière pragmatique. Mais vous dites qu'il faut créer des observatoires pour fixer…
SYLVIA PINEL
Ça c'est la loi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
…Créer des observatoires pour fixer les prix médians des loyers, ou des loyers médians. Ce n'est pas le marché qui décide dans la construction ?
SYLVIA PINEL
Soyons précis. Vous parlez de l'encadrement des loyers. L'encadrement des loyers d'abord ce n'est pas sur l'ensemble du territoire. C'est dans les zones les plus tendues, c'est dans 28 agglomérations. C'est Paris, et ce sera le cas en premier parce que l'observatoire de Paris est fiabilisé parce qu'il y a une méthode à appliquer pour ces observatoires. Il faut justement avoir une méthode scientifique et ces observatoires sont validés, certifiés, agrées par un observatoire indépendant, un organisme agrée indépendant, un conseil scientifique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est pour le simplifier. On est foutu là.
SYLVIA PINEL
Non, c'est parce qu'il faut être précis justement ; pour revenir à ce que je disais il ne s'agit pas de décourager les propriétaires et donc pour que le loyer médian soit le plus précis possible, par quartier, par type d'appartement, par type de bien, il faut justement que l'on puisse regarder ce qui se passe sur le marché.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je rappelle que l'Etat consacre 40 milliards d'euros par an au logement, et que ça a l'air peut-être de rien, mais aujourd'hui se joue à Matignon presqu'un demi-point de croissance, c'est autour de 10 milliards, ce n'est pas rien. Et il y a une impatience des professionnels concernés, sur la loi pour l'accès au logement, à l'urbanisme rénové, la loi ALUR, mais est-ce qu'elle a encore un sens ? On va la dévitaliser, est-ce qu'elle a encore un sens telle qu'elle est ?
SYLVIA PINEL
Il ne s'agit pas de dévitaliser, je n'ai jamais employé ce mot là….
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est moi.
SYLVIA PINEL
Il s'agit de mettre en oeuvre la loi avec des priorités, et il s'agit surtout de mobiliser les acteurs sur les mesures que nous avons prises le 25 juin et que nous devons mettre en oeuvre. C'est cela l'objectif du Premier ministre et du gouvernement d'aller plus vite, d'accélérer et de faire en sorte que l'on construise dans ce pays, et c'est bien ça les mesures que nous avons proposées.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est la première fois sous la Vème République que des règles de la construction de l'immobilier vont porter d'une certaine façon le nom du Premier ministre, je répète, le dispositif VALLS, qui plait beaucoup plus aux professionnels que le dispositif DUFLOT. Il faut le reconnaitre.
SYLVIA PINEL
C'est ce qui permettra de donner la confiance aux acteurs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, le dispositif VALLS que vous êtes venue annoncer ce matin. Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juillet 2014