Interview de Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, à France Bleu le 16 décembre 2016, sur la mise en place de la circulation alternée à Paris en raison d'un pic de pollution, l'accès au logement des bénéficiaires du droit au logement opposable (DALO) et le projet EuropaCity à Gonesse (Val d'Oise).

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Média : France Bleu

Texte intégral

NOE DA SILVA
Bonjour Emmanuelle COSSE.
EMMANUELLE COSSE
Bonjour.
NOE DA SILVA
Merci d'être avec nous ce matin. Vous êtes écolo. Nouvel épisode de pollution de l'air en Ile de France aujourd'hui. La circulation est alternée pour la quatrième fois en deux semaines, mais un jour de départ en vacances est-ce que ce n'est pas un peu absurde ?
EMMANUELLE COSSE
Mais vous savez la pollution elle ne choisit pas ses jours et elle ne regarde pas ce qui se passe dans notre vie quotidienne. Hier il y avait déjà un niveau de pollution qui était assez important, plus élevé ce matin et donc il a été décidé, justement pour que les choses soient beaucoup plus simples, que les épisodes de circulation alternée soient plus automatiques. Donc c'est comme ça. Evidemment que ce soir il y a beaucoup de personnes qui vont partir en vacances, elles ne partent d'ailleurs pas toutes en voiture, comme vous le savez, elles partent aussi en train, et je pense que la Préfecture de police a aussi dit qu'elle ferait très attention à ne pas pénaliser les personnes ; mais la question c'est surtout ce matin que les personnes qui vont travailler respectent les restrictions de circulation. Et vous le savez c'est surtout les véhicules les plus polluants qu'il faut sortir dans les moments de pic de pollution.
NOE DA SILVA
Vous l'avez sans doute suivi, des Parisiens attaquent le gouvernement après le dernier pic de pollution, une action collective ; est-ce que vous vous sentez, au gouvernement, responsable, coupable de cette pollution ?
EMMANUELLE COSSE
Non mais le gouvernement de toute façon doit assumer la situation même si c'est pas ce gouvernement-ci qui est responsable, mais c'est une politique automobile depuis trente ans qui a voulu vraiment favoriser le diesel, qui je le rappelle, est une motorisation qui est très polluante, et qui explique notamment du fait de très forte présence de diesel dans notre parc automobiles, qui explique cette pollution très forte.
NOE DA SILVA
Même la dernière norme EURO 6.
EMMANUELLE COSSE
Même la dernière norme EURO 6, et nous l'avons vu notamment au moment du scandale sur Wolkswagen et de l'ensemble de la commission indépendante qui a regardé ce que faisaient les constructeurs, qu'en fait il y a aujourd'hui des moyens de limiter la pollution des diesel sauf que ça ne marche que dans certaines conditions : quand il fait plus de telle température, quand vous roulez tant de kilomètres. Et donc en fait aujourd'hui ces véhicules sont polluants, ils ne sont pas moins chers par ailleurs que des véhicules essence ou hybride ; et très sincèrement dans des métropoles comme les nôtres où il y a beaucoup de gens qui prennent leur voiture pour faire de distance de moins de 3 km - je le rappelle c'est la grande majorité des personnes qui se déplacent - d'une part il faut poursuivre le développement des transports en commun. J'en parle ici parce qu'en Ile de France quand même nous sommes dans une phase de construction de métro qui est très importante, et par ailleurs il faut changer les motorisations. Il y a d'ailleurs de plus en plus de personnes qui commencent à s'équiper de voitures tout électriques ou hybrides et qui sont beaucoup moins polluantes.
NOE DA SILVA
On va y revenir évidemment puisqu'on peut vous poser des questions au 01 42 30 10 10 dans moins de cinq minutes maintenant sur France Bleu, jusqu'à 8h30, vous êtes la ministre du Logement, ce matin on a entendu sur France Bleu l'inquiétude de certaines associations concernant la régionalisation de la loi DALO - le droit au logement opposable – et on nous explique que finalement un Parisien qui aurait droit à un logement, s'il n'en trouve pas à Paris, on pourrait l'envoyer au fin fond de la Seine et Marne. Réponse.
EMMANUELLE COSSE
Ecoutez, je suis très surprise que le DAL fasse cette lecture là d'un amendement que j'ai introduit dans la loi « Égalité citoyenneté », parce que dans ce texte de loi qui sera définitivement adopté jeudi prochain d'une part j'ai renforcé l'accès au logement des bénéficiaires du droit au logement opposable, qui est un droit constitutionnel. Il faut rappeler que ce droit donne une obligation à l'État de reloger des personnes qui sont en très grande urgence de logement. Depuis 2009 ce sont plus de 100 000 personnes qui ont été relogées, donc c'est un droit qui effectivement marche. Il y a en Ile de France beaucoup de personnes qui attendent encore. Et simplement ce que l'on a fait c'est donner au Préfet de région la possibilité d'utiliser plus de contingents sur tous les départements. Pourquoi ? Je vous donne un exemple …
NOE DA SILVA
Oui parce que là on nous dit « des Parisiens vont sortir de Paris par exemple », c'est vrai ?
EMMANUELLE COSSE
Non, déjà il faut… Aujourd'hui il y a des bénéficiaires parisiens DALO qui obtiennent un logement qui n'est pas à Paris. Il faut arrêter cette lecture…
NOE DA SILVA
Vous êtes en train de dire que c'est déjà le cas ?
EMMANUELLE COSSE
C'est déjà le cas en fonction des propositions qui sont faites et des acceptations qui sont faites, parce qu'il y a beaucoup de bénéficiaires qui refusent parfois des logements. L'Etat doit reloger, et à l'échelle francilienne je ne vous dis pas qu'on va mettre quelqu'un qui est bénéficiaire de Paris à Etampes, mais quand vous avez des logements qui sont prêts du lieu de travail notamment cela peut se comprendre mais surtout l'objectif est que tous les préfets de département utilisent mieux les contingents. A Paris le contingent préfectoral, donc les logements que l'Etat a, sont utilisés à plus de 98 % pour les bénéficiaires DALO et public prioritaire, et nous voulons que ce chiffre soit le même sur tout les départements.
NOÉ DA SILVA
Vous êtes sur France Bleu ce matin Emmanuelle COSSE pour prendre publiquement la parole, pour la première fois, sur le projet EuropaCity à Gonesse, projet mené par AUCHAN avec à la clé 11.000 emplois promis. Est-ce que ce matin vous pouvez nous dire si vous êtes pour ou contre ce projet ?
EMMANUELLE COSSE
Vous connaissez, Noé DA SILVA, ma position personnelle sur ce projet, je n'ai jamais été favorable, mais je suis aujourd'hui ministre du Logement et j'ai souhaité, en juin dernier, avoir une étude sur l'aménagement de l'ensemble de la zone, et pas simplement EuropaCity, mais ce qu'on appelle le Grand Bourget qui est en fait toute cette zone à cheval entre la Seine-Saint-Denis et le Val-d'Oise, qui aujourd'hui se situe en amont de Roissy et sur laquelle il y a des projets d'infrastructures. J'ai demandé un rapport d'inspection pour comprendre, d'une part quels sont les enjeux et comment mieux gouverner ce territoire. Et qu'est-ce que me dit ce rapport ? C'est qu'il y a donc le projet d'EuropaCity, qui fait vraiment débat parce que c'est un nouveau centre commercial au coeur d'un secteur où il y en a déjà beaucoup, et il y a par ailleurs un enjeu de construction de bureaux, notamment pour répondre à la demande qui est liée à l'ensemble de l'activité économique autour de Roissy. Et ce que dit ce rapport c'est que, tout simplement, il faut une meilleure gouvernance, il ne faut pas déséquilibrer les autres territoires, et EuropaCity va les déséquilibrer. Il faut être très clair. Vous rajoutez un immense centre commercial dans cette zone, ça veut dire que le commerce de proximité, les autres centres commerciaux, de la Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise, vont en payer le prix. Et c'est d'ailleurs ce qui explique que beaucoup d'élus locaux – je rappelle que le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis ne soutient pas ce projet, le maire d'Aulnay y est aussi opposé – beaucoup d'élus locaux s'interrogent sur le déséquilibre créé par cette nouvelle très forte infrastructure.
NOÉ DA SILVA
Donc le ministre du Logement que vous êtes ce matin, est en mesure de dire ce projet ne se fera pas, je ne veux pas ?
EMMANUELLE COSSE
Non, je ne peux pas le dire comme ça, et la démocratie fait, bien heureusement, que ce n'est pas une ministre toute seule qui décide comme ça.
NOÉ DA SILVA
Mais vous allez vous battre.
EMMANUELLE COSSE
Ce rapport d'inspection pose un certain nombre de questions, y compris interroge le rôle de l'Etat, interroge aussi la dimension du projet, il y a eu une enquête publique, dit très clairement qu'EuropaCity est un projet déséquilibré. D'ailleurs j'ai vu que IMMOCHAN, le promoteur du projet, ils sont déjà en train d'enlever les choses déjà les plus farfelues…
NOÉ DA SILVA
Les pistes de ski qui déplaisaient aux écolos.
EMMANUELLE COSSE
Mais ce n'est pas seulement aux écolos, il faut à un moment un peu arrêter…
NOÉ DA SILVA
Quand même !
EMMANUELLE COSSE
C'est quoi ce monde du toujours plus ? Sincèrement, est-ce que l'enjeu aujourd'hui il est juste de, « artificialiser » des terres qui ne sont pas urbanisées aujourd'hui, pour donner du loisir avec des pistes de ski artificielles, extrêmement chimiques, à 10 kilomètres de Paris ? La question est de savoir comment est-ce qu'on développe, de manière durable, notre territoire. Et quand je dis développement, je pense notamment à l'emploi, parce qu'il y a besoin d'emploi dans cette zone, il y a besoin d'activité, mais il ne faut pas le faire n'importe comment.
NOÉ DA SILVA
Mais est-ce que l'enjeu, là, ce n'est pas également le fait que le privé se substitue au public pour construire des infrastructures et faire du développement urbain ?
EMMANUELLE COSSE
C'est surtout que, vu la taille du projet d'aménagement, en effet le rapport pointe un risque de privatisation de la ville, puisqu'en fait ce sont des intérêts financiers, qui guident uniquement la création de ces infrastructures, et pas des besoins des habitants, et c'est pour ça qu'il faut le regarder de manière très forte. Notre métropole, notre région, sont en train de bouger de manière extraordinaire, je l'ai dit, Société du Grand Paris qui fait 10 lignes de métro, on a la candidature pour le village olympique, si nous sommes retenus pour les Jeux Olympiques, ça va avoir un impact sur notre métropole, et en même temps il faut faire très attention à ne pas faire n'importe quoi. Et mon rôle, en tant que ministre du Logement, et donc aussi de l'Aménagement, est évidemment de veiller à ça.
NOÉ DA SILVA
Est-ce que vous ne prenez pas la parole, sur ce sujet, parce que Manuel VALLS, le Premier ministre, est parti, et lui il était favorable à ce projet, vous avez plus de latitude aujourd'hui ?
EMMANUELLE COSSE
Non, absolument pas, et comme vous le savez, j'ai demandé…
NOÉ DA SILVA
Ça vous fait sourire quand même !
EMMANUELLE COSSE
Mais non, mais j'ai demandé ce rapport d'inspection en juin et la réalité c'est que surtout, en tant que ministre du Logement, moi je prends en charge mes responsabilités, donc il est de mon devoir de regarder l'ensemble de ces projets et aussi de prendre des décisions à la suite de ces missions d'inspection.
NOÉ DA SILVA
Vos questions sont les bienvenues au 01.42.30.10.10.
(…)
NOÉ DA SILVA
Est-ce que la politique du gouvernement, c'est d'éradiquer le diesel en France ?
EMMANUELLE COSSE
Ce n'est pas dit ainsi, moi personnellement je le dis, je pense qu'il faut qu'on ait un plan de sortie du diesel en 10 ans, pour 2025 ; et ça veut surtout dire qu'on aide notamment ceux qui utilisent le plus de diesel, je pense aux artisans, aux gens qui ont des véhicules utilitaires, à les rénover pour qu'ils ne soient plus diesélisés…
NOÉ DA SILVA
C'est ce que fait la région Ile-de-France !
EMMANUELLE COSSE
C'est ce qu'elle a dit qu'elle annonçait, mais comme…
NOÉ DA SILVA
Valérie PECRESSE, présidente Les Républicains.
EMMANUELLE COSSE
Vous le savez, je suis élue régionale d'opposition, malheureusement je n'ai pas encore trouvé dans le budget la moindre aide sur le sujet. Mais je pense qu'il va falloir aider très clairement l'ensemble de ces personnes et oui, il faut qu'on sorte du diesel si l'on veut respirer mieux. Et ce n'est pas simplement dans les zones urbaines, je rappelle que la pollution peut être aussi très forte dans des zones où il y a une forte circulation, même si c'est rural.
NOÉ DA SILVA
Qu'est-ce qu'il faut faire aujourd'hui, Valérie PECRESSE dénonce la politique punitive d'Anne HIDALGO à la mairie de Paris, elle parle d'une politique incitative…
EMMANUELLE COSSE
Mais vous savez, il faut déjà faire de la politique et sortir des slogans. Comme je vous le dis, je suis élue régionale, j'entends la présidente de région, j'étais encore en séance hier faire de grandes déclarations, moi ce que j'attends c'est des actes très précis. Je vous donne un seul exemple, si vraiment on veut aider les gens à transformer leur cheminée à foyer ouvert avec des insères qui leur permettent de polluer moins et par ailleurs de se chauffer mieux, ça veut dire qu'on fait une aide sur tous les départements et pas sur un seul et, en effet, qu'on les assiste. Vous savez moi l'écologie, je pense que c'est une politique de l'anticipation, c'est pour ça que je vous dis : donnons-nous l'objectif de sortir du diesel en 10 ans, ayons un plan de sortie pour les particuliers et les entreprises et aidons l'industrie automobile à produire autre chose d'ici 10 ans.
(…)
NOÉ DA SILVA
Dernière question, on bat des records sur le prix du m² à Paris, plus de 8.000 €, ça vous inquiète, on peut faire quelque chose ?
EMMANUELLE COSSE
On bat des records sur le prix de vente dans l'ancien. Oui, ça m'inquiète parce que je pense que plus les marchés s'affolent pire c'est. Ce qui par contre me fait extrêmement plaisir, c'est ce que je dis, c'est cette très forte hausse de la construction en Ile-de-France et notamment pour répondre aux besoins des Franciliens qui veulent des logements abordables et non pas des logements très chers.
NOÉ DA SILVA
La ministre du Logement était l'invitée de France Bleu Matin, merci Emmanuelle COSSE, très bonne journée à vous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 décembre 2016