Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur les valeurs de la participation, l'intéressement et l'actionnariat des salariés, Port-Marly, le 30 avril 1994.

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Circonstance : Convention RPR du monde du travail, Port-Marly le 30 avril 1994

Texte intégral


Monsieur le Président,
Cher Jacques CHIRAC,
Mes chers compagnons,
Je suis heureux d'être à nouveau avec vous pour une rencontre qui devient traditionnelle et c'est avec beaucoup de plaisir que je salue les organisateurs de cette journée, et tout particulièrement nos amis Jacques GODFRAIN et Georges REPECZKY. Je tiens à rendre hommage à leur dévouement inlassable au service des idées qui nous rassemblent.
Il est bon en effet que nous nous retrouvions pour confirmer nos orientations dans un domaine auquel, tous ensemble, nous attachons, la plus haute importance et pour réaffirmer nos convictions. Nous croyons ensemble qu'il est possible, dans notre pays, de rassembler les hommes et les femmes de toutes origines, quels que soient leurs croyances, leur âge, leur métier et leurs responsabilités, parce qu'ils sont capables d'unir leurs diversités pour définir ensemble un projet de société.
Nous pensons ensemble qu'il n'est pas vain de faire confiance à nos compatriotes pour construire un monde du travail plus fraternel.
Nous croyons ensemble aussi à l'avenir d'une société où s'affirment le dynamisme et l'initiative, où l'autonomie et la responsabilité de l'individu sont pleinement prises en compte, où chacun a la capacité de s'épanouir dans la richesse de sa personnalité et la variété de ses aspirations.
Les valeurs que nous défendons font vivre notre démocratie politique. Mais vous avez, nous avons, l'espoir qu'elles transformeront la réalité sociale, et c'est l'objet de la convention d'aujourd'hui. Vous avez, nous avons, la volonté de construire sur elles une communauté nationale plus rassemblée, plus cohérente et plus confiante en elle-même.
Il restait beaucoup à faire pour que ces principes soient mis en oeuvre lorsque les Français nous ont, l'an dernier, à nouveau manifesté leur confiance.
La distinction théorique et abstraite entre l'économique et le social, dont j'aperçois qu'elle retient encore certains esprits, est à mes yeux plus que jamais dépassée.
La nécessité de prendre en compte l'ensemble des problèmes de notre pays, non pas les uns après les autres, mais les uns en fonction des autres, n'est rien d'autre que ce qui fonde notre conviction : celle de promouvoir la voie de la participation.
Nous y sommes attachés, non seulement par fidélité au Général de GAULLE qui en fut le promoteur, mais aussi parce qu'il s'agit d'une idée neuve, qui permet de mieux répondre aux besoins de notre société et parce qu'il s'agit d'une idée typiquement française.
Cette idée, aujourd'hui, paraît moins révolutionnaire que lorsqu'elle fut lancée, et, cependant, elle n'a pas perdu de son acuité ; elle s'accorde mieux aux aspirations et aux mentalités de notre pays, ce qui explique son succès dans un nombre croissant d'entreprises.
La participation correspond aux exigences de la croissance retrouvée. Dans le monde d'aujourd'hui, l'organisation du travail compte au moins autant sinon davantage que l'accumulation du capital ou les prouesses techniques. La participation n'est pas une idée abstraite. Elle est devenue une idée pratique. Il nous faut l'amplifier et la généraliser.
Elle répond aussi à l'attente de nos compatriotes. Nombre de conflits sociaux trouvent leur cause profonde dans un désir de considération qui n'est pas satisfait.
Dans une économie bouleversée par une crise qui dure depuis 20 ans, l'idée de participation est à la fois le symbole et l'instrument de la politique que nous appelons de nos voeux : celle qui réconcilie justice et compétitivité, intérêt du salarié et progrès de l'entreprise.
Cette idée est la nôtre. C'est l'un des apports les plus importants que nous ayons fait à la pensée publique dans notre pays tout au cours de ce 20ème siècle dernière le Général de GAULLE. C'est à nous désormais de la faire vivre avec tout ce qu'elle implique pour l'organisation sociale de notre pays.
Parler de participation, c'est évoquer des systèmes bien établis, tels que l'intéressement, l'association des travailleurs aux fruits de l'expansion, l'actionnariat des salariés. Tous ces mécanismes se sont heurtés, au moment de leur création, tantôt à l'obstruction, tantôt - ce qui est presque pire - au scepticisme. Puisque sous l'autorité de Georges POMPIDOU, j'ai mis au point et rédigé l'ordonnance de 1967 voulue par le Général de GAULLE, et puisqu'il se trouve également que j'ai mis en oeuvre les ordonnances de 1986 au temps du Gouvernement de Jacques CHIRAC, vous me permettrez d'en garder le souvenir.
Pourtant, ces mécanismes, malgré les obstructions, malgré les scepticismes, ont connu un développement considérable. Un tel succès répond à une demande nouvelle du monde du travail. Il faut le savoir, il faut en être conscient.
Et aujourd'hui cette demande revêt deux formes.
La plus manifeste s'exprime par une agitation sociale périodique, qui se cristallise dans des conflits difficiles. Fait ainsi surface un problème de fond : comment reconnaître et récompenser les efforts accomplis par les salariés, sans compromettre l'avenir, au moment où la croissance revient ?
Ma conviction est que l'une des réponses à cette question si difficile qui est celle d'aujourd'hui s'appelle l'intéressement. Celui-ci permet, par un accord librement négocié, de distribuer immédiatement, à la mesure des résultats atteints grâce à l'effort de tous, un surcroît de rémunération.
Il s'agit d'un revenu supplémentaire, légitime et supportable par l'entreprise, dès lors qu'il a pour contrepartie une amélioration constante et constatée des résultats.
Conformément aux conclusions que m'a remis notre compagnon Jacques GODFRAIN - que je remercie du travail considérable qu'il a fait et de la constance, avec Georges REPECZKY, qu'il met dans ses idées - le projet de loi relatif à l'amélioration du statut des salariés par la participation, dont l'Assemblée nationale vient de terminer l'examen en première lecture, renforce les principes fondateurs de l'intéressement et abroge, comme il le fallait, les dispositions restrictives introduites par les gouvernements socialistes après la mise en oeuvre des ordonnances de 1986.
L'autre demande qui explique le succès actuel des mécanismes de la participation est peut-être moins visible, mais tout aussi réelle : elle correspond à la volonté de chaque salarié de s'impliquer davantage dans la marche de son entreprise.
Celle-ci est le cadre de la vie quotidienne d'une immense majorité de Français. Le monde du travail est devenu un monde complexe dans lequel l'ouvrier, l'agent de maîtrise, le cadre, le chercheur, le patron s'investissent ensemble tout au long de leur carrière. Tous sont également attachés à leur entreprise. Chacun peut le mesurer lorsque l'une d'entre elles est en difficulté.
Pour accompagner cette évolution et mieux associer les salariés aux décisions qui les concernent, notre législation avait prévu, en 1986, dès lors que l'entreprise l'estimait utile, l'ouverture des conseils d'administration aux représentants élus du personnel. C'est un acquis important mais moins sans doute que le développement de l'actionnariat populaire et notamment et que le développement que nous avons voulu de l'actionnariat des salariés. Quand les salariés deviennent actionnaires, ce n'est pas seulement la propriété du capital qui change, c'est tout l'esprit de l'entreprise. Aussi ai-je toujours été convaincu qu'il convenait d'imaginer un système qui permette de rendre les travailleurs partie prenante de toute augmentation de capital et de réfléchir à une représentation organisée et garantie des salariés actionnaires dans les organes sociaux des entreprises. Le projet de loi qui découle du Rapport GODFRAIN répond à cette ambition. Il crée un lien spécifique entre la participation au capital et la participation aux organes de gestion. Il ouvre la faculté de désigner des actionnaires salariés au conseil d'administration ou au conseil de surveillance.
Je sais qu'il est reproché au Gouvernement de n'avoir pas rendu obligatoire la présence des salariés actionnaires dans les organes dirigeants des entreprises. La vérité est qu'en matière de participation, plus encore qu'en tout autre domaine, le mieux est l'ennemi du bien. Ce n'est pas à vous, mes chers compagnons, que j'apprendrai à quelles résistances se heurte encore l'idée même de la participation. A chacune des étapes de la longue histoire de la participation -et j'ai quelques titres à le rappeler- le caractère facultatif des mesures prises a permis d'acclimater la participation, avant de passer à l'obligation. 1959, 1967, 1986, 1994 : la démarche est la même, la méthode identique. Elle a fait ses preuves.
La participation ne se résume pas à des mécanismes institutionnels. Elle est un état d'esprit qui inspire l'ensemble des relations du travail.
Cet état d'esprit est encore loin d'imprégner toutes nos mentalités.
Je pense au penchant, toujours présent dans notre pays, pour l'autoritarisme d'Etat.
C'est là un héritage de l'histoire, conforté par l'idéologie socialiste. L'Etat-patron, qui gérait directement ou indirectement, ou orientait l'essentiel du secteur industriel, a progressivement été conduit à devenir partie à toute négociation, qu'il s'agisse de fixer les salaires, d'aménager les conditions de travail, de conduire les reconversions. Cette pratique explique en grande partie la faiblesse des syndicats dans l'entreprise, laquelle, en retour, a justifié le réflexe des pouvoirs publics d'intervenir en tout temps et en tout lieu.
L'entreprise réunit en un même lieu une communauté d'intérêts qu'il convient de considérer pour ce qu'elle est.
Le citoyen, dont on encourage l'engagement dans la vie de la cité, ne doit pas redevenir mineur quand il franchit les portes de l'atelier.
Si notre pays a connu et connaît encore plus de difficultés que d'autres, s'il crée moins d'emplois que d'autres et ne tire profit qu'avec retard de ses progrès économiques, cela est dû aux rigidités qui lui sont propres.
C'est pourquoi il est plus nécessaire que jamais que se développe davantage l'esprit de participation.
Pour ce faire, le Gouvernement que j'ai l'honneur de conduire s'est attaché à desserrer les contraintes législatives ou réglementaires qui entravent la vie contractuelle et à encourager la décentralisation du dialogue social. Sans nier l'utilité de la négociation de branche, il faut faire en sorte que la politique contractuelle ait droit de cité partout où le besoin de discussion apparaît, qu'il s'agisse de l'entreprise ou de l'établissement. Tel est l'objet de la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.
Le Gouvernement s'efforce de s'appuyer sur un mouvement syndical qui soit représentatif et dynamique. Le dialogue social est, à mes yeux, une composante essentielle de l'esprit de participation. Le mouvement syndical en est un acteur à part entière. L'expérience qui est la mienne a depuis longtemps achevé de m'en convaincre.
Concilier justice et compétitivité consiste non seulement à développer l'intéressement au sein de l'entreprise, à promouvoir le contrat dans les relations du travail mais à assurer également la participation de nos concitoyens à l'accroissement de la richesse nationale qui résulte notamment de la bonne gestion de l'Etat.
L'Etat a l'obligation d'être économe des deniers publics, c'est-à-dire efficace pour ce qui relève de ses missions souveraines et effacé dès lors que d'autres peuvent agir à sa place et mieux que lui.
Cette exigence commande que l'Etat modère le poids des prélèvements qui pèsent sur notre économie.
Il n'est, pour cela, d'autres moyens que de poursuivre l'allègement des charges pesant sur les entreprises, parce qu'il est impossible de créer des emplois, quand la fiscalité est trop pesante et pénalise l'effort, ampute l'autofinancement, entrave la recherche. L'expérience des années 1986/1988 a été positive. Mon Gouvernement l'a reprise et a procédé à l'allègement des cotisations d'allocations familiales supportées par les employeurs. Ce sont plus de 30 milliards de francs sur 5 ans qui pèseront en moins sur le coût du travail.
La nécessité de réduire l'impôt vaut également pour les ménages. Il est exclu de mobiliser une société dont la fiscalité décourage le travail et l'initiative. C'est pourquoi l'impôt sur le revenu a été allégé en 1994.
Il va de soi, enfin, qu'il n'y a pas de politique sociale qui vaille sans que soit d'abord préservés nos acquis sociaux. Ils sont le bien commun de notre pays. Ils résument son histoire et assurent sa cohésion.
Notre régime de sécurité sociale est le symbole de ce patrimoine. Il y a un an, notre système de protection sociale était menacé de manière grave et immédiate par la banqueroute. Le Gouvernement s'est attaché, dans un premier temps, à le sauver, au prix de mesures difficiles et, j'ose le dire, courageuses. Dans un deuxième temps, il s'est agi d'engager les réformes indispensables à la pérennité de la protection sociale. C'est chose faite pour la retraite, domaine dans lequel aucun gouvernement n'avait mis en oeuvre les changements que tout le monde savait indispensables. Pour l'assurance-maladie, un premier train de réformes est intervenu. Il s'inspire de la méthode qui fait prévaloir les conventions négociées entre les organisations représentatives des professions de santé et les caisses nationales d'assurance-maladie, voulues, puis-je le rappeler, par Georges POMPIDOU. D'autres dispositions seront à prendre. Elles découleront d'un Livre Blanc sur la santé dont la rédaction est en cours.
Chers compagnons,
Le développement de la participation repose sur notre volonté de concilier justice et compétitivité au service de notre pays.
Donner plus de responsabilités aux salariés dans l'entreprise, plus d'espace au dialogue social, plus de force à la solidarité : tel est notre engagement. Tel est aussi le sens de l'action du Gouvernement.
Grâce aux dispositions d'ores et déjà votées ou en passe de l'être, le développement de l'intéressement et de l'actionnariat populaire franchit une nouvelle étape, la politique contractuelle connaît un nouvel essor, la protection sociale est mieux garantie, la possibilité est offerte au mouvement syndical de renforcer son efficacité et de s'adapter aux réalités nouvelles.
Ces principes et ces idées sont les vôtres. Le Gouvernement s'efforce de les appliquer. Je vous invite à les faire partager.
La participation ne vit que grâce au dévouement de ceux qui la souhaitent, la pratiquent et la défendent contre la force des habitudes, des idées reçues et des égoïsmes catégoriels.
Je forme le voeu que nos valeurs deviennent des réalités chaque jour plus vivantes encore. Ensemble, faisons en sorte que notre pays soit plus fraternel.
Nous avons tous aujourd'hui le sentiment que notre société, qui est en difficulté, est moins fraternelle, plus dure qu'elle ne l'était. Pendant 30 ans, nous avons été emportés par un grand mouvement de progrès. La croissance économique était là, forte. La France se développait ; le pouvoir d'achat augmentait ; la couverture sociale était progressivement mieux garantie ; la formation était davantage assurée. Il y avait dans notre pays un sentiment d'optimisme et de dynamisme.
La crise, survenue à partir de 1973, a cassé ce bel optimisme. Certes, depuis 20 ans, notre pays a continué à faire des progrès. Mais, au moment de se pencher sur ce bilan, que constate-t-on ? En 20 ans, le chômage a été multiplié par 6. La protection sociale est menacée - et si elle ne l'a pas été davantage, c'est que l'on n'a pas cessé d'accroître les prélèvements et les cotisations. Les exclusions sont plus nombreuses et plus graves. Il y a des millions de Français qui vivent encore dans des conditions qui ne sont pas acceptables.
Le pacte social français, traditionnel depuis la Révolution, était fondé sur le consentement commun à un idéal de justice et de fraternité. Peut-on le maintenir ? La réponse est oui. Et nous le pourrons, si ensemble nous le voulons.
Le défi des prochaines décennies, pour tous les pays de l'Europe de l'Ouest et pour la France en particulier, est de savoir si nous saurons préserver nos valeurs sociales face à la concurrence du reste du monde, ou si nous allons être obligés de remettre en cause nos systèmes politiques et sociaux à cause de cette concurrence des nouveaux pays. Ma réponse est clairement que nous pouvons préserver nos valeurs sociales et les principes qui les sous-tendent. Nous le pouvons si nous le voulons.
Comment y parviendrons-nous ? C'est, à mes yeux, la question essentielle du débat politique des 20 années à venir. Car la compétition faite aux pays de l'Europe de l'Ouest et aux Etats-Unis ne cessera de s'intensifier. Il nous faut inventer un système qui préserve ces valeurs et qui en même temps nous permette de continuer à figurer parmi les premiers pays du monde restant toujours à la pointe du progrès. C'est sur cela que repose, me semble-t-il, le débat politique aujourd'hui et sans doute pour au moins une génération.
Il nous faut inventer une autre société qui ne soit pas la répétition ou la reproduction de la société des 30 années glorieuses qui ont suivi la Libération et qui ne soit pas davantage la répétition ou la reproduction de la société dans laquelle nous vivons depuis 20 ans.
Comment pouvons-nous y parvenir ? Ma réponse, c'est qu'il ne doit pas y avoir d'a priori. Mais il faut une volonté et une conviction. Quant aux solutions, elles doivent être discutées. Le temps des formules imposées d'en haut est un temps révolu.
Nous avons toute une série de problèmes à résoudre pour construire cette "autre société". D'abord, pouvons-nous retrouver la croissance ? Oui, nous le pouvons et nous sommes d'ailleurs sur le chemin de la reprise.
Cela ne sera pas suffisant, chacun le sait, mais cela est cependant nécessaire. Souvenons-nous que l'effort que nous avons accompli en 1987, a permis une croissance qui, dans les années suivantes, a entraîné la création de pas moins de 800.000 emplois nouveaux.
Revenons au maintien de la protection sociale. C'est un impératif pour nous. Il faut certes la réformer, mais il faut bien sûr la financer. Et, là aussi, il y a un grand débat qui va dominer les prochaines années, afin que le financement de la protection sociale ne pèse plus uniquement sur les salaires, ce qui a pour conséquence d'entraver l'emploi.
Il nous faut également une formation adaptée. Contrairement à ce que j'entends parfois, il n'est pas question d'une remise en cause de l'école. Tout au contraire, on devra organiser la coopération entre l'école et tous les acteurs de la vie sociale. Nous avons commencé dans cette voie en développant notamment l'apprentissage qui connaît aujourd'hui un grand succès.
Il nous faut également "aménager" le travail. Nous avons eu, il y a quelques mois, un grand débat sur le partage du travail. Ce débat dominera les années qui viennent. D'ores et déjà, nous avons facilité l'aménagement du temps de travail et l'organisation du temps partiel. Sans doute faudra-t-il aller plus loin. Mais il faut veiller au respect des aspirations de chacun.
Il nous faudra aussi aménager le territoire pour mettre fin à cette inégalité véritablement sociale, au sens profond du terme, entre des régions tantôt bien équipées en services publics et en facilités de toutes sortes et tantôt sous équipées. Cette inégalité existe d'ailleurs à l'intérieur même des régions les plus prospères, comme le montre la situation dans un certain nombre de villes et de banlieues, où là se résument tous les problèmes de la société : le logement, l'éducation, l'emploi, la sécurité, le malaise de la jeunesse, la dissolution des familles, les exclusions, …
Ce grand effort pour une autre société, aussi bien d'aménagement du territoire que pour les villes et les banlieues, a été commencé. Il n'en est qu'à ses débuts. Il faudra le poursuivre.
Je voudrais maintenant insister sur la jeunesse, parce qu'il est bien vrai qu'il y a quelques semaines s'est développé entre la société - pourquoi ne pas le dire franchement, entre le Gouvernement - et la jeunesse, un malentendu. Ne revenons pas sur ses causes. Mais il nous faut faire en sorte que pareil phénomène ne se répète pas et que les bonnes intentions se traduisent par de bonnes décisions. C'est pourquoi j'ai décidé de lancer une consultation qui sera adressée aux huit millions de jeunes entre 16 et 25 ans. Cette consultation sera organisée par un comité de personnalités indépendantes du Gouvernement qui auront à préciser les questions posées, à diffuser les questionnaires, les rassembler, les dépouiller, les publier et les remettre ensuite au Gouvernement. Ce sera une oeuvre apolitique, c'est-à-dire que nous confierons à des personnalités respectées et reconnues par tous le soin de faire la synthèse des aspirations de la jeunesse. J'entends dire parfois : ne connaissez-vous pas déjà ce que souhaite la jeunesse ? Lisez les sondages d'opinion et vous n'aurez pas besoin d'organiser cette consultation.
Mes chers compagnons, c'est tout à fait différent. Et par là je vais retrouver ce par quoi j'ai commencé cette intervention : l'esprit de participation. Appeler 8 millions de jeunes à réfléchir autour d'un document, à y répondre le plus sincèrement possible, j'en suis certain, à dire ce qu'ils veulent, à dire ce qu'ils attendent de la société, à dire aussi ce qu'ils sont prêts à faire pour l'ensemble de la Nation dont ils sont les membres, cela a une valeur tout à fait différente de l'organisation de sondages d'opinion qui ne touchent que 1.000 ou 2.000 personnes.
Voici quelques-uns des problèmes. Il y en a bien d'autres d'ailleurs, en particulier des problèmes sociaux. Si nous savons résoudre ces problèmes, nous saurons créer cette autre société que désormais notre pays appelle de ses voeux. Il faut en débattre, c'est là le rôle des hommes politiques, des syndicats et de l'Etat. Les hommes politiques tout d'abord doivent avoir pour responsabilité de gouverner ou de légiférer par le dialogue et la prise de conscience commune que leur action doit favoriser. Les syndicats en second lieu. J'ai toujours été partisan d'un syndicalisme fort et je crois qu'aucun gouvernement, qu'aucune majorité n'a rien à gagner à l'affaiblissement du syndicalisme. Nous avons besoin d'interlocuteurs pour que la vie sociale soit la plus riche possible. J'appelle donc les organisations syndicales à prendre leur place dans ce dialogue nécessaire.
Et il y a le rôle de l'Etat. L'Etat bien entendu ne peut prétendre tout faire, mais il doit favoriser les élans de la société pour plus de générosité et de solidarité. Partout en France l'on voit naître ainsi des associations, des groupes d'hommes et de femmes qui viennent après leur temps de travail pour aider des jeunes, aider des malades, aider des personnes en difficulté, aider des marginaux à réintégrer leur place dans la société.
Ainsi l'oeuvre de réforme que nous nous étions ainsi engagés à poursuivre devant nos concitoyens il y a un an est-elle entreprise ? Elle en est à ses débuts. Il reste beaucoup à faire pour bâtir cette autre société qui doit être différente de la société de croissance facile d'il y a 20 ou 30 ans, ou de la société de crise que nous connaissons actuellement. Néanmoins, le choix est clair entre le conservatisme et l'immobilisme qui nous conduisent à la décadence ou le renouveau qui seul peut nous assurer un nouvel avenir. Cette autre société, nous devons l'inventer ensemble, avec tous les autres Français, sans esprit d'exclusion, mais en les rassemblant.
Ma conviction est double, mes chers compagnons, et j'en termine par là. Ne nous laissons pas enfermer dans ce débat entre la priorité économique et la priorité sociale. C'est, au sens propre du terme, un débat que je ne comprends pas. Il n'y a pas de progrès économique possible et durable qui ne profite à tous. Faute de quoi, c'est le progrès qui est menacé. Par ailleurs, il n'y a pas de progrès social possible ni de progrès national qui ne soit assis sur une économie forte.Ma seconde conviction, c'est que la France est un grand pays, un pays qui est capable du meilleur à condition qu'on lui offre l'espoir. Dès lors, notre devoir est clair. C'est le choix qu'ont fait nos concitoyens. C'est à nous tous ensemble d'offrir un nouvel espoir à notre pays.