Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Je suis très heureux de participer pour la première fois à la Conférence annuelle des ambassadeurs.
Nous aurons de multiples occasions de nous voir au cours de ces prochains jours et je m'en réjouis. Comme Hubert Védrine, et à ses côtés, je ressens fierté et responsabilité de la mission qui m'a été confiée. Nous travaillerons ensemble, dans la durée à construire et à défendre la place de la France. Pour ce faire, notre travail commun est important et votre rôle essentiel. Mes visites dans les Etats membres de l'Union européenne et dans les pays candidats à l'adhésion me permettront également de retrouver, plus longuement, un grand nombre d'entre vous dans leur pays de résidence.
Cette Conférence des ambassadeurs coïncide avec le début d'une période cruciale pour la France et l'Union européenne. Vous le savez, des échéances majeures jalonnent les prochains mois. Nous les avons toutes en tête : Conseil européen extraordinaire sur l'emploi, signature puis procédure de ratification du Traité d'Amsterdam, engagement du processus d'élargissement, sélection des pays participant à la monnaie unique, réforme des politiques communes et révision des perspectives financières. Voilà un ensemble pour le moins consistant
Lorsque nous nous retrouverons l'année prochaine, à la même époque, l'Europe et ses perspectives auront été profondément changées, dans le bon sens, j'en suis convaincu.
Dans ce contexte, vous comprendrez que je ne dresse pas, devant vous, un tableau exhaustif du paysage européen. Les professionnels que vous êtes sont maîtres en décodage de discours. Alors, je vous appelle à ne pas voir dans mon silence sur tel ou tel dossier la marque d'un désintérêt de la France. Pour ne citer que quelques thèmes parmi d'autres, la PESC et son corollaire, l'identité européenne de défense et de sécurité, la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, avec notamment les questions relatives à Schengen, la Convention de Lomé ou encore le partenariat euro-méditerranéen sont toujours considérés comme des enjeux importants. Mais le temps manque aujourd'hui dans cette réunion, que nous voulons aussi opérationnelle que possible.
C'est pourquoi je préfère donc concentrer mes propos autour de quelques messages, dont l'ambition est de définir la vision que nous avons de l'Europe. Je veux, pour commencer, vous exposer dans quel esprit nous nous engageons dans cette période.
Je souhaite bien évidemment me tourner vers l'avenir. Mais regardons un instant vers le passé proche, c'est-à-dire le Conseil européen d'Amsterdam. Je ne reviendrai pas longuement sur les conclusions de la CIG. Vous gardez tous à l'esprit les réactions enregistrées, ici ou là, en raison du report des réformes institutionnelles. Frustration, dépit, déception, devant ce bilan en demi-teinte, résultats contrastés, mitigés : voilà autant de jugements - d'ailleurs entendus également chez nombre de nos partenaires - qui transparaissent au milieu de propos parfois plus convenus et satisfaits et, ne l'oublions pas, d'appréciations positives sur les réelles avancées enregistrées à cette occasion dans le projet de traité. Je pense notamment aux coopérations renforcées, à l'inclusion d'un nouveau chapitre emploi, à l'intégration du protocole social dans le traité, à l'extension du vote à la majorité qualifiée, à l'amélioration des mécanismes de la PESC ou, ce qui a été une demande française, à la reconnaissance du rôle des services publics.
Ces réactions renvoient d'abord à une réalité simple : celle d'une négociation, c'est-à-dire d'un équilibre qui est le produit de contraintes multiples, mais aussi des circonstances exceptionnelles que le nouveau gouvernement a dû gérer, quelques jours seulement après sa formation, dans le respect parfaitement normal et partagé des engagements déjà pris au nom de la France.
Je comprends ces réactions, que j'ai moi-même exprimées. Aujourd'hui, mon premier message consiste à dire qu'il faut puiser notre énergie dans ce sentiment d'inachèvement, dépasser cet état d'esprit pour considérer Amsterdam comme un point de départ, une étape pour aborder, forts de notre inspiration européenne, les prochaines échéances.
Le constat est aussi simple que les réponses sont complexes : dans ces grands enjeux, tout statu quo signifie régression. Ainsi, j'ai la conviction que l'extension à une Europe élargie des tendances actuelles entraînerait la paralysie institutionnelle et l'implosion budgétaire. Tout ceci signifie - j'y reviendrai - qu'il subsiste, à la réalisation effective du prochain élargissement dans lequel nous allons nous engager, un préalable institutionnel.
Autre élément, à mes yeux essentiel, de ce constat : les populations, les hommes semblent avoir pris une certaine distance avec l'Europe. Nos constructions complexes, par sédimentations successives, leur sont difficilement compréhensibles, et, en tout cas, paraissent éloignées de leurs préoccupations prioritaires, au premier rang desquelles se place la lutte contre le chômage. D'où, le gouvernement va y travailler, la nécessité de rendre l'Europe populaire, dans la double acception de ce terme. L'Europe servira les peuples, les peuples serviront l'Europe. Des efforts continueront à être demandés aux habitants de l'Union. Les effets positifs de ces ajustements ne doivent plus être postulés pour un futur plus ou moins proche, en fait sans cesse repoussé. Ils doivent apparaître au grand jour et emporter la conviction. Notre action doit porter un projet, celui d'une Europe sociale et politique, celui d'une Europe dont la démocratie est le ferment et le ciment.
En définitive, je suis convaincu que le moment est venu d'adopter une attitude plus incisive. Nous nous devons de faire mouvement. La facilité coupable ou la médiocre juxtaposition d'intérêts étroitement nationaux ne sauraient être cautionnées, sauf à faire preuve d'une grave irresponsabilité historique. Ce n'est évidemment pas le projet du gouvernement.
Comment, au contraire, inscrire concrètement une vision ambitieuse dans les réalités européennes? Je vois trois points d'application prioritaires qui constituent les principaux éléments de notre programme de travail dans la période qui s'ouvre. Je voudrais successivement évoquer l'UEM, la préparation du Conseil européen sur l'emploi, l'élargissement et l'Agenda 2000.
1) Premier axe, c'est le passage à la monnaie unique, qui représente le grand rendez-vous de 1998. Ce point sera exposé et discuté de manière approfondie un peu plus tard dans la matinée à l'occasion de la séance d'information sur l'euro. Toutefois, je tiens déjà à vous dire que, sur cette question aussi, la France nourrit de grandes ambitions pour l'Europe.
L'UEM, c'est d'abord l'euro, qui est le produit et le ciment de la convergence des économies de l'Union européenne et le prolongement logique du marché unique. Mais, dans le paysage de l'après-Amsterdam, l'UEM constitue le projet le plus porteur des espoirs prometteurs, mais aussi, en cas d'échec, des menaces les plus lourdes pour l'avenir de l'Union européenne.
Je tiens, à mon tour, à réaffirmer devant vous, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, notre objectif : la participation de la France au premier train de la monnaie unique dans les délais sans report et aux conditions de stabilité macro-économiques prévues par le Traité.
Il convient de veiller tout particulièrement à ce que cette entreprise historique soit lancée sur des bases solides, en étant capable de se projeter dès à présent au-delà du printemps 1998. C'est ainsi que, à mon sens, deux orientations sont déterminantes :
- la consolidation budgétaire doit être inscrite dans la durée. La politique économique et sociale du gouvernement, qu'il s'agisse des mesures d'ajustement de l'été ou du projet de loi de finances pour 1998 qui sera présenté prochainement au parlement, s'inscrit dans la logique de ce choix, avec un fort degré de crédibilité. Après s'en être rapproché fin 1997, l'objectif est d'atteindre en 1998 la valeur de référence de 3% du PIB en matière de déficit public, alors que le niveau de l'endettement est inférieur au seuil de 60 % du PIB. Quelle que soit la difficulté de l'exercice, il est clair que la poursuite de la tendance à la réduction de nos déficits constitue une donnée de base présidant à tout l'exercice. On dit qu'il y a une seule façon de réduire les déficits ; j'estime que c'est à chaque partenaire de faire les efforts pour se mettre en situation de participer au premier train, selon ses propres actions de convergence, par rapport à la norme commune que représente le Traité.
- l'assise politique et sociale de la monnaie européenne doit par ailleurs être assurée. Cette approche plaide en faveur de la création, à côté d'une banque centrale garante de la stabilité monétaire, d'un pôle de coordination économique. Cette exigence s'impose au nom de la légitimité démocratique et de l'équilibre institutionnel. Ce pôle aurait pour mission de répondre de la cohérence, et donc de l'efficacité, des politiques nationales au service de la croissance. Cette question de la coordination des politiques économiques, et notamment celle de la mise en uvre de l'article 103 du Traité, est prévue à l'ordre du jour du Conseil européen de décembre. Cette approche met également en évidence toute l'importance des initiatives en faveur de l'emploi pour que, enfin, l'euro ne soit plus perçu seulement comme une contrainte mais également comme une spectaculaire affirmation d'une économie européenne mondialisée et comme un formidable accélérateur de la construction européenne. Enfin, il importe, pour que l'euro contribue à cette Europe - puissance qu'Hubert Védrine, après le Premier ministre, appelait de ses vux, que le périmètre de la monnaie unique, le cercle des pays qui participeront au premier train soit d'emblée le plus large possible.
Nous entrons dans une période délicate et, nous le voyons bien, des remous, notamment monétaires, sont possibles. Pour sa part, le gouvernement fera tout pour maintenir le cap. Refusons le jeu des petites phrases, qui ne servent personne et desservent l'Europe. Soyons en même temps conscients de la nécessité de réussir l'UEM pour dépasser l'UEM.
Je profite de ce passage sur la monnaie unique pour évoquer rapidement le marché unique que l'euro a vocation à couronner. Ajouter une monnaie unique au marché unique ne suffirait pas à dynamiser l'espace européen si ce marché unique, encore incomplet et connaissant nombre de dysfonctionnements qui empêchent nos entreprises de bénéficier pleinement d'un véritable marché domestique à la taille de l'Union, n'était pas lui-même achevé.
La Commission a donc préparé un plan d'action. Après avoir été approuvé à Amsterdam, il va maintenant être mis en oeuvre. La France y contribuera activement. Mais soyons clairs : il ne faut pas se tromper d'objectif ou de philosophie . Nous serons attentifs à éviter que des mesures, tirant prétexte de l'achèvement du marché unique, ne visent en fait qu'à déréglementer tel ou tel secteur, à porter atteinte à tel ou tel service public, non par nécessité, mais par dogme, au nom d'une conception de l'Europe qui n'est pas celle de la France.
2) Deuxième axe, rechercher un modèle de développement plus solidaire et plus riche en emplois, retrouver une croissance forte. Le gouvernement, en parfaitement harmonie avec le président de la République, a obtenu à Amsterdam un infléchissement important de la construction européenne. Celui-ci s'est notamment concrétisé par l'insertion d'un chapitre emploi dans le traité, l'adoption d'une résolution sur la croissance et l'emploi, plaçant sur le même plan politique ces objectifs et la stabilité budgétaire, ainsi que la convocation d'un Conseil européen extraordinaire sur ce sujet en novembre prochain. Ces avancées, sont les plus grandes que l'on pouvait espérer dans le contexte particulier de ce sommet. Elles sont particulièrement significatives. Elles signifient que l'emploi et le social sont devenus des objectifs explicites de l'Union et font désormais l'objet de chapitres spécifiques du Traité. Le Conseil extraordinaire de Luxembourg consacré à l'emploi, décidé à l'initiative de la France, doit déboucher sur des conclusions opérationnelles et concrètes. Le gouvernement ne ménagera pas ses efforts pour faire vivre ces dispositions, exploiter toutes leurs potentialités, avec, dans l'immédiat, l'objectif de contribuer à la réussite de ce sommet.
Qu'en attendons-nous ?
Pour mettre l'emploi au premier rang de nos préoccupations, il faut en effet chercher à tirer profit de la "valeur ajoutée" communautaire d'une manière systématique. Je mentionnerai les principaux thèmes que nous avons déjà identifiés tels qu'ils ont été adressés au président en exercice M. Jüncker :
- en premier lieu, mettre en oeuvre une stratégie coordonnée des politiques nationales de l'emploi. Un des acquis importants d'Amsterdam est la possibilité d'appliquer le nouveau chapitre emploi du traité sans attendre sa ratification. Il s'agit donc de promouvoir, dès à présent, une coordination des politiques nationales de l'emploi, qui permettra d'en améliorer l'efficacité. Le Conseil européen va élaborer des lignes directrices en la matière, que la France souhaite voir assorties d'objectifs précis. Le Comité de l'emploi et du marché du travail examinera les programmes pluriannuels de l'emploi des Etats membres de façon à identifier les "bonnes pratiques" et à promouvoir les échanges d'expériences.
Nous allons également plaider avec force pour une approche coordonnée en matière de restructurations industrielles, afin que l'Union puisse mieux anticiper et accompagner des mutations industrielles souvent douloureusement ressenties.
Sous cette rubrique, je tiens aussi à souligner à nouveau que cette stratégie pour l'emploi doit être bien mise en cohérence avec le renforcement de la coordination des politiques économiques.
- en second lieu, il conviendra, à Luxembourg, de relancer des actions communautaires en faveur de l'emploi. D'une manière générale, les politiques communautaires doivent prendre davantage en compte leur impact sur l'emploi. Cela concerne en particulier la politique en faveur de la recherche, des PME, de la formation, des réseaux transnationaux ainsi que l'action menée au travers des fonds structurels. Cet effort de cohérence doit s'accompagner d'une plus grande harmonisation des législations sociales et fiscales. Il s'agit de prévenir les phénomènes de dumping social et de concurrence prédatrice trop souvent à l'oeuvre.
Le Conseil européen d'Amsterdam a déjà ouvert la voie à une intervention plus active et plus efficace de la Banque européenne d'investissement en faveur de l'emploi, notamment par le soutien de projets de haute technologie portés par des PME ainsi que par l'élargissement de son domaine d'action à l'éducation, la santé et l'environnement. Il faut maintenant examiner toutes les possibilités de renforcer l'impact de ces initiatives qui peuvent permettre de mobiliser les fonds très importants, plusieurs milliards d'écus, au profit de la croissance.
- enfin, il s'agit aussi d'affermir le dialogue social européen, en premier lieu sur l'organisation et l'aménagement du temps de travail. Les modalités de participation des partenaires sociaux aux procédures prévues par le nouveau traité doivent être précisées sans tarder.
3) Troisième axe enfin, l'élargissement et l'Agenda 2000. Le cadre de nos réflexions commence à se préciser. Nous sommes d'abord conscients que ce nouvel élargissement constitue un défi sans précédent, en raison du nombre et de la taille des pays candidats, de leurs caractéristiques économiques et géographiques. Il est politiquement impératif d'y répondre. La réintégration dans la famille européenne des pays d'Europe centrale et orientale doit toutefois être préparée avec le même souci de mettre le politique et le social au premier plan. L'agrandissement de la communauté constitue en soi une source de satisfaction, puisse qu'elle témoigne de son pouvoir d'attraction. Mais il ne saurait se traduire indirectement par un affaiblissement de la volonté politique et de l'exigence sociale qui doivent animer l'Europe. Il s'agit, d'une part, de ne pas dilapider l'acquis dans l'intérêt même des nouveaux Etats membres, d'autre part de ne pas créer de nouvelles fractures sur notre continent. J'en déduis deux orientations importantes :
- comme je l'ai déjà indiqué une véritable réforme institutionnelle ne peut plus être différée : il faut que s'impose enfin la certitude que l'élargissement sera précédé d'une réforme des institutions qui leur permettra de fonctionner de manière satisfaisante. Cette réforme essentielle, qui n'a pu aboutir tout à fait à Amsterdam, - c'est une litote - ne saurait attendre la veille de l'entrée de nos futurs partenaires dans l'Union. Elle se ferait alors dans une urgence préjudiciable à la nécessaire rénovation des règles de prise de décision. Au nom de l'efficacité et de l'équité, nous souhaitons toujours une révision des règles de composition de la Commission, afin d'en limiter les effectifs et de renforcer son caractère collégial, et une repondération des voix au Conseil, comme l'ont d'ailleurs prévu, même si ce n'est pas dans la plus grande clarté, les conclusions du Conseil européen d'Amsterdam.
- l'association de tous les pays candidats au processus est nécessaire, même si certains rejoindront l'Union plus rapidement que d'autres. L'élargissement doit être une dynamique positive qui tire tous les candidats vers le haut sans créer de nouvelles divisions sur le continent européen. Tel est l'objet de la proposition française de "conférence européenne" destinée à permettre la gestion collective des relations entre l'Union et les pays candidats au cours de la phase d'élargissement. Ce nouveau cadre, dont seules les grandes lignes ont été définies jusqu'à présent, permettrait d'aller au-delà de l'actuel "dialogue structuré", qui a fait son temps, et viserait à maîtriser les tensions que créera nécessairement le traitement différencié des candidats.
Parallèlement, et je n'en dis qu'un mot, vont commencer les travaux sur l'Agenda 2000, c'est-à-dire l'adaptation du cadre financier et des politiques communes à la perpective de l'élargissement. Ils devront concilier le légitime souci de limiter la progression des dépenses et l'impératif catégorique de préservation des politiques communes qui donnent sa substance à la Communauté Je tiens à souligner, à cet égard, une seule chose : que la France n'entend pas être le seul Etat membre à supporter le poids des ajustements nécessaires.
* * *
L'Europe doit être à la hauteur des grands rendez-vous qu'elle s'est fixée cette année. La France entend y contribuer de manière décisive. Je vous demande de mobiliser toute votre force de conviction et vos capacités d'explication, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, pour faire entendre et comprendre la voix de la France afin de mener à bien cette grande ambition européenne.
Rarement autant qu'aujourd'hui n'a prévalu le sentiment que l'Europe était à un tournant, sur un fil, qu'elle était face à des choix déterminants pour son avenir et en plus groupés. Des décisions qui seront prises prochainement dépendent le modèle de société de notre continent au XXIème siècle, son rayonnement dans le monde, et la place de notre pays dans ces ensembles. A nous aujourd'hui de donner un nouveau souffle à cette entreprise.
Comme le disait Michelet de la France et de la République, l'Europe est avant tout une volonté et un état d'esprit. C'est pourquoi des perspectives et une volonté clairement affichées constituent le meilleur antidote au scepticisme, même si elles ne sauraient évidemment remplacer des résultats. Il est grand temps de retrouver l'esprit de la construction européenne, je dirais même l'esprit européen, dans ce qu'il a de meilleur. Je vous demande, je sais que vous le ferez, d'y contribuer dans les mois décisifs qui viennent.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux qu'à l'occasion de cette Conférence des ambassadeurs, nous nous retrouvions ce soir à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, autour de son président, de ses dirigeants et de ses membres. Au nom de tous, je tiens à vous remercier de cette excellente initiative.
Je vois en effet dans cette rencontre le signe d'une nécessité et le symbole d'une évolution.
La nécessité, c'est celle de travailler ensemble, diplomates et représentants du monde de l'entreprise, au service de l'économie française, de chacun de ses acteurs économiques. Cette mobilisation de nos forces doit les aider à faire leur place sur un marché mondial de plus en plus concurrentiel. Ce contexte international nous impose d'être encore plus imaginatifs, encore plus ambitieux, encore plus impliqués en faveur de notre économie, si nous voulons rester sur le chemin de la croissance et de la prospérité au 21ème siècle : cet impératif majeur, je le réitère aujourd'hui au nom de l'ensemble du gouvernement, comme le président de la République l'a réaffirmé hier.
L'évolution, c'est celle du métier des ambassadeurs. Sans que leur rôle en matière de diplomatie politique "traditionnelle" ne soit en rien diminué, celui-ci s'enrichit de manière croissante d'une mission très importante en matière économique et commerciale, sous l'effet de la nécessité que je viens d'évoquer. Ce mouvement ira, forcément, en s'amplifiant.
Je souhaite donc évoquer ce soir quelques-unes des actions à mener ensemble. Elles ne représentent ni pour les organismes consulaires, ni pour les ambassadeurs, la totalité de leurs tâches, loin s'en faut, mais une partie néanmoins essentielle de leurs missions pour permettre à l'économie française de relever les défis actuels.
1/. Faire l'euro :
Je ne vous surprendrais pas en mentionnant, au premier rang de ce programme, dans le temps et en importance, la réussite du passage à la monnaie unique. Nous en avons déjà longuement parlé ce matin avec les ambassadeurs. Aussi ne voudrais-je pas donner l'impression de me répéter. Mais comment ne pas redire, à l'intention de ceux qui nous reçoivent ce soir, la détermination sans faille du gouvernement de Lionel Jospin à faire la monnaie unique selon le calendrier et les conditions prévues par le Traité. Faire la monnaie unique, non pas avec quelques-uns mais avec la grande majorité des 15 Etats membres de l'Union européenne. C'est en effet le meilleur service à rendre à nos entreprises, en supprimant les risques de dévaluation, en accélérant, à travers sa création, la construction européenne, tant sur le plan économique que politique. En bref, il s'agit d'en faire un instrument de souveraineté et de croissance pour l'Europe, de faire aussi de celle-ci une puissance capable de peser, avec sa monnaie, face à la monnaie et au pays dominant dans le monde. Le dollar et les Etats-Unis.
Mais pour que le passage à l'euro soit une réussite complète, il ne suffira pas que les gouvernements prennent de bonnes décisions. Parce qu'il réclame un effort d'adaptation pour les entreprises et le grand public, même s'il sera étalé sur plusieurs années, ce changement nécessitera, de la part de tous ceux qui ont vocation à servir de relais d'information et de formation, une forte mobilisation au cours des années à venir. L'intéressant rapport de votre Chambre de décembre 1996, consacré à la transition vers l'euro de 1999 à 2002, illustre bien ce nécessaire engagement à cet égard.
2/. Achever le marché unique :
Créer l'euro, je l'ai dit, est essentiel. Mais le couronnement logique du marché unique - une monnaie unique - serait incomplet pour nos entreprises si ce marché unique n'était pas lui-même rapidement achevé. J'ai eu, là aussi, l'occasion d'en parler ce matin à nos ambassadeurs. Comme vous le savez, Monsieur le Président, la Commission a récemment élaboré un plan d'action pour l'achèvement du marché unique, qui a été approuvé à Amsterdam. Je voudrais rapidement faire quelques remarques :
- la première, c'est que le gouvernement se réjouit de l'existence de ce plan et s'impliquera fortement dans sa réalisation. Trop d'obstacles empêchent encore, en effet, nos entreprises de bénéficier pleinement d'un marché domestique d'une taille comparable à celles de nos principaux concurrents, leur permettant ainsi de lutter à armes égales.
- la deuxième, c'est que si nous sommes résolument en faveur du marché unique, pour nous, ce marché unique est une construction, un renforcement, pas une destruction ou un affaiblissement. Nous voulons donc compléter l'acquis par les instruments nécessaires pour que chaque opérateur puisse mieux en profiter. Je pense, en particulier, au statut de la société européenne, au brevet communautaire. Mais nous ne saurions accepter qu'au nom d'une conception du marché unique qui n'est pas celle de la France, des atteintes soient portées à nos services publics, dont l'importance a été reconnue dans le projet de Traité d'Amsterdam.
- la troisième, enfin. Cette construction n'a de chance d'être réussie que si nous sommes à même de défendre le marché unique. Il ne s'agit pour moi, en aucun cas, de prôner un quelconque repli sur soi, mais nous devons lutter résolument contre les pratiques commerciales déloyales et unilatérales de certains pays tiers, qui causent de très graves préjudices à nos industriels, et sont directement responsables de la disparition de très nombreux emplois en Europe.
Sans doute sera-t-il nécessaire que nous réfléchissions rapidement, tous ensemble, au renforcement de ces instruments défensifs de politique commerciale et l'amélioration de leur fonctionnement. Je pense en particulier à la procédure anti-dumping. Je serais intéressé de connaître, le cas échéant, les réflexions de la CCIP sur cette question qui doit également mobiliser nos ambassadeurs.
3/. Etendre le marché unique à l'Europe centrale :
Faire l'euro. Achever et défendre le marché unique. Une troisième action en faveur de nos entreprises va maintenant très prochainement être engagée, elle aussi sur notre continent : je veux parler de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale ; c'est-à-dire - puisque que nous parlons économie - la perspective de l'extension du marché unique à environ 500 millions de consommateurs. Comme vous le savez, la Commission a rendu ses avis sur chaque candidature en juillet dernier, et a recommandé l'ouverture des négociations avec cinq d'entre eux, ainsi qu'avec Chypre. Il revient maintenant au Conseil européen de prendre des décisions sur les modalités précises de négociation et sur le sort de chacun de ces pays. Puis des discussions s'engageront, au tout début de 1998.
Cet élargissement - alors que des accords commerciaux de libre-échange asymétriques, en leur faveur, ont été conclus avec 10 pays - est clairement une chance pour nos entreprises qui voient s'ouvrir, à leurs portes, des marchés neufs, pour la plupart en forte croissance, de plus en plus solvables, dont les modes de consommation se rapprochent progressivement des nôtres. Mais ne nous cachons pas la réalité. Cette extension constitue aussi un risque : celui d'une dilution des règles, des exigences de l'Union européenne, qui serait consenti par les 15 pour permettre à ces pays d'adhérer plus vite, plus facilement.
Une telle évolution serait désastreuse pour l'avenir de notre économie et, au-delà, pour la construction européenne. Nous sommes déterminés, dans les négociations qui vont s'ouvrir, à faire de la reprise de l'acquis communautaire - des périodes de transition sont évidemment possibles - une condition sine qua non de l'adhésion. Nous ne rendrions pas service aux pays candidats en leur tenant un autre discours. Nous continuerons, enfin à exiger que les prochaines adhésions soient - c'est un préalable rappelé hier encore par le président de la République - précédées d'une réforme des institutions européennes, qui permette à celles-ci de fonctionner efficacement.
4/. Soutenir nos opérateurs partout dans le monde :
J'ai parlé d'Europe jusqu'à présent, même si en le faisant j'ai évoqué ses rapports avec les pays tiers et sa place dans le monde
Je voudrais maintenant dépasser le cadre strictement européen pour vous exposer les principales actions que nous pouvons également entreprendre au plan mondial pour agir en faveur de nos intérêts économiques.
- la première, c'est de défendre activement ces intérêts, à quinze, lors de l'élaboration des règles internationalement contraignantes, dans le cadre de l'Organisation mondiale du Commerce et de l'OCDE. C'est maintenant, en effet, très largement dans ces enceintes, en particulier à Genève, que se joue notre avenir sur le plan économique. Nous devons en avoir pleinement conscience les uns et les autres.
- au-delà de la définition d'un corps de règles juridiquement contraignant, pour lutter contre l'unilatéralisme, la deuxième façon de soutenir nos entreprises dans le monde est d'être plus offensifs, à leurs côtés, pour conquérir les marchés mondiaux. Or, ne nous cachons pas la réalité si nos parts de marché atteignent près de 10 % en Europe, dépassent encore 6 % au sein de l'OCDE, elles se situent, bien souvent, à 2 ou 3 %, voire moins, dans des pays en développement rapide dits émergents qui constituent les marchés de demain et les sources de la croissance. L'augmentation de notre excédent commercial, excellente performance de notre économie, ne doit pas masquer cet état de fait.
Pour le changer, nous devons, tous ensemble, nous mobiliser. Il convient d'abord, je le répète, mieux utiliser les instruments de politique commerciale - offensifs cette fois - qui sont en notre possession, comme le "Règlement sur les obstacles au Commerce", qui se veut l'équivalent de la fameuse section 301 américaine, avec toutefois une différence majeure : il n'est pas, contrairement à la procédure américaine, unilatéral, mais respecte les règles de l'OMC. Nous devons, ensuite, soutenir directement, bilatéralement, nos entreprises dans leurs démarches d'exportation et d'investissement à l'étranger. Depuis la France, bien sûr, à travers notamment les procédures d'assurance crédit et de garantie pour les investissements proposés par la COFACE, et qui sont très utiles. Mais aussi, et je dirai surtout, sur place, sur "le terrain".
Vous le savez, Monsieur le Président, les moyens des Postes d'expansion économique sont en cours de redéploiement à travers le monde, afin d'améliorer encore l'efficacité des soutiens publics. Si le dispositif doit être allégé dans les pays de l'Union européenne et d'autres pays développés, où, plus que jamais, réseaux consulaire et public doivent travailler en bonne intelligence, il sera, par contre, nettement renforcé dans les zones "émergentes", particulièrement l'Asie du Sud-Est, mais aussi l'Amérique latine, la Russie et l'Europe centrale et orientale. Nos ambassadeurs ont un rôle d'autant plus important en la matière que, paradoxalement, le monde de plus en plus déréglementé dans lequel nous vivons laisse une place importante à la décision des Etats et des gouvernements des pays tiers. Nos ambassadeurs, en tant que responsables et animateurs de l'ensemble des services de la République dans leurs pays de résidence, et notamment des services commerciaux, ont une responsabilité particulière pour aider nos entreprises à gagner dans chaque pays la bataille de l'exportation, c'est-à-dire la bataille de l'emploi en France et en Europe.
Je nous appelle à conjuguer nos efforts.
Sachez que vous me trouverez disponible, à chaque instant, pour gagner, avec vous ce combat. Je vous remercie, Monsieur le Président.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr le 8 novembre 2001)
Je suis très heureux de participer pour la première fois à la Conférence annuelle des ambassadeurs.
Nous aurons de multiples occasions de nous voir au cours de ces prochains jours et je m'en réjouis. Comme Hubert Védrine, et à ses côtés, je ressens fierté et responsabilité de la mission qui m'a été confiée. Nous travaillerons ensemble, dans la durée à construire et à défendre la place de la France. Pour ce faire, notre travail commun est important et votre rôle essentiel. Mes visites dans les Etats membres de l'Union européenne et dans les pays candidats à l'adhésion me permettront également de retrouver, plus longuement, un grand nombre d'entre vous dans leur pays de résidence.
Cette Conférence des ambassadeurs coïncide avec le début d'une période cruciale pour la France et l'Union européenne. Vous le savez, des échéances majeures jalonnent les prochains mois. Nous les avons toutes en tête : Conseil européen extraordinaire sur l'emploi, signature puis procédure de ratification du Traité d'Amsterdam, engagement du processus d'élargissement, sélection des pays participant à la monnaie unique, réforme des politiques communes et révision des perspectives financières. Voilà un ensemble pour le moins consistant
Lorsque nous nous retrouverons l'année prochaine, à la même époque, l'Europe et ses perspectives auront été profondément changées, dans le bon sens, j'en suis convaincu.
Dans ce contexte, vous comprendrez que je ne dresse pas, devant vous, un tableau exhaustif du paysage européen. Les professionnels que vous êtes sont maîtres en décodage de discours. Alors, je vous appelle à ne pas voir dans mon silence sur tel ou tel dossier la marque d'un désintérêt de la France. Pour ne citer que quelques thèmes parmi d'autres, la PESC et son corollaire, l'identité européenne de défense et de sécurité, la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, avec notamment les questions relatives à Schengen, la Convention de Lomé ou encore le partenariat euro-méditerranéen sont toujours considérés comme des enjeux importants. Mais le temps manque aujourd'hui dans cette réunion, que nous voulons aussi opérationnelle que possible.
C'est pourquoi je préfère donc concentrer mes propos autour de quelques messages, dont l'ambition est de définir la vision que nous avons de l'Europe. Je veux, pour commencer, vous exposer dans quel esprit nous nous engageons dans cette période.
Je souhaite bien évidemment me tourner vers l'avenir. Mais regardons un instant vers le passé proche, c'est-à-dire le Conseil européen d'Amsterdam. Je ne reviendrai pas longuement sur les conclusions de la CIG. Vous gardez tous à l'esprit les réactions enregistrées, ici ou là, en raison du report des réformes institutionnelles. Frustration, dépit, déception, devant ce bilan en demi-teinte, résultats contrastés, mitigés : voilà autant de jugements - d'ailleurs entendus également chez nombre de nos partenaires - qui transparaissent au milieu de propos parfois plus convenus et satisfaits et, ne l'oublions pas, d'appréciations positives sur les réelles avancées enregistrées à cette occasion dans le projet de traité. Je pense notamment aux coopérations renforcées, à l'inclusion d'un nouveau chapitre emploi, à l'intégration du protocole social dans le traité, à l'extension du vote à la majorité qualifiée, à l'amélioration des mécanismes de la PESC ou, ce qui a été une demande française, à la reconnaissance du rôle des services publics.
Ces réactions renvoient d'abord à une réalité simple : celle d'une négociation, c'est-à-dire d'un équilibre qui est le produit de contraintes multiples, mais aussi des circonstances exceptionnelles que le nouveau gouvernement a dû gérer, quelques jours seulement après sa formation, dans le respect parfaitement normal et partagé des engagements déjà pris au nom de la France.
Je comprends ces réactions, que j'ai moi-même exprimées. Aujourd'hui, mon premier message consiste à dire qu'il faut puiser notre énergie dans ce sentiment d'inachèvement, dépasser cet état d'esprit pour considérer Amsterdam comme un point de départ, une étape pour aborder, forts de notre inspiration européenne, les prochaines échéances.
Le constat est aussi simple que les réponses sont complexes : dans ces grands enjeux, tout statu quo signifie régression. Ainsi, j'ai la conviction que l'extension à une Europe élargie des tendances actuelles entraînerait la paralysie institutionnelle et l'implosion budgétaire. Tout ceci signifie - j'y reviendrai - qu'il subsiste, à la réalisation effective du prochain élargissement dans lequel nous allons nous engager, un préalable institutionnel.
Autre élément, à mes yeux essentiel, de ce constat : les populations, les hommes semblent avoir pris une certaine distance avec l'Europe. Nos constructions complexes, par sédimentations successives, leur sont difficilement compréhensibles, et, en tout cas, paraissent éloignées de leurs préoccupations prioritaires, au premier rang desquelles se place la lutte contre le chômage. D'où, le gouvernement va y travailler, la nécessité de rendre l'Europe populaire, dans la double acception de ce terme. L'Europe servira les peuples, les peuples serviront l'Europe. Des efforts continueront à être demandés aux habitants de l'Union. Les effets positifs de ces ajustements ne doivent plus être postulés pour un futur plus ou moins proche, en fait sans cesse repoussé. Ils doivent apparaître au grand jour et emporter la conviction. Notre action doit porter un projet, celui d'une Europe sociale et politique, celui d'une Europe dont la démocratie est le ferment et le ciment.
En définitive, je suis convaincu que le moment est venu d'adopter une attitude plus incisive. Nous nous devons de faire mouvement. La facilité coupable ou la médiocre juxtaposition d'intérêts étroitement nationaux ne sauraient être cautionnées, sauf à faire preuve d'une grave irresponsabilité historique. Ce n'est évidemment pas le projet du gouvernement.
Comment, au contraire, inscrire concrètement une vision ambitieuse dans les réalités européennes? Je vois trois points d'application prioritaires qui constituent les principaux éléments de notre programme de travail dans la période qui s'ouvre. Je voudrais successivement évoquer l'UEM, la préparation du Conseil européen sur l'emploi, l'élargissement et l'Agenda 2000.
1) Premier axe, c'est le passage à la monnaie unique, qui représente le grand rendez-vous de 1998. Ce point sera exposé et discuté de manière approfondie un peu plus tard dans la matinée à l'occasion de la séance d'information sur l'euro. Toutefois, je tiens déjà à vous dire que, sur cette question aussi, la France nourrit de grandes ambitions pour l'Europe.
L'UEM, c'est d'abord l'euro, qui est le produit et le ciment de la convergence des économies de l'Union européenne et le prolongement logique du marché unique. Mais, dans le paysage de l'après-Amsterdam, l'UEM constitue le projet le plus porteur des espoirs prometteurs, mais aussi, en cas d'échec, des menaces les plus lourdes pour l'avenir de l'Union européenne.
Je tiens, à mon tour, à réaffirmer devant vous, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, notre objectif : la participation de la France au premier train de la monnaie unique dans les délais sans report et aux conditions de stabilité macro-économiques prévues par le Traité.
Il convient de veiller tout particulièrement à ce que cette entreprise historique soit lancée sur des bases solides, en étant capable de se projeter dès à présent au-delà du printemps 1998. C'est ainsi que, à mon sens, deux orientations sont déterminantes :
- la consolidation budgétaire doit être inscrite dans la durée. La politique économique et sociale du gouvernement, qu'il s'agisse des mesures d'ajustement de l'été ou du projet de loi de finances pour 1998 qui sera présenté prochainement au parlement, s'inscrit dans la logique de ce choix, avec un fort degré de crédibilité. Après s'en être rapproché fin 1997, l'objectif est d'atteindre en 1998 la valeur de référence de 3% du PIB en matière de déficit public, alors que le niveau de l'endettement est inférieur au seuil de 60 % du PIB. Quelle que soit la difficulté de l'exercice, il est clair que la poursuite de la tendance à la réduction de nos déficits constitue une donnée de base présidant à tout l'exercice. On dit qu'il y a une seule façon de réduire les déficits ; j'estime que c'est à chaque partenaire de faire les efforts pour se mettre en situation de participer au premier train, selon ses propres actions de convergence, par rapport à la norme commune que représente le Traité.
- l'assise politique et sociale de la monnaie européenne doit par ailleurs être assurée. Cette approche plaide en faveur de la création, à côté d'une banque centrale garante de la stabilité monétaire, d'un pôle de coordination économique. Cette exigence s'impose au nom de la légitimité démocratique et de l'équilibre institutionnel. Ce pôle aurait pour mission de répondre de la cohérence, et donc de l'efficacité, des politiques nationales au service de la croissance. Cette question de la coordination des politiques économiques, et notamment celle de la mise en uvre de l'article 103 du Traité, est prévue à l'ordre du jour du Conseil européen de décembre. Cette approche met également en évidence toute l'importance des initiatives en faveur de l'emploi pour que, enfin, l'euro ne soit plus perçu seulement comme une contrainte mais également comme une spectaculaire affirmation d'une économie européenne mondialisée et comme un formidable accélérateur de la construction européenne. Enfin, il importe, pour que l'euro contribue à cette Europe - puissance qu'Hubert Védrine, après le Premier ministre, appelait de ses vux, que le périmètre de la monnaie unique, le cercle des pays qui participeront au premier train soit d'emblée le plus large possible.
Nous entrons dans une période délicate et, nous le voyons bien, des remous, notamment monétaires, sont possibles. Pour sa part, le gouvernement fera tout pour maintenir le cap. Refusons le jeu des petites phrases, qui ne servent personne et desservent l'Europe. Soyons en même temps conscients de la nécessité de réussir l'UEM pour dépasser l'UEM.
Je profite de ce passage sur la monnaie unique pour évoquer rapidement le marché unique que l'euro a vocation à couronner. Ajouter une monnaie unique au marché unique ne suffirait pas à dynamiser l'espace européen si ce marché unique, encore incomplet et connaissant nombre de dysfonctionnements qui empêchent nos entreprises de bénéficier pleinement d'un véritable marché domestique à la taille de l'Union, n'était pas lui-même achevé.
La Commission a donc préparé un plan d'action. Après avoir été approuvé à Amsterdam, il va maintenant être mis en oeuvre. La France y contribuera activement. Mais soyons clairs : il ne faut pas se tromper d'objectif ou de philosophie . Nous serons attentifs à éviter que des mesures, tirant prétexte de l'achèvement du marché unique, ne visent en fait qu'à déréglementer tel ou tel secteur, à porter atteinte à tel ou tel service public, non par nécessité, mais par dogme, au nom d'une conception de l'Europe qui n'est pas celle de la France.
2) Deuxième axe, rechercher un modèle de développement plus solidaire et plus riche en emplois, retrouver une croissance forte. Le gouvernement, en parfaitement harmonie avec le président de la République, a obtenu à Amsterdam un infléchissement important de la construction européenne. Celui-ci s'est notamment concrétisé par l'insertion d'un chapitre emploi dans le traité, l'adoption d'une résolution sur la croissance et l'emploi, plaçant sur le même plan politique ces objectifs et la stabilité budgétaire, ainsi que la convocation d'un Conseil européen extraordinaire sur ce sujet en novembre prochain. Ces avancées, sont les plus grandes que l'on pouvait espérer dans le contexte particulier de ce sommet. Elles sont particulièrement significatives. Elles signifient que l'emploi et le social sont devenus des objectifs explicites de l'Union et font désormais l'objet de chapitres spécifiques du Traité. Le Conseil extraordinaire de Luxembourg consacré à l'emploi, décidé à l'initiative de la France, doit déboucher sur des conclusions opérationnelles et concrètes. Le gouvernement ne ménagera pas ses efforts pour faire vivre ces dispositions, exploiter toutes leurs potentialités, avec, dans l'immédiat, l'objectif de contribuer à la réussite de ce sommet.
Qu'en attendons-nous ?
Pour mettre l'emploi au premier rang de nos préoccupations, il faut en effet chercher à tirer profit de la "valeur ajoutée" communautaire d'une manière systématique. Je mentionnerai les principaux thèmes que nous avons déjà identifiés tels qu'ils ont été adressés au président en exercice M. Jüncker :
- en premier lieu, mettre en oeuvre une stratégie coordonnée des politiques nationales de l'emploi. Un des acquis importants d'Amsterdam est la possibilité d'appliquer le nouveau chapitre emploi du traité sans attendre sa ratification. Il s'agit donc de promouvoir, dès à présent, une coordination des politiques nationales de l'emploi, qui permettra d'en améliorer l'efficacité. Le Conseil européen va élaborer des lignes directrices en la matière, que la France souhaite voir assorties d'objectifs précis. Le Comité de l'emploi et du marché du travail examinera les programmes pluriannuels de l'emploi des Etats membres de façon à identifier les "bonnes pratiques" et à promouvoir les échanges d'expériences.
Nous allons également plaider avec force pour une approche coordonnée en matière de restructurations industrielles, afin que l'Union puisse mieux anticiper et accompagner des mutations industrielles souvent douloureusement ressenties.
Sous cette rubrique, je tiens aussi à souligner à nouveau que cette stratégie pour l'emploi doit être bien mise en cohérence avec le renforcement de la coordination des politiques économiques.
- en second lieu, il conviendra, à Luxembourg, de relancer des actions communautaires en faveur de l'emploi. D'une manière générale, les politiques communautaires doivent prendre davantage en compte leur impact sur l'emploi. Cela concerne en particulier la politique en faveur de la recherche, des PME, de la formation, des réseaux transnationaux ainsi que l'action menée au travers des fonds structurels. Cet effort de cohérence doit s'accompagner d'une plus grande harmonisation des législations sociales et fiscales. Il s'agit de prévenir les phénomènes de dumping social et de concurrence prédatrice trop souvent à l'oeuvre.
Le Conseil européen d'Amsterdam a déjà ouvert la voie à une intervention plus active et plus efficace de la Banque européenne d'investissement en faveur de l'emploi, notamment par le soutien de projets de haute technologie portés par des PME ainsi que par l'élargissement de son domaine d'action à l'éducation, la santé et l'environnement. Il faut maintenant examiner toutes les possibilités de renforcer l'impact de ces initiatives qui peuvent permettre de mobiliser les fonds très importants, plusieurs milliards d'écus, au profit de la croissance.
- enfin, il s'agit aussi d'affermir le dialogue social européen, en premier lieu sur l'organisation et l'aménagement du temps de travail. Les modalités de participation des partenaires sociaux aux procédures prévues par le nouveau traité doivent être précisées sans tarder.
3) Troisième axe enfin, l'élargissement et l'Agenda 2000. Le cadre de nos réflexions commence à se préciser. Nous sommes d'abord conscients que ce nouvel élargissement constitue un défi sans précédent, en raison du nombre et de la taille des pays candidats, de leurs caractéristiques économiques et géographiques. Il est politiquement impératif d'y répondre. La réintégration dans la famille européenne des pays d'Europe centrale et orientale doit toutefois être préparée avec le même souci de mettre le politique et le social au premier plan. L'agrandissement de la communauté constitue en soi une source de satisfaction, puisse qu'elle témoigne de son pouvoir d'attraction. Mais il ne saurait se traduire indirectement par un affaiblissement de la volonté politique et de l'exigence sociale qui doivent animer l'Europe. Il s'agit, d'une part, de ne pas dilapider l'acquis dans l'intérêt même des nouveaux Etats membres, d'autre part de ne pas créer de nouvelles fractures sur notre continent. J'en déduis deux orientations importantes :
- comme je l'ai déjà indiqué une véritable réforme institutionnelle ne peut plus être différée : il faut que s'impose enfin la certitude que l'élargissement sera précédé d'une réforme des institutions qui leur permettra de fonctionner de manière satisfaisante. Cette réforme essentielle, qui n'a pu aboutir tout à fait à Amsterdam, - c'est une litote - ne saurait attendre la veille de l'entrée de nos futurs partenaires dans l'Union. Elle se ferait alors dans une urgence préjudiciable à la nécessaire rénovation des règles de prise de décision. Au nom de l'efficacité et de l'équité, nous souhaitons toujours une révision des règles de composition de la Commission, afin d'en limiter les effectifs et de renforcer son caractère collégial, et une repondération des voix au Conseil, comme l'ont d'ailleurs prévu, même si ce n'est pas dans la plus grande clarté, les conclusions du Conseil européen d'Amsterdam.
- l'association de tous les pays candidats au processus est nécessaire, même si certains rejoindront l'Union plus rapidement que d'autres. L'élargissement doit être une dynamique positive qui tire tous les candidats vers le haut sans créer de nouvelles divisions sur le continent européen. Tel est l'objet de la proposition française de "conférence européenne" destinée à permettre la gestion collective des relations entre l'Union et les pays candidats au cours de la phase d'élargissement. Ce nouveau cadre, dont seules les grandes lignes ont été définies jusqu'à présent, permettrait d'aller au-delà de l'actuel "dialogue structuré", qui a fait son temps, et viserait à maîtriser les tensions que créera nécessairement le traitement différencié des candidats.
Parallèlement, et je n'en dis qu'un mot, vont commencer les travaux sur l'Agenda 2000, c'est-à-dire l'adaptation du cadre financier et des politiques communes à la perpective de l'élargissement. Ils devront concilier le légitime souci de limiter la progression des dépenses et l'impératif catégorique de préservation des politiques communes qui donnent sa substance à la Communauté Je tiens à souligner, à cet égard, une seule chose : que la France n'entend pas être le seul Etat membre à supporter le poids des ajustements nécessaires.
* * *
L'Europe doit être à la hauteur des grands rendez-vous qu'elle s'est fixée cette année. La France entend y contribuer de manière décisive. Je vous demande de mobiliser toute votre force de conviction et vos capacités d'explication, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, pour faire entendre et comprendre la voix de la France afin de mener à bien cette grande ambition européenne.
Rarement autant qu'aujourd'hui n'a prévalu le sentiment que l'Europe était à un tournant, sur un fil, qu'elle était face à des choix déterminants pour son avenir et en plus groupés. Des décisions qui seront prises prochainement dépendent le modèle de société de notre continent au XXIème siècle, son rayonnement dans le monde, et la place de notre pays dans ces ensembles. A nous aujourd'hui de donner un nouveau souffle à cette entreprise.
Comme le disait Michelet de la France et de la République, l'Europe est avant tout une volonté et un état d'esprit. C'est pourquoi des perspectives et une volonté clairement affichées constituent le meilleur antidote au scepticisme, même si elles ne sauraient évidemment remplacer des résultats. Il est grand temps de retrouver l'esprit de la construction européenne, je dirais même l'esprit européen, dans ce qu'il a de meilleur. Je vous demande, je sais que vous le ferez, d'y contribuer dans les mois décisifs qui viennent.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux qu'à l'occasion de cette Conférence des ambassadeurs, nous nous retrouvions ce soir à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, autour de son président, de ses dirigeants et de ses membres. Au nom de tous, je tiens à vous remercier de cette excellente initiative.
Je vois en effet dans cette rencontre le signe d'une nécessité et le symbole d'une évolution.
La nécessité, c'est celle de travailler ensemble, diplomates et représentants du monde de l'entreprise, au service de l'économie française, de chacun de ses acteurs économiques. Cette mobilisation de nos forces doit les aider à faire leur place sur un marché mondial de plus en plus concurrentiel. Ce contexte international nous impose d'être encore plus imaginatifs, encore plus ambitieux, encore plus impliqués en faveur de notre économie, si nous voulons rester sur le chemin de la croissance et de la prospérité au 21ème siècle : cet impératif majeur, je le réitère aujourd'hui au nom de l'ensemble du gouvernement, comme le président de la République l'a réaffirmé hier.
L'évolution, c'est celle du métier des ambassadeurs. Sans que leur rôle en matière de diplomatie politique "traditionnelle" ne soit en rien diminué, celui-ci s'enrichit de manière croissante d'une mission très importante en matière économique et commerciale, sous l'effet de la nécessité que je viens d'évoquer. Ce mouvement ira, forcément, en s'amplifiant.
Je souhaite donc évoquer ce soir quelques-unes des actions à mener ensemble. Elles ne représentent ni pour les organismes consulaires, ni pour les ambassadeurs, la totalité de leurs tâches, loin s'en faut, mais une partie néanmoins essentielle de leurs missions pour permettre à l'économie française de relever les défis actuels.
1/. Faire l'euro :
Je ne vous surprendrais pas en mentionnant, au premier rang de ce programme, dans le temps et en importance, la réussite du passage à la monnaie unique. Nous en avons déjà longuement parlé ce matin avec les ambassadeurs. Aussi ne voudrais-je pas donner l'impression de me répéter. Mais comment ne pas redire, à l'intention de ceux qui nous reçoivent ce soir, la détermination sans faille du gouvernement de Lionel Jospin à faire la monnaie unique selon le calendrier et les conditions prévues par le Traité. Faire la monnaie unique, non pas avec quelques-uns mais avec la grande majorité des 15 Etats membres de l'Union européenne. C'est en effet le meilleur service à rendre à nos entreprises, en supprimant les risques de dévaluation, en accélérant, à travers sa création, la construction européenne, tant sur le plan économique que politique. En bref, il s'agit d'en faire un instrument de souveraineté et de croissance pour l'Europe, de faire aussi de celle-ci une puissance capable de peser, avec sa monnaie, face à la monnaie et au pays dominant dans le monde. Le dollar et les Etats-Unis.
Mais pour que le passage à l'euro soit une réussite complète, il ne suffira pas que les gouvernements prennent de bonnes décisions. Parce qu'il réclame un effort d'adaptation pour les entreprises et le grand public, même s'il sera étalé sur plusieurs années, ce changement nécessitera, de la part de tous ceux qui ont vocation à servir de relais d'information et de formation, une forte mobilisation au cours des années à venir. L'intéressant rapport de votre Chambre de décembre 1996, consacré à la transition vers l'euro de 1999 à 2002, illustre bien ce nécessaire engagement à cet égard.
2/. Achever le marché unique :
Créer l'euro, je l'ai dit, est essentiel. Mais le couronnement logique du marché unique - une monnaie unique - serait incomplet pour nos entreprises si ce marché unique n'était pas lui-même rapidement achevé. J'ai eu, là aussi, l'occasion d'en parler ce matin à nos ambassadeurs. Comme vous le savez, Monsieur le Président, la Commission a récemment élaboré un plan d'action pour l'achèvement du marché unique, qui a été approuvé à Amsterdam. Je voudrais rapidement faire quelques remarques :
- la première, c'est que le gouvernement se réjouit de l'existence de ce plan et s'impliquera fortement dans sa réalisation. Trop d'obstacles empêchent encore, en effet, nos entreprises de bénéficier pleinement d'un marché domestique d'une taille comparable à celles de nos principaux concurrents, leur permettant ainsi de lutter à armes égales.
- la deuxième, c'est que si nous sommes résolument en faveur du marché unique, pour nous, ce marché unique est une construction, un renforcement, pas une destruction ou un affaiblissement. Nous voulons donc compléter l'acquis par les instruments nécessaires pour que chaque opérateur puisse mieux en profiter. Je pense, en particulier, au statut de la société européenne, au brevet communautaire. Mais nous ne saurions accepter qu'au nom d'une conception du marché unique qui n'est pas celle de la France, des atteintes soient portées à nos services publics, dont l'importance a été reconnue dans le projet de Traité d'Amsterdam.
- la troisième, enfin. Cette construction n'a de chance d'être réussie que si nous sommes à même de défendre le marché unique. Il ne s'agit pour moi, en aucun cas, de prôner un quelconque repli sur soi, mais nous devons lutter résolument contre les pratiques commerciales déloyales et unilatérales de certains pays tiers, qui causent de très graves préjudices à nos industriels, et sont directement responsables de la disparition de très nombreux emplois en Europe.
Sans doute sera-t-il nécessaire que nous réfléchissions rapidement, tous ensemble, au renforcement de ces instruments défensifs de politique commerciale et l'amélioration de leur fonctionnement. Je pense en particulier à la procédure anti-dumping. Je serais intéressé de connaître, le cas échéant, les réflexions de la CCIP sur cette question qui doit également mobiliser nos ambassadeurs.
3/. Etendre le marché unique à l'Europe centrale :
Faire l'euro. Achever et défendre le marché unique. Une troisième action en faveur de nos entreprises va maintenant très prochainement être engagée, elle aussi sur notre continent : je veux parler de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale ; c'est-à-dire - puisque que nous parlons économie - la perspective de l'extension du marché unique à environ 500 millions de consommateurs. Comme vous le savez, la Commission a rendu ses avis sur chaque candidature en juillet dernier, et a recommandé l'ouverture des négociations avec cinq d'entre eux, ainsi qu'avec Chypre. Il revient maintenant au Conseil européen de prendre des décisions sur les modalités précises de négociation et sur le sort de chacun de ces pays. Puis des discussions s'engageront, au tout début de 1998.
Cet élargissement - alors que des accords commerciaux de libre-échange asymétriques, en leur faveur, ont été conclus avec 10 pays - est clairement une chance pour nos entreprises qui voient s'ouvrir, à leurs portes, des marchés neufs, pour la plupart en forte croissance, de plus en plus solvables, dont les modes de consommation se rapprochent progressivement des nôtres. Mais ne nous cachons pas la réalité. Cette extension constitue aussi un risque : celui d'une dilution des règles, des exigences de l'Union européenne, qui serait consenti par les 15 pour permettre à ces pays d'adhérer plus vite, plus facilement.
Une telle évolution serait désastreuse pour l'avenir de notre économie et, au-delà, pour la construction européenne. Nous sommes déterminés, dans les négociations qui vont s'ouvrir, à faire de la reprise de l'acquis communautaire - des périodes de transition sont évidemment possibles - une condition sine qua non de l'adhésion. Nous ne rendrions pas service aux pays candidats en leur tenant un autre discours. Nous continuerons, enfin à exiger que les prochaines adhésions soient - c'est un préalable rappelé hier encore par le président de la République - précédées d'une réforme des institutions européennes, qui permette à celles-ci de fonctionner efficacement.
4/. Soutenir nos opérateurs partout dans le monde :
J'ai parlé d'Europe jusqu'à présent, même si en le faisant j'ai évoqué ses rapports avec les pays tiers et sa place dans le monde
Je voudrais maintenant dépasser le cadre strictement européen pour vous exposer les principales actions que nous pouvons également entreprendre au plan mondial pour agir en faveur de nos intérêts économiques.
- la première, c'est de défendre activement ces intérêts, à quinze, lors de l'élaboration des règles internationalement contraignantes, dans le cadre de l'Organisation mondiale du Commerce et de l'OCDE. C'est maintenant, en effet, très largement dans ces enceintes, en particulier à Genève, que se joue notre avenir sur le plan économique. Nous devons en avoir pleinement conscience les uns et les autres.
- au-delà de la définition d'un corps de règles juridiquement contraignant, pour lutter contre l'unilatéralisme, la deuxième façon de soutenir nos entreprises dans le monde est d'être plus offensifs, à leurs côtés, pour conquérir les marchés mondiaux. Or, ne nous cachons pas la réalité si nos parts de marché atteignent près de 10 % en Europe, dépassent encore 6 % au sein de l'OCDE, elles se situent, bien souvent, à 2 ou 3 %, voire moins, dans des pays en développement rapide dits émergents qui constituent les marchés de demain et les sources de la croissance. L'augmentation de notre excédent commercial, excellente performance de notre économie, ne doit pas masquer cet état de fait.
Pour le changer, nous devons, tous ensemble, nous mobiliser. Il convient d'abord, je le répète, mieux utiliser les instruments de politique commerciale - offensifs cette fois - qui sont en notre possession, comme le "Règlement sur les obstacles au Commerce", qui se veut l'équivalent de la fameuse section 301 américaine, avec toutefois une différence majeure : il n'est pas, contrairement à la procédure américaine, unilatéral, mais respecte les règles de l'OMC. Nous devons, ensuite, soutenir directement, bilatéralement, nos entreprises dans leurs démarches d'exportation et d'investissement à l'étranger. Depuis la France, bien sûr, à travers notamment les procédures d'assurance crédit et de garantie pour les investissements proposés par la COFACE, et qui sont très utiles. Mais aussi, et je dirai surtout, sur place, sur "le terrain".
Vous le savez, Monsieur le Président, les moyens des Postes d'expansion économique sont en cours de redéploiement à travers le monde, afin d'améliorer encore l'efficacité des soutiens publics. Si le dispositif doit être allégé dans les pays de l'Union européenne et d'autres pays développés, où, plus que jamais, réseaux consulaire et public doivent travailler en bonne intelligence, il sera, par contre, nettement renforcé dans les zones "émergentes", particulièrement l'Asie du Sud-Est, mais aussi l'Amérique latine, la Russie et l'Europe centrale et orientale. Nos ambassadeurs ont un rôle d'autant plus important en la matière que, paradoxalement, le monde de plus en plus déréglementé dans lequel nous vivons laisse une place importante à la décision des Etats et des gouvernements des pays tiers. Nos ambassadeurs, en tant que responsables et animateurs de l'ensemble des services de la République dans leurs pays de résidence, et notamment des services commerciaux, ont une responsabilité particulière pour aider nos entreprises à gagner dans chaque pays la bataille de l'exportation, c'est-à-dire la bataille de l'emploi en France et en Europe.
Je nous appelle à conjuguer nos efforts.
Sachez que vous me trouverez disponible, à chaque instant, pour gagner, avec vous ce combat. Je vous remercie, Monsieur le Président.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr le 8 novembre 2001)