Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur les mesures gouvernementales d'aide au développement du transport combiné rail-route destinée à contribuer à la protection de l'environnement et à la sécurité routière, et sur l 'harmonisation des conditions de travail des transporteurs routiers en Europe, Paris, le 27 septembre 2001.

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Circonstance : Congrès de la FNTR à Paris, le 27 septembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur Général des Transports et de l'Énergie à la Commission européenne,
Mesdames, Messieurs,
Après près de 5 ans où je n'ai manqué aucun rendez-vous avec la FNTR, je ne pouvais pas rater celui d'aujourd'hui malgré les événements récents qui m'obligeront à partir très rapidement à Toulouse toute à l'heure. Ce matin vous avez tenu deux tables rondes sur les thèmes de la "route durable" et de la "régulation économique". J'ai noté que vous aviez invité un large panel de personnalités, y compris le président de la SNCF. J'y vois une illustration très concrète des progrès de la démarche d'intermodalité.
Je ne sais si il y a 10 ans Louis GALLOIS et René PETIT auraient pu se tenir côte à côte, comme nous l'avons vu toute à l'heure, à travailler sur l'intermodalité c'est une grande évolution des frères ennemis aux frères amis
Il ne faut pas opposer le train au camion: l'un et l'autre sont nécessaires. Vous avez justement souligné que la route permet de desservir chacune des 36 000 communes françaises, et de donner sa chance à chacun de nos territoires, au plus prés des gens et de leurs besoins d'échanges.
Pour autant, le tout routier n'est ni raisonnable ni souhaitable. Vous partagez ce point de vue. La politique des transports, dont le gouvernement a inscrit les fondements dans les projets de schémas de services collectifs des transports, fait résolument le pari de l'intermodalité.
Je ne sais pas si il y a 10 ans Louis GALLOIS et René PETIT auraient pu se tenir ainsi cote à cote, comme nous l'avons vu toute à l'heure, à travailler sur l'intermodalité. C'est une grande évolution.
Notre objectif est de mettre chaque mode à sa place au service d'une politique moderne des transports et des déplacements.
Cela ne va pas de soi parce que cela remet en question des politiques ancrées dans leurs habitudes et dans leurs pratiques culturelles.
Il s'agit pourtant d'un vrai enjeu de société.
Le débat sur le transport des marchandises dans les Alpes du Nord, et les conditions de réouverture du tunnel du Mont-Blanc, illustre parfaitement cette problématique. Dès la semaine prochaine, je tiendrai une table ronde sur ces thèmes au cur de la région Rhône-Alpes, à Lyon, après avoir entendu les présidents des trois fédérations du transport routier, dont vous-même, Monsieur le président PETIT.
Depuis 1997, j'ai tout fait pour renverser la vapeur en faisant en sorte que de nouveaux investissements permettent de relancer la croissance du fret ferroviaire, pour un objectif de doublement en dix ans. Cet objectif sera atteint et je demande à tous et à l'entreprise publique de faire en sorte qu'il le soit. Je ne ménagerai pas mes efforts pour l'accompagner dans cette démarche. Je ne doute pas qu'elle mobilisera toute son énergie et ses capacités pour y parvenir. Dans ce cadre, le ferroutage et le transport combiné sont l'outil déterminant et je compte sur la profession pour les développer dans la plus grande concertation entre vous, les transporteurs, et la SNCF. Car vous avez besoin les uns des autres. La mise en commun de vos attentes et de vos savoir-faire respectifs est indispensable pour qu'une offre de qualité soit effectivement mise en place dans les transports.
Le transport combiné constitue, je l'ai souvent dit, le sixième mode de transport, il associe les avantages complémentaires des différents modes, en particulier ceux du rail et de la route, mais aussi au-delà. Maritime, fluvial, aérien, rail et route.
Après trop d'années passées sans nouveaux investissements, la réorientation opérée en 1997 permet de voir apparaître aujourd'hui de nouvelles plates-formes, qui contribueront au développement du trafic : Lille-Lomme, Bayonne-Mouguerre ou Bordeaux-Hourcade. Elles doivent être suivies d'investissements plus ambitieux encore inscrits aux Contrats de Plan, car on ne saurait se satisfaire des résultats actuels.
Concernant les aides au transport combiné, la Commission européenne nous a demandé de modifier et d'expliciter notre système de subventions. J'ai demandé à mes services de préparer et de mettre en place, un système d'aides renouvelé, eurocompatible en adéquation avec les nouvelles orientations de la Commission européenne en matière de transports et d'environnement.
Avec le développement durable, la sécurité est la préoccupation constante qui justifie les choix opérés.
L'an dernier, nous avions signé une charte illustrant votre engagement en faveur de la sécurité routière.
Le bilan de l'été 2001, très voisin de celui de l'été 2000, qui avait été favorable, nous montre à la fois que nous sommes sur la bonne voie, mais aussi l'ampleur du chemin qui nous reste à accomplir.
Les 1000 décès et 6500 blessés graves en moins par rapport à l'année 1998 constituent une incitation à poursuivre le combat collectif.
J'ai besoin de votre soutien massif et constant sur cet enjeu de société.
Ceci étant dit avec tous, patrons et salariés, j'ai aussi renversé la vapeur dans le transport routier avec l'objectif de donner à une profession trop souvent victime de tous les dumpings (économiques, sociaux, techniques et environnementaux) une nouvelle dynamique et de nouvelles perspectives.
Vous l'avez dit Monsieur le Président, le transport routier doit être payé à son juste prix par ses utilisateurs. Je me suis engagé sur ce point, auprès des chargeurs notamment, et cette politique commence à porter ses fruits : en 2000, les marges se sont améliorées de 1,3 % parce que les prix ont pu augmenter de 6%, et le premier semestre 2001 semble avoir été favorable à l'économie du transport routier français. Mais je suis conscient que cela reste cependant fragile et qu'il faut la conforter.
La promotion de l'intermodalité, tout en dotant le transport routier des moyens de sa modernisation, est dans le livre blanc européen sur les transports. Si je souscris pleinement à l'objectif de rééquilibrer le trafic de marchandise vers le rail (j'ai même proposé que l'Europe soit plus ambitieuse), cela ne passe pas, selon moi, par une surtaxation abusive d'une activité économique nécessaire. Je me félicite que Monsieur François LAMOUREUX ait souligné la même préoccupation .
Je préfère le choix de l'harmonisation sociale et économique par le haut, au choix de la contrainte par des prix excessifs du carburant.
Monsieur le Président, vous m'avez justement interrogé sur le gazole professionnel.
La remise sur le prix du gazole pour le transport routier accordée en 2000 l'a été pour trois ans. Le gouvernement maintient ses engagements dans son projet de loi de finance pour 2002 : la récupération de TIPP de 14 centimes est confirmée pour 2002 sur la base de 40 000 litres annuels. A cette mesure s'ajoute l'effet du "double amortisseur", qui efface en partie les variations du prix du pétrole brut à la pompe, et qui devrait encore jouer sur quelques centimes par litres en 2002. L'augmentation générale de 7 centimes du gazole, un moment envisagée n'a pas été retenue dans le projet de budget et je m'en félicite.
Le volet social est essentiel.
J'ai fait, vous le savez, de l'harmonisation sociale dans le transport routier l'une des priorités de la présidence française. La France a su faire partager par la Commission européenne une approche globale, s'appuyant sur une série de mesures de nature à permettre une concurrence loyale entre les entreprises des différents États membres, tout en améliorant les conditions de travail des conducteurs et, partant, la sécurité routière.
Dans le délai limité qui est celui d'une présidence, j'ai tenu à concentrer plus particulièrement mes efforts sur la directive sur le temps de travail qui suscitait le plus de divergences entre États membres. J'ai obtenu, un accord politique comportant des avancées significatives, qu'il s'agisse de la définition du temps de travail des conducteurs, de la limitation de la durée du travail ou du travail de nuit.
C'était une étape importante. Pour autant, nous savions que la procédure d'adoption n'était pas achevée. J'ai suivi avec attention les débats en deuxième lecture devant le Parlement Européen en juin dernier. A présent s'ouvre la procédure de conciliation. Je connais la détermination de la présidence belge à faire aboutir positivement cette conciliation. Pour ma part, je mettrai tout en oeuvre pour qu'un compromis satisfaisant soit trouvé.
C'est aussi sous présidence française que le Conseil des ministres des Transports a adopté des conclusions sur la proposition de règlement sur l'attestation de conducteur, notamment grâce à votre action. L'examen de ce texte a pu ainsi se poursuivre dans les meilleures conditions et a approuvé à l'unanimité un projet d'orientation commune lors du Conseil des ministres des Transports d'avril 2001. La procédure de co-décision avec le Parlement européen est en cours et j'ai bon espoir d'une publication rapide.
Par ailleurs, la proposition de directive sur la formation des conducteurs, actuellement en cours de discussion s'inspire largement du système de formation obligatoire que vous avez mis en place dès 1995 avec vos partenaires sociaux du transport routier de marchandises, et est en cours de généralisation à l'ensemble des conducteurs. Je tiens au passage à vous assurer que l'on ne laissera pas tomber la profession pour le financement de la formation, et que nous trouverons un moyen de substitution. C'est le cas également de la proposition de modification du règlement dit 3820/85 sur les temps de conduite et de repos, que la Commission devrait présenter prochainement.
Il est indispensable que l'ensemble de ces textes de progrès social aboutissent avant l'élargissement de l'Union européenne qui devra intégrer l'acquit communautaire. Vous partagez cet objectif et je sais pouvoir compter sur vos représentants dans les instances consultatives européennes pour le défendre.
Les progrès de l'harmonisation européenne ne doivent pas nous faire oublier la nécessité de poursuivre, en France, la négociation collective dans le secteur du transport routier de marchandises. Je vous encourage à oeuvrer pour parvenir à un accord dans le cadre d'une reprise des discussions sur le travail de nuit.
C'est un point très important pour votre secteur d'activité et je suis convaincu que la négociation collective peut réellement aboutir à des compromis satisfaisants pour tous. Pour les salariés et pour l'économie du secteur.
C'est pourquoi, avec la coopération active des organisations professionnelles, nous avons mis en place des conditions d'accès à l'exercice de votre profession fortement rénovées.
Des efforts significatifs ont porté sur le renforcement de la capacité professionnelle, l'extension de la condition d'honorabilité à tous les dirigeants de l'entreprise, et non au seul attestataire de capacité.
Nous ne devons, toutefois, pas nous contenter d'instaurer un simple filtre à l'entrée dans la profession. Il faut que les conditions requises soient vérifiées tout au long de la vie de l'entreprise.
Évidemment, nous devons faire de manière progressive une application intelligente mais ferme de ces principes, et veiller à l'équité de traitement entre les entreprises.
La régulation ne s'arrête pas là. Pour mieux équilibrer la relation entre les chargeurs et les transporteurs, le conseil national des transports a apporté un appui efficace pour que les nouveaux contrats-types soient modifiés et intègrent les aspects économiques.
Quant au Comité National Routier, lieu naturel de synthèse de la profession, il est l'acteur indispensable de la réflexion, de l'analyse, de la collecte et de la diffusion d'information auprès des entreprises.
Cet organisme travaille actuellement à ma demande sur la production d'indices. Cette action se conjugue tout à fait avec les contrats types qui prévoient la renégociation des tarifs en cas d'événements externes.
Le Directeur des Transports Terrestres m'a remis le résultat des premiers travaux qui ont été engagés par les représentants de la profession et les services administratifs concernés. J'ai alors saisi le 31 mai dernier le président du CNR, M. AMATO, que je salue, en lui demandant de bien vouloir procéder aux études complémentaires nécessaires pour élaborer les indices dont votre profession a besoin.
J'attends les conclusions du Conseil d'administration du CNR qui se réunira le 2 octobre pour examiner le résultat de ce travail. A l'issue de cette réunion je souhaite pouvoir labelliser officiellement des indices synthétiques pour chacun des métiers du Transport Routier de Marchandises.
Cette action vise à offrir un outil de répercussion sur la facturation des événements extérieurs qui affectent les coûts du transport. C'est son unique objectif.
Je souhaite que tous comprennent qu'il s'agit d'un outil dans l'intérêt de la profession et en aucun cas d'un carcan réglementaire.
Après ce rappel des principales évolutions intervenues, permettez-moi de souligner à nouveau, pour conclure, combien je suis convaincu que ce n'est pas par le laissez faire de l'État qu'on offrira au transport routier une réelle chance de se moderniser.
Il faut au contraire que des règles loyales, stables, bien connues de tous et réellement contrôlées soient mises en place. Je m'y suis employé à Bruxelles et dans les relations entre chargeurs et transporteurs. Je ne doute pas que la profession du transport routier français, emmenée par ses organisations au premier rang desquelles figure votre fédération, Monsieur le Président, saura relever le défi d'une industrie moderne, efficace, respectueuse de l'environnement et de la qualité de vie de ses salariés.
Enfin, je crois que ce congrès montre bien que la FNTR est debout, présente sur tout le territoire, et prête à assurer toutes ses responsabilités centrales dans l'avenir de la profession avec son Président, René PETIT, qui a été réélu avec un score à faire pâlir de jalousie bien des politiques !!........toutes mes félicitations.
(source http:/www.equipement.gouv.fr, le 28 septembre 2001)