Texte intégral
Madame la ministre, chère Estelle Grelier,
madame la maire de Paris, chère Anne Hidalgo,
monsieur le président de France urbaine, cher Jean-Luc Moudenc,
merci de vos mots et de votre accueil en complices républicains, si je suis vos propos,
monsieur le président de la Métropole du Grand Paris,
monsieur le président de la DCF,
mesdames messieurs les maires, présidents de métropoles ou d'intercommunalités,
mesdames, messieurs.
Vous venez, cher Jean-Luc Moudenc, de rappeler quelles sont les lignes forces du manifeste pour une « république des territoires » dans laquelle serait pleinement reconnu le fait urbain. Vous voulez que l'esprit de responsabilité et le dialogue nous permettent de bâtir ensemble, pouvoirs publics et élus locaux, la ville de demain. Vous entendez ainsi, dans ce grand débat qui s'ouvre devant les Français, débat essentiel pour le destin de la nation, interpeller et proposer. Je ne doute pas qu'André Rossinot, Jean-Louis Fousseret et François Rebsamen détailleront cet après-midi ces propositions avec l'engagement et le talent que nous leur connaissons.
Je vais donc vous répondre en vous exposant la vision qui est la mienne et qui a nourri l'action du gouvernement. Parce que je suis un élu local, parce que j'ai été maire pendant plus de dix ans et président d'agglomération - laissez-moi, bien sûr, saluer Francis Chouat - j'ai cette conviction que la force de la France tient pour beaucoup dans nos territoires, tous nos territoires : ruraux, de montagne, périurbains, grandes villes et métropoles. Mais ma conviction est aussi que le fait urbain est là et bien installé. Il faut faciliter les initiatives de ces territoires, encourager les talents, soutenir les innovations et bien évidemment, c'est le rôle de l'État aussi, en garantir la cohérence.
La réforme territoriale a permis de fixer le cadre : treize grandes régions métropolitaines, douze régions hexagonales, des départements recentrés sur leur mission de proximité et de solidarité, des intercommunalités renforcées. C'est-à-dire une action publique plus efficace, plus claire et plus visible. Nous poursuivrons ce chemin avec la loi Montagne qui va aussi concerner les métropoles, même si le lien entre les deux n'est pas direct, et la loi sur Paris. Nous avons prolongé le mouvement de décentralisation, ce que j'ai appelé la « révolution tranquille », initiée en 1980. Il fallait aller plus loin et il le faut toujours, en renouvelant les pratiques, en donnant de nouveaux moyens aux territoires et en instaurant un nouveau dialogue entre l'État et les élus locaux. Un nouveau dialogue nous permettra de mieux travailler ensemble et tirer tous dans le même sens afin de se retrouver sur ces quelques grandes priorités pour que la vie des Français s'améliore concrètement. En plus de trente ans, nous avons pu voir que nos paysages ont profondément changé, que nos villes se sont transformées et que la vie des Français a changé grâce à la décentralisation et grâce à l'engagement des élus.
Je veux d'ailleurs saluer le rôle des élus dans ces moments où le populisme s'impose, où il est de bon ton de mettre en cause les corps intermédiaires, de s'attaquer au rôle des élus comme des formations politiques. Je veux dire combien vous êtes la sève de notre pays. C'est aussi le sens des deux plates-formes d'engagement réciproque que nous avons signé avec les régions. J'aurai l'occasion de le rappeler la semaine prochaine au Congrès de l'Association des Régions de France à Reims. C'est également le sens du pacte État-Métropoles que nous avons noué ensemble. Ce pacte est une preuve de confiance dans la capacité des métropoles à porter des projets de développement ambitieux en partenariat avec le gouvernement. Les pactes métropolitains d'innovation, vous l'avez rappelé, qui sont en cours de négociation, seront dotés des moyens nécessaires : en tout, 150 M - je le rappelle pour ceux qui, à moment, avaient failli m'applaudir. C'est un bel outil qui va nous permettre d'agir pour le développement économique en misant sur la recherche, l'enseignement supérieur, l'innovation en matière de santé, de transport ou de développement durable. À Besançon, Nancy, Montpellier, Strasbourg, Toulouse, Rennes, Nantes... dans tous mes déplacements, que les maires des autres villes m'excusent de ne pas toutes les citer, c'est sur ces questions que se joue l'essentiel.
Aller plus loin dans la décentralisation, c'est aussi donner aux territoires les moyens de leur action. Les collectivités ont dû participer et participent à l'effort de redressement de nos comptes publics. C'est normal. Même si nous avons eu des désaccords, ce qui est normal dans une démocratie, nous avons tout fait pour soutenir leur investissement. C'est aussi l'objectif des contrats de plan État- régions que nous allons encore renforcer de 200 M avec les clauses de revoyure. C'est l'objectif du fonds de soutien à l'investissement local de 1 Md que nous avons reconduit et l'objectif, enfin, du programme d'investissements d'avenir assis dans les territoires. La baisse de l'effort de DGF pour le bloc communal et le gel du FPIC, annoncé récemment par le président de la République, vous l'avez rappelé, vont également dans ce sens.
Vous souhaitez que l'autonomie financière des grandes villes et des métropoles soit renforcée. Je suis pleinement d'accord avec vous et nous devons y travailler, comme nous y travaillons avec les régions. Mais, je vais vous faire une confidence, certains sont parfois très allants pour réclamer plus d'autonomie fiscale, mais refusent parfois de l'assumer publiquement et surtout devant leurs électeurs. Je le comprends, mais il faut faire preuve de responsabilité. Je note d'ailleurs sans surprise, cher Jean-Luc Moudenc, que vous êtes prêt à prendre, vous, votre part de responsabilités. Je crois moi aussi dans la co-construction, dans le compromis, dans le consensus, dans le bon sens. En tout cas, je crois dans un nouvel état d'esprit qui, au-delà des échéances électorales du printemps prochain, doit prédominer.
Aujourd'hui, dans une République décentralisée, avec la puissance des régions, la force des métropoles, la montée en puissance de l'intercommunalité, c'est un autre rapport que nous devons construire entre les territoires et l'État. Cela vaut également pour Paris, madame la maire de Paris, et c'est le sens du texte de loi que j'ai évoqué il y a un instant. Il fallait instaurer un nouveau dialogue, donner des ressources aux territoires. Cet état d'esprit doit évoluer, chacun doit le comprendre. C'est vrai dans les ministères, c'est vrai pour les préfets. C'est un changement qu'il faut instaurer. Vous avez eu raison de rappeler aussi que, dans ce moment où il y a beaucoup de propositions, de diminutions drastiques des ressources des collectivités, de suppressions de postes de fonctionnaires dans les collectivités, y compris de fin du statut de la fonction publique territoriale, chacun a ses responsabilités.
Il fallait moderniser aussi les pratiques démocratiques. C'est d'abord la parité dans les assemblées locales ainsi que le non-cumul des mandats qui va, dans quelques mois, devenir une réalité et changer très profondément les parcours politiques et les parcours d'élus dans notre pays. Ces réformes importantes, que je crois soutenues par nos concitoyens, ouvrent plus grand, en tout cas je l'espère, l'accès aux responsabilités publiques.
Il y a par ailleurs une attente de participation de la part de nos concitoyens : ils veulent être associés plus directement à la prise de décisions publiques et avoir ce droit de regard. Nous devons poursuivre la discussion, vous l'avez évoqué avec Jean-Michel Baylet et Estelle Grelier, sur la question de l'élection au suffrage universel des métropoles. Ce débat doit se faire sereinement. La ville est sûrement le meilleur échelon pour innover dans ce domaine, pour retisser le lien qui s'est malheureusement rompu entre les citoyens et leurs représentants. Beaucoup de villes l'ont fait en développant la concertation citoyenne, en proposant des budgets participatifs. Le gouvernement a pris sa part avec la création de conseils de citoyens dans les quartiers politiques de la ville, par la démocratisation du dialogue environnemental préalable aux grands projets et le renforcement des pouvoirs nécessaires. Autant de projets, mais il faut sans doute aller encore plus loin, que nous avons portés et que nous portons ensemble. C'est une réflexion plus générale sur la crise démocratique pour rénover les pratiques démocratiques locales. Ces réformes permettront d'en ouvrir d'autres et de réfléchir, pourquoi pas, au rôle du Sénat dans le cadre d'une France décentralisée. Pour la première fois de son histoire, il ne sera plus composé de présidents d'exécutifs locaux ou de maires. Je ne doute pas que nous aurons sur ce sujet, dans les mois qui viennent, l'occasion d'en débattre. C'est évidemment l'occasion présidentielle qui permettra sans doute d'aller plus loin sur tous ces sujets.
Mesdames, messieurs, favoriser les initiatives, encourager les talents, soutenir les innovations de nos villes et de nos métropoles, c'est faire confiance aux élus et aux acteurs locaux. C'est prolonger la décentralisation, mais aussi bâtir dès à présent la ville de demain. Cette ville de demain sera plus durable, qui contribue pleinement à la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution. Pour ceux qui ne l'auraient pas compris, il y a réchauffement climatique et pollution posant des problèmes majeurs pour nos pays et notamment en matière de santé publique. La France est le pays de la COP 21. Paris est la ville qui a accueilli la COP 21 avec cet accord historique. Nos grandes villes y ont pris une part active. Je veux saluer l'action notamment d'Anne Hidalgo et des élus parisiens dans les arrondissements, mais je sais que c'est une préoccupation de chacun. Cet élan ne doit pas retomber, cela implique de repenser la place de la voiture en ville, et il y aura des débats, de laisser plus de place aux piétons, aux vélos, aux transports en commun, de bannir progressivement le diesel. Cela implique de végétaliser nos rues, nos bâtiments et nos équipements, de renouer aussi les liens entre les villes et les fleuves qui les traversent et, pourquoi pas, d'aller vers les villes et les territoires zéro émission où chaque émission serait compensée. Voilà des projets sur lesquels nous pouvons avancer. La ville de demain est une ville plus solidaire. Les difficultés, vous les connaissez aussi bien que moi : crise du logement étudiant, même si nous nous sommes engagés pleinement sur ce dossier, mais les étudiants ont de plus en plus difficultés à vivre, et l'insécurité incrustée dans certains quartiers populaires et qui touche d'abord les plus fragiles et les plus modestes dans notre société. Le gouvernement peut toujours faire mieux, bien sûr, mais il a pris toutes ses questions à bras-le-corps.
J'aimerais insister sur cette question du logement. Nous avons fait de la relance de la construction une priorité et soutenu les maires bâtisseurs. Les résultats sont là : reprise de la construction, hausse du nombre de logements sociaux... Il faut poursuivre. Nous avons été au côté de ceux qui agissent et prennent leurs responsabilités. Et pour que personne ne se dérobe à l'effort, nous avons renforcé les sanctions à l'égard des collectivités ne respectant pas leurs obligations en matière de logement social. Il faut casser la logique d'exclusion et ne pas céder face aux égoïsmes de certains. Nous avons renforcé les attributions des métropoles et grandes villes qui peuvent désormais prendre en délégation non seulement l'attribution des aides à la pierre, mais aussi la gestion des DALO et de l'hébergement d'urgence. Vous nous demandez d'ailleurs d'aller plus loin, monsieur le président, mesdames et messieurs les élus. Je suis prêt à confier aux grandes villes et aux métropoles la gestion au niveau local de la politique de l'habitat. Je crois que les territoires urbains qui connaissent des situations de tension les plus fortes en matière de logement sont les mieux à même de coordonner, d'impulser et de développer des politiques de l'habitat cohérentes. Et l'État sera toujours là pour travailler main dans la main avec les collectivités.
Une ville plus solidaire, c'est aussi une ville qui lutte plus efficacement contre la pauvreté. Depuis 2012, grâce à une politique volontariste réévaluation du RSA, Garantie jeunes, prime d'activité cette pauvret ne progresse plus. Mais, soyons lucides, il reste dans note pays 8 millions de pauvres : jeunes cherchant un emploi, salariés modestes, familles n'arrivant pas à joindre les deux bouts, retraités vivant avec une petite pension, sans parler de l'exclusion dans les territoires ruraux. Et beaucoup sont dans vos villes. Je crois en la proximité des services publics. Vous demandez d'accroître votre champ d'action dans le domaine de la solidarité. Cela me semble une très bonne chose et vous êtes dans votre rôle. La loi NOTRe permet en effet aux métropoles qui le souhaitent de reprendre les compétences des départements pour garantir la cohérence des politiques sociales. Les départements auront toujours un rôle à jouer. C'est notamment à eux de relancer les politiques d'insertion trop souvent laissées en jachère alors que nous connaissons leur utilité. Je suis convaincu que, dans les semaines et les mois à venir, ces questions de la pauvreté, de la lutte contre l'exclusion et la précarité seront au coeur du débat pour l'avenir de la nation. Nous avons engagé la simplification des minima sociaux, il faudra sans doute aller plus loin et réfléchir notamment aux soutiens que nous devons à notre jeunesse, rouvrir le débat sur le RSA jeunes et incontestablement avancer. Vous pouvez y contribuer, sur la question du revenu universel.
Une ville plus solidaire, c'est aussi une ville qui prend sa part en temps de crise. Or l'Europe traverse une crise migratoire sans précédent. Cette situation exceptionnelle, monsieur le président, mesdames et messieurs les élus, requiert un grand sens des responsabilités. Vous m'avez parlé avec franchise, je vais le faire tout autant. Nous sommes bien sûr fidèles aux valeurs de la France et à nos engagements internationaux. Nous offrons l'asile aux femmes, hommes et enfants qui ont besoin de protection, mais tous les migrants qui ne sont pas des réfugiés et relèvent de l'immigration irrégulière doivent être reconduits dans leur pays. J'ai été ministre de l'Intérieur, je vous ai accompagnés. Avec vous, lorsque l'ordre public et la dignité l'exigeaient, j'ai fait démonter des campements illicites. J'ai mesuré chaque fois la détresse des hommes et des femmes tout autant que les limites d'accueil qui pouvaient être les nôtres. Calais en est l'exemple. Nous ne pouvons pas laisser la situation en l'état. Nous ne pouvons pas laisser perdurer « une jungle » avec son lot de violences et ses désagréments quotidiens insupportables pour les populations environnantes comme pour l'économie locale, mais aussi pour les migrants eux-mêmes. Ce sont des dossiers difficiles. Nous agissons à Calais avec le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, pour soulager un territoire qui est saturé.
Nous avons besoin des maires de toute la France pour accueillir des réfugiés. Certains y sont prêts, beaucoup s'y engagent. J'ai encore en tête le formidable élan de générosité qui a traversé la France en septembre 2015. Nous avions réuni, avec les ministres concernés, tous les élus qui voulaient s'engager. La France est un grand pays. Elle prend et prendra sa part. Le nombre de places d'hébergement de demandeurs d'asile a été doublé et plus de 20 000 places ont été créées. C'est dix fois plus qu'entre 2007 et 2012. J'ai initié cette réforme. Le délai de traitement de la demande d'asile est passé de vingt-quatre à quatorze mois alors même que nous enregistrons 30 % de demandes supplémentaires qu'en 2012. Il y avait à l'époque 61 000 demandes, il y en a eu 80 000 en 2015 ; elles seront entre 90 000 et 100 000 à la fin de l'année. La France ne pourrait pas prendre sa part et accueillir ? Ses chiffres démontrent que nous sommes loin d'être submergés et que nous sommes loin des 1 500 000 demandes déposées en Allemagne, parce que nous avons fait, et il faut l'assumer, des choix différents de nos voisins. Si la situation est compliquée, nous faisons face. C'est l'honneur de notre pays que de le faire. La France ne peut accueillir qu'à la condition que ces arrivées soient maîtrisées, organisées, contrôlées.
Depuis 2012, nous avons recréé des postes de policiers et de gendarmes : 9 000 en tout sur le quinquennat. Cela nous a notamment permis de renforcer notre police de l'air et des frontières. J'ai déjà eu l'occasion de dire que, dans ces domaines précis, nous devrons faire plus au cours des années futures. C'est vrai en matière de sécurité, de défense et de justice. Pour être solidaire, il faut d'abord être solide, sérieux, rigoureux. Solide, dans la maîtrise des flux. Disons-le sans détour, la moindre naïveté sur le sujet ou la moindre fébrilité sera toujours récupérée, exploitée et instrumentalisée par le cynisme dévastateur du populisme. Dans ce contexte, la solidité, la mesure, le sérieux, la responsabilité, c'est d'éviter toute déclaration à l'emporte-pièce, tout ce qui peut jeter de l'huile sur le feu.
Depuis 2012, vous le savez, j'ai toujours affronté ces questions sans idéologie, parfois même au prix de certaines critiques venant d'une partie de ma famille politique ou du monde associatif dont le rôle est essentiel, souvent admirable, mais qui n'a pas, évidemment, la même responsabilité que celle des pouvoirs publics. Mon seul souci dans cette affaire comme dans bien d'autres, c'est l'intérêt supérieur du pays. Alors, oui, la période qui s'ouvre avec ces enjeux électoraux sera éminemment politique, mais je ne dévierai pas de ma ligne tant que je suis Premier ministre. Il faut être solide si l'on veut être solidaire. Au-delà des débats et des différences, je compte pleinement sur l'engagement des villes et je souhaite que mon pays fasse la démonstration qu'il est capable d'accueillir 9 000 réfugiés de Calais. Je ne parle pas de 1 000 000 ni de 100 000 ni de 50 000 réfugiés, mais de 9 000. Nous n'aurions pas, nous, la capacité d'accueillir dans nos villes et dans nos quartiers ceux qui demandent l'asile et qui fuient aujourd'hui la guerre de la Syrie ou en Irak.
Je comprends parfaitement les interrogations que l'arrivée des réfugiés dans une commune peut soulever comme je comprends les tensions qui peuvent exister dans les quartiers populaires. Je suis l'élu de cette ville qui a pratiquement 50 % d'habitat social et qui a été façonnée par l'immigration. Que l'on ne me raconte pas, à moi, ce qu'est la réalité dans les quartiers populaires. Ces interrogations sont légitimes. Où loger et comment accueillir dans de bonnes conditions d'hygiène, de santé et de sécurité ? Comment permettre à ces nouvelles populations de s'intégrer et d'apprendre, le cas échéant, notre langue ? L'État est là pour vous accompagner, comme c'est son rôle, en tenant compte de la situation des territoires et de leur capacité d'accueil, en prenant en charge les frais, en concertation avec les maires. Chacun doit retrouver le sens du collectif. Vous le faites ici, à Paris, comme dans la plupart des collectivités que vous représentez. Il faut refuser l'attitude de ceux qui opposent toujours l'égoïsme à des situations humaines dramatiques. C'est à chacun, avec l'aide de l'État, d'assumer une part de l'effort sur ses territoires. Si nous n'avons pas compris et je parle à des élus responsables, qui pèsent dans le débat public que face à la menace terroriste et au défi migratoire, comme sur bien d'autres sujets, il faut de l'unité, du rassemblement, de l'esprit de responsabilité, nous serons emportés, comme d'autres, par le populisme. Mais je sais que je peux compter sur votre esprit de responsabilités.
Mesdames et messieurs, nos villes grandissent et se développent. C'est une bonne chose à condition qu'elles soient capables, là aussi, de casser les barrières entre les habitants. Dans les grandes villes, la mixité sociale, qu'il nous faut expliquer souvent, est un combat. Il reste tant à faire pour briser les logiques de ségrégation sociale, territoriale, d'apartheid, qui sont à l'oeuvre depuis des années sans que l'on y consacre l'énergie, les moyens et surtout les méthodes nécessaires. Ce combat, nous le menons pied à pied c'est d'ailleurs le fruit de trente ans de la politique de la ville en refondant d'abord cette politique de la ville au travers de la nouvelle géographie des quartiers politiques, en lançant également un nouveau programme de renouvellement urbain qui permettra d'engager 20 Md, en agissant plus fort, c'est-à-dire en amplifiant encore une fois la dotation de solidarité urbaine qui sera augmentée et réformée à l'occasion de la loi de finances.
Mesdames et messieurs, faciliter les initiatives, encourager les talents, soutenir les innovations de nos villes et de nos métropoles, et elles sont nombreuses dans les domaines social, culturel, numérique, architectural et celui de l'espace public, telle est votre vision et telle est ma vision du fait urbain. Vous avez raison d'en faire un enjeu des échéances démocratiques à venir. Car si la ville, c'est sa définition, concentre sur un territoire réduit un nombre très important d'individus et d'activités, elle est aussi c'est mon expérience d'élu qui parle un concentré de questions qui se posent de manière brûlante à notre société. Il faut les aborder sans détour pour répondre aux difficultés, aux angoisses ainsi qu'aux aspirations et espoirs de nos concitoyens. Vous avez eu raison, monsieur le président, d'aborder les questions notamment de la lutte contre la radicalisation. On dit, un peu pompeusement, que les villes sont des laboratoires. Elles sont effectivement des lieux où l'on innove, où l'on expérimente, des lieux où l'on ouvre des pistes. Je serai toujours aux côtés des maires, et au-delà des clivages partisans, pour ouvrir de nouvelles pistes.
En parlant de la ville, mesdames et messieurs, au fond, nous parlons de la France que nous voulons. En parcourant ce pays, en rendant visite à ses villes, à ses citoyens, en vous rencontrant d'abord, je constate la force d'innovation, la volonté de créer dans tous les domaines. C'est cette belle vision de la France, sa capacité à être solidaire au moment des inondations, d'être solidaire face aux attentats au-delà des polémiques stériles et indignes de cet été, c'est de montrer un beau visage de la France. Parce que les villes se veulent innovantes, solidaires, écologiques, parce que c'est dans les villes qu'une grande partie de notre jeunesse étudie et construit son avenir, parce que ces villes ont aussi une responsabilité par rapport aux territoires périurbains ou ruraux qui les entourent. C'est cet hymne à la ville, cet amour à la ville, à ce qu'est la réalité chez chaque Français, quelle que soit son origine. Nous avons tous des origines très différentes, c'est ce qui a façonné la France. Le mélange, c'est aussi notre force. Cette société métissée qui existe dans nos villes, où nous partageons tous le même amour de la France et de son histoire, mais d'abord des valeurs communes. Être français n'est pas une couleur ni une religion, c'est d'abord appartenir à une communauté de valeurs. C'est épouser toute l'histoire de France, c'est être profondément républicain. La ville l'incarne pleinement.
Devant vous, j'ai une seule obsession qui est au coeur de ma mission : faire avancer la France et les Français. Je suis convaincu qu'avec vous, les élus de ces villes tournées vers l'avenir, nous incarnons ensemble ce que veulent les Français, c'est-à-dire une République ferme, mais aussi une République bienveillante. Je vous remercie.
Source http://franceurbaine.org, le 18 octobre 2016
madame la maire de Paris, chère Anne Hidalgo,
monsieur le président de France urbaine, cher Jean-Luc Moudenc,
merci de vos mots et de votre accueil en complices républicains, si je suis vos propos,
monsieur le président de la Métropole du Grand Paris,
monsieur le président de la DCF,
mesdames messieurs les maires, présidents de métropoles ou d'intercommunalités,
mesdames, messieurs.
Vous venez, cher Jean-Luc Moudenc, de rappeler quelles sont les lignes forces du manifeste pour une « république des territoires » dans laquelle serait pleinement reconnu le fait urbain. Vous voulez que l'esprit de responsabilité et le dialogue nous permettent de bâtir ensemble, pouvoirs publics et élus locaux, la ville de demain. Vous entendez ainsi, dans ce grand débat qui s'ouvre devant les Français, débat essentiel pour le destin de la nation, interpeller et proposer. Je ne doute pas qu'André Rossinot, Jean-Louis Fousseret et François Rebsamen détailleront cet après-midi ces propositions avec l'engagement et le talent que nous leur connaissons.
Je vais donc vous répondre en vous exposant la vision qui est la mienne et qui a nourri l'action du gouvernement. Parce que je suis un élu local, parce que j'ai été maire pendant plus de dix ans et président d'agglomération - laissez-moi, bien sûr, saluer Francis Chouat - j'ai cette conviction que la force de la France tient pour beaucoup dans nos territoires, tous nos territoires : ruraux, de montagne, périurbains, grandes villes et métropoles. Mais ma conviction est aussi que le fait urbain est là et bien installé. Il faut faciliter les initiatives de ces territoires, encourager les talents, soutenir les innovations et bien évidemment, c'est le rôle de l'État aussi, en garantir la cohérence.
La réforme territoriale a permis de fixer le cadre : treize grandes régions métropolitaines, douze régions hexagonales, des départements recentrés sur leur mission de proximité et de solidarité, des intercommunalités renforcées. C'est-à-dire une action publique plus efficace, plus claire et plus visible. Nous poursuivrons ce chemin avec la loi Montagne qui va aussi concerner les métropoles, même si le lien entre les deux n'est pas direct, et la loi sur Paris. Nous avons prolongé le mouvement de décentralisation, ce que j'ai appelé la « révolution tranquille », initiée en 1980. Il fallait aller plus loin et il le faut toujours, en renouvelant les pratiques, en donnant de nouveaux moyens aux territoires et en instaurant un nouveau dialogue entre l'État et les élus locaux. Un nouveau dialogue nous permettra de mieux travailler ensemble et tirer tous dans le même sens afin de se retrouver sur ces quelques grandes priorités pour que la vie des Français s'améliore concrètement. En plus de trente ans, nous avons pu voir que nos paysages ont profondément changé, que nos villes se sont transformées et que la vie des Français a changé grâce à la décentralisation et grâce à l'engagement des élus.
Je veux d'ailleurs saluer le rôle des élus dans ces moments où le populisme s'impose, où il est de bon ton de mettre en cause les corps intermédiaires, de s'attaquer au rôle des élus comme des formations politiques. Je veux dire combien vous êtes la sève de notre pays. C'est aussi le sens des deux plates-formes d'engagement réciproque que nous avons signé avec les régions. J'aurai l'occasion de le rappeler la semaine prochaine au Congrès de l'Association des Régions de France à Reims. C'est également le sens du pacte État-Métropoles que nous avons noué ensemble. Ce pacte est une preuve de confiance dans la capacité des métropoles à porter des projets de développement ambitieux en partenariat avec le gouvernement. Les pactes métropolitains d'innovation, vous l'avez rappelé, qui sont en cours de négociation, seront dotés des moyens nécessaires : en tout, 150 M - je le rappelle pour ceux qui, à moment, avaient failli m'applaudir. C'est un bel outil qui va nous permettre d'agir pour le développement économique en misant sur la recherche, l'enseignement supérieur, l'innovation en matière de santé, de transport ou de développement durable. À Besançon, Nancy, Montpellier, Strasbourg, Toulouse, Rennes, Nantes... dans tous mes déplacements, que les maires des autres villes m'excusent de ne pas toutes les citer, c'est sur ces questions que se joue l'essentiel.
Aller plus loin dans la décentralisation, c'est aussi donner aux territoires les moyens de leur action. Les collectivités ont dû participer et participent à l'effort de redressement de nos comptes publics. C'est normal. Même si nous avons eu des désaccords, ce qui est normal dans une démocratie, nous avons tout fait pour soutenir leur investissement. C'est aussi l'objectif des contrats de plan État- régions que nous allons encore renforcer de 200 M avec les clauses de revoyure. C'est l'objectif du fonds de soutien à l'investissement local de 1 Md que nous avons reconduit et l'objectif, enfin, du programme d'investissements d'avenir assis dans les territoires. La baisse de l'effort de DGF pour le bloc communal et le gel du FPIC, annoncé récemment par le président de la République, vous l'avez rappelé, vont également dans ce sens.
Vous souhaitez que l'autonomie financière des grandes villes et des métropoles soit renforcée. Je suis pleinement d'accord avec vous et nous devons y travailler, comme nous y travaillons avec les régions. Mais, je vais vous faire une confidence, certains sont parfois très allants pour réclamer plus d'autonomie fiscale, mais refusent parfois de l'assumer publiquement et surtout devant leurs électeurs. Je le comprends, mais il faut faire preuve de responsabilité. Je note d'ailleurs sans surprise, cher Jean-Luc Moudenc, que vous êtes prêt à prendre, vous, votre part de responsabilités. Je crois moi aussi dans la co-construction, dans le compromis, dans le consensus, dans le bon sens. En tout cas, je crois dans un nouvel état d'esprit qui, au-delà des échéances électorales du printemps prochain, doit prédominer.
Aujourd'hui, dans une République décentralisée, avec la puissance des régions, la force des métropoles, la montée en puissance de l'intercommunalité, c'est un autre rapport que nous devons construire entre les territoires et l'État. Cela vaut également pour Paris, madame la maire de Paris, et c'est le sens du texte de loi que j'ai évoqué il y a un instant. Il fallait instaurer un nouveau dialogue, donner des ressources aux territoires. Cet état d'esprit doit évoluer, chacun doit le comprendre. C'est vrai dans les ministères, c'est vrai pour les préfets. C'est un changement qu'il faut instaurer. Vous avez eu raison de rappeler aussi que, dans ce moment où il y a beaucoup de propositions, de diminutions drastiques des ressources des collectivités, de suppressions de postes de fonctionnaires dans les collectivités, y compris de fin du statut de la fonction publique territoriale, chacun a ses responsabilités.
Il fallait moderniser aussi les pratiques démocratiques. C'est d'abord la parité dans les assemblées locales ainsi que le non-cumul des mandats qui va, dans quelques mois, devenir une réalité et changer très profondément les parcours politiques et les parcours d'élus dans notre pays. Ces réformes importantes, que je crois soutenues par nos concitoyens, ouvrent plus grand, en tout cas je l'espère, l'accès aux responsabilités publiques.
Il y a par ailleurs une attente de participation de la part de nos concitoyens : ils veulent être associés plus directement à la prise de décisions publiques et avoir ce droit de regard. Nous devons poursuivre la discussion, vous l'avez évoqué avec Jean-Michel Baylet et Estelle Grelier, sur la question de l'élection au suffrage universel des métropoles. Ce débat doit se faire sereinement. La ville est sûrement le meilleur échelon pour innover dans ce domaine, pour retisser le lien qui s'est malheureusement rompu entre les citoyens et leurs représentants. Beaucoup de villes l'ont fait en développant la concertation citoyenne, en proposant des budgets participatifs. Le gouvernement a pris sa part avec la création de conseils de citoyens dans les quartiers politiques de la ville, par la démocratisation du dialogue environnemental préalable aux grands projets et le renforcement des pouvoirs nécessaires. Autant de projets, mais il faut sans doute aller encore plus loin, que nous avons portés et que nous portons ensemble. C'est une réflexion plus générale sur la crise démocratique pour rénover les pratiques démocratiques locales. Ces réformes permettront d'en ouvrir d'autres et de réfléchir, pourquoi pas, au rôle du Sénat dans le cadre d'une France décentralisée. Pour la première fois de son histoire, il ne sera plus composé de présidents d'exécutifs locaux ou de maires. Je ne doute pas que nous aurons sur ce sujet, dans les mois qui viennent, l'occasion d'en débattre. C'est évidemment l'occasion présidentielle qui permettra sans doute d'aller plus loin sur tous ces sujets.
Mesdames, messieurs, favoriser les initiatives, encourager les talents, soutenir les innovations de nos villes et de nos métropoles, c'est faire confiance aux élus et aux acteurs locaux. C'est prolonger la décentralisation, mais aussi bâtir dès à présent la ville de demain. Cette ville de demain sera plus durable, qui contribue pleinement à la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution. Pour ceux qui ne l'auraient pas compris, il y a réchauffement climatique et pollution posant des problèmes majeurs pour nos pays et notamment en matière de santé publique. La France est le pays de la COP 21. Paris est la ville qui a accueilli la COP 21 avec cet accord historique. Nos grandes villes y ont pris une part active. Je veux saluer l'action notamment d'Anne Hidalgo et des élus parisiens dans les arrondissements, mais je sais que c'est une préoccupation de chacun. Cet élan ne doit pas retomber, cela implique de repenser la place de la voiture en ville, et il y aura des débats, de laisser plus de place aux piétons, aux vélos, aux transports en commun, de bannir progressivement le diesel. Cela implique de végétaliser nos rues, nos bâtiments et nos équipements, de renouer aussi les liens entre les villes et les fleuves qui les traversent et, pourquoi pas, d'aller vers les villes et les territoires zéro émission où chaque émission serait compensée. Voilà des projets sur lesquels nous pouvons avancer. La ville de demain est une ville plus solidaire. Les difficultés, vous les connaissez aussi bien que moi : crise du logement étudiant, même si nous nous sommes engagés pleinement sur ce dossier, mais les étudiants ont de plus en plus difficultés à vivre, et l'insécurité incrustée dans certains quartiers populaires et qui touche d'abord les plus fragiles et les plus modestes dans notre société. Le gouvernement peut toujours faire mieux, bien sûr, mais il a pris toutes ses questions à bras-le-corps.
J'aimerais insister sur cette question du logement. Nous avons fait de la relance de la construction une priorité et soutenu les maires bâtisseurs. Les résultats sont là : reprise de la construction, hausse du nombre de logements sociaux... Il faut poursuivre. Nous avons été au côté de ceux qui agissent et prennent leurs responsabilités. Et pour que personne ne se dérobe à l'effort, nous avons renforcé les sanctions à l'égard des collectivités ne respectant pas leurs obligations en matière de logement social. Il faut casser la logique d'exclusion et ne pas céder face aux égoïsmes de certains. Nous avons renforcé les attributions des métropoles et grandes villes qui peuvent désormais prendre en délégation non seulement l'attribution des aides à la pierre, mais aussi la gestion des DALO et de l'hébergement d'urgence. Vous nous demandez d'ailleurs d'aller plus loin, monsieur le président, mesdames et messieurs les élus. Je suis prêt à confier aux grandes villes et aux métropoles la gestion au niveau local de la politique de l'habitat. Je crois que les territoires urbains qui connaissent des situations de tension les plus fortes en matière de logement sont les mieux à même de coordonner, d'impulser et de développer des politiques de l'habitat cohérentes. Et l'État sera toujours là pour travailler main dans la main avec les collectivités.
Une ville plus solidaire, c'est aussi une ville qui lutte plus efficacement contre la pauvreté. Depuis 2012, grâce à une politique volontariste réévaluation du RSA, Garantie jeunes, prime d'activité cette pauvret ne progresse plus. Mais, soyons lucides, il reste dans note pays 8 millions de pauvres : jeunes cherchant un emploi, salariés modestes, familles n'arrivant pas à joindre les deux bouts, retraités vivant avec une petite pension, sans parler de l'exclusion dans les territoires ruraux. Et beaucoup sont dans vos villes. Je crois en la proximité des services publics. Vous demandez d'accroître votre champ d'action dans le domaine de la solidarité. Cela me semble une très bonne chose et vous êtes dans votre rôle. La loi NOTRe permet en effet aux métropoles qui le souhaitent de reprendre les compétences des départements pour garantir la cohérence des politiques sociales. Les départements auront toujours un rôle à jouer. C'est notamment à eux de relancer les politiques d'insertion trop souvent laissées en jachère alors que nous connaissons leur utilité. Je suis convaincu que, dans les semaines et les mois à venir, ces questions de la pauvreté, de la lutte contre l'exclusion et la précarité seront au coeur du débat pour l'avenir de la nation. Nous avons engagé la simplification des minima sociaux, il faudra sans doute aller plus loin et réfléchir notamment aux soutiens que nous devons à notre jeunesse, rouvrir le débat sur le RSA jeunes et incontestablement avancer. Vous pouvez y contribuer, sur la question du revenu universel.
Une ville plus solidaire, c'est aussi une ville qui prend sa part en temps de crise. Or l'Europe traverse une crise migratoire sans précédent. Cette situation exceptionnelle, monsieur le président, mesdames et messieurs les élus, requiert un grand sens des responsabilités. Vous m'avez parlé avec franchise, je vais le faire tout autant. Nous sommes bien sûr fidèles aux valeurs de la France et à nos engagements internationaux. Nous offrons l'asile aux femmes, hommes et enfants qui ont besoin de protection, mais tous les migrants qui ne sont pas des réfugiés et relèvent de l'immigration irrégulière doivent être reconduits dans leur pays. J'ai été ministre de l'Intérieur, je vous ai accompagnés. Avec vous, lorsque l'ordre public et la dignité l'exigeaient, j'ai fait démonter des campements illicites. J'ai mesuré chaque fois la détresse des hommes et des femmes tout autant que les limites d'accueil qui pouvaient être les nôtres. Calais en est l'exemple. Nous ne pouvons pas laisser la situation en l'état. Nous ne pouvons pas laisser perdurer « une jungle » avec son lot de violences et ses désagréments quotidiens insupportables pour les populations environnantes comme pour l'économie locale, mais aussi pour les migrants eux-mêmes. Ce sont des dossiers difficiles. Nous agissons à Calais avec le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, pour soulager un territoire qui est saturé.
Nous avons besoin des maires de toute la France pour accueillir des réfugiés. Certains y sont prêts, beaucoup s'y engagent. J'ai encore en tête le formidable élan de générosité qui a traversé la France en septembre 2015. Nous avions réuni, avec les ministres concernés, tous les élus qui voulaient s'engager. La France est un grand pays. Elle prend et prendra sa part. Le nombre de places d'hébergement de demandeurs d'asile a été doublé et plus de 20 000 places ont été créées. C'est dix fois plus qu'entre 2007 et 2012. J'ai initié cette réforme. Le délai de traitement de la demande d'asile est passé de vingt-quatre à quatorze mois alors même que nous enregistrons 30 % de demandes supplémentaires qu'en 2012. Il y avait à l'époque 61 000 demandes, il y en a eu 80 000 en 2015 ; elles seront entre 90 000 et 100 000 à la fin de l'année. La France ne pourrait pas prendre sa part et accueillir ? Ses chiffres démontrent que nous sommes loin d'être submergés et que nous sommes loin des 1 500 000 demandes déposées en Allemagne, parce que nous avons fait, et il faut l'assumer, des choix différents de nos voisins. Si la situation est compliquée, nous faisons face. C'est l'honneur de notre pays que de le faire. La France ne peut accueillir qu'à la condition que ces arrivées soient maîtrisées, organisées, contrôlées.
Depuis 2012, nous avons recréé des postes de policiers et de gendarmes : 9 000 en tout sur le quinquennat. Cela nous a notamment permis de renforcer notre police de l'air et des frontières. J'ai déjà eu l'occasion de dire que, dans ces domaines précis, nous devrons faire plus au cours des années futures. C'est vrai en matière de sécurité, de défense et de justice. Pour être solidaire, il faut d'abord être solide, sérieux, rigoureux. Solide, dans la maîtrise des flux. Disons-le sans détour, la moindre naïveté sur le sujet ou la moindre fébrilité sera toujours récupérée, exploitée et instrumentalisée par le cynisme dévastateur du populisme. Dans ce contexte, la solidité, la mesure, le sérieux, la responsabilité, c'est d'éviter toute déclaration à l'emporte-pièce, tout ce qui peut jeter de l'huile sur le feu.
Depuis 2012, vous le savez, j'ai toujours affronté ces questions sans idéologie, parfois même au prix de certaines critiques venant d'une partie de ma famille politique ou du monde associatif dont le rôle est essentiel, souvent admirable, mais qui n'a pas, évidemment, la même responsabilité que celle des pouvoirs publics. Mon seul souci dans cette affaire comme dans bien d'autres, c'est l'intérêt supérieur du pays. Alors, oui, la période qui s'ouvre avec ces enjeux électoraux sera éminemment politique, mais je ne dévierai pas de ma ligne tant que je suis Premier ministre. Il faut être solide si l'on veut être solidaire. Au-delà des débats et des différences, je compte pleinement sur l'engagement des villes et je souhaite que mon pays fasse la démonstration qu'il est capable d'accueillir 9 000 réfugiés de Calais. Je ne parle pas de 1 000 000 ni de 100 000 ni de 50 000 réfugiés, mais de 9 000. Nous n'aurions pas, nous, la capacité d'accueillir dans nos villes et dans nos quartiers ceux qui demandent l'asile et qui fuient aujourd'hui la guerre de la Syrie ou en Irak.
Je comprends parfaitement les interrogations que l'arrivée des réfugiés dans une commune peut soulever comme je comprends les tensions qui peuvent exister dans les quartiers populaires. Je suis l'élu de cette ville qui a pratiquement 50 % d'habitat social et qui a été façonnée par l'immigration. Que l'on ne me raconte pas, à moi, ce qu'est la réalité dans les quartiers populaires. Ces interrogations sont légitimes. Où loger et comment accueillir dans de bonnes conditions d'hygiène, de santé et de sécurité ? Comment permettre à ces nouvelles populations de s'intégrer et d'apprendre, le cas échéant, notre langue ? L'État est là pour vous accompagner, comme c'est son rôle, en tenant compte de la situation des territoires et de leur capacité d'accueil, en prenant en charge les frais, en concertation avec les maires. Chacun doit retrouver le sens du collectif. Vous le faites ici, à Paris, comme dans la plupart des collectivités que vous représentez. Il faut refuser l'attitude de ceux qui opposent toujours l'égoïsme à des situations humaines dramatiques. C'est à chacun, avec l'aide de l'État, d'assumer une part de l'effort sur ses territoires. Si nous n'avons pas compris et je parle à des élus responsables, qui pèsent dans le débat public que face à la menace terroriste et au défi migratoire, comme sur bien d'autres sujets, il faut de l'unité, du rassemblement, de l'esprit de responsabilité, nous serons emportés, comme d'autres, par le populisme. Mais je sais que je peux compter sur votre esprit de responsabilités.
Mesdames et messieurs, nos villes grandissent et se développent. C'est une bonne chose à condition qu'elles soient capables, là aussi, de casser les barrières entre les habitants. Dans les grandes villes, la mixité sociale, qu'il nous faut expliquer souvent, est un combat. Il reste tant à faire pour briser les logiques de ségrégation sociale, territoriale, d'apartheid, qui sont à l'oeuvre depuis des années sans que l'on y consacre l'énergie, les moyens et surtout les méthodes nécessaires. Ce combat, nous le menons pied à pied c'est d'ailleurs le fruit de trente ans de la politique de la ville en refondant d'abord cette politique de la ville au travers de la nouvelle géographie des quartiers politiques, en lançant également un nouveau programme de renouvellement urbain qui permettra d'engager 20 Md, en agissant plus fort, c'est-à-dire en amplifiant encore une fois la dotation de solidarité urbaine qui sera augmentée et réformée à l'occasion de la loi de finances.
Mesdames et messieurs, faciliter les initiatives, encourager les talents, soutenir les innovations de nos villes et de nos métropoles, et elles sont nombreuses dans les domaines social, culturel, numérique, architectural et celui de l'espace public, telle est votre vision et telle est ma vision du fait urbain. Vous avez raison d'en faire un enjeu des échéances démocratiques à venir. Car si la ville, c'est sa définition, concentre sur un territoire réduit un nombre très important d'individus et d'activités, elle est aussi c'est mon expérience d'élu qui parle un concentré de questions qui se posent de manière brûlante à notre société. Il faut les aborder sans détour pour répondre aux difficultés, aux angoisses ainsi qu'aux aspirations et espoirs de nos concitoyens. Vous avez eu raison, monsieur le président, d'aborder les questions notamment de la lutte contre la radicalisation. On dit, un peu pompeusement, que les villes sont des laboratoires. Elles sont effectivement des lieux où l'on innove, où l'on expérimente, des lieux où l'on ouvre des pistes. Je serai toujours aux côtés des maires, et au-delà des clivages partisans, pour ouvrir de nouvelles pistes.
En parlant de la ville, mesdames et messieurs, au fond, nous parlons de la France que nous voulons. En parcourant ce pays, en rendant visite à ses villes, à ses citoyens, en vous rencontrant d'abord, je constate la force d'innovation, la volonté de créer dans tous les domaines. C'est cette belle vision de la France, sa capacité à être solidaire au moment des inondations, d'être solidaire face aux attentats au-delà des polémiques stériles et indignes de cet été, c'est de montrer un beau visage de la France. Parce que les villes se veulent innovantes, solidaires, écologiques, parce que c'est dans les villes qu'une grande partie de notre jeunesse étudie et construit son avenir, parce que ces villes ont aussi une responsabilité par rapport aux territoires périurbains ou ruraux qui les entourent. C'est cet hymne à la ville, cet amour à la ville, à ce qu'est la réalité chez chaque Français, quelle que soit son origine. Nous avons tous des origines très différentes, c'est ce qui a façonné la France. Le mélange, c'est aussi notre force. Cette société métissée qui existe dans nos villes, où nous partageons tous le même amour de la France et de son histoire, mais d'abord des valeurs communes. Être français n'est pas une couleur ni une religion, c'est d'abord appartenir à une communauté de valeurs. C'est épouser toute l'histoire de France, c'est être profondément républicain. La ville l'incarne pleinement.
Devant vous, j'ai une seule obsession qui est au coeur de ma mission : faire avancer la France et les Français. Je suis convaincu qu'avec vous, les élus de ces villes tournées vers l'avenir, nous incarnons ensemble ce que veulent les Français, c'est-à-dire une République ferme, mais aussi une République bienveillante. Je vous remercie.
Source http://franceurbaine.org, le 18 octobre 2016