Déclaration de Mme Barbara Pompili, secrétaire d'Etat aux relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité, sur la mise en place prochaine de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de ses antennes régionales (ARB), à Paris le 3 juin 2016.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Séminaire de travail sur les agences régionales de la biodiversité (ARB) en présence des services et des opérateurs de l'Etat, à l'hôtel de Roquelaure, à Paris le 3 juin 2016

Texte intégral

Ce séminaire de travail se déroule à un moment particulier, puisque, même si la loi de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et en particulier l'article qui institue l'AFB (Agence Française pour la Biodiversité) ne sont pas encore adoptés et feront l'objet d'une troisième lecture parlementaire dans les semaines à venir, les équilibres issus des deux premières lectures permettent d'y voir plus clair dans l'articulation qui se dessine, sur les territoires, entre la structure nationale avec ses services déconcentrés, et les agences régionales qui seront mises en place.
Cet équilibre est fondé sur deux principes :
la clarté quant aux missions confiées à l'Agence Française de la Biodiversité, dont certaines sont régaliennes et d'autres non, et la garantie de les voir effectives sur l'ensemble du territoire, et la liberté laissée aux acteurs locaux pour définir la forme, le rythme et le périmètre des collaborations qu'ils entendront mettre en oeuvre pour créer des agences régionales au profit d'une politique de biodiversité partagée et conforme aux enjeux de chaque territoire de la République.
Je sais que cette souplesse, cette absence de cadre contraignant constituent une démarche novatrice, et que l'innovation est toujours à la fois une source d'enthousiasme et de créativité et un sujet d'interrogations, voire d'inquiétudes.
Mais je suis convaincue que cette démarche portera ses fruits, car elle répond à une réalité : celle de territoires différents, aux acteurs organisés selon des logiques qui leur sont propres, et confrontés à des problématiques singulières.
J'ai coutume de dire qu'il serait paradoxal de défendre la biodiversité et, dans le même temps, de ne pas reconnaître la diversité des enjeux, des acteurs, des structures existantes dans les différents territoires !
C'est donc à l'initiative de l'État et des Régions (ou de plusieurs collectivités outre-mer) que ces Agences Régionales seront créées.
Les ARB (Agences Régionales de la Biodiversité) devront avoir une double fonction : consolider le lien entre les politiques nationales et territoriales de la biodiversité d'une part, participer d'une mise en oeuvre opérationnelle d'autre part.
Les ARB (Agences Régionales de la Biodiversité) préfigurent une nouvelle dimension de notre action en faveur de la biodiversité : il ne s'agit pas de s'intéresser seulement aux espaces et espèces protégés, mais aussi de travailler sur un très grand nombre d'autres sujets confiés à l'AFB (Agence Française de la Biodiversité). Ce sera le défi de la connaissance ; Ce sera l'appui technique et administratif aux porteurs de projets, aux acteurs socio-économiques et j'insiste sur ce point, parce qu'il sera sans doute appelé à prendre une importance de plus en plus forte à mesure que la séquence éviter/réduire/compenser quittera la seule rubrique des principes généraux du Droit pour prendre une réalité croissante dans le montage des projets ; Ce sera le soutien financier, mais aussi la formation des acteurs de la biodiversité et la communication, l'information sur la biodiversité et ses enjeux pour nos concitoyens.
Il s'agit aussi de développer les continuités écologiques, pour reconquérir la biodiversité dans les espaces soumis au droit commun, de promouvoir et exploiter les nouveaux outils que nous offrira la loi, comme la compensation, je l'évoquais à l'instant, ou encore les obligations réelles environnementales. Le périmètre des missions que devront remplir les ARB (Agences Régionales de la Biodiversité) est un sujet à part entière sur lequel vos réflexions sont très attendues, car la répartition entre ARB (Agences Régionales de la Biodiversité) et services rattachés à l'AFB (Agence Française de la Biodiversité) n'est pas déterminée. La loi indique que les ARB (Agences Régionales de la Biodiversité) « exercent tout ou partie des missions de l'AFB (Agence Française de la Biodiversité) à l'exception des missions de police ». Cela signifie que des représentations de l'AFB (Agence Française de la Biodiversité) existeront sur le territoire pour y exercer au moins les missions de police, et sans doute d'autres missions, à préciser.
Et pour avancer concrètement sur les agences régionales, et être en mesure de répondre aux interrogations ou aux sollicitations des régions, il paraît nécessaire d'identifier un socle commun minimal.
Je souhaite que vous réfléchissiez à cet aspect, c'est en partie à cela que doit servir votre séminaire d'aujourd'hui qui n'est pas seulement une occasion d'échanges informels c'est déjà important mais doit également produire des pistes de réflexion, tracer des perspectives d'action, bref, être une instance de questionnements utiles et de propositions.
Contrairement à ce que certains avaient pu craindre, ou à ce que d'autres avaient pu espérer, la mise en place des AR (Agences Régionales) n'est pas un démantèlement des services de l'Etat ou de L'AFB (Agence Française de la Biodiversité). Je dirais même que c'est exactement le contraire, puisque l'objectif ne sera atteint que si leur création s'accompagne, dans le cadre d'une plus grande synergie, d'une meilleure valorisation de l'action de chacun.
Il ne s'agit pas de transférer des ETP des Directions Régionales de l'Environnement de l'Aménagement et du Logement, vers les ARB (Agences Régionales de la Biodiversité), mais il s'agit que chacun trouve sa place dans une politique de la biodiversité de plus en plus partagée.
Le dispositif que nous construisons est une opportunité, pour les services et opérateurs de l'Etat, de renforcer leurs partenariats avec tous les acteurs de la biodiversité, qu'il s'agisse des collectivités, bien sûr, mais aussi des associations, des entreprises.
Les ARB (Agences Régionales de la Biodiversité) offrent l'opportunité de renforcer, aux yeux des partenaires, la légitimité et la reconnaissance de la compétence des services de l'Etat et de ses opérateurs sur les territoires. Les ARB (Agences Régionales de la Biodiversité) doivent favoriser ces synergies, doivent valoriser les complémentarités.
Les services de l'Etat visés ici sont notamment les DREAL (Directions Régionales de l'Environnement de l'Aménagement et du Logement), et DEAL (Directions de l'Environnement de l'Aménagement et du logement), les DDT(M) (Directions Départementales des territoires et de la Mer), les DIRM (Directions Interrégionales de la Mer Méditerranée et Directions de la Mer). Les opérateurs de l'Etat concernés sont notamment les Agences de l'eau, les parcs nationaux, L'ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage).
Les ARB (Agences Régionales de la Biodiversité) se construiront donc avec les collectivités territoriales et, comme je l'ai dit, sans modèle pré-établi. Outre la question du périmètre de compétences des agences, que j'voquais il y a quelques instants, deux questions se poseront concrètement, sur lesquelles vous êtes également invités aujourd'hui à travailler et faire connaître vos analyses :
D'abord, la forme juridique des ARB (Agences Régionales de la Biodiversité).
Deux types de statuts sont communément évoqués : l'EPCE (Etablissement Public de Coopération Environnementale), qui prend modèle sur les établissements à caractère culturel, qui ont fait leurs preuves, et le GIP (Groupement d'Intérêt Public). Mais d'autres solutions ne sont pas a priori exclues, notamment en fonction des formes juridiques qui sont celles soit d'agences existantes, soit de structures sur lesquelles, aujourd'hui, les régions ou les départements s'appuient pour mener leurs politiques de biodiversité.
Ces réalités, c'est vous qui les connaissez le plus finement, puisque c'est vous qui êtes en contact avec le terrain et la diversité des situations rencontrées.
Vous avez pu, par l'expérience, acquérir une connaissance précieuse des avantages, des opportunités, mais aussi des risques de telle ou telle forme juridique en place.
Vos retours d'expériences, vos analyses, votre expertise seront essentielles pour les mois à venir. La réunion d'aujourd'hui doit vous permettre d'esquisser un premier tableau de ces questions.
J'évoquais la question du périmètre d'action des agences. Mais se posera également celle du périmètre administratif des membres des ARB (Agences Régionales de la Biodiversité) : a minima, les Régions et l'AFB (Agence Française de la Biodiversité), en font partie. La loi évoque également les départements et, pour l'outre-mer, d'autres collectivités.
Là encore, vous possédez une expérience utile, qui doit permettre d'en tirer des leçons.
Sur les formes juridiques comme sur les périmètres propres à chaque territoire, l'Etat ne sera pas directif.
Mais, sur le principe même de ces agences, il nous faudra être réactif et surtout proactif : mener les contacts avec les responsables élus des conseils régionaux pour les convaincre de s'engager dans la dynamique, ou d'adapter leurs dispositifs existants à la création de l'AFB (Agence Française de la Biodiversité), ce sera mon travail et ça l'est déjà d'ailleurs, puisque la question est au centre des discussions que j'ai, à chacun de mes déplacements en régions, avec les élus locaux.
La décision de s'engager, c'est une décision politique.
Et cela suppose donc une mobilisation politique : c'est la mienne, c'est celle, déterminante, de Ségolène Royal, et c'est plus généralement celle du gouvernement.
Je sais que certains ont émis la crainte qu'une absence de volonté locale freine une dynamique naissante.
Je ne le crois pas, même s'il est probable que certaines Régions aillent plus vite ou plus loin que d'autres.
Je crois qu'il est judicieux de faire confiance aux élus qui se sont approprié les enjeux autour de la biodiversité, en particulier après la COP21 qui a mis en avant toutes les solutions fondées sur la nature pour lutter contre le changement climatique.
Et je compte bien appuyer notre effort de pédagogie, dans chaque Région française, sur les conseils économiques, sociaux et environnementaux régional, afin qu'ils se saisissent de ces questions et apportent les préconisations les plus adaptées à la réalité de chacun des territoires.
Certaines Régions ont d'ores et déjà fait part de leur intérêt pour la démarche. Nous avons commencé à travailler avec elles. Il s'agira de définir un projet commun, puis de caractériser le cadre juridique le plus adapté pour le mettre en oeuvre.
La carte des ARB (Agences Régionales de la Biodiversité) va se dessiner progressivement, sur quelques années, le temps pour l'AFB (Agence Française de la Biodiversité) de monter en puissance et qu'une confiance réciproque s'installe.
Je fais le pari que les premières réalisations vont créer l'envie et l'émulation pour "embarquer" ensuite toutes les Régions.
Mais cette tâche de conviction indispensable à la réussite de ce projet qui, encore une fois, est de nature pédagogique et de nature politique n'aura d'impact que si nous sommes collectivement en mesure d'accompagner les initiatives régionales.
Vous, qui représentez les services et opérateurs de l'Etat, avez un rôle essentiel à jouer pour accompagner le processus de construction des ARB (Agences Régionales de la Biodiversité).
En proposant des grilles d'analyse et en construisant des hypothèses-cadres, comme je l'ai indiqué, mais aussi en relayant ce travail de sensibilisation et conviction du gouvernement.
Vous êtes particulièrement bien placés pour le faire, parce que vous connaissez les situations locales, parce que vous êtes en contact avec les collectivités.
Je compte donc sur votre capacité d'initiative.
Vous avez l'opportunité de contribuer à la création de dispositifs innovants, associant tous les acteurs motivés des territoires, pour passer un nouveau cap dans la reconquête de la biodiversité. Soyez à l'écoute, accompagnez, et agissez. Ce dispositif cohérent dédié à la biodiversité, qui associera l'agence nationale que nous créons et les agences régionales avec lesquelles vous travaillerez, vous en êtes des acteurs autant que des ambassadeurs sur les territoires. J'emploie souvent, lorsque je rencontre les acteurs de la biodiversité en France, l'image de ces ouvriers du moyen-âge qui suaient sang et eau à tailler des pierres, à les superposer et à les joindre et qui n'avaient pas tous la conscience de ce qu'ils contribuaient à ériger : des cathédrales.
C'est bien cela que nous construisons ensemble, chacun à sa place. Et comme les cathédrales, les résultats seront de styles différents, de la simplicité romane au gothique flamboyant et même, parfois, à la folie d'un Gaudi. Eh bien cette diversité de styles se retrouvera dans les agences régionales. Et peu importe. Et même, c'est tant mieux : l'essentiel c'est que ce soient, au final, des cathédrales, ou pour quitter la métaphore, des institutions dédiées à la biodiversité.
Mesdames et messieurs, aujourd'hui, c'est le lancement d'un processus. Et ce processus qui démarre aujourd'hui, c'est votre projet.
Lors de ce séminaire, vous allez travailler sur le fond, proposer des méthodes.
Je serai attentive à vos propositions, à vos conclusions. Sachez repérer les initiatives locales, les encourager. J'interviendrai également auprès des préfets pour assurer la parfaite cohérence et cohésion des services et opérateurs de l'Etat.
C'est ainsi que le processus d'information et d'échanges au sein de l'État se poursuivra, et qu'à cette fin, des rendez-vous sont d'ores et déjà fixés :
Devant les DREAL (Directions Régionales de l'Environnement de l'Aménagement et du Logement) en juin. Lors de la réunion mensuelle des préfets.
Dans le cadre de la conférence nationale de l'administration territoriale (préfets de région) en septembre-octobre. En parallèle, les contacts avec les collectivités locales devront se poursuivre, au niveau local et au niveau national.
Un séminaire Etat/Régions/AFB (Agence Française de la Biodiversité) se tiendra ainsi le 5 juillet, auquel l'Association des Départements de France sera associée. Ce séminaire devra permettre de renforcer la sensibilisation des décideurs, et d'affiner la méthode d'accompagnement.
Mesdames et messieurs, je vous disais en introduction de ce propos que le choix que nous avons fait pour la création des agences régionales et leur articulation avec l'AFB (Agence Française de la Biodiversité), les services de l'Etat et opérateurs de biodiversité était le choix de l'innovation et de la liberté.
C'est un choix qui repose tout à la fois sur une conviction décentralisatrice, qui respecte les rythmes et les enjeux propres à chaque territoire, sur une volonté de définir des dispositifs les plus en phase avec la réalité de terrain, et donc les plus rapidement efficaces car agir pour la biodiversité c'est une course contre le temps, et sur un volontarisme assumé, qui vise à mettre à profit toutes les opportunités de coopération plutôt qu'à chercher de construire des usines à gaz et à imposer des solutions toutes faites qui seraient déconnectées et des réalités locales et de la disponibilité politique de nos interlocuteurs.
C'est la logique du compromis, de la réforme pragmatique.
Et c'est précisément parce que nous recherchons à agir avec agilité que nous ne devons pas imposer un cadre unique et intangible, mais que nous devons, en revanche, mettre au point une méthode de travail qui vaudra pour tous les territoires, pour tous les choix qui seront opérés, afin de garantir une cohérence de la politique nationale de biodiversité et d'en renforcer l'efficacité.
Cette méthode, ces cadres évolutifs, adaptables et déclinables, c'est vous qui contribuerez à les écrire, et, d'une certaine manière, cette réunion d'aujourd'hui en constitue le premier chapitre. Vous écrivez ce premier chapitre pendant que les services centraux, avec les ministres et les parlementaires, mettent la dernière main au prologue : Il nous faut, il vous faut, anticiper l'application d'un texte qui n'est pas encore adopté.
C'est encore une fois une innovation. Mais si nous pouvons le faire, c'est parce que nous connaissons les étapes législatives à venir : examen en troisième lecture en fin de mois à l'Assemblée, pour une adoption définitive au mieux avant la fin de la session parlementaire, au pire au début de la suivante, à l'automne. Concernant l'AFB (Agence Française de la Biodiversité) et les ARB (Agences Régionales de la Biodiversité), l'essentiel des dispositifs sont clos, puisque adoptés conformes à l'issue des deuxièmes lectures, et ne pourront donc pas faire l'objet d'un bouleversement. Le cadre est donc stabilisé, les équilibres établis, et vous pouvez travailler en sécurité, sans risque de changement de la feuille de route. Un texte adopté et promulgué au plus vite, avec un décret d'application sur l'AFB (Agence Française de la Biodiversité) publié dans la foulée : voilà la perspective à court terme.
Et comme l'AFB (Agence Française de la Biodiversité) sera créée au 1er janvier, il faudra alors aller vite et disposer de tous les outils, de toutes les méthodes, pour avancer avec les régions sur la question des structures régionales : c'est cette phase que nous préfigurons aujourd'hui.Http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 7 juin 2016