Déclarations de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur le développement économique de la Guadeloupe, la coopération dans la Caraïbe, la politique urbaine et le tourisme, Pointe-à-Pitre le 14 avril 1996 et Basse Terre le 15 avril.

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Circonstance : Déplacement dans les départements français d'Amérique (Martinique, Guadeloupe, Guyane) du 11 au 15 avril 1996-en Guadeloupe les 14 et 15 avril

Texte intégral

Madame le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Maire des Abymes,
Monsieur le Président de la Chambre de Commerce de Pointe-à-Pitre,
Mesdames, Messieurs,
A mon arrivée en Guadeloupe, j'adresse tout d'abord aux hommes et aux femmes de ce département que je connais bien, un salut chaleureux et fraternel.
Je retrouve ici, avec un plaisir très vif, de nombreux amis sur le dévouement desquels peuvent compter l'archipel guadeloupéen, comme la République tout entière. Mme Lucette MICHAUX-CHEVRY occupe parmi eux une place toute particulière. Nous avons siégé ensemble au sein de deux Gouvernements et elle y a toujours fait preuve de talent et d'imagination pour défendre les intérêts de sa région et de son pays.
Je suis venu à la rencontre d'une Guadeloupe nouvelle qui, je le sais, est en train de naître. Une Guadeloupe qui a su conserver les piliers agricoles de son économie traditionnelle, mais qui a su également devenir une destination touristique très prisée. Une Guadeloupe qui a su affirmer son identité caribéenne et en faire un axe de son rayonnement et de son attraction. Une Guadeloupe apaisée, libérée des passions destructrices, réconciliée avec elle même et avec les valeurs de la République. Une Guadeloupe qui veut offrir à sa jeunesse la chance d'un véritable développement.
Une Guadeloupe nouvelle qu'illustre l'aérogare que j'inaugure aujourd'hui.
Les chiffres sont éloquents.
850 000 passagers en 1975, 1 700 000 passagers en 1995.
Ces deux chiffres prouvent combien il était nécessaire pour la Guadeloupe, d'être dotée d'infrastructures aéronautiques en rapport avec la croissance du trafic.
En remerciant les collectivités qui se sont rassemblées autour de la Chambre de Commerce de Pointe-à-Pitre et de son Président M. ADELAIDE pour réunir les financements nécessaires, en complimentant ceux qui ont conçu et mis en oeuvre cet impressionnant équipement, je voudrais rappeler que cette réalisation n'aurait sans doute pas été possible sans deux dispositifs majeurs: la défiscalisation et l'aide de l'Europe.
La défiscalisation issue de la "loi PONS" a apporté 300 MF à la réalisation de ce projet. Voilà qui constitue une réponse très concrète aux questions soulevées périodiquement par ceux qui s'interrogent sur le bien-fondé de ce dispositif. Que les mécanismes de la défiscalisation puissent être améliorés, c'est bien probable, toute oeuvre humaine étant par nature perfectible. Qu'il faille pour autant mettre en cause le principe même de ce dispositif, ce serait accepter une véritable régression. Je le réaffirme : je ne l'admettrai pas.
Quant à l'Europe, on réalise ici mieux encore, sans doute, qu'en Métropole à quel point elle est devenue un partenaire majeur du développement local. L'Europe n'est pas ce "monstre froid et lointain" que l'on décrit parfois. Elle participe très activement aux projets locaux, librement négociés dans le cadre des programmes opérationnels intégrés. N'oublions pas que les départements d'outre-mer occupent une place privilégiée dans ces financements communautaires : le maire de Bordeaux observe que la dotation de la Guadeloupe est équivalente à celle de la Région Aquitaine, pourtant sept fois plus peuplée. N'oublions pas non plus que grâce au statut de département, la Guadeloupe bénéficie de cette solidarité nécessaire à son développement.
A présent, il faut faire vivre cet équipement, c'est à dire le mettre au service de tous ses usagers et faire en sorte qu'il conforte la Guadeloupe dans sa vocation de plate-forme régionale au sein de la Caraïbe.
Cette aérogare représente un investissement considérable, plus de 850 MF. Il faudra veiller à ce que ce coût ne pèse pas trop lourdement sur les comptes du concessionnaire et des usagers. Seule la qualité de la gestion, la transparence des relations entre les partenaires, la volonté commune de réussir permettront d'y parvenir. J'invite tous les acteurs de la plate-forme à cette action commune et concertée.
L'enjeu, je le rappelle, est primordial pour la Guadeloupe. Par sa situation géographique entre l'Europe et l'Amérique, par la qualité de ses infrastructures de transport, par la complémentarité entre le port de Jarry et l'aéroport de Pointe-à-Pitre / Le Raizet, par la densité du réseau de voies rapides en constante expansion, par l'implantation d'une zone de commerce international, la Guadeloupe peut prétendre devenir une plaque tournante majeure du transport des personnes et des marchandises dans l'ensemble de la zone.
Face au processus inéluctable de "mondialisation" de nos économies, la capacité de nos départements d'outre-mer à s'ouvrir sur l'extérieur devient une clé de leur expansion. Le développement de la coopération régionale, le développement des échanges de toutes natures constituent, à l'évidence, une priorité. Dans cette logique, les Antilles en général et la Guadeloupe en particulier disposent d'atouts importants :
- la présence sur place de la délégation interministérielle à la coopération caraïbe ;
- la mission confiée par le Président de la République à Mme MICHAUX-CHEVRY dans ce domaine essentiel pour nos départements d'outre-mer ;
- la proposition soutenue par la France d'adapter les règles d'intervention de l'Europe à la situation particulière des régions ultra-périphériques.
Je suis confiant dans l'avenir de nos départements d'outre-mer. Je suis confiant parce que le chemin parcouru ensemble depuis la départementalisation voici 50 ans montre que nous sommes sur la bonne voie. Je suis confiant parce qu'il existe ici des hommes et des femmes qui travaillent à l'avenir.
Cette superbe aérogare est une oeuvre collective. Je vous invite à travailler ensemble, dans le même esprit, pour la faire vivre. Le succès de nos entreprises dépend de la conjugaison de nos efforts.
Madame le Ministre, Président du Conseil Régional,
Monsieur le Sénateur, Président du Conseil Général,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames Messieurs les Elus,
Chers Compatriotes.
Permettez-moi tout d'abord de vous exprimer ma joie d'être parmi vous ce soir.
Il était impératif que je me rende dans les Antilles dès la première année de ce Gouvernement car elles représentent un des plus anciens, mais aussi des plus riches éléments constitutifs de la Nation Française.
A ce titre ces départements doivent être pleinement associés aux grands débats de société qui sont les enjeux de la France de demain.
La Guadeloupe, ainsi que le savent certains d'entre vous, est un pays que j'affectionne particulièrement.
C'est toujours avec un vif plaisir que j'y retrouve mes amis. Mais la joie que j'éprouve à me retrouver dans une terre que j'aime se conjugue avec la mission particulière relative aux départements d'outre-mer que le Président de la République a confiée au Gouvernement et, dont il a lui même explicité le contenu à la Réunion.
Mon Gouvernement a, en effet, la charge de dessiner avec vous (et je cite ici le Président), les contours d'un "nouveau pacte", à conclure entre la Métropole et les départements d'outre-mer, mais "aussi et surtout au sein de chaque département".
Cette mission revêt une importance particulière dans les départements Français d'Amérique marqués par une longue histoire commune et une constante revendication identitaire.
La France est présente en cette terre depuis 1635. Le développement des idées révolutionnaires de liberté, d'égalité et de fraternité s'est traduit dans les départements Français d'Amérique par un indéfectible attachement aux valeurs qui ont cimenté la Nation Française.
L'ensemble Français a de grands devoirs envers les Antilles. Mais désormais les Antilles peuvent aussi apporter beaucoup au développement de l'identité française à la place de la France dans l'Europe et à la place dans le monde d'une Europe construite selon nos exigences.
Nous sommes confrontés à de la fracture sociale. Mais vous êtes nés d'une fracture sociale beaucoup plus douloureuse encore et, vous avez su la dépasser. Vous incarnez en cela, un formidable espoir pour la Nation.
Aujourd'hui, il faut ensemble aller plus loin. D'une démarche de rattrapage nous devons ensemble passer à une logique de développement pour chaque DOM certes, mais aussi pour la France.
C'est ce message de la Nation que je suis venu vous apporter. C'est auprès de vous qu'elle trouvera, au moins pour partie, les clefs du futur de notre République.
Et si j'ai voulu que ce voyage s'achève en Guadeloupe, c'est parce que ce département peut-être particulièrement porteur d'avenir :
- par son ouverture sur l'arc caraïbe
- par son engagement dans la modernité
- par la performance de ses hommes et de ses femmes.
La Guadeloupe bénéficie de l'espace, de la diversité de son archipel qui lui donne à l'évidence une place privilégiée pour être le porteur du fait français dans cet ensemble où se rencontrent les cultures européenne, africaine et américaine.
La Guadeloupe a su maîtriser son espace en se dotant d'infrastructures modernes et performantes.
C'est la première et seule plate-forme logistique polymodale française dans cette région, capable de gérer les flux entre les deux rives de l'Atlantique.
Cette plate-forme est desservie par un réseau de routes terrestres et maritimes performant et en plein développement.
Une nouvelle étape se dessine grâce au développement technologique.
Le pôle d'excellence en média et télécommunications que vous êtes en train de développer devrait accueillir un téléport au service de la diffusion du savoir pour le développement de l'Université et des entrepreneurs que je rencontrerai demain.
La Guadeloupe c'est aussi la terre d'hommes et de femmes de qualité et de hautes performances.
Terre de champions sportifs d'hier et aujourd'hui tels BAMBUCK, Marie-Josée PEREC, île de culture qu'évoquent, St John PERSE, Simone SCHWARTZ BART. Terre d'entrepreneurs, de grands serviteurs de l'Etat, tel MORTENOL qui fut le premier Antillais à entrer à l'Ecole Polytechnique, Jacques FOCCART qui inspira la politique du Général de Gaulle pour l'outre-mer et reste un conseiller tout proche de Jacques CHIRAC. La Guadeloupe n'a t-elle pas donné à la démocratie française, les premières femmes députés ?
Qui ne songe aujourd'hui à Eugénie EBOUE-TELL, député de 1945 à 1946 ou à Gerty ARCHIMEDE, originaire de Morne-à-L'Eau, commune de la Guadeloupe, première femme inscrite au barreau, élue député le 10 novembre 1946 ?
Et puis, comment ne pas évoquer le relief donné à ce département par Mme MICHAUX-CHEVRY à qui le Président de la République à confié la difficile mission de donner un nouvel élan à la coopération régionale et qui saura, j'en suis sûr, faire que cette oeuvre renforce le rayonnement de la France et des départements Français d'Amérique dans cette partie du monde.
Grâce à votre action et à vos efforts, la France exerce pleinement son rôle de membre associé de la nouvelle Association des Etats de la Caraïbe. Grâce à votre action encore, la notion de région "ultrapériphérique" est en train de prendre corps au sein de l'Europe.
J'ai d'ailleurs décidé de conforter cette place particulière de la Guadeloupe en lui donnant les instruments administratifs nécessaires. Le préfet de la Guadeloupe aura désormais des attributions interministérielles particulières en matière de coopération régionale. Il va de soi qu'il exercera ces fonctions sous le contrôle du Gouvernement et dans le plus strict respect des intérêts des trois régions des Antilles et de Guyane.
Voilà les raisons de ma présence dans les départements Français d'Amérique et ce soir parmi vous.
Ce sont les efforts, la combativité et la créativité de chacun qui feront émerger les ingrédients du pacte nouveau que nous devons sceller ensemble.
Je n'ai pas de doute sur sa réussite. C'est ici, en Guadeloupe, que Simone SCHWARTZ BART écrivait cette très belle phrase citée le 19 mars par le Président de la République : "Le pays dépend bien souvent du coeur de l'homme, il est minuscule si le coeur est petit, et immense si le coeur est grand".
Et je sais qu'il est immense, celui qui bat dans les poitrines guadeloupéennes.
Vive les départements d'outre-mer.
Vive la Guadeloupe,
Vive la République,
Vive la France.
Madame le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
C'est, vous vous en doutez avec beaucoup de plaisir et d'émotion que je m'adresse à vous aujourd'hui, à Basse Terre. Cette nouvelle étape de mon déplacement aux Antilles Guyane, est pour moi d'autant plus instructive qu'elle s'insère dans ma première visite Outre-Mer depuis que le Président de la République, Jacques CHIRAC m'a nommé Premier Ministre.
Le Chef de l'Etat m'a chargé de vous transmettre un message d'amitié et tous ses voeux pour une durable prospérité. Vous savez qu'il porte une attention toute particulière à l'Outre-Mer et à son développement. Il connaît votre fidélité et ne l'oublie pas.
La ville de Basse-Terre est indissolublement liée à l'histoire de la Nation française depuis que les premiers français prirent pied sur le continent américain.
Aujourd'hui, elle offre à la Guadeloupe le privilège d'être un chef lieu historique, témoin des relations de la France avec le Nouveau Monde, porteur du message de la culture française dans le bassin de la Caraïbe.
Mais s'affirmer français et francophone ne conduit pas à nier sa créolité. Dans des sociétés antillaises apaisées et réconciliées avec elles-mêmes, l'affirmation culturelle exprime un épanouissement naturel.
Votre richesse, à cet égard, doit être préservée et mise en valeur.
Remarquablement situé sur l'Arc des Antilles, vous bénéficiez d'un cadre enviable et de riches potentialités pour vous épanouir hors des frontières.
Mais pour y parvenir, Basse-Terre doit s'ouvrir davantage vers l'extérieur.
Cela sous-entend que son port en eau profonde affirme avec force sa vocation de port de croisière, de port d'escale, de plaque tournante du cabotage inter-îles. Le "Port autonome de la Guadeloupe", établissement public d'Etat doit s'investir avec détermination dans cette mission.
En sa qualité de capitale administrative, Basse-Terre dispose de nombreux centres de décision. Parce qu'elle en a vocation, elle doit devenir l'un des grands pôles de la coopération française dans la Caraïbe.
Vous en avez l'ambition et les moyens. Le Président de la République a confié à ce sujet une mission particulière à Madame MICHAUX-CHEVRY. Je ne doute pas que sa détermination, son énergie, son imagination permettront d'aboutir prochainement à des conclusions et des propositions très concrètes.
L'Etat a déjà installé en Guadeloupe la Direction Régionale du Commerce Extérieur Antilles-Guyane et la Délégation interministérielle pour la Coopération dans la Caraïbe.
Le Préfet de la Guadeloupe sera doté à cet effet d'une compétence élargie pour animer, plus près des réalités antillaises et en étroite concertation avec tous les partenaires, les actions de coopération.
Si Basse-Terre a une vocation naturelle à s'ouvrir vers l'extérieur, elle doit aussi, à l'évidence constituer un pôle d'équilibre en Guadeloupe où la gestion de l'espace, plus qu'ailleurs revêt une importance particulière.
J'ai bien entendu Madame le Sénateur-Maire votre demande relative à la création d'une zone franche urbaine dans votre ville. Je suis favorable à cette création qui s'ajoutera à celle qui concerne l'agglomération pointoise.
Votre ville, de par sa fonction de capitale administrative et de centre culturel est un pôle d'excellence. Elle doit aussi devenir un pôle puissant d'équilibre.
Cet objectif ne sera atteint que si l'inter-communalité est affirmée avec encore plus de détermination, afin que cette agglomération de plus de 40 000 habitants devienne une véritable communauté de communes, prospère et assurant pleinement sa double vocation : rééquilibrage et développement de la côte sous le vent.
Il est enfin souhaitable que le redéploiement du campus universitaire tienne compte des potentialités qu'offre cette agglomération dotée d'un cadre de vie exceptionnel et propice aux études.
Plus de la moitié des jeunes Antillais et Guyanais sont aujourd'hui bacheliers et ce résultat est porteur de grands espoirs pour l'avenir des trois départements français d'Amérique.
Je voudrais que nous ayons, en la matière, de très grandes ambitions. Les jeunes antillais sont, comme tous ceux de leur génération, inquiets pour leur avenir.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, nous avons réalisé de grandes choses avec la génération qui les a précédés. Pour eux, à présent, il nous revient de parachever cette oeuvre et de l'adapter à un monde en profonde mutation.
La Guadeloupe, comme les autres départements d'Outre-Mer, se distingue à la fois par une grande jeunesse de sa population, ce qui est un atout considérable, mais aussi par un certain retard en matière de formation.
Ce retard se répercute inéluctablement sur la qualification professionnelle et donc sur l'emploi. Le combler est pour moi une exigence absolue et je développerai ce thème cet après-midi dans ma rencontre avec la jeunesse.
J'ai indiqué, à plusieurs reprises, que l'emploi, et d'abord celui des jeunes, était une priorité absolue, ici comme en métropole.
Les instruments d'une politique de l'emploi volontariste, adaptée au contexte des Départements d'outre-mer, existent : le Fonds pour l'emploi dans les Départements d'Outre-Mer, les agences départementales d'insertion, qui ont été récemment mises en place, en sont les principaux. Le contrat d'insertion par l'activité est un instrument qui me paraît bien adapté à la situation.
La politique d'insertion est d'ailleurs conduite en Guadeloupe avec une vigueur toute particulière :
- le nombre de contrats d'insertion est passé de 5.800 en 1994 à 9.000 en 1995, ce qui montre que le dispositif fonctionne ;
- dans le même temps, le nombre des allocataires a diminué, passant de 23.800 à 22.500, ce qui montre que l'insertion débouche sur l'emploi ;
- depuis le 1er Février 1996, date à partir de laquelle peuvent être passés les nouveaux contrats d'insertion par l'activité, 800 recrutements ont été opérés ou sont en cours de finalisation.
L'insertion commence donc à porter ses fruits. Il faut poursuivre nos efforts et les amplifier.

Dans cette bataille pour l'emploi, qui constitue le nouvel horizon de la départementalisation, nous marquons des points et nous continuerons à le faire.
Mais c'est aussi de l'essor économique que dépend la situation de l'emploi et donc la cohésion de la société.
De nombreux efforts ont été faits pour compenser les handicaps naturels des économies des Départements d'Outre-Mer, pour encourager à l'investissement, comme le font la loi Pons et la loi Perben, et pour faciliter les créations d'emplois.
Mais nous arrivons à un moment où il faut se demander si nous ne devons pas imaginer les voies d'un développement nouveau.
Le Président de la République l'a appelé de ses voeux à la Réunion et je reviendrai sur ce thème essentiel cet après-midi, avec la jeunesse et les milieux économiques.

D'ores et déjà, je vous indique que trois orientations doivent être fixées.
D'abord, bâtir un projet économique et social commun associant les entrepreneurs, les salariés et les jeunes qui s'apprêtent à entrer dans la vie active. C'est un véritable pacte social que nous devons définir ensemble.
Deuxième orientation, développer des pôles d'excellence, à forte valeur ajoutée, et c'est possible, ici en Guadeloupe comme dans chaque département d'outre-mer.
Enfin, nous devons ouvrir les économies d'outre-mer sur l'extérieur. Il faut pour cela tirer le meilleur parti de l'appartenance à l'Union européenne, d'une part, et, d'autre part, donner son véritable élan à la coopération économique avec les pays de la Caraïbe.
Je suis convaincu qu'en mettant notre énergie au service de ces grands objectifs nous pourrons donner à la Guadeloupe, à la Martinique et à la Guyane un équilibre durable.
Vous disposez de remarquables atouts. A nous, tous ensemble, ici comme en métropole de les valoriser. Telle est mon ambition pour la Guadeloupe.
Certes, les obstacles ne manqueront pas, mais il faut saisir les difficultés à bras le corps. Vous avez connu de lourdes épreuves. Tout le monde a encore en mémoire l'éruption de la Soufrière et le déclin qui en est résulté. L'année dernière, les cyclones Luis et Marilyn se sont acharnés sur la ville et la côte sous le vent, ont provoqué des dégâts considérables. Mais, grâce à votre énergie et à la solidarité de la Nation, vous avez surmonté toutes ces épreuves et votre nouvelle municipalité est déterminée à rendre à la ville la place éminente qu'elle doit occuper.
Basse-Terre s'était quelque peu assoupie sur les vestiges d'une grandeur coloniale révolue, mais le millénaire qui s'achève s'ouvre sur une modernité offrant de remarquables perspectives.
La Guadeloupe, comme l'ensemble de notre pays, a besoin aujourd'hui de dialogue, d'énergie et d'audace pour être à la hauteur des défis à relever.
J'ai la conviction que la Guadeloupe et plus spécifiquement ici Basse-Terre a le potentiel d'un grand essor, grâce à ses nombreux atouts, grâce à l'intérêt que l'Etat lui porte, grâce au concours de l'Europe. Grâce à vous aussi, Chère Lucette MICHAUX-CHEVRY, qui consacrez au renouveau de votre ville votre inépuisable énergie.
L'Etat sera à vos côtés parce que vous avez la volonté de gagner. Oui, ensemble nous gagnerons !
Vive Basse-Terre !
Vive la Guadeloupe !
Vive la République !
Vive la France !
Madame le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Mesdames et Messieurs,
Le tourisme est devenu un enjeu économique majeur, et dans ce secteur comme dans tous les autres la concurrence est désormais planétaire. Nous sommes confrontés à une bataille de tous les jours sur tous les fronts, sur un terrain mouvant, où les marchés sont moins captifs, et les certitudes jamais définitives.
Dans cette compétition internationale, la France figure dans le peloton de tête. Elle le doit certes à son histoire, à la richesse de son patrimoine, à la beauté et à la diversité de ses sites. Mais elle le doit aussi et surtout à la qualité, à la compétitivité, à l'imagination des hommes et de ces femmes, professionnels du tourisme.
La Guadeloupe apporte une contribution très substantielle à cette réussite du tourisme français et la forte croissance de ce secteur en est l'illustration.
En effet, alors que moins de trente ans nous séparent de la construction des premiers hôtels, que la Marina du Gosier n'a pas encore fêté ses vingt ans, et que les premiers vols vacances ne datent que des années 80, je note, et je m'en félicite, que de 1990 à 1995, le parc hôtelier a doublé, que le nombre de visiteurs s'est accru de 60% et que le nombre d'emplois directs a progressé dans la même proportion, sans oublier le nombre de croisièristes qui est passé, ces deux dernières années, de 260.000 à plus de 420.000.
Le tourisme constitue donc une chance incomparable pour l'avenir de la Guadeloupe et c'est dans ce domaine d'activité qu'elle possède une des plus fortes chances de réussite économique.
Pour exploiter au mieux ces remarquables atouts vous vous êtes fixé un double objectif :
- une diversification incessante de vos produits car c'est la condition d'une forte augmentation de la clientèle et de l'allongement de la saison, mais surtout d'une participation de tous les secteurs d'activités traditionnels locaux au développement touristique, à telle enseigne que le "lolo", le maraîcher, l'artisan, la marchande de glaces, le marin pêcheur deviennent des partenaires privilégiés des touristes ;
- une amélioration constante de la qualité de ces produits et des services qui vous permet de compenser certains obstacles face aux pays concurrents de la zone caraïbéenne, qui bénéficient de leur appartenance à la zone dollar, disposent d'une main d'oeuvre bon marché et de liaisons aériennes privilégiées vers le continent nord américain.
L'amélioration de la desserte aérienne des trois départements français d'Amérique, l'avenir des compagnies locales, sont des sujets de grande importance. Afin d'en préciser les enjeux et les modalités, je vais, à la demande de M. de Peretti charger M. Dominique Bussereau, député de Charente Maritime, d'une mission qui, je le crois, nous permettra de progresser.
D'une manière générale, l'Etat, comme il l'a toujours fait, accompagnera et soutiendra vos efforts pour réduire vos handicaps et valoriser vos atouts. A cet effet, si je ne peux, et vous le comprendrez aisément, apporter ici des réponses techniques à toutes les questions que vous avez posées, je voudrais vous faire part des réactions qu'elles appellent de ma part.
J'évoquerai d'abord la défiscalisation, issue de la "loi PONS". Ce dispositif a puissamment concouru au développement touristique grâce aux investissements privés qu'il a permis : hébergement, bateaux, véhicules de location. S'il a été récemment amendé pour corriger certains effets pervers et éviter certains abus, je suis pour ma part très attaché à son maintien. En revanche, il est toujours possible, en concertation avec les partenaires et les ministères concernés, de lui apporter des améliorations dès lors qu'elles contribuent à accroître les retombées économiques.
Pour ce qui est de l'exonération des charges patronales jusqu'en 2000 instituée par la loi PERBEN et dont l'hôtellerie et la restauration ont en particulier bénéficié, je souhaite que l'on en tire un premier bilan afin d'apprécier, au-delà de ses conséquences sur l'amélioration des résultats des entreprises, ses effets en matière d'emploi. C'est en fonction des résultats de cette étude et de la concertation qu'elle appelle, que l'on pourra envisager son extension à d'autres activités ou lui apporter des modifications pour l'améliorer.
S'agissant du financement de vos entreprises, beaucoup a déjà été réalisé et de nombreux outils financiers sont déjà à votre disposition. Une nouvelle mesure viendra prochainement renforcer ce dispositif puisque l'Etat, avec l'appui des Fonds Européens, mettra en place, par l'intermédiaire de la SODERAG, un Fonds Spécial de Prêts Participatifs dont les modalités et le champ d'application ont fait l'objet d'une vaste concertation avec tous les partenaires économiques. Dans ce domaine, il s'agit plus, à mon sens, de faciliter l'accès à ces outils en les simplifiant et en les étendant que d'en créer de nouveaux. Je suis prêt à examiner avec la plus grande attention les propositions qui pourraient être faite en ce sens.
Enfin, je voudrais aborder le problème de la sécurité. La sécurité c'est bien sûr celle des biens et des personnes. Ici comme ailleurs les problèmes liés à la délinquance sont autant d'obstacles qui peuvent très vite ruiner tous les efforts de promotion.
Garantir cette sécurité c'est bien sûr le rôle de l'Etat qui s'y emploie quotidiennement. Les moyens consacrés à la sécurité publique ont été considérablement augmentés depuis un an, sur la Guadeloupe continentale comme dans les Iles du Nord. Les opérations de police administrative et judiciaire se sont multipliées, notamment dans les zones touristiques. La lutte contre la drogue, qui est à l'origine d'une part importante de la délinquance s'est organisée, localement comme au plan international. Il est vrai qu'en ce domaine, comme dans la plupart des pays développés, nous avons pris une longueur de retard. Il faut la rattraper, ce qui exige une adaptation de nos moyens et de nos méthodes, mais aussi une coopération plus profonde entre les services de police et tous les acteurs de la vie sociale, familles, enseignants, responsables associatifs et socio-professionnels. Je sais que cette coopération existe en Guadeloupe et je vous en félicite, mais il faut qu'elle s'intensifie encore avec des résultats significatifs.
Mesdames et messieurs, je voudrais, pour conclure, insister sur un point essentiel. Quelle que soit la diversité et la qualité de vos produits, je voudrais vous rappeler que le tourisme est bien plus qu'une simple relation client-fournisseur ; c'est la rencontre d'un visiteur et d'une destination dont tous les aspects contribuent à ce que son séjour sera ou non une réussite.
Faire du tourisme, c'est offrir au visiteur tout ce qui fait la fierté d'un pays et de ses habitants, son histoire, ses traditions, sa culture, sa gastronomie, ses sites et paysages. Faire d'une région une destination touristique c'est donc, au-delà des équipements d'accueil et des activités proposés, créer un état d'esprit qui permette aux visiteurs de profiter de tous ses atouts et d'être pleinement satisfait jusqu'à en devenir son meilleur ambassadeur.
Pour cela il faut qu'ici comme dans les autre régions récemment ouvertes à cette activité, on cesse de parler du tourisme du bout des lèvres et de faire du tourisme du bout des doigts. Les collectivités territoriales, les communes et tous les partenaires socio-économiques doivent, ensemble, faire un choix délibéré en faveur du tourisme et orienter tous leurs efforts pour que ce secteur connaisse une croissance soutenue et viennent ainsi conforter les autres activités économiques du département.
Dans cette perspective, l'État sera, soyez en convaincu, à la fois attentif et actif.