Déclaration de Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement, sur la participation des Pact-Arim à la politique gouvernementale du logement, axée sur le droit au logement, la mixité sociale, la relance de la construction, la lutte contre les logements vacants et la suppression de l'habitat indigne, Lyon, le 6 novembre 2001.

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Circonstance : Clôture de la journée nationale du cinquantenaire de la Fédération nationale des Pact-Arim à Lyon, le 6 novembre 2001

Texte intégral


Monsieur le Président,
Monsieur le Maire,
Messieurs les Elus,
Madame la Présidente du Conseil National de l'Habitat,
Mesdames, Messieurs,
50 ans, c'est vraiment un bel âge.
C'est un âge où l'on a, à la fois acquis une certaine sérénité liée à une maturité, à l'expérience, où l'on relativise. En même temps, c'est un âge où l'on a encore toute l'énergie, tous les projets devant soi, toute l'espérance de la vie et je crois que les Pact-Arim sont vraiment à l'image de cette période assez charnière de l'existence puisque, maintenant, on va bientôt vivre plus de 100 ans. Vous n'êtes qu'au milieu du parcours mais le parcours que vous avez jusqu'à présent construit, mérite le soutien, la reconnaissance de l'Etat de toutes celles et de tous ceux qui pensent que la question du droit au logement, du logement social et de la rénovation urbaine sont les grands enjeux de la société d'aujourd'hui et de demain.
Les Pact ont cette caractéristique d'être au carrefour de beaucoup d'éléments de force, d'abord acteurs directs du droit au logement, de la rénovation urbaine, une mission de service public. C'est une force de défendre une belle cause et une cause humaniste. La deuxième force c'est d'être un mouvement associatif et, au moment où l'on fête le centenaire de la Loi de 1901, je crois qu'il faut dire et répéter la caractéristique de l'engagement associatif et, dans votre cas particulier, vous êtes une association qui contribue à l'économie sociale et solidaire. Vous mêlez -et c'est votre troisième force- les capacités de professionnalisme et d'engagement militant, de participation des bénévoles. Ce travail que seules les associations savent faire de passerelle entre la société et sa diversité et les institutions et leur diversité. Ces éléments de force vous donnent des droits en direction du pays de pouvoir dire, interpeller, proposer et il me paraît tout à fait essentiel que l'Etat réponde à votre capacité d'innovation, d'interpellation et d'action, qu'il soit en situation de vous aider à consolider votre mission.
Vous connaissez le nouvel horizon dans lequel nous sommes car je crois qu'il faut rappeler que la loi SRU fonde vraiment une nouvelle conception de la civilisation urbaine dans notre pays, pour les années à venir, et pour le siècle qui démarre.
Le premier volet majeur est celui du Renouvellement Urbain

Pour vous qui êtes -j'allais dire les premiers- mais quand même presque les premiers, à avoir dit avec l'ANAH (par exemple) à quel point la réhabilitation de l'ancien, la mobilisation du parc privé et le renouvellement dans les centres-villes étaient aussi importantes pour le logement social que le mouvement HLM, la construction de logements neufs. Je crois que le renouvellement urbain dans sa diversité, donc dans sa fonction de réhabiliter l'ancien, doit faire vivre le tissu existant avec une respiration particulière et faire que la complémentarité des acteurs, publics, privés sur le territoire d'un même espace et d'un même univers soient capables de se nouer, Je crois que vous devez vous sentir à la fois fiers d'avoir fait progresser vos idées et en même temps susceptibles de pouvoir vous sentir davantage encore acteurs des missions de service public qui sont les vôtres.
Dans ce renouvellement urbain, il y a tout le volet qui correspond à la réhabilitation de l'ancien. Le Conseil National de l'Habitat -à l'époque je le présidais mais je sais qu'Odile Saugues a repris le flambeau avec une énergie tout à fait remarquable- avait tenu à ce que dans les 20 % de logements sociaux qui garantissent la mixité sociale sur le territoire, on tienne compte des logements conventionnés pendant la durée de leur conventionnement, en précisant que la définition des logements sociaux ne pouvait se réduire aux HLM stricto sensu. Je crois que c'est très important à la fois pour la réalité sociale que cela couvre mais aussi, parce qu'on a besoin que l'idée du social, du droit au logement pour tous, ne soit pas mise à part pour une catégorie d'acteurs, une catégorie de préoccupations dans la société mais qu'elle constitue bien une cause qui engage tout le monde, l'ensemble des citoyens dans la diversité de leurs interventions. C'est vrai que de ce côté là, la "grande ANAH" doit être prometteuse. On est en plein débat budgétaire au Parlement, ses crédits seront réellement maintenus par rapport à l'année dernière dès lors que l'Assemblée Nationale a voté, en première lecture, un amendement pour que ses crédits soient abondés. On est en pleine discussion, non seulement pour que les moyens de la "grande ANAH" soient maintenus, mais surtout pour que les missions de l'ANAH soient bien clairement revalidées et j'allais dire légitimées pour tous de manière visible. Je ne veux pas dire que l'action menée par le passé n'était pas légitime et bien faite mais, quand on a lu les rapports de la Cour des Comptes et ceux des Services des Finances -qui sont assez scrupuleux- on se dit "Est-ce que les fonds publics vont bien là où les priorités publiques sont placées ?" Force est de constater qu'on peut mieux faire.
C'est ce travail de redéfinir ensemble nos objectifs qui est en train de se nouer avec l'ANAH. Dans ces objectifs nouveaux, il y a deux points qui me paraissent majeurs et qui doivent vous concerner :
1. L'augmentation du nombre d'opérations conventionnées. Il est important qu'on ré-explique aux maires -parfois récalcitrants- que des OPAH avec du conventionnement contribueront au pourcentage de 20% des logements. Il y aura davantage d'aides de l'ANAH et un effort particulier pour le conventionnement et donc pour l'accueil des plus démunis.

2. Il y a également le grand enjeu des logements vacants. C'est le serpent de mer qui ressurgit régulièrement. De fait, le problème n'est pas vraiment réglé. Tout d'abord, nous avons fait la taxe dite d'inhabitation. Elle fonctionne mais la mise en oeuvre du dispositif a montré à quel point la connaissance du parc vacant était une véritable incurie qui a été mise en évidence quand on a voulu réquisitionner dans certaines villes où, même en regardant les fichiers de la DGI, ceux d'EDF, et...il est impossible d'arriver à trouver quels sont réellement les logements vacants sur un territoire. D'un côté, les associations vous disent: "il y en a des milliers" ; de l'autre côté l'INSEE vous fait un recensement qui dit aussi "il y en a des milliers" et lorsque vous prenez les fichiers, vous vous retrouvez avec epsilon. Même problème lorsqu'on s'est trouvé à réfléchir au relogement des sinistrés de Toulouse, quand le maire a voulu engager la réquisition d'urgence -puisque l'autre mode de réquisition est un peu plus longue- là où le champ est normalement plus vaste, le maire de Toulouse s'est trouvé devant la même difficulté. Nous avons besoin à la fois de poursuivre l'effort que l'ANAH a engagé -35 000 logements ont été remis en location l'an dernier- mais aussi de veiller que ces logements vacants, sur l'ensemble du territoire national soient mieux connus avec un travail plus fin d'actualisation. Si j'insiste sur ce point, c'est que d'abord on va être amené à prendre des dispositions sur l'urgence car à la fois les problèmes de La Somme et de Toulouse ont montré qu'en termes de relogement d'urgence, le pays savait se mobiliser mais aussi qu'on pouvait faire beaucoup plus vite, beaucoup mieux et probablement beaucoup plus opérationnel. On va donc mettre un système de plan d'urgence dans lequel la connaissance du parc vacant sera un outil obligatoire sans lequel on est un peu démuni. Cette connaissance sera aussi utile pour d'autres fonctions, d'autres missions notamment celle d'aller convaincre les bailleurs privés qu'ils peuvent remettre en location ou qu'ils peuvent revendre un bien.
A cette occasion, je voudrais vous remercier, vous Monsieur le Président tout particulièrement mais aussi l'ensemble du mouvement, pour la mobilisation rapide, immédiate et qualifiée que vous avez su développer au moment des inondations de la Somme et de l'accident de Toulouse. Il est bien vrai qu'on a vu à cette occasion -on le savait pour notre part, mais d'autres l'ont découvert - à quel point les compétences qui sont les vôtres sont rares, précieuses et méritent d'être soutenues et développées au-delà du sens de la solidarité que vous avez manifesté à cette occasion.
Sur ce premier point du renouvellement urbain, je pense que la conscience collective est en réel progrès et je parle en particulier des élus locaux. J'y reviendrai tout à l'heure en abordant la décentralisation.
Le deuxième volet majeur est la question du droit au logement pour tous et le droit à un logement décent
Les textes ont beaucoup progressé, néanmoins la réalité reste encore contrastée. Les efforts que l'on marque ici ou là ne sont pas encore à la hauteur des besoins. Je veux d'abord rappeler qu'on ne règlera pas la question du droit au logement pour tous si nous ne réussissons pas la relance de la construction HLM. Même si le parc privé doit être fortement mobilisé, si dans le même moment, nous ne remontons pas la construction de logements sociaux par le mécanisme des HLM et des SEM à un niveau élevé, nous passerons notre énergie à savoir qui passe le premier dans la queue qui reste longue -et que le numéro unique va révéler- plutôt que de savoir si la queue est en train de se réduire en termes d'attente pour avoir le droit à un logement digne, décent et adapté à chacun. Donc, ne perdons pas de vue qu'il y a d'abord un problème d'offre.
Ensuite, évidemment, il y a un problème de justice pour que, même quand tout le monde ne peut pas trouver ce qu'il souhaite, les plus démunis ne restent pas comme d'habitude au fond du panier, les oubliés, les négligés et parfois ceux qu'on ne veut pas voir et qu'on rejette. Mais néanmoins, il faut régler ce problème de l'augmentation de l'offre. Il y a la relance du logement social , elle redémarre bien : 50 000 logements cette année, je suis sûre qu'on atteindra les 55 000 l'année prochaine, on pourrait même aller jusqu'à 60 000. Néanmoins, cela ne suffit pas et il faut effectivement mobiliser le parc privé. C'est pourquoi au projet de budget 2002 qui est en débat, le gouvernement a proposé d'améliorer le dispositif de l'amortissement Besson en montant les niveaux de cet amortissement à 60 %, s'agissant bien sûr d'une population plus ciblée socialement avec des ressources plus faibles que l'ensemble des bénéficiaires de l'amortissement Besson. C'est quand même une incitation fiscale forte, importante et j'espère qu'elle convaincra les bailleurs de passer à l'acte et de remettre sur le marché des logements en faisant éventuellement les travaux nécessaires.
Cette question de la mobilisation du parc privé pose à mon avis une deuxième exigence qui est le sentiment qu'un certain nombre de bailleurs ont de la crédibilité du loyer qui tombera tous les mois. J'entends souvent les propriétaires privés me dire "on a trop peur de ne pas avoir les recettes qui arrivent". On a beau leur décrire tous les mécanismes existants : le FSL, les associations intermédiaires, etc on a du mal à convaincre même si avec le Locapass on a pu régler mieux la question notamment des jeunes de moins de 30 ans et qui maintenant, va être aussi valable pour les étudiants boursiers.
Je crois que la question de la Couverture Logement Universelle est certainement une des grandes questions qu'il faut maintenant concrétiser. C'était une question, il faut que cela devienne une réalité. Le Conseil National de l'Habitat et je sais que les Pact y ont apporté leur pierre décisive -si je puis dire- va nous proposer d'ici la fin de l'année une proposition sur la mise en uvre de cette fameuse Couverture Logement Universelle. J'espère que nous arriverons assez rapidement à trouver au moins une première étape de mise en oeuvre quitte à ce qu'ensuite, la fusée prenne en altitude et en couverture. Parce que je crois que c'est à travers un mécanisme simple, systématique, automatique qui à la fois garantit le bailleur et qui couvre le locataire que nous arriverons en partie à lever une part des obstacles qu'il y a aujourd'hui pour les bailleurs privés de ne pas toucher leurs loyers régulièrement. Car les mécanismes qui font qu'on doit demander une autorisation, passer devant une commission, etc sont des mécanismes longs où il y a souvent de la perte en ligne sociale, humaine et financière. Par ailleurs, ces espaces temps ne sont pas toujours supportables par des gens qui, eux-mêmes, tout en étant propriétaires, n'ont pas toujours des ressources phénoménales et attendent une rentrée légitime et normale de leurs loyers. Je crois que cela pourrait être un grand progrès et en tout cas, soyez convaincus que, pour ma part, je m'y attellerai pour qu'effectivement, on mette en oeuvre cette Couverture Logement Universelle maintenant rapidement.
Nous avons parlé de la mobilisation du parc privé. Je voudrais insister sur deux autres sujets que vous avez mis au coeur de vos réflexions concernant le droit au logement.
C'est la question de la période intermédiaire entre la sortie des dispositifs d'urgence et l'entrée dans un logement définitif. On a là tout un volet à développer. J'ai mis en place un groupe d'appui d'actions prioritaires (vous savez que c'est la méthode que j'ai choisie pour qu'on mobilise toutes les énergies autour d'un thème précis où on se dit "concrètement, maintenant que fait-on pour avancer, dans l'action et pas seulement dans la loi ; comment on fait passer dans l'action des intentions et des objectifs). Je vois là deux pistes que nous voulons développer :
La première concerne le système des " pensions de familles " qui ont été expérimentées et qui donnent de bons résultats. Il s'agit de systèmes où les personnes qui vont être logées dans ces résidences vivront dans un environnement humain limité et pourront rester durablement dans cet habitat. J'ai des exemples concrets que j'ai pu voir et qui m'ont donné le sentiment qu'on peut maintenant passer de l'expérimentation à une certaine généralisation. Je pense, en particulier, à un certain nombre de femmes avec des enfants assez jeunes, un peu déboussolées pour rentrer dans la vie, prises aussi par l'éducation des enfants. On est entre l'insertion et on n'est plus dans l'urgence : il est clair que ces femmes ne seront pas toujours en situation de trouver leurs repères, un mode de vie dans un appartement autonome. J'ai vu des opérations de cette nature, extrêmement positives et il faut sortir à ce moment là des mécanismes où la durée de maintien dans la pension est trop limitée dans le temps car on ne peut pas faire des parcours d'insertion par de la précarité permanente. Je l'ai dit souvent à mes propres services et aux services de l'Etat "la fameuse théorie du ciblage social, comme si on allait gaspiller un peu d'argent parce qu'il y a un mois de plus par rapport aux six mois prévus, fait qu'on segmente les parcours, alors que les gens ont besoin de se poser, de pouvoir retrouver des bases, respirer pour pouvoir se reconstruire, pour pouvoir s'insérer"
On va faire un programme spécifique sur ces pensions parce que ces formes ont été expérimentées et qu'elles marchent. S'il y a d'autres outils, il faut les développer. Nous avons les résidences sociales mais elles posent un problème de taille, de gestion et il faut aller encore plus loin dans la réflexion de ce dispositif.
Le deuxième volet sur lequel nous voulons mettre nos efforts est celui des réfugiés politiques.

On a fêté cette année la reconnaissance du principe du droit d'asile dans les pays développés et nous avons beaucoup de réfugiés -je passe les détails sur ceux qui sont demandeurs d'asile- qui, quand ils sont reconnus par l'OFPRA, restent souvent dans les structures d'accueil des demandeurs d'asile. Il faut que, si on ne peut pas trouver immédiatement du logement -mais on peut le faire parfois et j'entendais le Préfet de cette région m'indiquer qu'il souhaitait mobiliser les bailleurs sociaux pour qu'ils aient une politique plus systématique d'accueil de ces familles qui ont été reconnues réfugiées politiques dans notre pays. En même temps, on peut sans doute faire un programme particulier d'habitat pour ces réfugiés -petites opérations là aussi de résidences sociales car un certain nombre d'entre eux mettent un peu de temps avant de pouvoir s'intégrer correctement dans notre société. S'il y a d'autres propositions, Monsieur le Président, je suis tout à fait disposée, dans ce groupe d'appui, à essayer que nous soyons capables d'inventer des formes nouvelles et, pour ma part je considère que c'est un des sujets prioritaires dans l'attribution des crédits dits de la ligne fongible puisqu'il s'agit essentiellement de ces crédits qui devront être dégagés.
J'en viens au logement décent.
C'est une belle bataille que vous avez menée. Il faut bien le dire : les Pact ont mis beaucoup de leur énergie pour convaincre de la nécessité d'inscrire dans la loi le concept de logement décent. En même temps que l'effort était fait, on voit déjà tout de suite la complexité du système. On élève le niveau d'exigence puisqu'on ne se contente plus de considérer que l'insalubrité est le seul mécanisme qui doit être sanctionné. En même temps, à peine on a mis de la décence qu'on se dit finalement si c'est cela le logement décent, pourquoi ne ferait-on pas la même chose que pour l'insalubrité ? A terme, c'est vers cela que l'on va. On est bien d'accord que la limite de la décence vise à élever progressivement le niveau de ce qu'on appelait historiquement l'insalubrité, c'est-à-dire ce qui est inacceptable. En même temps -et vous me savez assez impétueuse- je vous amènerai une vision un peu réformiste et gradualiste. Je pense qu'il faut faire vivre avec rigueur tout ce que l'on a mis en place sur l'insalubrité. Le logement décent nous sert comme mécanisme de référence pour pouvoir non plus -vous le savez dans la loi- supprimer l'obligation de paiement du loyer pour décoter le loyer, pour le réajuster à la réalité de ce qui est fait. Evidemment, le cas limite c'est "on vient de sortir de l'insalubrité, on est encore dans l'indécence". Là, vous me prenez le cas le plus désagréable. S'il y a des fonds publics, s'il y a aide de l'ANAH, il est hors de question de ne pas atteindre le niveau de la décence, c'est la moindre des choses.

En tout cas, pour le coup, première urgence : faire vivre maintenant sérieusement la question de la loi sur l'insalubrité. Ce n'est pas une mince affaire. C'est pourquoi j'ai tenu à ce que le gouvernement s'engage sur un plan d'éradication de l'habitat indigne sur 5 ans. Qu'est-ce que l'habitat indigne ? Vous allez me dire "encore un 3ème nom ? D'abord, parce que justement l'idée était de dire que l'insalubrité devait se traiter par la loi. Prenons le cas d'un appartement insalubre, un sous-sol de pavillon à Athis-Mons qui est humide qui est loué par quelqu'un qui n'est pas forcément un marchand de sommeil mais qui n'est pas non plus quelqu'un de très humaniste : le maire utilisera les lois de l'insalubrité et déclarera l'habitat insalubre : on est dans la logique générale.
L'habitat indigne, c'est quand on a en plus l'effet de groupe, quand on a des îlots d'insalubrité, quand on est dans des mécanismes où soit la santé de manière vitale (comme le saturnisme) soit la question des taudis regroupés est vraiment devenue un chancre dans un certain nombre de secteurs et un endroit d'indignité absolue au 21ème siècle dans la république française. D'ici la fin de l'année, dans les onze départements prioritaires, doit être établi un plan qui cible géographiquement les sites qui devront être résorbés dans les 5 ans à venir. Il peut s'agir de sites très concentrés ou des secteurs un peu plus dispersés mais en tout cas où la masse globale est importante.
A cette occasion, dans ce plan, doivent être déclinées des conventions avec les collectivités territoriales (mairies, conseils généraux ou autres) -et comme je vous ai entendu sur les partenariats qu'il était nécessaire de nouer pour arriver à ce que cette lutte contre l'insalubrité soit efficacement menée- introduiront la dynamique partenariale que vous proposez. Nous avons prévu dans ces mécanismes là des OPAH renforcées "Lutte contre l'insalubrité" et des MOUS seront adossées très concrètement sur chacun des sites aux différents types de missions possibles (suivi social des familles, relogement, recherche d'une offre alternative). Vous aurez votre part entière et j'y veillerai auprès des onze préfets prioritairement concernés pour que les PACT soient les acteurs directement partenaires associés à cette éradication de l'habitat indigne.
Mais nous connaissons des blocages. Il y a une raison simple : les crédits RHI ne sont pas consommés depuis plusieurs années. Ce n'est pas simplement une question de crédit et on le sait bien. Parmi les blocages, il y a le relogement. Beaucoup de maires, beaucoup de préfets hésitaient à déclencher les démarches parce qu'ils savaient qu'ils devaient reloger des familles dont on sait que ce ne sont pas les plus faciles à s'adapter au cadre habituel du logement HLM. Dans ces plans départementaux, il doit y avoir un volet "offre nouvelle" pour répondre aux besoins de relogement des familles, parfois relogement transitoire lorsqu'il s'agit de travaux où les gens vont revenir, soit parce que les gens reviendront dans de la rénovation, soit parce que le type d'habitat dans lequel ils vivaient était inadapté à leur mode de vie ou à la taille de leur famille. Nous allons, dans chaque département, faire des contrats -nous le faisons actuellement en Ile de France avec la Sonacotra pour des grands logements- mais il faudra certainement plus d'un acteur. Le besoin va être tellement important qu'il faudra plusieurs acteurs sur des champs et des offres différenciées qui vont compléter le volet " éradication de l'habitat indigne " dans lequel il y a le suivi social mais aussi le relogement et une offre nouvelle avec une priorité de financement sur cette offre nouvelle.
Je crois qu'on a là un mécanisme opérationnel qui ne marchera que si on a une vigilance démocratique. Cette vigilance démocratique, c'est bien sûr les élus locaux, c'est bien sûr le monde associatif et c'est bien sûr les PACT.
Mais vous avez souligné des fragilités dans notre dispositif, ou en tout cas, des choses qu'on aurait aimé y voir. Vous avez souligné particulièrement la question de l'auto-réhabilitation et la question de l'auto-construction. Les raisons pour lesquelles nous avons du mal à convaincre le Ministère des Finances ne sont pas à rejeter brutalement. La crainte, du côté de Bercy, est que l'on favorise le travail au noir. Et je dois dire qu'on ne peut pas dire que ce soit une question secondaire. Nous allons reprendre notre bâton de pèlerin sur cette idée d'auto-réhabilitation dans un cadre géographique délimité, en adossement au plan d'éradication de l'habitat indigne et en encadrant les conditions d'auto-réhabilitation pour qu'on ne mette pas le doigt dans l'engrenage d'un système où on demande des aides à l'ANAH pour pouvoir travailler au noir. Sous ces deux réserves là, je pense qu'on sera en mesure de pouvoir convaincre le Ministre des Finances. Comme on a du mal à les convaincre, en général, nous allons commencer par les convaincre sous une forme expérimentale (11 départements prioritaires). Je crois qu'on partage la même finalité ; il faut veiller aux mêmes limites et je compte sur vous pour travailler avec les services de la DGUHC à la manière de faire aboutir cette belle idée.
Nous avons devant nous ces énormes échéances : faire vivre à la fois le droit au logement, la mixité sociale, relancer la construction, assurer la mobilisation du parc privé, combattre la vacance, et supprimer l'habitat indigne. C'est évidemment une tâche énorme pour laquelle il faut une mobilisation générale.
1ère mobilisation : Il faut d'abord des gens convaincus, il faut des partisans, il faut des hommes et des femmes engagés qui croient à ces idées. Je sais que, dans votre mouvement, ces hommes et ces femmes sont là. La conviction et le savoir-faire sont là mais il est vrai que l'Etat doit manifester plus clairement la reconnaissance de la spécificité du rôle et de l'importance des Pact. La première méthode pour le faire, c'est la convention triennale et je vous propose, Monsieur le Président, que d'ici mi-janvier ou mi-février, nous ayons conclu une convention triennale complète, globale sur l'ensemble des champs des missions qui lie l'Etat et les Pact pour que nous ne soyons plus sur des conventions ponctuelles mais bien dans un accord-cadre global et des engagements sur la durée. C'est d'ailleurs dans l'esprit de ce que le Premier ministre a voulu engager lors de l'anniversaire de la loi de 1901, au mois de juillet, et que nous déclinerons le 14 novembre dans le champ particulier du secteur du logement au sein duquel vous serez tout particulièrement attendu.
La 2ème question qui a été posée et elle me touche particulièrement, c'est cette fâcheuse tendance à considérer que la " marchandisation ", la concurrence et le libre marché sont des règles universelles qui garantissent tout. Les récents événements ont légèrement fait reculer cette idée mais, néanmoins, les textes européens, les dynamiques en route ont quand même bien du mal à se réorienter rapidement et la logique du tout concurrentiel a fait beaucoup de ravages -même si peu dans votre secteur car en général on ne se bouscule pas dans le champ du social et encore moins dans celui du très social.
Néanmoins, vous m'avez alertée sur le décret du 7 septembre 2001. Nous n'avons pas, les services de la DGUHC et vous-mêmes, la même lecture de la limitation qui vous serait imposée par ce décret. Il est clair que pour les fonctions qui correspondent au suivi des OPAH, qui sont des missions dont on ne peut pas dire qu'elles soient forcément des missions d'insertion, le décret ne vous pénalise pas. Par contre, sur la question de l'insertion par le logement, c'est vrai que les formulations du décret peuvent tirer à l'excès. Cette formulation c'est que vous avez droit à la dérogation ou aux règles de concurrence allégée pour l'hébergement de réinsertion. Je sais bien qu'on peut faire de l'étymologie rigoureuse -hébergement ne serait pas logement mais on peut dire aussi hébergement égale logement et en matière européenne, hébergement c'est logement. Le concept hébergement temporaire, c'est hébergement temporaire, hébergement d'urgence.
Je vous suggère la démarche suivante : on a deux stratégies possibles.
1ère stratégie possible : on considère que le texte vous protège et on attend -surtout s'il n'y a pas de jurisprudence qui va contre de fait- le droit devient le fait.
2ème stratégie possible : vous préférez qu'on clarifie et vous écrivez au Ministre ou vous posez une question à un parlementaire. Le gouvernement répond : "hébergement de réinsertion correspond exactement à ce que vous faites en matière d'insertion".
Ces deux hypothèses sont possibles ; je pense qu'aucune des deux n'est à très grand risque et donc, il nous reviendra ensemble, et à vous, de nous dire exactement ce qui vous consolide au maximum.
Par expérience personnelle, j'ai tendance à penser qu'une explicitation est toujours l'occasion de restreindre le champ, c'est-à-dire "Oui, mais si jamais, dans tel cas vous n'êtes pas vraiment, etc"
A votre place -mais je ne suis pas à votre place- je préférerais attendre qu'il n'y ait pas de jurisprudence contraire pour avoir une vision plutôt extensible du concept d'hébergement de réinsertion. Mais je ne suis pas fermée à l'autre hypothèse.
En tout cas, dans mon esprit et dans celui du gouvernement, il ne s'agissait pas de vous exclure, sur le champ spécifique du logement d'insertion, du dispositif.
Enfin, il y a une idée extrêmement importante et intéressante qui est engagée et qu'il faut maintenant concrétiser : c'est l'idée de la maîtrise d'ouvrage d'insertion. Le travail qui a été fait avec la Caisse des Dépôts et vous-mêmes est un travail de très bonne facture, qui je crois, est le point sur lequel il faut maintenant que nous travaillions et que nous concrétisions.
Je suis d'accord avec l'idée d'un décret qui spécifie l'originalité de cette démarche. Je suis d'accord avec l'idée qu'il faut faire des systèmes d'agrément raisonnables. Il est vrai qu'on a toujours les arguments : "Oui, mais les associations ne sont pas toutes de la même valeur, on n'est pas sûr que, dans la durée, elles garantiront, etc" Vous connaissez bien les arguments. Le système de l'agrément est une garantie et je crois qu'effectivement -mais c'est aussi une des tâches du 14 novembre- nous devons consolider les systèmes de financement car, dans bien des cas, les financements ne sont pas équilibrés et cela ne tient pas dans la durée et cela ne pourra pas passer à une échelle équivalente aux attentes que j'ai exprimées auparavant.
Ma volonté, avec vous, est de faire que la reconnaissance des Pact et de l'ensemble de ce que vous induisez comme mouvement engagé soit absolue et je partage votre idée, que maintenant, il faut aboutir à une formalisation évidente, concrète, lisible et bien sûr des engagements financiers qui soient tout à fait opérants.
Je voudrais terminer sur cette idée de la mobilisation générale. J'ai eu beaucoup de craintes, ces dernières années, quand j'ai vu au moment de la loi SRU se lever un peu partout dans le territoire national des cris d'orfraie "20 % de logements sociaux" le ciel nous tombait sur la tête" et j'ai craint une sorte de crispation d'un certain nombre d'élus locaux en se disant que, finalement, ils allaient jouer la montre puisque vous savez qu'il y a 16 ans -quand on prend tous les délais- pour atteindre les 20%. Je savais aussi, que pour certains, payer leur apparaît peu de chose par rapport à ce qui leur serait insupportable d'avoir quelques logements sociaux au voisinage de leur habitat.
Je suis aujourd'hui, d'une certaine façon, plus rassurée. D'abord, parce que la force de la loi -quoiqu'on en dise dans un pays comme le nôtre- est réelle. Et je vois, ici ou là, des maires ou des collectivités qu'on aurait pu croire très réticents, s'engager concrètement pour faire du logement social.
L'exemple de Paris n'est pas un exemple secondaire : quand la plus belle ville de France (Lyon est très belle ; j'ai découvert aujourd'hui des coins dont j'ignorais l'existence qui sont vraiment superbes mais dans l'imaginaire collectif, la ville lumière, celle de toutes les brillances et de tout ce qu'il y a de plus mis en scène dans la valeur historique, patrimoniale de la France, c'est Paris) s'engage, elle-même, concrètement, pour faire partout du logement social, même dans le 16ème arrondissement, on a beau dire, cela fait avancer les consciences, cela fait avancer les idées.
Quant à Neuilly, au moment où on se met à vouloir faire une réquisition, quand le maire dit "je veux du logement social à la place de la réquisition" et qu'il s'engage, avec un bailleur social, pour que l'immeuble se transforme en logements sociaux, je me dis : "tous les espoirs sont permis".
Je ne plaisante pas, Je pense que dans l'inconscient collectif, l'idée de la mixité sociale est incontournablement liée à l'idée de l'actualité de la République. L'idée de mixité sociale commence à faire son chemin. On a bien fait de faire une loi parce que, quelque part, elle met les gens devant leur responsabilité de refuser ce qui est le fondement même, non seulement de la loi, mais aussi des valeurs intrinsèques qui font la nation française. Et cette mobilisation générale, il faut qu'on la poursuive au-delà de la question des 20% de logements sociaux. C'est en cela que la question que vous avez posée sur les politiques territoriales est tout à fait essentielle. Parce que c'est vrai qu'avec les programmes locaux de l'habitat, les agglomérations, les contrats de pays, je vais vous dire franchement "je me suis dit : il nous refont encore des plans, des schémas, des trucs. Cela va être comme le " plan du logement pour les plus démunis ", on va avoir plein de descriptions de tout ce qui faudrait faire et il n'y a personne qui sera obligé de faire. On va encore avoir des papiers qui s'accumulent et finalement, des faits qui retardent." Mais j'observe que dans la durée, ces PLH -j'étais assez dubitative sur le côté pas assez contraignant- j'observe que dans la durée, les gens finissent par travailler ensemble, cela modifie les comportements, cela modifie la culture collective. Et c'est cela le point d'appui qui va nous permettre de gagner le défi. C'est que la culture collective devienne celle de la mixité sociale, du droit au logement pour tous et du fait qu'on refuse l'exclusion dans ce pays.
Alors, c'est pourquoi je pense qu'il faut aller plus loin aujourd'hui. Il faut aller vers une nouvelle étape de la décentralisation. Cela ne va pas être simple parce que ce dont vous avez parlé -agglomérations, pays- ne couvre pas l'ensemble du territoire national. Or, si on veut décentraliser, et pas simplement déconcentrer avec des conventions -ce qu'on peut toujours faire- mais qui est quand même une vision plus lourde et moins directement impliquante des collectivités, si on veut vraiment décentraliser, il faut que les instances soient des instances qui existent partout. Ce qui m'amène à privilégier, dans un premier temps, soit les régions, soit les départements. Et alors là, soudain renaissent les débats historiques de la France entre les régionalistes et les départementalistes et, là pour le coup, je n'ai pas encore tranché. Je vais réunir les présidents de conseils généraux et les présidents de conseils régionaux. Mais il nous faut ensemble -on va commencer d'abord chacun, puis ensemble- il nous faut donc, et j'attends du monde associatif qu'il contribue au débat car les élus ont bien sûr un regard et chacun va me le rappeler, encore que, parfois, je me dis qu'ils ne sont pas tous très pressés d'avoir la responsabilité d'une partie de la politique de l'habitat.
En tout cas, il faut que le monde associatif participe à ce débat, donne son avis sur les niveaux pertinents, les contenus qui peuvent être décentralisés. Pour ma part, j'en vois au moins deux qui ne devraient pas poser de gros problèmes :
Premièrement : l'habitat rural. Franchement, les systèmes pour répondre aux besoins de l'habitat rural sont quand même très centralisés, très uniformisateurs et je suis sûre qu'une vision plus locale serait mieux adaptée à la capacité de mobiliser les opportunités de logement en milieu rural.
Deuxièmement : la réhabilitation de l'ancien. Je vais vous dire : j'ai lu les programmes des élus pour les municipales. Il y a un truc que vous trouvez partout, c'est : "Nous ferons une opération programmée d'amélioration de l'habitat pour réhabiliter l'habitat ancien". Quand c'est extrêmement gauche ou très social, vous avez : "par ailleurs, nous réaliserons quelques petites opérations bien insérées dans le tissu urbain de logements sociaux". Alors là, vous vous dites "Celui-là, il est très social" mais en tout cas sur la première partie OPAH, il y a une réelle prise de conscience que c'est une vraie chance pour les villes que de réhabiliter le tissu ancien, d'avoir des opportunités de faire vivre cette mixité dans un tissu et un patrimoine existants. Je me dis que quand il y a consensus sur un sujet, c'est peut être le meilleur à décentraliser parce qu'on n'a pas de risque de voir, ici ou là, le manque d'engagement trop criant et de créer des déséquilibres majeurs. C'est les deux premiers points d'appui que je vois mais il est possible, bien sûr, d'aller plus loin dans le secteur plus classique des HLM. Là, j'ai l'impression qu'on sera un peu moins mobilisé sur le terrain pour vouloir assumer les financements qui, de fait, découlent du logement social.
Nous allons ensemble engager un débat sur la décentralisation ; j'espère que vous pourrez y participer et je compte sur les Pact pour avoir ce sens de la passerelle entre la société, les attentes sociales et la diversité de l'Etat et des collectivités publiques.
Bref, Monsieur le Président, Oui, je terminerai en vous parlant de la République. Parce qu'il n'y a pas que les HLM qui soient des Hussards de la République. J'insisterai sur une des formules de la République : c'est d'abord la fraternité parce que, bien sûr, l'égalité, c'est à la puissance publique de la garantir. Egalité des droits, égalité dans les moyens qui sont dégagés pour permettre à chacun à tout moment de pouvoir trouver toute sa place dans la société, d'être reconnu dignement sans discrimination. La liberté, dans un pays comme la France, ce n'est plus vraiment à conquérir encore qu'il y en a toujours de nouvelles et je ne suis pas très inquiète sur nos capacités à nous mobiliser tous pour défendre la liberté et pour la faire croître et embellir. Mais la fraternité, ce n'est pas l'Etat qui est en cause. D'ailleurs, le génie de ceux qui ont trouvé cette formule en 1789 "Liberté, Egalité, Fraternité" c'est d'avoir, d'un côté, la puissance publique, l'Etat, puis de l'autre, la fraternité, c'est le citoyen, chacun, la société, autre chose que simplement l'institution. C'est en cela que le monde associatif est incontournable et d'une richesse incomparable parce que vous incarnez la fraternité, c'est-à-dire l'engagement citoyen pour que le lien social fonctionne, pour que les hommes se regardent différemment et vivent ensemble.
Et donc, pour tout ce que les Pact ont fait pour les hommes et les femmes de ce pays, notamment les plus faibles, souvent les plus oubliés, pour tout ce que les Pact ont fait pour faire vivre la fraternité, pour faire vivre l'idéal de la République qui va redevenir d'actualité -parce que quand on a vu ce qui s'est passé ailleurs dans le monde- on se rend compte à quel point, quand les sociétés sont ségrégées, quand on enferme les gens, quand on fait le lit de tous les totalitarismes, parce que les injustices servent de prétexte aux plus grands obscurantistes pour dire au peuple que la voie est vers je ne sais quelle tentation de violence, alors même que c'est la démocratie qui devrait être la réponse.
Pour tous ces beaux engagements, pour des idées, pour des hommes et pour des femmes, la République non seulement vous dit que vous êtes des hussards mais elle doit vous dire merci.
(Source http://www.pact-arim.org, le 7 janvier 2002)