Interview de M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat au numérique, à BFM TV le 31 juillet 2017, sur la baisse de popularité du gouvernement dans les sondages, les objectifs de la politique du numérique à l'horizon 2020, l'expérimentation de l'enseignement du numérique et du codage à l'école et l'imposition des multinationales de l'informatique.

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Média : BFM TV

Texte intégral

RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mounir MAHJOUBI bonjour.
MOUNIR MAHJOUBI
Bonjour.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Merci d'être avec nous sur RMC et BFMTV. Vous êtes secrétaire d'Etat chargé du Numérique, on va évidemment parler ensemble de vos dossiers. Mais d'abord votre réaction, vous avez vu comme nous tous l'agression hier d'une députée de La République en Marche frappée à la tempe sur un marché, ça s'est passé à Bagneux. Les condamnations (c'est vrai) dans le monde politique sont unanimes ce matin, rien ne justifie un tel acte. Mais quel est selon vous le ferment finalement de cette violence ?
MOUNIR MAHJOUBI
Toutes les violences sont inacceptables, mais pas uniquement contre les politiques. Regardez les violences au quotidien dans les familles, les violences aux enfants, les violences aux femmes, les violences faites aux personnes. Ces violences, elles sont inacceptables et on ne doit pas chercher des explications partout. Là, il s'agit d'une violence contre un élu de la République, donc c'est encore plus grave, c'est encore plus grave parce que cette personne a été élue par les citoyens pour être publique, être présente au quotidien. Et là, elle était dans un march parce que justement, elle avait cette responsabilité d'être présente avec les Français, d'aller débattre. Si les politiques ont peur d'aller débattre, si on ne va plus sur les marchés, si moi je ne retourne pas dans le 19ème là où j'habite et si je ne retourne pas vers les citoyens, qu'est-ce qui se passe ? On fait des politiques qui sont élus une fois et qui disparaissent. Donc il faut… et elle l'a rappelé et c'est elle qu'il faut écouter, c'est elle qu'il faudrait inviter, elle n'arrêtera pas, d'ailleurs l'après-midi même, une fois que les médecins ont pu voir qu'elle allait bien, elle est retournée…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui, elle a eu 3 jours d'ITT…
MOUNIR MAHJOUBI
Elle est retournée voir les personnes parce qu'elle dit : je ne renoncerai jamais à parler avec les Français.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais c'est vrai que certains français commencent à dire : vous nous faites des promesses, vous les politiques, y compris vous La République en Marche et après, vous ne les tenez pas. Est-ce que c'est ça finalement l'exercice du pouvoir, c'est la confrontation avec la realpolitik ?
MOUNIR MAHJOUBI
Ecoutez ! Pour l'instant il y a peu de promesses qu'on n'a pas tenues, ça fait un mois…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais il y a une baisse dans les sondages…
MOUNIR MAHJOUBI
Oui mais ça, ce n'est pas des promesses non tenues, la baisse des sondages c'est aussi l'idée qu'une campagne, c'est un moment où on travaille avec les Français sur beaucoup d'idées. Et puis vous savez, c'est aussi…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
C'est l'euphorie et le retour à la réalité ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je ne dirai pas euphorie versus retour à la réalité, je dirai : on parle de beaucoup de projets qui sont essentiels à la France et puis une fois qu'on est élu, il y a le temps de les mettre en place, il y a forcément un moment où il faut se réadapter. Moi je sors d'un an et demi de campagne, puis là j'arrive et puis je me rends compte que ça va prendre du temps, ça va prendre de l'argent, qu'il va falloir transformer les choses pour y arriver. C'est un peu ça aussi qui exaspère les Français, c'est de se dire qu'il y a tellement de choses qui ne marchent pas. D'ailleurs c'est pour ça qu'on a été élu, on a été élu sur cette exaspération, les Français avaient envie qu'on change la méthode. La méthode on la change mais malheureusement, on ne peut pas aller aussi vite que ce qu'on souhaiterait. Donc on a un rythme, on le tient et on va jusqu'au bout.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors changer de méthode, changer les têtes aussi, changer peut-être les pratiques également. Vous avez vu que François DE RUGY, le président de l'Assemblée nationale dit qu'il veut faire rentrer le régime des députés dans le droit commun, même mode de calcul que le régime général des retraites, même mode de calcul aussi pour l'Allocation chômage. C'est quelque chose qui va dans le bon sens ?
MOUNIR MAHJOUBI
C'est dans la philosophie de tout ce qu'on a toujours proposé à La République en Marche. C'est-à-dire qu'il est incompréhensible… moi je viens d'une famille populaire, je viens du privé, j'ai toujours travaillé dans le privé, j'ai été chef d'entreprise, j'ai été salarié, j'ai été syndicaliste, comment vous voulez que les Français normaux, les gens comme moi qui font leur vie comprennent que les députés, ils n'ont pas le même régime, qu'ils cotisent deux fois plus vite, que leur prise de retraite leur donnera plus à la fin, que sur l'Allocation chômage il y a un système alternatif qui est fait, qu'il y a un mode de calcul peu bizarre avec le maintien à 100 %... comment on peut comprendre que ce n'est pas un… cette idée d'avoir des régimes différents, elle crée du ressentiment chez les Français et notamment chez les Français des couches les plus populaires, les classes moyennes qui ne comprennent pas pourquoi il y a des gens… chez moi on dit « il y a des gens », il y a des gens qui ne sont pas comme nous, ce n'est pas possible, non. Ça va dans le bon sens, il n'y a pas que ces mesures-là qu'il a proposées, il y a aussi des mesures d'efficacité parlementaire et ça, moi j'attends avec beaucoup d'impatience ce travail de l'Assemblée nationale et ça va être formidable.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Et il sera là jeudi à votre place pour en parler sur RMC et BFM TV. Alors venons-en à vos dossiers parce que ça intéresse concrètement, très concrètement même les Français. Vous dépendez directement d'Edouard PHILIPPE, votre mission est transversale, c'est un atout ou un handicap Mounir MAHJOUBI ? Fleur PELLERIN qui a occupé exactement le même poste que vous, cette fonction dit qu'en sortant de la tutelle de Bercy, vous allez vous couper de leviers d'action indispensables.
MOUNIR MAHJOUBI
Je rassure Fleur, c'est une chance absolue d'être secrétaire d'Etat rattaché au Premier ministre…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais vous n'avez pas d'administration directe !
MOUNIR MAHJOUBI
J'ai une administration directe, il y a une administration de la transformation numérique de l'Etat ; j'ai à Bercy une administration sur le numérique économique. Ne vous inquiétez pas, j'ai beaucoup de travail et j'ai beaucoup de personnes à qui je dois montrer une direction et que je rencontre tous les jours. Qu'est-ce que je dois faire et pourquoi c'est intéressant d'être transverse ? Il y a des sujets que je porte en propre, il y a la transformation numérique de l'Etat, c'est-à-dire que moi l'Etat est plus utile aux Français, comment il fonctionne… Gérald DARMANIN qui lui porte le sujet de la transformation de l'Etat et de l'action publique. Il y a le sujet de…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
En clair pour que les gens comprennent bien, c'est tout ce qui va être dématrialisation, notamment… tout ce qui est absence de papiers quoi !
MOUNIR MAHJOUBI
Qui est : comment on fait pour que l'Etat aille plus rapidement, pour que vous ayez plus rapidement droit à ce à quoi vous avez droit, que vous puissiez plus rapidement faire vos déclarations et que l'Etat puisse fonctionner plus rapidement. On va faire des économies d'un côté et de l'autre côté, on va être plus efficace pour les Français.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
2 % du PIB, c'est ça l'objectif je crois !
MOUNIR MAHJOUBI
Pas qu'avec le numérique, ça c'est un objectif plus large. Mais il y a une contrepartie à ça, c'est qu'on ne doit laisser personne sur le côté. Donc ça, ça ramène à la première des missions numériques de ce gouvernement, c'est l'inclusion et l'inclusion, il y a deux piliers essentiels. Le premier c'est la couverture numérique du territoire, c'est inacceptable aujourd'hui de ne pas avoir un internet de bonne qualité ou de ne pas avoir un téléphone portable qui fonctionne en France. Les Français n'en peuvent plus et, donc, il faut que ça change.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
6,5 millions de français qui n'ont pas de bons débits, vous allez travailler évidemment à la fin de ce qu'on appelle les fameuses « zones blanches », c'est-à-dire là où on ne capte, ni téléphone ni mobile. En 2011 si mes souvenirs sont bons, Eric BESSON qui était à ce poste promettait avec Nicolas SARKOZY du très haut débit pour 70 % des Français dès 2020 ; et 100 % en 2025. On en est toujours finalement au même point !
MOUNIR MAHJOUBI
On n'en est pas toujours au même point mais il faut se dire qu'à l'époque…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
On avance doucement !
MOUNIR MAHJOUBI
On avance doucement mais c'est ça qui va changer, ça ! Ne vous inquiétez pas, vous avez vu les déclarations du président de la République, ça a été la premières des missions avec monsieur MEZARD et avec Julien DENORMANDIE que nous portons. Nous avons rencontré tous les opérateurs nationaux, les opérateurs locaux, les élus locaux responsables des réseaux dits « RIP », les Réseaux d'initiative publique, on les a tous rencontrés plusieurs fois et puis on va continuer à les voir pendant l'été, pour que d'ici septembre on soit capable de se donner une feuille de route qui permette la couverture de tout le territoire en mobile dès 2020 pour tous, avec du haut et du très haut débit pour tous dès 2020.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Est-ce que nous, on va voir les choses, nous consommateurs, nous clients internet dans les zones rurales, dans les zones qui manquent, qui manquent de haut débit, de très haut débit ?
MOUNIR MAHJOUBI
Vous savez ces 6 millions-là, pendant toute la campagne j'y suis allé régulièrement et depuis que je suis élu, je reçois de très nombreux courrier, c'est pour moi l'essentiel, c'est une rage. Vous savez, ça vous fout les larmes quand vous allez chez les gens et que les gens vous expliquent : voilà ! Nos enfants n'ont pas internet, ils ne peuvent pas aller préparer leurs… nous, on ne peut pas aller sur Facebook parler à notre famille, nous on ne peut pas réserver. C'est-à-dire que tout ce qu'on raconte, le e-commerce, la e-administration, tout ça…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
La télémédecine…
MOUNIR MAHJOUBI
La télémédecine…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Emmanuel MACRON en a parlé…
MOUNIR MAHJOUBI
S'il n'y a pas de réseau, tout ça c'est du vent.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Pas de réseau pas de télémédecine.
MOUNIR MAHJOUBI
Pas de réseau rien, disons que ce n'est pas possible, c'est du mépris de ne pas l'apporter. Donc cette responsabilité-là, cette rage-là, on l'a transmise aux opérateurs, on a parlé argent, on a parlé avec tout le monde des conséquences que ça allait avoir. Et l'objectif pour le gouvernement, c'est au mois de septembre d'être capable de donner un regard, une vision de comment on va réussir à tenir ces objectifs, qui sont des objectifs pris par le président de la République, portés par ce gouvernement et que nous tiendrons. Mais cette inclusion numérique, elle ne tient pas que du réseau, il y a le réseau mais il y a aussi les usages. Vous avez 20 ou 30 % de Français qui ne savent pas utiliser internet, donc même si on l'amène ils ne savent pas l'utiliser. Donc pendant longtemps, on ne s'est pas occupé d'eux, c'est les plus vieux, c'est les personnes en situation de handicap, c'est les personnes qui à cause de la vie n'ont pas eu d'ordinateur à la maison, il n'y a pas eu d'enfants à la maison qui leur ont montré et qui se retrouvent – au moment de la retraite – à ne pas savoir réserver en ligne un créneau pour pouvoir aller voir l'agent de la Caisse nationale de retraite. Donc la question c'est : comment on les accompagne ? Donc ça, on a lancé un grand chantier avec les collectivités locales et ce sujet de la médiation numérique, il va être essentiel. Parce que ça ne sert à rien de numériser les services publics, de créer plus de services privés en ligne si on n'accompagne pas 20 ou 30 % des Français.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors l'Etat et le numérique justement, vous en parlez, vous avez en charge ce passage au tout numérique pour les services de l'Etat. Vous avez je crois pris pour modèle l'Estonie où 96 % des échanges avec les services publics se font justement par internet. Mais le pays là-bas compte 1.300.000 personnes, clairement on ne joue pas du tout dans la même catégorie !
MOUNIR MAHJOUBI
On ne joue pas dans la même catégorie, mais il faut toujours être capable de regarder chez tout le monde ce qu'ils savent faire de mieux que nous sans trop préjuger de nos forces. Ils sont plus petits que nous, c'est sûr, c'est plus petit qu'un département français l'Estonie…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais c'est réalisable !
MOUNIR MAHJOUBI
Mais c'est réalisable. C'est ce qu'on appelle l'Etat plateforme et c'est une vision, un regard. On ne va pas copier l'Estonie, on va regarder ce qu'ils ont fait de formidable, on ne va pas copier l'Angleterre, on va regarder ce qu'ils ont fait de formidable…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors qu'est-ce qu'ils ont fait de formidable ?
MOUNIR MAHJOUBI
Deux choses, déjà ils ont pensé le numérique de façon globale, on n'a pas pensé le numérique ministère par ministère, sous-préfecture par sous-préfecture. On le pense ensemble, c'est-à-dire qu'on crée des briques qui servent à tous et qui permettent, au lieu d'immobiliser 100 fois les mêmes énergies, de les mobiliser une fois pour créer plus rapidement, moins cher des nouveaux services et on va créer de la confiance. Aujourd'hui, on a assez confiance à ses déclarations d'impôts, la confiance qu'on a dans la déclaration de l'impôt qu'on fait en ligne, il faut qu'on arrive à la diffuser sur tous les autres services. Il faut que les Français se disent : quand je fais ma démarche en ligne, 1) j'aurai le même taux de réponse que si j'y étais allé physiquement, c'est-à-dire qu'on va me répondre rapidement, ça va être une réponse définitive et claire qui va engager l'administration. Quand je vais faire ma démarche en ligne, ça va être plus rapide que si j'y allais physiquement, si je fais ma démarche en ligne elle aura le même rôle juridique. Aujourd'hui il y a un doute, parfois on se dit « « je veux le papier avec le tampon », cet état d'esprit c'est ma responsabilité, celle du gouvernement de transformer ça dans les années qui viennent.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
C'est une révolution des mentalités aussi !
MOUNIR MAHJOUBI
Et qui doit se construire. C'est-à-dire que si on amène le réseau chez tout le monde, qu'on a formé ceux qui avaient le plus peur, que de l'autre côté on a numérisé l'administration, qu'on a créé de la confiance et qu'on a formé les fonctionnaires… vous savez quand on devient fonctionnaire, c'est parce qu'on a envie d'être utile aux autres, qu'on a envie d'être au service des Français. Il faut qu'on transforme cette mission à l'ère du numérique.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors justement, puisque vous parlez de la formation, de l'accompagnement, à la rentrée qu'est-ce qu'il va y avoir de nouveau pour les élèves, parce que ça aussi c'est important, on a parlé du codage dans les lycées, les cours de codage, on parle aussi d'enseigner le numérique ou en tout cas un petit apprentissage pour les plus jeunes. Ça va se traduire par quoi exactement ?
MOUNIR MAHJOUBI
Alors pour la rentrée, celle qui arrive là, ce seront avant tout des expérimentations. Je n'ai pas de grandes annonces nationales à vous faire, c'est le ministre de l'Education qui vous les aurait faites déjà puisque cette rentrée, il a fallu qu'on mette en place d'autres révolutions, vous avez vu le dédoublement des classes en zone REP+, c'est un engagement fort, un engagement très important, l'introduction de la culture. Donc là cette année…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais l'expérimentation, ça va se traduire par quoi, pour les élèves ?
MOUNIR MAHJOUBI
Elles ont déjà lieu dans certaines écoles, et dans certains collèges et moi mon objectif, c'est qu'on le développe, qu'on amène plus de numérique et donc du numérique, alors, vous avez parlé des cours de codage, il y a des cours de culture numérique, c'est-à-dire penser le contenu à l'ère du numérique. Qu'est-ce que ça veut dire un contenu ? Est-ce que c'est une vraie news, une fausse news ? Est-ce que c'est de la vraie information, de la fausse information ? Une attitude critique vis-à-vis des médias et vis-à-vis des médias en ligne, une utilisation non naïve des réseaux, donc apprendre à programmer pour mieux les comprendre.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
A partir de quel âge ?
MOUNIR MAHJOUBI
Pour moi c'est une vision et nous en discutons chaque semaine avec le ministère pour savoir quel serait le format idéal. C'est qu'à chaque âge, il y a différents éléments. Je pense, moi, qu'il ne faut pas avoir un écran trop tôt, je pense qu'il faut parler d'abord d'information et il y a ensuite les usages et le codage. Mais il y a ensuite et ça c'est le plus important, la culture numérique et la culture des métiers du numérique et le futur de l'emploi par le numérique. Aujourd'hui dans les dernières années de formation du lycée jusqu'au Bac plus 2, on ne parle pas assez et on ne forme pas assez bien à ce que le numérique a changé dans le travail et dans l'emploi. Donc ça c'est les différents chantiers ; donc très tôt une prise en conscience…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Dès le primaire ?
MOUNIR MAHJOUBI
Dès la rentrée, il n'y aura que des expérimentations, il n'y aura pas de généralisation.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais y compris pour le primaire.
MOUNIR MAHJOUBI
Elles existent déjà, c'est-à-dire de nombreux parents pourront vous raconter comment il y a eu un cours d'introduction à l'analyse critique des médias. Donc dans le primaire pour moi, c'est plutôt attitude critique, regard distant, comprendre, ensuite programmer, ensuite penser les emplois de demain.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Le gouvernement, Mounir MAHJOUBI, a ouvert la porte à une transaction financière avec Google, ça aussi Google, ça fait partie de votre terrain de jeu, si j'ose dire, après l'annulation par le tribunal administratif de Paris du redressement fiscal d'un milliard cent quinze millions d'euros, je crois, au géant américain. Il vaut mieux un bon accord qu'un mauvais procès, c'est ce qu'a dit Gérald DARMANIN, vous êtes d'accord avec ça ?
MOUNIR MAHJOUBI
Sur ces questions-là, il est essentiel de préserver les responsabilités de chacun.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Vous bottez en touche ?
MOUNIR MAHJOUBI
Non, je ne botte pas en touche, je peux vous parler de ma vision sur ce qu'on va faire au niveau européen pour que ces grands opérateurs paient des impôts dans l'avenir.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui.
MOUNIR MAHJOUBI
Dans l'avenir je vais vous en parler. Sur l'actuel, il s'agit d'une situation judiciaire qui est menée par l'administration fiscale…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais il faut, on est d'accord, il faut qu'ils paient des impôts.
MOUNIR MAHJOUBI
Mais moi, je vais vous dire ce qu'on a promis pendant la campagne et ce qu'on va faire, il faut qu'ils en paient davantage parce que les consommateurs citoyens le veulent. Vous savez les Français, ils adorent utiliser leurs services, par contre ils se demandent tous comment c'est possible que ces boites-là fassent autant d'argents sans payer un impôt légitime dans le pays où elles génèrent ces revenus.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
C'est le cas…
MOUNIR MAHJOUBI
On a lancé une initiative au niveau européen, au dernier conseil télécom, conseil européen avec tous les autres ministres du numérique, on a abordé le sujet. Ce sujet, il va revenir encore sur la table du conseil, c'est un sujet où la France est leader. Nous, on a proposé différentes propositions, pendant la campagne, on a parlé d'une taxe sur le chiffre d'affaires, on a parlé de façon nouvelle …
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui, mais la première décision, c'est de s'arranger, donc les gens vont penser quand on est puissant on peut s'arranger avec le fisc, nous, on ne peut pas.
MOUNIR MAHJOUBI
En fait il s'agit de deux temporalités, aujourd'hui le droit européen, le droit français ne permet pas de les taxer, ne permet pas, parce que ce sont de nouveaux opérateurs qui transforment le modèle même d'une entreprise internationale, avec des flux qui passent sous notre radar, qu'on ne voit pas, mais tout cela est très légal. On ne dit pas que ces boites font des choses illégales, on dit juste que ce n'est pas moralement acceptable, donc ce n'est pas acceptable pour les Français que ces boites continuent de faire ça.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mounir MAHJOUBI, dernière question, il y a eu ces derniers mois de nombreuses cyber-attaques, la police française est vigilante, mais elle évoque de nouvelles tentatives possibles à venir, vous êtes inquiet ?
MOUNIR MAHJOUBI
Je ne suis jamais inquiet, par contre je suis concentré, mobilisé pour créer une culture de la cyber-sécurité en France.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
On a de quoi se protéger aujourd'hui ?
MOUNIR MAHJOUBI
Pas partout, les TPE-PME sont très mal protégés, les citoyens sont très mal protégés, aujourd'hui tout le monde n'a pas conscience du risque numérique. Les plus grosses boites ne l'étaient pas, il y a quelques années, mais grâce au travail de pédagogie fait par les éditeurs, fait par les entreprises elles-mêmes, et par l'ANSSI, l'Agence Nationale de Sécurité des Systèmes d'Informations de l'Etat, on a tenté de diffuser une culture.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Vous deviez prendre des mesures au mois de juin, c'est ce que vous avez dit, vous avez avancé sur cette question ?
MOUNIR MAHJOUBI
On a avancé sur cette question, on fera des annonces à la rentrée dans les mois qui viennent, plusieurs objectifs, sécuriser l'Etat. Il faut sécuriser les moyens de l'Etat, il faut sécuriser les données des Français que possède l'Etat, il faut sécuriser les équipements les plus essentiels et ça c'est le rôle de l'ANSSI, c'est plusieurs centaines de personnes qui tous les jours sécurisent les éléments essentiels de notre pays, qui si, ils étaient hackés, nous mettraient en danger. Et puis après il faut sécuriser toute l'économie et tous les citoyens. Et ça, il y a un Mooc qui a été lancé par l'ANSSI où tout le monde peut s'autoformer gratuitement, mais mon objectif, c'est qu'on diffuse cette culture-là, partout.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Est-ce qu'on sait aujourd'hui combien les entreprises françaises ont perdu avec ces cyber-attaques ?
MOUNIR MAHJOUBI
Non, mais on sait que si on subissait une attaque aussi massive que celle qu'a subi l'Ukraine, il y a quelques semaines, ce serait majeur. Donc on ne peut pas attendre d'être attaqué pour évaluer les dégâts, il faut absolument et impérativement que ces grandes entreprises déploient les conditions de leur protection, que les PME le fassent aussi et que tout le monde sache réagir. Parce que vous savez, on ne peut pas se protéger contre tout, il y a des choses qui vont nous arriver, il faut juste qu'on sache comment nous, on va réagir face à ce qui va nous arriver, pour tout de suite repartir immédiatement. Il faut éviter la paralysie. Il faut éviter l'asphyxie, il faut éviter qu'il arrive des choses sur lesquelles on ne peut pas revenir. Eh bien avec quelques moyens essentiels, qui ne vont pas mobiliser beaucoup d'argent, mais quand même un peu, qui vont nécessiter de former plus de personnes, il nous faut plus de techniciens en cyber-sécurité, il faut plus d'ingénieurs en cyber-sécurité, et il faut que les entreprises les recrutent et il faut qu'ils travaillent partout.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Merci Mounir MAHJOUBI d'avoir été avec nous en direct.
MOUNIR MAHJOUBI
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er août 2017