Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
CHRISTIAN PONCELET, bonjour.
CHRISTIAN PONCELET
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous, ce matin. Alors on parle beaucoup d'insécurité en ce moment évidemment. Première question directe : faut-il réviser la loi sur la présomption d'innocence ?
CHRISTIAN PONCELET
Lorsque cette loi a été débattue au Sénat, nombreux sont les sénateurs qui sont intervenus pour dire attention, cette loi ne peut s'appliquer correctement que dans la mesure où on mettra à la disposition et de la police et de la justice, les moyens humains et matériels nécessaires. Ca n'a pas été fait. Et aujourd'hui, on se rend compte que la loi, bien sûr, au lieu d'améliorer la situation, tend plutôt à l'aggraver. A tel point que l'on constate que les sanctions n'arrivent pas aussi rapidement qu'elles devaient arriver. Surtout que la délinquance augmente. Nous avons des crimes et délits en augmentation de plus de 10 %...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Depuis l'application de la loi ?
CHRISTIAN PONCELET
Oui, au cours du premier semestre 2001. Alors que faut-il faire ? Que faut-il faire ? Aujourd'hui, on se rend compte que cette loi n'est pas bonne. N'est pas bonne dans son application.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans son application. Oui parce que tout le monde l'a votée ou presque. Tous les partis politiques ?
CHRISTIAN PONCELET
Oui, mais le Sénat a pris la précaution, je vous le rappelle, de dire, elle ne s'appliquera correctement que s'il y a moyens humains et matériels. Alors puisqu'elle ne peut pas s'appliquer correctement, suspendons l'application de la loi pour l'instant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous demandez la suspension de la loi...
CHRISTIAN PONCELET
Nous demandons la suspension de la loi et d'ailleurs, le Premier ministre lui-même vient de demander à un de ses amis, n'est-ce pas, de bien vouloir réfléchir et faire un rapport.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Julien Dray oui.
CHRISTIAN PONCELET
C'est donc que ça ne va pas. C'est donc que ça ne marche pas. Puisque ça ne marche pas, il ne faut pas persévérer dans la direction dans laquelle nous sommes engagés. Et je m'aperçois qu'on est loin de mettre à la disposition de la police et de la justice les moyens humains et matériels. Ce que l'on constate au point de vue de la police, concernant le matériel seulement, l'équipement, le budget 2002 va être en diminution de 14 %. On nous propose, le recrutement de 3 000 agents complémentaires pour 2002. Les ateliers de l'alternance - c'est-à-dire l'organisation mise en place par l'opposition nationale- ont réfléchi à la sécurité et disent que sur cinq ans, il nous faut, pour assurer la sécurité dans des conditions convenables, il nous faut 30 000 policiers et 10 000 gendarmes, à peu près, on est loin du compte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
30 000 policiers, 10 000 gendarmes. Est-ce que c'est une mesure qui sera contenue dans le programme du candidat principal de l'opposition, Jacques Chirac ?
CHRISTIAN PONCELET
C'est lui qu'il faut interroger.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le souhaitez ?
CHRISTIAN PONCELET
Pour ma part, je pense, si vous le voulez, que le grand problème qui sera l'objet des débats, pour les élections présidentielles et législatives, ce sera l'insécurité dans ce pays. L'insécurité est croissante. Il y a plus qu'une préoccupation. Il y a une angoisse parmi la population et, par conséquent, il y a urgence à intervenir. Et il faut, en plus et je me rends compte régulièrement, lorsque je suis en relation avec les forces de police et avec les juges, il faut que nos policiers et juges bénéficient de la reconnaissance et du soutien des pouvoirs publics. C'est ça qui leur manque, c'est de la considération.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais CHRISTIAN PONCELET...
CHRISTIAN PONCELET
Je vous interromps, parce que c'est pour moi préoccupant. Je me demande, à lire, à entendre et à regarder, n'est-ce pas, si demain, ce ne sera pas le délinquant qui sera inquiété, mais plutôt le policier qui l'aura arrêté. Cela ne peut pas durer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais CHRISTIAN PONCELET, vous les politiques, de droite comme de gauche, vous avez été au pouvoir, les uns après les autres. Quelles mesures ont été prises ? On en arrive là, parce que depuis dix ou quinze ans, aucune mesure. Les mesures n'ont pas été prises.
CHRISTIAN PONCELET
Si les mesures, mais nous avons...
JEAN-JACQUES BOURDIN
La responsabilité est partagée, vous en convenez ?
CHRISTIAN PONCELET
Mais écoutez, en ce qui concerne la délinquance, il y avait un accord pour la loi pour la présomption d'innocence, il y avait un accord entre toutes les parties. Vous venez de le dire, on l'a votée. Mais nous avons mis en garde, au moment du vote, sur l'insuffisance des moyens mis à disposition. On ne peut pas appliquer la loi. Qu'est-ce que nous réclamons ? Nous réclamons aujourd'hui, et ça va peut-être heurter certains, la tolérance zéro, quoique le nombre de personnes qui s'opposeraient à cette démarche...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Diminue.
CHRISTIAN PONCELET
Diminue. Il faut tenir compte de la réaction de la population qui, parfois, a le matin un avis et l'après-midi un avis contraire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça, c'est vrai.
CHRISTIAN PONCELET
Donc ça diminue, la tolérance zéro. Qu'est-ce que nous disons ? Nous disons qu'il faut que le législateur mette en place, cela est demandé par les juges, mette en place une gamme de sanctions allant de l'éducatif, jusqu'à la sanction. Pour que dès la première infraction commise par un mineur, il y ait sanction. Il ne s'agit pas d'envoyer les mineurs en prison, de les envoyer au bagne, comme certains esprits voudraient le faire croire. Il s'agit peut-être tout simplement d'obliger, ce jeune mineur qui a commis une infraction de suivre des cours d'éducation civique qui ne sont pas donnés. Il s'agit de lui demander, de réparer les dégâts qu'il a causés, car le jeune qui n'est pas sanctionné dès la première sanction, s'installe dans un sentiment d'impunité, il est tenté de recommencer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais CHRISTIAN PONCELET, je sais que vous êtes l'un des chantres de la décentralisation. Quel pouvoir doit-on donner aux maires ? Le maire doit-il être le patron responsable de la sécurité dans sa commune, dans sa ville ?
CHRISTIAN PONCELET
Le maire doit être un élément important, un élément moteur de la coordination, j'allais dire du dispositif mis en place dans sa commune pour assurer la sécurité. Pourquoi ? Parce que le maire connaît les secteurs sensibles, il peut connaître même celles et ceux qui commettent, pas irrégulièrement, des infractions. Il est, par conséquent, en mesure d'apporter un concours efficace aux forces de police qui vont agir et il va pouvoir orienter l'action des uns et des autres. Il va pouvoir mettre en garde les intervenants sur les difficultés que présente tel ou tel secteur. C'est la raison pour laquelle je souhaite, pour ma part, que le maire soit au coeur du dispositif de sécurité qu'on a installé. On a mis en place, n'est-ce pas des commissions de sécurité, au sein des collectivités, avec le juge, avec le procureur, avec les forces de police. Il faut que le maire puisse, lui aussi, intervenir, intervenir et dire, " il y a la prévention à faire ici et l'action à mener là ".
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc élargir ses pouvoirs ?
CHRISTIAN PONCELET
Elargir ses pouvoirs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
CHRISTIAN PONCELET, on vous retrouve dans deux, trois minutes, maintenant, nous allons parler encore de décentralisation. Peut-être un peu d'insécurité avec nos auditeurs. Et puis j'ai une ou deux questions politiques à vous poser. A tout de suite.
(...)
JEAN-JACQUES BOURDIN
CHRISTIAN PONCELET, vous êtes toujours avec nous, merci. Le Président du Sénat, en direct ce matin, sur RMC INFO, CHRISTIAN PONCELET, parlons très vite de décentralisation. Je sais que vous êtes chantre, je le disais tout à l'heure, de la décentralisation. Vous voulez une révision de la Constitution, pourquoi ?
CHRISTIAN PONCELET
Ecoutez, nous sommes unanimes à considérer que cette grande réforme qu'est la décentralisation est arrêtée au milieu du gué. Il faut poursuivre. Il faut poursuivre et pour cela nous demandons qu'il y ait des réformes importantes. La première et c'est d'actualité, serait de donner la possibilité aux collectivités territoriales, de pouvoir intervenir dans la réglementation. C'est-à-dire...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Concrètement, pour le citoyen ?
CHRISTIAN PONCELET
C'est-à-dire pour le citoyen, on taille, on collectionne un habit au niveau national. Et cet habit ne peut pas concevoir à toutes les collectivités territoriales françaises, elle sont aussi différentes, les unes que les autres. Donc il faut donner le pouvoir d'adaptation de la loi, n'est-ce pas, un pouvoir réglementaire, aux collectivités territoriales, sur des conditions à déterminer. Je ne m'étends pas. Premier point. Donc par conséquent une adaptation de la loi...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comme en Corse, comme en Corse ?
CHRISTIAN PONCELET
Vous venez de le dire, je ne l'ai pas prononcé, mais le dispositif que l'on met en Corse, nous n'y sommes pas opposés en ce qui concerne l'adaptation de la réglementation. Ce à quoi nous sommes opposés, c'est de donner un pouvoir législatif qui relève, bien sûr dans le cadre de l'unité de la République, qui relève du pouvoir du Parlement. Mais encore une fois la loi peut permettre des adaptations locales. C'est ce que nous souhaitons. Deuxièmement, en ce qui concerne l'autonomie des collectivités territoriales. On se rend compte que la gestion de proximité est plus efficace et mieux faite que depuis les administrations centrales. Et nous avons de bons exemples, la question des collèges, la gestion des lycées. Nous demandons que les collectivités locales aient davantage de compétences, d'où la proposition de mettre en place une loi cadre qui, selon le volontariat, permettrait aux collectivités territoriales qui le souhaitent d'avoir de nouvelles compétences, qu'elles pourraient directement gérer. Et puis, la loi, la réforme importante, c'est garantir aux collectivités territoriales les ressources fiscales nécessaires. Il n'y a pas de responsabilité si, bien sûr, les élus locaux n'ont pas la possibilité de prélever les ressources par l'impôt auprès des contribuables, qui sont en quelque sorte les censeurs véritables de la gestion. Quand je constate qu'en quelques années, on a prélevé sur les ressources fiscales des collectivités territoriales à peu près 80 milliards de francs et on a compensé les prélèvements par des dotations, dotations qui dépendent essentiellement de la bonne volonté de l'Etat. Ces dotations vont servir de paramètres d'ajustement au budget de l'Etat ! Nous allons par conséquent avoir des compétences plus importantes, avoir des moyens en réduction et nous seront conduits tout naturellement à augmenter l'imposition et à nous rendre impopulaires. Mais par la faute de qui ? Par la faute d'un transfert de charges non accompagné, contrairement à la loi de moyens financiers et de concurrence...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que Jean-Pierre Chevènement vous agace ?
CHRISTIAN PONCELET
Sur quel plan ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur tous les plans.
CHRISTIAN PONCELET
Moi vous savez, je suis assez ouvert. Lorsqu'il est venu présenter sa loi, concernant les communautés d'agglomération, au Sénat, nous lui avons dit, " mais cette loi, oui, elle est bien, mais elle est incomplète ". Et il nous faut la compléter, pour maintenir un équilibre entre le milieu urbain et le milieu rural par un nouveau dispositif sur la mise en place de communauté de communes. Il l'a accepté avec des moyens financiers plus réduits. Par conséquent, dès l'instant où c'est constructif nous coopérons. Alors sur le plan politique...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui politiquement oui. S'il agace à droite et à gauche, alors est-ce qu'il vous agace ?
CHRISTIAN PONCELET
Je n'ai pas simulé de dire, il y a quelques temps déjà, " Jean-Pierre Chevènement va déranger. Jean-Pierre Chevènement dérange ". Mais il faut...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne voterez pas pour lui ?
CHRISTIAN PONCELET
Non. Non, non, bien sûr. Moi, j'ai mon candidat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lequel ?
CHRISTIAN PONCELET
Vous le savez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lequel, lequel ? Allez-y ?
CHRISTIAN PONCELET
Le candidat c'est le meilleur que nous ayons, c'est Jacques Chirac, Jacques Chirac dont je dois dire au passage qu'il vient de prendre sur le plan international une excellente dimension. C'est reconnu par tout le monde. Donc si vous voulez, je voterai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que vous trouvez que le rôle de la France est majeur en Afghanistan ? Franchement ?
CHRISTIAN PONCELET
Ecoutez, le rôle de la France. Si j'avais un grand mérite à reconnaître au Président de la République, c'est qu'immédiatement après les événements du 11 septembre, comme vous le savez, il s'est rendu aux Etats-Unis. Il est intervenu et je crois qu'il n'est pas étranger au fait que les Etats-Unis, qui auraient pu légitimement réagir durement et violemment, aient modéré leur réaction à la suite de l'agression dont ils ont été victimes. Une réaction violente aurait conduit à quoi ? A l'affrontement des cultures, à l'affrontement des religions. Et on sait comment ça démarre, on ne sait pas comment ça finit. Il a évité cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a modéré George Bush ?
CHRISTIAN PONCELET
Sans aucun doute. Compliments aux dirigeants américains et George Bush en tête, compliments au peuple américain qui a gardé sérénité, qui a su garder raison, n'est-ce pas en la matière. Sinon, l'affrontement des religions et des cultures aurait été très grave.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question politique, CHRISTIAN PONCELET à vous poser. Votre candidat, c'est Jacques Chirac, après l'élection présidentielle, faut-il un parti unique de l'opposition ? La réunion du RPR, de l'UDF et de Démocratie Libérale ? Oui ou non ? Oui ou non, CHRISTIAN PONCELET ?
CHRISTIAN PONCELET
Ecoutez, pour ma part, aujourd'hui, mais je ne fais pas de prévisions à long terme, pour la raison très simple, que j'ai appris par expérience que les Français se déterminaient toujours sur le dernier événement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'élection présidentielle se joue le dernier mois, on le sait.
CHRISTIAN PONCELET
Se joue le dernier mois, on le sait. Et nous verrons. Mais en l'instant, quel est mon sentiment ? Mon sentiment, je n'ai pas de réaction négative lorsque le constate que monsieur Madelin se présente. Il a une sensibilité, il veut la faire connaître. Monsieur Bayrou se présente, il a une sensibilité, il veut la faire connaître.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour l'instant, ils ne décollent pas. Ils restent collés...
CHRISTIAN PONCELET
Ce n'est pas mon problème. Ils sont candidats, je n'ai à leur égard aucune agressivité. Et ce que je demande, par contre, c'est qu'ils appartiennent à une même famille, attachée aux mêmes valeurs. L'objectif est le même, n'est-ce pas. C'est de rendre plus de liberté dans ce pays. Je leur demande de bien vouloir respecter un code de conduite qui éviterait l'agression de l'un contre l'autre, pour permettre au second tour un désistement sans bavure.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et après, vous ne m'avez pas répondu, oui ou non, parti unique ? Oui ou non ? Je voudrais un oui ou un non, CHRISTIAN PONCELET ? Allez-y oui ou non ?
CHRISTIAN PONCELET
Ecoutez, ah ! Mais non, ça ne va pas si vite que cela. Ca ne va pas si vite que cela. Pourquoi vouloir enfanter quelque chose, si l'on n'est pas sûr de la pérennité ? Par conséquent, je connais bien mon pays et l'union d'aujourd'hui, l'union de demain, pourraient peut-être apporter la division après-demain. Nous verrons dans quelles conditions vont se passer les élections présidentielles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous à titre personnel ?
CHRISTIAN PONCELET
S'il y avait un grand, un grand parti oui je le souhaiterais, je le souhaiterais. Mais, oui, je dis oui, mais je suis très prudent. Je suis très prudent parce que dans ce pays, il a plusieurs sensibilités qui tendent à s'exprimer. Et faire un parti unique et voir le lendemain, n'est-ce pas, certains considèrent que leur pensée n'est pas suffisamment exprimée, partir vers la fracture, ce n'est pas enrichissant. Donc je suis très prudent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, CHRISTIAN PONCELET, pour cette passion que vous avez mise ce matin sur RMC INFO. Merci d'avoir été notre invité. Ce sont les auditeurs qui sont nos invités, tout de suite après le journal de 9 heures. Vous les avez jusqu'à 10 heures.
(source http://www.senat.fr, le 30 novembre 2001)
CHRISTIAN PONCELET, bonjour.
CHRISTIAN PONCELET
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous, ce matin. Alors on parle beaucoup d'insécurité en ce moment évidemment. Première question directe : faut-il réviser la loi sur la présomption d'innocence ?
CHRISTIAN PONCELET
Lorsque cette loi a été débattue au Sénat, nombreux sont les sénateurs qui sont intervenus pour dire attention, cette loi ne peut s'appliquer correctement que dans la mesure où on mettra à la disposition et de la police et de la justice, les moyens humains et matériels nécessaires. Ca n'a pas été fait. Et aujourd'hui, on se rend compte que la loi, bien sûr, au lieu d'améliorer la situation, tend plutôt à l'aggraver. A tel point que l'on constate que les sanctions n'arrivent pas aussi rapidement qu'elles devaient arriver. Surtout que la délinquance augmente. Nous avons des crimes et délits en augmentation de plus de 10 %...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Depuis l'application de la loi ?
CHRISTIAN PONCELET
Oui, au cours du premier semestre 2001. Alors que faut-il faire ? Que faut-il faire ? Aujourd'hui, on se rend compte que cette loi n'est pas bonne. N'est pas bonne dans son application.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans son application. Oui parce que tout le monde l'a votée ou presque. Tous les partis politiques ?
CHRISTIAN PONCELET
Oui, mais le Sénat a pris la précaution, je vous le rappelle, de dire, elle ne s'appliquera correctement que s'il y a moyens humains et matériels. Alors puisqu'elle ne peut pas s'appliquer correctement, suspendons l'application de la loi pour l'instant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous demandez la suspension de la loi...
CHRISTIAN PONCELET
Nous demandons la suspension de la loi et d'ailleurs, le Premier ministre lui-même vient de demander à un de ses amis, n'est-ce pas, de bien vouloir réfléchir et faire un rapport.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Julien Dray oui.
CHRISTIAN PONCELET
C'est donc que ça ne va pas. C'est donc que ça ne marche pas. Puisque ça ne marche pas, il ne faut pas persévérer dans la direction dans laquelle nous sommes engagés. Et je m'aperçois qu'on est loin de mettre à la disposition de la police et de la justice les moyens humains et matériels. Ce que l'on constate au point de vue de la police, concernant le matériel seulement, l'équipement, le budget 2002 va être en diminution de 14 %. On nous propose, le recrutement de 3 000 agents complémentaires pour 2002. Les ateliers de l'alternance - c'est-à-dire l'organisation mise en place par l'opposition nationale- ont réfléchi à la sécurité et disent que sur cinq ans, il nous faut, pour assurer la sécurité dans des conditions convenables, il nous faut 30 000 policiers et 10 000 gendarmes, à peu près, on est loin du compte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
30 000 policiers, 10 000 gendarmes. Est-ce que c'est une mesure qui sera contenue dans le programme du candidat principal de l'opposition, Jacques Chirac ?
CHRISTIAN PONCELET
C'est lui qu'il faut interroger.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le souhaitez ?
CHRISTIAN PONCELET
Pour ma part, je pense, si vous le voulez, que le grand problème qui sera l'objet des débats, pour les élections présidentielles et législatives, ce sera l'insécurité dans ce pays. L'insécurité est croissante. Il y a plus qu'une préoccupation. Il y a une angoisse parmi la population et, par conséquent, il y a urgence à intervenir. Et il faut, en plus et je me rends compte régulièrement, lorsque je suis en relation avec les forces de police et avec les juges, il faut que nos policiers et juges bénéficient de la reconnaissance et du soutien des pouvoirs publics. C'est ça qui leur manque, c'est de la considération.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais CHRISTIAN PONCELET...
CHRISTIAN PONCELET
Je vous interromps, parce que c'est pour moi préoccupant. Je me demande, à lire, à entendre et à regarder, n'est-ce pas, si demain, ce ne sera pas le délinquant qui sera inquiété, mais plutôt le policier qui l'aura arrêté. Cela ne peut pas durer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais CHRISTIAN PONCELET, vous les politiques, de droite comme de gauche, vous avez été au pouvoir, les uns après les autres. Quelles mesures ont été prises ? On en arrive là, parce que depuis dix ou quinze ans, aucune mesure. Les mesures n'ont pas été prises.
CHRISTIAN PONCELET
Si les mesures, mais nous avons...
JEAN-JACQUES BOURDIN
La responsabilité est partagée, vous en convenez ?
CHRISTIAN PONCELET
Mais écoutez, en ce qui concerne la délinquance, il y avait un accord pour la loi pour la présomption d'innocence, il y avait un accord entre toutes les parties. Vous venez de le dire, on l'a votée. Mais nous avons mis en garde, au moment du vote, sur l'insuffisance des moyens mis à disposition. On ne peut pas appliquer la loi. Qu'est-ce que nous réclamons ? Nous réclamons aujourd'hui, et ça va peut-être heurter certains, la tolérance zéro, quoique le nombre de personnes qui s'opposeraient à cette démarche...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Diminue.
CHRISTIAN PONCELET
Diminue. Il faut tenir compte de la réaction de la population qui, parfois, a le matin un avis et l'après-midi un avis contraire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça, c'est vrai.
CHRISTIAN PONCELET
Donc ça diminue, la tolérance zéro. Qu'est-ce que nous disons ? Nous disons qu'il faut que le législateur mette en place, cela est demandé par les juges, mette en place une gamme de sanctions allant de l'éducatif, jusqu'à la sanction. Pour que dès la première infraction commise par un mineur, il y ait sanction. Il ne s'agit pas d'envoyer les mineurs en prison, de les envoyer au bagne, comme certains esprits voudraient le faire croire. Il s'agit peut-être tout simplement d'obliger, ce jeune mineur qui a commis une infraction de suivre des cours d'éducation civique qui ne sont pas donnés. Il s'agit de lui demander, de réparer les dégâts qu'il a causés, car le jeune qui n'est pas sanctionné dès la première sanction, s'installe dans un sentiment d'impunité, il est tenté de recommencer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais CHRISTIAN PONCELET, je sais que vous êtes l'un des chantres de la décentralisation. Quel pouvoir doit-on donner aux maires ? Le maire doit-il être le patron responsable de la sécurité dans sa commune, dans sa ville ?
CHRISTIAN PONCELET
Le maire doit être un élément important, un élément moteur de la coordination, j'allais dire du dispositif mis en place dans sa commune pour assurer la sécurité. Pourquoi ? Parce que le maire connaît les secteurs sensibles, il peut connaître même celles et ceux qui commettent, pas irrégulièrement, des infractions. Il est, par conséquent, en mesure d'apporter un concours efficace aux forces de police qui vont agir et il va pouvoir orienter l'action des uns et des autres. Il va pouvoir mettre en garde les intervenants sur les difficultés que présente tel ou tel secteur. C'est la raison pour laquelle je souhaite, pour ma part, que le maire soit au coeur du dispositif de sécurité qu'on a installé. On a mis en place, n'est-ce pas des commissions de sécurité, au sein des collectivités, avec le juge, avec le procureur, avec les forces de police. Il faut que le maire puisse, lui aussi, intervenir, intervenir et dire, " il y a la prévention à faire ici et l'action à mener là ".
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc élargir ses pouvoirs ?
CHRISTIAN PONCELET
Elargir ses pouvoirs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
CHRISTIAN PONCELET, on vous retrouve dans deux, trois minutes, maintenant, nous allons parler encore de décentralisation. Peut-être un peu d'insécurité avec nos auditeurs. Et puis j'ai une ou deux questions politiques à vous poser. A tout de suite.
(...)
JEAN-JACQUES BOURDIN
CHRISTIAN PONCELET, vous êtes toujours avec nous, merci. Le Président du Sénat, en direct ce matin, sur RMC INFO, CHRISTIAN PONCELET, parlons très vite de décentralisation. Je sais que vous êtes chantre, je le disais tout à l'heure, de la décentralisation. Vous voulez une révision de la Constitution, pourquoi ?
CHRISTIAN PONCELET
Ecoutez, nous sommes unanimes à considérer que cette grande réforme qu'est la décentralisation est arrêtée au milieu du gué. Il faut poursuivre. Il faut poursuivre et pour cela nous demandons qu'il y ait des réformes importantes. La première et c'est d'actualité, serait de donner la possibilité aux collectivités territoriales, de pouvoir intervenir dans la réglementation. C'est-à-dire...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Concrètement, pour le citoyen ?
CHRISTIAN PONCELET
C'est-à-dire pour le citoyen, on taille, on collectionne un habit au niveau national. Et cet habit ne peut pas concevoir à toutes les collectivités territoriales françaises, elle sont aussi différentes, les unes que les autres. Donc il faut donner le pouvoir d'adaptation de la loi, n'est-ce pas, un pouvoir réglementaire, aux collectivités territoriales, sur des conditions à déterminer. Je ne m'étends pas. Premier point. Donc par conséquent une adaptation de la loi...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comme en Corse, comme en Corse ?
CHRISTIAN PONCELET
Vous venez de le dire, je ne l'ai pas prononcé, mais le dispositif que l'on met en Corse, nous n'y sommes pas opposés en ce qui concerne l'adaptation de la réglementation. Ce à quoi nous sommes opposés, c'est de donner un pouvoir législatif qui relève, bien sûr dans le cadre de l'unité de la République, qui relève du pouvoir du Parlement. Mais encore une fois la loi peut permettre des adaptations locales. C'est ce que nous souhaitons. Deuxièmement, en ce qui concerne l'autonomie des collectivités territoriales. On se rend compte que la gestion de proximité est plus efficace et mieux faite que depuis les administrations centrales. Et nous avons de bons exemples, la question des collèges, la gestion des lycées. Nous demandons que les collectivités locales aient davantage de compétences, d'où la proposition de mettre en place une loi cadre qui, selon le volontariat, permettrait aux collectivités territoriales qui le souhaitent d'avoir de nouvelles compétences, qu'elles pourraient directement gérer. Et puis, la loi, la réforme importante, c'est garantir aux collectivités territoriales les ressources fiscales nécessaires. Il n'y a pas de responsabilité si, bien sûr, les élus locaux n'ont pas la possibilité de prélever les ressources par l'impôt auprès des contribuables, qui sont en quelque sorte les censeurs véritables de la gestion. Quand je constate qu'en quelques années, on a prélevé sur les ressources fiscales des collectivités territoriales à peu près 80 milliards de francs et on a compensé les prélèvements par des dotations, dotations qui dépendent essentiellement de la bonne volonté de l'Etat. Ces dotations vont servir de paramètres d'ajustement au budget de l'Etat ! Nous allons par conséquent avoir des compétences plus importantes, avoir des moyens en réduction et nous seront conduits tout naturellement à augmenter l'imposition et à nous rendre impopulaires. Mais par la faute de qui ? Par la faute d'un transfert de charges non accompagné, contrairement à la loi de moyens financiers et de concurrence...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que Jean-Pierre Chevènement vous agace ?
CHRISTIAN PONCELET
Sur quel plan ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur tous les plans.
CHRISTIAN PONCELET
Moi vous savez, je suis assez ouvert. Lorsqu'il est venu présenter sa loi, concernant les communautés d'agglomération, au Sénat, nous lui avons dit, " mais cette loi, oui, elle est bien, mais elle est incomplète ". Et il nous faut la compléter, pour maintenir un équilibre entre le milieu urbain et le milieu rural par un nouveau dispositif sur la mise en place de communauté de communes. Il l'a accepté avec des moyens financiers plus réduits. Par conséquent, dès l'instant où c'est constructif nous coopérons. Alors sur le plan politique...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui politiquement oui. S'il agace à droite et à gauche, alors est-ce qu'il vous agace ?
CHRISTIAN PONCELET
Je n'ai pas simulé de dire, il y a quelques temps déjà, " Jean-Pierre Chevènement va déranger. Jean-Pierre Chevènement dérange ". Mais il faut...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne voterez pas pour lui ?
CHRISTIAN PONCELET
Non. Non, non, bien sûr. Moi, j'ai mon candidat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lequel ?
CHRISTIAN PONCELET
Vous le savez.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lequel, lequel ? Allez-y ?
CHRISTIAN PONCELET
Le candidat c'est le meilleur que nous ayons, c'est Jacques Chirac, Jacques Chirac dont je dois dire au passage qu'il vient de prendre sur le plan international une excellente dimension. C'est reconnu par tout le monde. Donc si vous voulez, je voterai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que vous trouvez que le rôle de la France est majeur en Afghanistan ? Franchement ?
CHRISTIAN PONCELET
Ecoutez, le rôle de la France. Si j'avais un grand mérite à reconnaître au Président de la République, c'est qu'immédiatement après les événements du 11 septembre, comme vous le savez, il s'est rendu aux Etats-Unis. Il est intervenu et je crois qu'il n'est pas étranger au fait que les Etats-Unis, qui auraient pu légitimement réagir durement et violemment, aient modéré leur réaction à la suite de l'agression dont ils ont été victimes. Une réaction violente aurait conduit à quoi ? A l'affrontement des cultures, à l'affrontement des religions. Et on sait comment ça démarre, on ne sait pas comment ça finit. Il a évité cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a modéré George Bush ?
CHRISTIAN PONCELET
Sans aucun doute. Compliments aux dirigeants américains et George Bush en tête, compliments au peuple américain qui a gardé sérénité, qui a su garder raison, n'est-ce pas en la matière. Sinon, l'affrontement des religions et des cultures aurait été très grave.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question politique, CHRISTIAN PONCELET à vous poser. Votre candidat, c'est Jacques Chirac, après l'élection présidentielle, faut-il un parti unique de l'opposition ? La réunion du RPR, de l'UDF et de Démocratie Libérale ? Oui ou non ? Oui ou non, CHRISTIAN PONCELET ?
CHRISTIAN PONCELET
Ecoutez, pour ma part, aujourd'hui, mais je ne fais pas de prévisions à long terme, pour la raison très simple, que j'ai appris par expérience que les Français se déterminaient toujours sur le dernier événement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'élection présidentielle se joue le dernier mois, on le sait.
CHRISTIAN PONCELET
Se joue le dernier mois, on le sait. Et nous verrons. Mais en l'instant, quel est mon sentiment ? Mon sentiment, je n'ai pas de réaction négative lorsque le constate que monsieur Madelin se présente. Il a une sensibilité, il veut la faire connaître. Monsieur Bayrou se présente, il a une sensibilité, il veut la faire connaître.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour l'instant, ils ne décollent pas. Ils restent collés...
CHRISTIAN PONCELET
Ce n'est pas mon problème. Ils sont candidats, je n'ai à leur égard aucune agressivité. Et ce que je demande, par contre, c'est qu'ils appartiennent à une même famille, attachée aux mêmes valeurs. L'objectif est le même, n'est-ce pas. C'est de rendre plus de liberté dans ce pays. Je leur demande de bien vouloir respecter un code de conduite qui éviterait l'agression de l'un contre l'autre, pour permettre au second tour un désistement sans bavure.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et après, vous ne m'avez pas répondu, oui ou non, parti unique ? Oui ou non ? Je voudrais un oui ou un non, CHRISTIAN PONCELET ? Allez-y oui ou non ?
CHRISTIAN PONCELET
Ecoutez, ah ! Mais non, ça ne va pas si vite que cela. Ca ne va pas si vite que cela. Pourquoi vouloir enfanter quelque chose, si l'on n'est pas sûr de la pérennité ? Par conséquent, je connais bien mon pays et l'union d'aujourd'hui, l'union de demain, pourraient peut-être apporter la division après-demain. Nous verrons dans quelles conditions vont se passer les élections présidentielles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous à titre personnel ?
CHRISTIAN PONCELET
S'il y avait un grand, un grand parti oui je le souhaiterais, je le souhaiterais. Mais, oui, je dis oui, mais je suis très prudent. Je suis très prudent parce que dans ce pays, il a plusieurs sensibilités qui tendent à s'exprimer. Et faire un parti unique et voir le lendemain, n'est-ce pas, certains considèrent que leur pensée n'est pas suffisamment exprimée, partir vers la fracture, ce n'est pas enrichissant. Donc je suis très prudent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, CHRISTIAN PONCELET, pour cette passion que vous avez mise ce matin sur RMC INFO. Merci d'avoir été notre invité. Ce sont les auditeurs qui sont nos invités, tout de suite après le journal de 9 heures. Vous les avez jusqu'à 10 heures.
(source http://www.senat.fr, le 30 novembre 2001)